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mercredi 4 mai 2022

Dewaere : What Is Pop Music Anyway ?

 





Lorsque je relis la chronique consacrée à Slot Logic, le tout premier album de DEWAERE publié fin 2018 chez Bigoût records, j’ai presque envie d’écrire tout le contraire au sujet de son successeur, le tant attendu What Is Pop Music Anyway ? Je le trouvais vraiment drôle le titre de ce nouvel album, un peu provocateur et malicieux, ouvrant de nouveaux horizons possibles pour un groupe jusqu’ici largement au dessus du lot. Le changement c’est bien, mais à condition d’avoir de bonnes idées en remplacement et d’aller quelque part. Avec ce deuxième LP le groupe de Saint-Brieuc fait donc un gros pas de côté mais ce pas est très loin de remporter l’adhésion. Dans la foulée d’un premier single intitulé My Shangri-Laaa dont j’aurais préféré qu’il ne soit qu’une blague un peu potache et assurément de mauvais goût, What Is Pop Music Anyway ? déballe onze compositions dont tellement peu arrive à passer la rampe, délaissant la fureur électrique d’avant sans pour autant gagner de nouvelles lettres de noblesse ou, à défaut, susciter un quelconque intérêt.
Le son de l’album est particulièrement choquant – cette basse et cette caisse claire sonnent tellement mal ! – mais ce qui est encore plus choquant c’est la façon dont le chant de Maxwell Farrington est systématiquement mis en avant dans le mix. C’était déjà un peu le cas sur Slot Logic et pour cause, lorsqu’on a un tel chanteur dans son groupe il faut pouvoir et savoir se servir de ses incontestables talents et de son exubérance naturelle. Mais le chant, précisément, est devenu l’un des gros points noirs de la musique de DEWAERE, Farrington en faisant des tonnes et des tonnes, plaçant des parties vocales malvenues qui sur plus de la moitié de l’album foutent en l’air des titres qui pourtant semblaient bien partis. En comparaison, un duo auto-suffisant entre Nick Cave et Mike Patton ressemblerait presque à une psalmodie de moines tibétains aux portes du Nirvana.
On savait déjà que le chanteur de Dewaere est quelqu’un de fantasque et aux activités diverses mais qu’il essaie d’appliquer avec tant d’insistance à la musique de son groupe ce qu’il fait ailleurs – tout en tentant de garder un glacis vaguement énervé – est une très mauvaise idée. Autant écouter directement son magnifique et très bacharach-ien album Once enregistré sous le nom de Maxwell Farrington & le SuperHomard, un disque en tous points plus intéressant, bien que très différent, que What Is Pop Music Anyway ? Finalement, c’est comme si désormais Dewaere n’était plus que le backing band besogneux, fastidieux et pas très inspiré d’un chanteur aussi envahissant qu’à côté de la plaque, incapable de faire la part des choses. Le clash se produit souvent au moment des refrains, mettant à mal des compositions qui s’en retrouvent irrémédiablement ternies (c’est particulièrement le cas sur The Pretty One dont la partie de guitare introductive est de très bonne augure pour la suite mais qui s’effondre au bout d’à peine une minute). Parfois il n’y a rien à sauver du tout et le poil se hérisse face à tant de gâchis –  Make It In The Morning (Shake It in The Night) pourrait même donner des envies de meurtre.
On passera rapidement sur les arrangements inutilement pointilleux et à la sophistication déplacée de certains titres comme sur le côté très variétoche de Voilà Now You’re Old ou le particulièrement indigne Satellite pour se concentrer sur ce qui pourrait sauver l’album du naufrage complet. Bricks est peut-être un titre très basique mais au moins il fonctionne de bout en bout. Son successeur direct Taiwan, Ireland And Japan dont on apprend qu’il s’agit d’une vielle composition jouée en concert depuis longtemps par le groupe s’en sort pas trop mal non plus. Un peu plus loin, Burning Desire, également un titre ancien, aurait pu être davantage convaincant s’il n’avait pas été lui aussi victime de la malédiction du refrain qui fout tout en l’air.  Deux titres et demi c’est quand même bien peu.
Il semble évident que Dewaere a perdu tout son côté punk et que pour l’instant on ne peut plus qualifier le groupe – à moins qu’il n’effectue un nouveau revirement spectaculaire la prochaine fois – de noise-rock. Mais c’est à peine si on osera lui concéder l’appellation toute simple de « groupe rock »… tandis que pour ce qui est de faire de la pop, là c’est franchement raté, aussi raté que la pochette fluo-kitsch du disque. Déception, j’écris ton nom : D-E-W-A-E-R-E.

[What Is Pop Music Anyway ? est publié en vinyle par A Tant Rêver Du Roi]