Lorsque je relis
la chronique consacrée à Slot Logic, le tout premier album de DEWAERE publié fin 2018 chez Bigoût
records, j’ai presque envie d’écrire tout le contraire au sujet de son
successeur, le tant attendu What Is Pop
Music Anyway ? Je le trouvais vraiment drôle le titre de ce nouvel
album, un peu provocateur et malicieux, ouvrant de nouveaux horizons possibles
pour un groupe jusqu’ici largement au dessus du lot. Le changement c’est bien,
mais à condition d’avoir de bonnes idées en remplacement et d’aller quelque
part. Avec ce deuxième LP le groupe de Saint-Brieuc fait donc un gros pas de
côté mais ce pas est très loin de remporter l’adhésion. Dans la foulée d’un
premier single intitulé My Shangri-Laaa dont j’aurais préféré
qu’il ne soit qu’une blague un peu potache et assurément de mauvais goût, What Is Pop Music Anyway ? déballe
onze compositions dont tellement peu arrive à passer la rampe, délaissant la
fureur électrique d’avant sans pour autant gagner de nouvelles lettres de
noblesse ou, à défaut, susciter un quelconque intérêt.
Le son de l’album est particulièrement choquant – cette basse et cette caisse
claire sonnent tellement mal ! – mais ce qui est encore plus choquant
c’est la façon dont le chant de Maxwell Farrington est systématiquement mis en
avant dans le mix. C’était déjà un peu le cas sur Slot Logic et pour cause, lorsqu’on a un tel chanteur dans son
groupe il faut pouvoir et savoir se servir de ses incontestables talents et de
son exubérance naturelle. Mais le chant, précisément, est devenu l’un des gros
points noirs de la musique de DEWAERE, Farrington en faisant des
tonnes et des tonnes, plaçant des parties vocales malvenues qui sur plus de la
moitié de l’album foutent en l’air des titres qui pourtant semblaient bien
partis. En comparaison, un duo auto-suffisant entre Nick Cave et Mike Patton ressemblerait
presque à une psalmodie de moines tibétains aux portes du Nirvana.
On savait déjà que le chanteur de Dewaere
est quelqu’un de fantasque et aux activités diverses mais qu’il essaie d’appliquer
avec tant d’insistance à la musique de son groupe ce qu’il fait ailleurs – tout
en tentant de garder un glacis vaguement énervé – est une très mauvaise idée. Autant
écouter directement son magnifique et très bacharach-ien album Once enregistré sous le nom de Maxwell
Farrington & le SuperHomard, un disque en tous points plus intéressant,
bien que très différent, que What Is Pop
Music Anyway ? Finalement, c’est comme si désormais Dewaere n’était plus que le backing
band besogneux, fastidieux et pas très inspiré d’un chanteur aussi envahissant qu’à
côté de la plaque, incapable de faire la part des choses. Le clash se produit
souvent au moment des refrains, mettant à mal des compositions qui s’en retrouvent
irrémédiablement ternies (c’est particulièrement le cas sur The Pretty One dont la partie de guitare
introductive est de très bonne augure pour la suite mais qui s’effondre au bout
d’à peine une minute). Parfois il n’y a rien à sauver du tout et le poil se
hérisse face à tant de gâchis – Make It In The Morning (Shake It in The
Night) pourrait même donner des envies de meurtre.
On passera rapidement sur les arrangements inutilement pointilleux et à la
sophistication déplacée de certains titres comme sur le côté très variétoche de
Voilà Now You’re Old ou le particulièrement
indigne Satellite pour se concentrer
sur ce qui pourrait sauver l’album du naufrage complet. Bricks est peut-être un titre très basique mais au moins il
fonctionne de bout en bout. Son successeur direct Taiwan, Ireland And Japan dont on apprend qu’il s’agit d’une vielle
composition jouée en concert depuis longtemps par le groupe s’en sort pas trop
mal non plus. Un peu plus loin, Burning
Desire, également un titre ancien, aurait pu être davantage convaincant
s’il n’avait pas été lui aussi victime de la malédiction du refrain qui fout
tout en l’air. Deux titres et demi c’est
quand même bien peu.
Il semble évident que Dewaere a perdu tout son côté punk et que pour l’instant on
ne peut plus qualifier le groupe – à moins qu’il n’effectue un nouveau
revirement spectaculaire la prochaine fois – de noise-rock. Mais c’est à peine
si on osera lui concéder l’appellation toute simple de « groupe rock »…
tandis que pour ce qui est de faire de la pop, là c’est franchement raté, aussi
raté que la pochette fluo-kitsch du disque. Déception, j’écris ton nom :
D-E-W-A-E-R-E.
[What Is Pop Music Anyway ? est publié en vinyle par A Tant Rêver Du Roi]