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vendredi 19 novembre 2021

Garbage Collector : 1988

 

La première fois que j’ai entendu parler de GARBAGE COLLECTOR c’était grâce à une compilation CD éditée par un fanzine parisien devenu périodique (et vendu en kiosque avec isbn et tout ça). Entre 1988 et 1990 Out Of Nowhere comblait en partie mes désirs de musiques nouvelles, ici plutôt orientées cold, indus et expé mais pas seulement, tout comme l’a fait un peu plus tard Hello Happy Taxpayer de Bordeaux puis surtout le fanzine Sonik – la bible made in France du noise-rock et affiliés, entièrement rédigée par la personne qui désormais et depuis plus de quinze années maintenant sévit sur le webzine Perte Et Fracas. C’est grâce à Out Of Nowhere que j’ai découvert les Beatnigs, Rapeman, Slab! ou Gore, que j’ai appris plein de choses sur les Swans, Wiseblood et les Young Gods en lisant un interview de Roli Mosimann, etc… Bon, j’arrête tout de suite là avec mes souvenirs d’ancien combattant.
Sur cette compilation Out Of Nowhere sortie en 1990 – sous-titrée « one hour of music, 16 pages of wank » – et au milieu de Sprung Aus Den Wolken, Dazibao, The Grief, Borghesia, Treponem Pal ou Nox on trouvait également le titre This Is My Life de Garbage Collector qui ressortira en 1993 sur un EP posthume (?) via le label Permis De Construire. Je connaissais l’existence d'un premier album publié par ce même label quelques années auparavant mais je ne me suis jamais vraiment intéressé à ce groupe de Longwy, sûrement par bêtise crasse, peut-être par paresse, et aussi parce qu’en 1990/1991 la place dans mon cœur était prise par les incroyables Davy Jones Locker de Thionville, que les Deity Guns faisaient désormais parler d’eux et que les Thugs n’avaient pas encore mis trop d’eau dans leur vin.







Il convient pourtant de remonter un peu le temps et de replacer les choses dans leur contexte : comme son nom l’indique cet unique album de Garbage Collector a été publié en 1988… et je ne saurais exagérer en affirmant que le groupe était alors terriblement en avance sur son temps, sans doute beaucoup trop pour un gamin de mon âge qui n’y connaissait vraiment rien en matière de no-wave et autres foutraqueries noise à base de guitares dissonantes et de rythmiques tribales. Alors tu penses bien, rétrospectivement, qu’en 1988 Garbage Collector ne pouvait que me passer au dessus de la tête : je venais juste l’année précédente de découvrir Sonic Youth avec l’album Sister (très bon et très beau disque mais pas non plus le plus expérimental des new-yorkais) et je commençais à peine à me libérer de mes automatismes musicaux hérités du heavy metal, du punk, du thrash et du rock alternatif.
En écoutant la récente réédition vinyle de 1988, je mesure enfin toute l’importance de Garbage Collector, un groupe aussi essentiel que bizarre, du moins pour l’époque… j’irai même allègrement jusqu’à le qualifier de novateur. L’album est bruyant et tendu au possible – mis en boite par le désormais légendaire François Dietz au studio du Centre Culturel André Malraux à Vandœuvre-Lès-Nancy (là même où se déroulait le festival du même nom) – mais surtout il n’a pas tant vieilli. On peut affirmer que la musique de 1988 est facilement datable et assurément elle l’est – tout comme, dans un tout autre genre et des années auparavant, les deux albums de Marquis De Sade le sont – mais elle est tellement représentative et à la hauteur d’un esprit musical qui depuis a fait florès que cela en donne le tournis. Les Garbage Collector n’avaient alors rien à envier à leurs homologues américains, que ce soit Live Skull, les déjà nommés Sonic Youth et même Pain Teens. Que des jeunes gens de Longwy aient eu l’idée d’une telle musique alors que les années 80 touchaient à peine à leur fin et que l’ambiance musicale dans les cours de lycée et même les facs se partageait entre variété new-wave et alterno franchouillard restera toujours pour moi comme un petit miracle et un vrai mystère.
Spécialisé dans la réédition d’enregistrements hexagonaux essentiels mais devenus difficilement trouvables – de Dashiell Hedayat à Ich Bin en passant par Fall Of Saigon ou The Dreams – et succursale des Disques de la Face Cachée, Replica records a été plus que bien inspiré de déterrer 1988… Et ce n’est que justice d’avoir rendu à Garbage Collector la place que le groupe aurait toujours du occuper, enfin.