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mercredi 19 août 2020

Panico Panico / Depression Quest

  

 

« Panico Panico est un club de musiciens anonymes formé en 2016 à la suite de multiples échecs sociaux, économiques et professionnels. Visant clairement un but lucratif, les quatre membres formant ce collectif cherchent à révolutionner le monde grâce à leur musique et se lancent à corps perdus dans la création d’une onde bipolaire, psychotique et alarmiste ». Moi quand je lis des trucs comme ça j’hésite entre la fuite (la lâcheté est l’un de mes plus graves défauts) et le rire (l’ironie malveillante en est un autre). Mais il faut savoir lire entre les lignes et dès lors il est facile de comprendre que PANICO PANICO (dont on excusera tout de suite ce nom tiré d’une chanson démagogique de Peter Kernel) essaye de se la jouer finaude tout en se donnant des airs de ne pas trop y toucher. Et cela va plutôt bien à ces quatre jeunes parisiens qui avec Depression Quest présentent un premier album de très bonne tenue, entre indie rock à tiroirs et noisy pop une chouille progressive.
Bon, OK, le terme de « prog » n’est peut-être pas le plus approprié mais je n’en ai pas trouvé d’autres qui puisse réellement décrire le côté alambiqué, torsadé, enluminuré et en escaliers des compositions parfois très longues d’un groupe qui aime les positions difficiles, les chemins tortueux et les pièces montées. Je n’aurai finalement que quelques réticences à exprimer au sujet de la toute dernière d’entre elles, le morceau-titre qui s’étale sur presque huit minutes et quarante deux secondes – à peu près, hein, je n’ai pas chronométré mais c’est grosso-modo le temps qu’en général je mets avant de commencer à avoir sérieusement envie de bailler – et avec lequelle Panico Panico prend le plus de risque, quitte à se prendre en même temps les pieds dans le tapis, ce qui finalement n’arrivera pas. Du coup je mets quand même Depression Quest * dans le même sac que les cinq autres compositions du disque, mais c’est un sac un peu spécial, croisement d’un sac d’aspirateur avec un sac à malice.

Je ne veux pas être trop réducteur non plus. Les musiciens de Panico Panico aiment se compliquer la tâche en enfilant beaucoup de notes parfois dans le sens contraire des aiguilles du vent mais ils s’en sortent toujours très bien et ce parce qu’en même temps leur musique possède un côté effectivement dépressif. On pourrait parler d’un mélange entre 31 Knots et Slint ou entre June Of 44 et le Battles des premiers EPs, bref un mélange plutôt improbable mais très parlant – à la différence de beaucoup de leurs contemporains tricoteurs de maille, démonstrateurs en constructions meringuées et embobineurs de fils électriques les Panico Panico ont de la personnalité et ont trouvé deux ou trois moyens de nous le faire comprendre. C’est quand même plutôt rare à notre époque où la volonté de référentiel écrase tout sur son passage quand ce n’est pas carrément l’opportunisme et la démagogie qui servent de carburant à des musiques sans âme ni perspectives.
Depression Quest est donc faussement ironique, un peu comme les craquements de vinyle qui débutent Primitive vs Positive – ben oui tu es bien en train d’écouter un disque** mais non tu ne t’es pas fait rouler sur la qualité du pressage. Panico Panico semble aimer jouer la carte du second degré mais c’est pour mieux montrer tout ce qu’il veut cacher (oui, j’ai vraiment osé écrire ça). Quant au chant, il est multiple mais plutôt homogène. Mes petites oreilles ont compté deux voix principales plus apparemment une troisième sporadiquement en appui. Les lignes de chant présentent certaines ambitions, peuvent changer de registre soudainement, du parlé au cri en passant par quelque chose de plus mélodique voire de sucré (les chœurs de Madtrap) et suivent des trajectoires pas toujours très rectilignes.
Il parait que les dépressifs sont capables de monter tout un argumentaire très élaboré afin de pouvoir prouver aux autres qu’au contraire ils vont très bien... les deux grandes qualités que l’on retiendra de Depression Quest sont, malgré énormément de complexité, une grande cohérence mi autarcique mi ouverte ainsi qu’une identité clairement et finement affirmée. Enfin un groupe de (faux) intellos qui ne fait pas chier son monde pour de vrai.

 

[Depression Quest est publié en vinyle par Jarane, décidément un très chouette label]

  

* c’est rigolo parce que cette sixième composition du disque n’a pas été mise en ligne sur b*ndc*mp – je me demande bien pourquoi
** et pour ne vraiment pas en douter on se tape en plus un locked groove hystérico-débile à la fin de la première face