« Panico Panico est un club de
musiciens anonymes formé en 2016 à la suite de multiples échecs sociaux,
économiques et professionnels.
Visant clairement un but lucratif, les quatre membres formant ce collectif
cherchent à révolutionner le monde grâce à leur musique et se lancent à corps
perdus dans la création d’une onde bipolaire, psychotique et alarmiste ».
Moi quand je lis des trucs comme ça j’hésite entre la fuite (la lâcheté est
l’un de mes plus graves défauts) et le rire (l’ironie malveillante en est un
autre). Mais il faut savoir lire entre les lignes et dès lors il est facile de
comprendre que PANICO PANICO (dont on excusera tout de suite ce nom tiré d’une chanson démagogique
de Peter Kernel) essaye de se la jouer finaude tout en se donnant des airs de ne
pas trop y toucher. Et cela va plutôt bien à ces quatre jeunes parisiens qui
avec Depression Quest présentent
un premier album de très bonne tenue, entre indie rock à tiroirs et noisy pop
une chouille progressive.
Bon, OK, le terme de « prog »
n’est peut-être pas le plus approprié mais je n’en ai pas trouvé d’autres qui
puisse réellement décrire le côté alambiqué, torsadé, enluminuré et en
escaliers des compositions parfois très longues d’un groupe qui aime les
positions difficiles, les chemins tortueux et les pièces montées. Je n’aurai
finalement que quelques réticences à exprimer au sujet de la toute dernière
d’entre elles, le morceau-titre qui s’étale sur presque huit minutes et
quarante deux secondes – à peu près, hein, je n’ai pas chronométré mais c’est grosso-modo
le temps qu’en général je mets avant de commencer à avoir sérieusement envie de
bailler – et avec lequelle Panico Panico
prend le plus de risque, quitte à se prendre en même temps les pieds dans le
tapis, ce qui finalement n’arrivera pas. Du coup je mets quand même Depression Quest * dans le même sac que
les cinq autres compositions du disque, mais c’est un sac un peu spécial, croisement
d’un sac d’aspirateur avec un sac à malice.
Je ne veux pas être trop réducteur non plus. Les musiciens de Panico Panico aiment se compliquer la
tâche en enfilant beaucoup de notes parfois dans le sens contraire des
aiguilles du vent mais ils s’en sortent toujours très bien et ce parce qu’en
même temps leur musique possède un côté effectivement dépressif. On pourrait
parler d’un mélange entre 31 Knots et Slint ou entre June Of 44 et le Battles
des premiers EPs, bref un mélange plutôt improbable mais très parlant – à la
différence de beaucoup de leurs contemporains tricoteurs de maille,
démonstrateurs en constructions meringuées et embobineurs de fils électriques
les Panico Panico ont de la
personnalité et ont trouvé deux ou trois moyens de nous le faire comprendre.
C’est quand même plutôt rare à notre époque où la volonté de référentiel écrase
tout sur son passage quand ce n’est pas carrément l’opportunisme et la
démagogie qui servent de carburant à des musiques sans âme ni perspectives.
Depression Quest est donc faussement
ironique, un peu comme les craquements de vinyle qui débutent Primitive vs Positive – ben oui tu es
bien en train d’écouter un disque** mais non tu ne t’es pas fait rouler sur la
qualité du pressage. Panico Panico semble
aimer jouer la carte du second degré mais c’est pour mieux montrer tout ce qu’il veut
cacher (oui, j’ai vraiment osé écrire ça). Quant au chant, il est multiple mais
plutôt homogène. Mes petites oreilles ont compté deux voix principales plus
apparemment une troisième sporadiquement en appui. Les lignes de chant présentent
certaines ambitions, peuvent changer de registre soudainement, du
parlé au cri en passant par quelque chose de plus mélodique voire de sucré (les
chœurs de Madtrap) et suivent des trajectoires
pas toujours très rectilignes.
Il parait que les
dépressifs sont capables de monter tout un argumentaire très élaboré afin de
pouvoir prouver aux autres qu’au contraire ils vont très bien... les deux grandes
qualités que l’on retiendra de Depression
Quest sont, malgré énormément de complexité, une grande cohérence mi autarcique mi ouverte ainsi
qu’une identité clairement et finement affirmée. Enfin un groupe de (faux)
intellos qui ne fait pas chier son monde pour de vrai.
[Depression Quest est publié en vinyle par Jarane, décidément un très chouette label]
* c’est rigolo parce que cette sixième
composition du disque n’a pas été mise en ligne sur b*ndc*mp – je me demande
bien pourquoi
** et pour ne vraiment pas en douter on
se tape en plus un locked groove hystérico-débile à la fin de la première face