I’ll
be your sister. Je ne sais pas pourquoi cette
référence particulièrement éculée et totalement hors de propos en provenance
directe d’un vieux moustachu à rouflaquettes trépassé et archétypal d’un
rock’n’roll joué les couilles à l’air m’est spontanément venue. Un truc que
j’écoutais quand j’étais tout gamin et que les rebelles sous speed ne rêvant que
de gloire, de fric à profusion, de plans cul comme autant de privilèges normalisés,
de défonce sans conséquences trop fâcheuses et d’une vie facile sans lendemain
aux frais de maisons de disques n’en ayant en vérité strictement rien à faire
de leur musique ne pouvaient que m’impressionner. Moi aussi je voulais mon
pantalon moule-burnes, ma petite meuf, ma saturday drug fever et ma réputation
de gentil connard et de pseudo révolté. Fort heureusement aujourd’hui je peux
dire que j’ai tout foiré, sauf pour la paire de moustaches et les rouflaquettes
(mais c’est purement esthétique de ma part).
DOOMSISTERS
est à l’exact opposé de tout ça. Il y a même une chanson de Combattre Leur Idée De L’Ordre et
intitulée Trace De Droite qui évoque
un peu le sujet, la disparition de tout engagement politique radical dans les
milieux musicaux – et ici, plus particulièrement, les milieux indés – au profit
de l’entertainment du cri dans le vide, la révolte facile comme business,
l’apparence et le discours et puis derrière : plus rien. Il n’y a pas de mystère Doomsisters est un groupe engagé et ne
nous laisse guère le choix, avec toutefois cette nuance qui me semble
importante : les textes sont accompagnés de commentaires explicatifs qui sont (je
l’imagine) le fait du chanteur et celui-ci emploie systématiquement la première
personne du singulier parce qu’évidemment c’est son point de vue qu’il défend,
mais pas avec une posture pseudo-moralisatrice – il y a une énorme différence
entre « donner des leçons » et ouvrir sa gueule en grand pour
brailler ce que personne n’entend plus vraiment. Toutes les paroles (en français) de ce deuxième album sont donc dûment explicitées (en anglais) dans l’insert joint au disque et on ne peut que saluer tout le soin porté à la chose. Déjà parce que le dit insert tout comme la pochette du disque sont très réussis et très beaux – et le résultat du travail de madame Flo Impure – mais aussi parce qu’on y trouve énormément de renseignements sur ce disque, sur le groupe évidemment et sur tous les labels impliqués dans cette parution.
Leurs points de vue – anticapitalisme, antifascisme, antisexisme, antiracisme,
antihomophobie, veganisme, etc, gnagnagna – les trois Doomsisters les expriment avec une véhémence musicale très réjouissante.
Outre Mounet au chant, le line-up est composé de Mitch à la guitare et de Dav à
la batterie. Ces trois là jouent un hardcore très rapide bien
crusty/d-beat et surtout particulièrement épais, avec du gros riffage de
machine-outil propulsée à la colère et de la rythmique pachydermique à toutes
les sauces : la musique du groupe est généreusement rapide et énervée mais
beaucoup (une grosse majorité) de compositions sont parsemées de passages lents
et lourds, gras et suintants à souhait et à s’en déboiter les cervicales –
comme celui qui fait littéralement exploser Verre
Brisé (mais c’est loin d’être le seul, donc). Le trio a beau se qualifier
lui-même de groupe de grind-sludge, c’est-à-dire quelque chose qui tiendrait du
mariage de la carpe et du lapin ou de la gauche unie, tout s’enchaine avec une
aisance stupéfiante et sans effet de superposition artificielle grâce à une excellente
maitrise de la composition. On n’est par conséquent pas surpris outre mesure
lorsque vers la fin du disque surgit You
Tear Me Up, oui une reprise des Buzzcocks… les Doomsisters ne
s’y sont pas trompés en choisissant une composition géniale dotée d’un riff
tournoyant mais mélodique totalement hallucinant. Et au passage ils en
profitent pour réaffirmer haut et fort qu’ils ne sont finalement qu’une bande
de sales punks : rependre le groupe de Pete Shelley est beaucoup plus
significatif qu’une reprise de Motörhead, non ?
[Combattre Leur Idée De L’Ordre est publié en vinyle par Crustatombe, Deviance records, I Feel Good records, Lixiviat records, No Way Asso et Stradoom]