Je n’y croyais pas du tout à cet album…
ou disons plutôt que les précédents enregistrements de GANSER
ne m’avaient pas tourneboulé plus que ça. Un joli et gentil petit groupe en
provenance de Chicago, pourtant l’un des points chauds du noise-rock US. Et
voilà donc que débaroule Just Look At That
sky à grand renfort de moyens de communication sur les internets, de
murmures positifs dans les milieux autorisés et de louanges auto-réalisatrices.
Tout ce qu’il faut pour me donner envie de me méfier, me dégouter par avance et
me donner l’occasion de me complaire une fois de plus dans mon petit péché
mignon : la détestation quoi qu’il arrive.
Et bien non. Contre toute attente et malgré toutes ses autorisations préalables
Just Look At That sky n’a rien
de fondamentalement désagréable. Il faut juste passer outre les quelques
moments de facilité qui parsèment l’album, plus exactement ces moments qui
envahissent une bonne partie de la seconde face du disque – avec en première
ligne I Told You So et Shadowcasting dont les relents new-wave
me ramènent directement à mes années de collège et de lycée et mes voyages
linguistiques en Angleterre. Tout un apprentissage. C’est lorsque Ganser joue ainsi ouvertement la carte de la séduction arrangeante
et l’élégance mi-arty mi-pailletée que j’ai envie de fuir en courant, à toutes
jambes. Mais il y a toujours dans la
musique de ce groupe quelque chose qui m’accroche malgré tout et qui m’empêche
de m’échapper du côté obscur des années 80. Ce quelque chose c’est la guitare
de Charlie Lansdman. Non seulement j’aime énormément comment elle sonne,
dispensant des petites notes acides et arides avant – cela arrive quelquefois,
comme sur Lucky – d’exploser
littéralement. Mais en plus j’adore les idées de Charlie, même lorsqu’il met la
pédale douce en version picorette sur l’instrumental et très lounge [No Yes]. Et lorsque les cuivres
s’invitent sur Bags For Life je
n’entends malgré tout que lui et sa guitare presque maladroite au milieu de
toute cette débauche de musicalité et de sensualité un peu kitsch. L’âme de Ganser c’est lui.
Une âme beaucoup plus à son aise sur la
première face du disque, dotée de compositions plus brutes, plus noisy et moins
arrangées dans les grandes largeurs. C’est ce côté-là de Ganser que je préfère parce que non seulement il permet de se
délecter de la guitare de Charlie Landsman mais aussi de sa confrontation avec
Nadia Garofalo qui possède une sacrée voix et une sacrée personnalité de
chanteuse (elle joue également du synthétiseur). Le côté darko-lyrique et
post-punk/new-wave, elle y est pour beaucoup mais c’est un côté que je trouve bien
plus réussi lorsque Ganser ne
s’encombre pas trop de décorum – en gros Nadia je suis en train de te dire que
tu n’as pas besoin de rajouter des trucs qui brillent de trop pour bien chanter
et me faire frissonner. Enfin signalons la bassiste Alicia Gaines dont le jeu
tout en souplesse (et aux doigts, sans médiator) combiné à la batterie de Brian
Cundiff insuffle une souplesse assez incroyable à l’ensemble, parfois jusqu’à
la virevolte.
Ganser
affirme avoir beaucoup travaillé sur Just
Look At That sky, une année complète de composition, de répétitions, de
questionnements et d’enregistrement et honnêtement cela s’entend : je ne
doute pas une seule seconde que le groupe ait atteint son but et je ne
chercherai pas à critiquer cela, au moins personne ne pourra enlever à ces
quatre jeunes gens qu’ils savent ce qu’ils veulent. Et moi je sais ce que
j’aime. Des compositions telles que Bad
Form ou Self Service, par
exemple. Et je sais aussi que j’adorerais voir Ganser en concert.
Non, en fait j’en suis certain.
[Just Look At That Sky est publié en vinyle – d’une couleur indéfinissable – et en CD par Felte records]