Sortir les stéréotypes des placards et du
musée du cynisme et de l’indécence, les étaler au grand jour et sans aucune
modération, s’en faire une crème beauté fraicheur ou s’en servir comme d’un
soin exfoliant et s’en foutre de partout reste le meilleur moyen de se moquer
de tout. Et de se moquer de soi-même, ce qui ne gâche rien et restera toujours la
seule chose à faire. Avec ses textes crus et violents dignes d’un éternel
adolescent complètement attardé mais qui s’en fout totalement – après tout le
« retard » n’est que dans le regard des autres et dans ce que tu leur
as juste permis de voir – CUIR est le truc à la fois le plus véridique et le plus désillusionné
qu’il nous ait été donné d’écouter ces derniers mois. Ne rien avoir à dire à
part des histoires de nombril et de défonce mais le dire quand même : si
cela te fait chier c’est ton problème et uniquement le tien.
Cuir est un one man band monté par
Doug, chanteur de Coupe Gorge et
de Sordid Ship. Mais là il est
donc tout seul avec sa belle voix de braillard punk, sa guitare, sa
boite-à-rythmes… et son vieux
synthétiseur au kitch volontairement envahissant. Single Demo est la version augmentée d’un inédit et en vinyle de
deux cassettes de Cuir publiées
courant 2019 par Offside Tapes : Single Single et Demo Demo Demo. C’est d’apparence complètement rudimentaire mais en fait
incroyablement bien troussé, suffisamment simple pour être efficace et
jouissif, complètement signifiant significatif malgré ou plutôt
grâce aux thèmes abordés dans les paroles. Pas besoin de tendre l’oreille ni de
perdre son temps à les lire sur la pochette intérieure pour comprendre que ça
parle d’ennui, d’envie de tout foutre en l’air, d’éclater les têtes de connards
et de connasses que l’on croise tous les jours au coin de la rue, que ça parle d’une
vie de merde, de haine de soi lorsqu’on a la tête éparpillée en mille morceaux
le lendemain mais que ça ne parle pas vraiment de sexe stéréotypé, normalisé et
consommable (le véritable ennui).
Du sexe il y en a éventuellement, mais en fait pour de faux, dans la présentation
et tout le soin apporté au disque avec ce vinyle rose ou le masque en latex également
rose porté par Doug sur la photo aux couleurs saturées – si ton rêve était de
te faire offrir une paire de menottes moumoutées léopard pour ton noël pseudo
s/m avec ta meuf ou ton mec du moment c’est raté. Au passage on remarque la
présence ostentatoire d’un bédo bien troussé et d’une cannette de 8.6 mais tout
ça, encore une fois, ce n’est que du visuel, pour alimenter la grosse blague
que serait Cuir (as-tu quand même noté
ce badge de Veuve SS ? dans le genre groupe pour lequel l’image et les
visuels étaient très importants parce qu’en apparente contradiction avec la
violence des textes et de la musique on a guère fait beaucoup mieux ces
dernières années).
Reste que malgré toute son ironie et son jeu de cache-cache misère autour de la
complaisance Demo Single fonctionne à
plein régime. Les compositions sont très courtes, lapidaires presque, bien
mémorisables grâce à une guitare qui aligne du riff de punk au kilomètre et qui
surligne parfois (Tension Nerveuse)
et surtout grâce à ce synthétiseur qui fait au moins la moitié du boulot et est
quasiment omniprésent – ce qui permettra aux nécromanciens des temps futurs de
classer Cuir dans la case synthpunk
sans trop se tromper. Il y a beaucoup d’idées et plein de ressources là dedans,
tout ce qu’il faut pour s’intéresser à ces histoires de gerbe, de défonce et de
lendemains qui se ressemblent trop, tout ce qu’il faut pour s’agiter en même
temps, brailler, se défouler. Et la blague, supposée comme telle mais ça aussi
c’est ton problème, aura en fait une suite, parce qu’elle le vaut bien :
Doug / Cuir est en train de mettre
la dernière main à un nouvel enregistrement que l’on espère tout aussi
faussement débile mais encore une fois complètement nihiliste.
[Single Demo tourne en 45 tours et a été pressé en vinyle rose par Offside records]