Michael Gira est un petit rigolo. En 2016 il annonçait la fin des SWANS – du moins la fin de la formation d’alors – et surtout il déclarait vouloir virer tous les membres du groupe : le guitariste (et membre d’origine) Norman Westberg, le batteur Phil Puleo, le percussionniste circassien Thor Harris, le bassiste souffre-douleur Chris Pravdica ainsi que Kristof Hahn. Donc le licenciement de tout le line-up depuis la reformation – des plus réussies – des Swans en 2010, line-up avec lequel Michael Gira a enregistré quelques uns de ses disques parmi les plus essentiels à savoir The Seer (2012), To Be Kind (2014) et The Glowing Man (2016). L’idée n’était pas de (re)mettre fin à l’aventure Swans mais de prendre un nouveau départ : nouvelle formation en vue et nouvelle orientation musicale sans trahir l’esprit d’un groupe hors du commun.
Sauf que tous les musiciens ayant joué sur les albums post 2010 jouent également sur le petit nouveau Leaving Meaning. Des noms auxquels il convient de rajouter ceux d’une longue liste de nouveaux collaborateurs, collaboratrices et invité.es divers.es. parmi lequel.les on peut citer l’accordéoniste Jeremy Barnes de Neutral Milk Hotel, la bassiste Dana Schechter, le (génial) batteur Tony Buck (et même, pour deux titres, son groupe The Neck au grand complet), le multi-instrumentiste Yoyo Röhm, le batteur Larry Mullins, le guitariste / bidouilleur Ben Frost et plein d’autres encore. Une formation élargie et des prises de son multiples, Gira ayant souvent collecté toutes ces interventions extérieures au cours de voyages et de rencontres à travers le monde. Leaving Meaning ne sonne pourtant pas comme un album disparate et hétérogène, il sonne comme un véritable album des Swans… une appréciation à laquelle il faut apporter quelques nuances.
Tout d’abord, la musique des Swans a toujours été à la fois une et diverse. Des débuts post no wave de Filth / Cop en passant par la période indus de Greed / Holy Money et la grandiloquence limite goth d’un The Great Annihilator et du dytique Love Of Life / White Light From The Mouth Of Infinity la musique du groupe reste toujours identifiable, et pas seulement à cause de la voix et de la façon de chanter du très shamanique Michael Gira. Une musique qui a su conjuguer apogée et diversité sur le formidable (insurpassable ?) Children Of God (1987). Quelques rares exceptions viennent confirmer cette règle ou plus exactement quelques exceptions se montrent totalement indignes du groupe et on peut ainsi les bannir d’une discographie autrement en tous points exemplaire : L’album The Burning World en 1989 et le maxi à pochette rouge avec les deux reprises de Love Will Tear Is Appart de Joy Division l’année précédente.
Alors pourquoi bouder Leaving Meaning ? Parce que ce nouvel album est nettement moins voire pas du tout tellurique, loin des ruades et des déchirements de ses trois prédécesseurs directs ? Parce qu’il ne comporte pas de compositions-fleuve s’étalant fiévreusement sur une trentaine de minutes et axées autour de montées irrésistibles de puissance ? Au contraire on peut apprécier et aimer Leaving Meaning parce qu’il ne comporte (presque) rien de tout cela. Il s’agit d’un album plus calme et plus bucolique mais il ne s’agit pas d’un album mou et inintéressant pour autant. Il n’y a pas à creuser très longtemps pour y retrouver cet inconfort multiple et cette colère névrotique qui animent depuis toujours la musique de Michael Gira et des Swans. Alors si on devait placer cet énième album sur une carte il se situerait à coup sûr à proximité de We Are Him, le dernier album (pour l’instant) publié en 2007 par Angel Of Light, l’autre projet de Michael Gira, et My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky, premier album des Swans après la reformation de 2010.
Ce qui fait encore plus aimer Leaving Meaning, et renforce d’autant plus sa diversité et sa richesse musicales, c’est la multiplication des musiciens et des musiciennes qui sont intervenu.es au moment de l’enregistrement – et que j’ai déjà évoquée un peu plus haut. Les guitares ne sont pas les maitresses du jeu, pas plus que les rythmiques et nombres d’instruments additionnels viennent enrichir une palette de sons en constante évolution. Outre le dulcimer, le piano, l’accordéon, l’harmonium on peut entendre des cordes et de la trompette. Et surtout beaucoup de chœurs et d’interventions de chants féminins, beaucoup c’est-à-dire comme jamais depuis le départ de Jarboe des Swans (ou plutôt de sa non-intégration dans la reformation du groupe en 2010). La liste des intervenantes au chant / voix est très longue – on remarque que la progéniture de Gira en fait partie – ce qui en dit long sur l’importance d’un tel choix. J’ai souvent été réticent aux voix féminines dans la musique des Swans mais là je dois dire que l’équilibre est parfait, ajoutant plus de beauté onirique à une musique d’apparence moins perturbée mais toujours aussi profonde. Et puis c’est également l’occasion de découvrir Baby Dee, une chanteuse de Cleveland / Ohio qui tient le chant principal sur The Nub… Mais bien sûr ce sera toujours Michael Gira qui aura le dernier mot : Leaving Meaning est clôturé par un My Phamtom Limb obsessionnel et envoutant sur lequel la voix du chanteur est démultipliée et renforcée – les Swans restent ce monstre toujours aussi névrotique et potentiellement dangereux quoi que beaucoup plus charmeur que précédemment.
Alors pourquoi bouder Leaving Meaning ? Parce que ce nouvel album est nettement moins voire pas du tout tellurique, loin des ruades et des déchirements de ses trois prédécesseurs directs ? Parce qu’il ne comporte pas de compositions-fleuve s’étalant fiévreusement sur une trentaine de minutes et axées autour de montées irrésistibles de puissance ? Au contraire on peut apprécier et aimer Leaving Meaning parce qu’il ne comporte (presque) rien de tout cela. Il s’agit d’un album plus calme et plus bucolique mais il ne s’agit pas d’un album mou et inintéressant pour autant. Il n’y a pas à creuser très longtemps pour y retrouver cet inconfort multiple et cette colère névrotique qui animent depuis toujours la musique de Michael Gira et des Swans. Alors si on devait placer cet énième album sur une carte il se situerait à coup sûr à proximité de We Are Him, le dernier album (pour l’instant) publié en 2007 par Angel Of Light, l’autre projet de Michael Gira, et My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky, premier album des Swans après la reformation de 2010.
Ce qui fait encore plus aimer Leaving Meaning, et renforce d’autant plus sa diversité et sa richesse musicales, c’est la multiplication des musiciens et des musiciennes qui sont intervenu.es au moment de l’enregistrement – et que j’ai déjà évoquée un peu plus haut. Les guitares ne sont pas les maitresses du jeu, pas plus que les rythmiques et nombres d’instruments additionnels viennent enrichir une palette de sons en constante évolution. Outre le dulcimer, le piano, l’accordéon, l’harmonium on peut entendre des cordes et de la trompette. Et surtout beaucoup de chœurs et d’interventions de chants féminins, beaucoup c’est-à-dire comme jamais depuis le départ de Jarboe des Swans (ou plutôt de sa non-intégration dans la reformation du groupe en 2010). La liste des intervenantes au chant / voix est très longue – on remarque que la progéniture de Gira en fait partie – ce qui en dit long sur l’importance d’un tel choix. J’ai souvent été réticent aux voix féminines dans la musique des Swans mais là je dois dire que l’équilibre est parfait, ajoutant plus de beauté onirique à une musique d’apparence moins perturbée mais toujours aussi profonde. Et puis c’est également l’occasion de découvrir Baby Dee, une chanteuse de Cleveland / Ohio qui tient le chant principal sur The Nub… Mais bien sûr ce sera toujours Michael Gira qui aura le dernier mot : Leaving Meaning est clôturé par un My Phamtom Limb obsessionnel et envoutant sur lequel la voix du chanteur est démultipliée et renforcée – les Swans restent ce monstre toujours aussi névrotique et potentiellement dangereux quoi que beaucoup plus charmeur que précédemment.
[Leaving Meaning est publié en double CD et en double vinyle par Young God records]