Je n’avais encore jamais écouté ce disque. Je m’attendais au pire, c’est-à-dire à rien de moins et à rien de plus que ce que je connaissais déjà de LA RACE, un trio que j’adore, plus noir que noir, plus dégueulasse que dégueulasse et composé d’un guitariste sans sourire, d’un batteur sans scrupules et d’un chanteur en slip. Je n’avais encore jamais écouté ce disque et son existence était presque complètement sorti de ma mémoire jusqu’à ce que je le retrouve coincé entre une pile d’autres disques et une pile de bouquins mais je n’en suis pas très sûr non plus. Confusion, décomposition. Obsession. Il était pourtant bel et bien là, le salopard, avec sa pochette montrant des rails en direction de l’Enfer : un bout de plastique acheté lors d’un concert en octobre 2018, déjà, un concert avec un chanteur intérimaire et en pantalon, donné dans un endroit qui n’existe plus vraiment ou plutôt qui désormais existe différemment. Réminiscence.
Peut-être que ce titre de Drancy Ostinato et sa provocation sans ambages (mais éculée) m’avait un peu refroidi parce que c’est la première fois qu’à ma connaissance La Race se livrait totalement à ce genre de galipettes, ayant jusqu’ici préféré des appellations plus romantiques et plus cyniques – le premier album de La Race ne s’intitulait-il pas 4 cm De Mon Amour ? En fait je n’en sais (toujours) rien et pour en avoir le cœur net – parce que je n’aime pas douter au sujet de la musique, j’ai déjà suffisamment à faire à ce niveau là avec moi-même – je me suis enfilé d’une seule traite Merci Pour Rien, Coup De Boule Dans Le Coccyx, Grande Seringue De Brune et Né Pour Servir, soit les quatre titres de l’album. Un gros shoot de merde empoisonnée, du laminage sans relâche, une guitare qui grince affreusement, une batterie qui torpille et torpille encore, une voix monocorde qui éructe inlassablement et sans se presser, une musique qui ressasse et ressasse encore le même dégout, le même vomi bilieux, la haine de soi, la haine des autres, la haine du monde, la haine de tout le monde, la pitié c’est le sentiment des faibles mein leutnant et nous sommes tous des faibles, nous sommes tous des déchirures béantes et des immondices. Aliénation.
En langage musical savant un « ostinato » est une figure de style qui consiste à répéter un motif rythmique ou mélodique. Ici pas vraiment de mélodie (mais pour quoi faire, bordel ?) et des rythmiques réduites à leur plus simple expression, celle d’un dépeçage en règle de ce qu’il nous reste d’humanité et d’estime – si tant est que l’on soit suffisamment prétentieux pour revendiquer encore un semblant d’humanité et d’estime de soi. Alors pas question de faire semblant, justement, chez La Race et avec Drancy Ostinato, juste un aller-simple dans le fourgon arrière. Ta mère la pute, tant qu’à faire. Et de rajouter : « Pisse partout est la totalité de la loi ». Moralité.
[Drancy Ostinato est publié en vinyle par Degelite, Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, Oniz, Tendresse records et Urin Gargarism records]