DELACAVE
c’est tout d’abord et principalement un duo formé par Lily Pourie (chant,
textes, basse, artworks) et Seb Normal* (batterie, claviers et guitare) et
surtout une formidable machine à tubes disséminés sur une petite poignée
d’albums et prenant encore plus d’ampleur en concert. En 2017 Delacave avait entamé sa mue en publiant
chez Teenage Menopause l’album If I Am
Overthinking, Talk About Anything, Any Damned Thing avec un line-up incluant
désormais un batteur (Quentin, des inestimables Sida) et un guitariste (Samir
Cheb, il avait déjà notamment croisé Seb Normal au sein de 1400 Points De
Suture). Des changements qui semblaient démontrer le passage de Delacave à la
vitesse supérieure : pour s’en convaincre il suffit de comparer la première version de Uniform
With No Brain enregistrée en duo avec la deuxième, enregistrée à quatre – bien que,
personnellement, j’aime autant l’une que l’autre, celle de 2014, sombrement
collante et massivement crépusculaire et celle de 2017, accélérée, imparable
et définitivement tubesque. Savoir se réinventer tout en enfonçant le clou,
c’est la marque d’un bon groupe.
Mais comme je l’ai déjà écrit au début
de cette chronique, Delacave est
avant tout et presque uniquement l’affaire de deux personnes. Aussi n’ai-je guère
été plus étonné que ça lorsque a été annoncée la publication de Window Has No Glass, un disque à nouveau
enregistré à deux et plus précisément sur une période assez longue allant de
2009 à 2015, une petite paire de titres à Strasbourg où Lily et Seb habitaient
auparavant et tout le reste dans la Drôme, où ils demeurent désormais. Un disque
à la maison et entre eux, seuls. Logiquement Window Has No Glass est un disque beaucoup plus intimisme pourtant
il ne s’agit pas d’un simple retour à la formule précédente de Delacave. En passant à quatre le groupe
avait volontiers donné plus d’envergure et plus de volume à sa musique mais en
revenant à sa version bipolaire – bien qu’il s’agisse ici d’enregistrement
antérieurs à ceux de If I Am
Overthinking, Talk About Anything, Any Damned Thing – le duo en a profité
pour envisager les choses sous un angle encore différent, celui de l’émotionnel
ténu, de la sveltesse et de l’intime. De là à dire que Window Has No Glass représente le cœur et l’âme de Delacave il y a un pas que je me
garderai bien de franchir (mes parents m’ont toujours dit que penser et parler
à la place des autres c’est vraiment très, très, mal) mais je ne peux pas
m’empêcher de trouver que ce mini-album crépusculaire – Window Has No Glass dure à peine vingt-cinq minutes – est un disque
à part entière mais aussi une sorte de pierre philosophale et non pas une
collection bouche-trou de vieux enregistrements recyclés.
La preuve en est que malgré son
caractère intérieur et à la limite du secret Window Has No Glass possède lui aussi son lot de tubes. A commencer par Face Au Grand Calme, son rythme
glacialement enjoué, son intro à la flute et ses paroles en français ou le
presque pop et squelettique mais poignant Tits
(toujours avec des paroles que j’arrive à comprendre). De leur côté les titres Red Lights, l’instrumental La Route, le tristement beau The Courtyard et le sépulcral et
vampirique A Crime, A Mouse offrent
sa coloration définitivement mélancolique et nocturne au disque – une nuit
étoilée, cela va de soi. Window Has No
Glass se dévoile petit à petit jusqu’à devenir le réel pendant de If I Am Overthinking, Talk About Anything,
Any Damned Thing en ce sens que les deux disques se complètent et qu’ils se
reflètent. Delacave, que ce soit
donc à deux ou à quatre membres, est définitivement un groupe
chérissable. En plus d’être un groupe sacrément doué pour composer des chansons
irrésistibles et inoubliables.
[Window Has No Glass
est publié en vinyle et cassette par 24h/jamais records, My Own Private records,
Pouet! Schallplatten et Teenage Menopause]
* on ne le présente plus mais quand
même, pour se faire une idée de tous les enregistrements auxquels le bonhomme a
participé on peut se rendre sur sa page b*ndc*mp
ou sur son site internet