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mercredi 15 septembre 2021

Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine : No More Selfies b/w The Ghost Of Vince Lombardi

 

J’ai 15-16 ans, on est en plein milieu des années 80 et Jello Biafra est un sujet récurrent de conversation et de dévotion dans la cour de mon Lycée. Le très médiatique chanteur des Dead Kennedys doit se défendre contre les attaques et la censure des ligues parentales américaines qui reprochent à son groupe le caractère pornographique de l’insert de l’album Frankenchrist (1985). Il risque parait-il une lourde peine de prison et une amende au montant exorbitant. Les ennuis judiciaires ont duré des mois, de quoi entretenir un peu plus la légende et, malheureusement, mettre la musique au second plan.







Quelques décennies plus tard, au Printemps 2021 pour être précis, JELLO BIAFRA & THE GUANTANAMO SCHOOL OF MEDECINE publient The Tea Party Revenge Porn. J’avais bien l’intention d’en parler avec quelques sanglots dans la voix et des larmes de bonheur au coin des yeux mais je ne l’ai pas fait. Parce que comme beaucoup de disques post Dead Kennedys de Biafra – et en particulier ceux de GSM – ce troisième album du groupe est inégal et vraiment sans surprises. Il recycle nombre de plans déjà entendus chez les Dead Kennedys et les brulots bien punk et bien enlevés y côtoient des compositions plus pataudes et lourdingues où la voix si caractéristique de Biafra et mixée en tête de gondole finit par devenir complètement horripilante… Oui je sais : quelle que soit la prod et quel que soit le mix, la voix du chanteur en a toujours énervé plus d’un·e, un reproche déjà très courant à l’époque des Dead Kennedys. Je n’ai donc pas beaucoup écouté The Tea Party Revenge Porn, un disque qui ne peut pas soutenir la comparaison avec Last Scream Of The Missing Neighbors enregistré avec D.O.A et surtout le génial The Sky Is Falling And I Want My Mommy avec No Means No. Mais ça c’était il y a plus de trente ans.
No More Selfies b/w The Ghost Of Vince Lombardi est une sorte de single AA qui résume ce qu’il y a de mieux chez Jello Biafra & The Guantanamo School Of Medecine avec deux pépites efficaces et même à la limite de ce bon vieux hardcore old school en ce qui concerne le deuxième titre. Alors autant faire l’apologie de cet excellent et très joli 7’ plutôt que celle d’un LP trop produit et qui a un peu de mal à se bonifier avec le temps. Il y a cependant un petit problème : ni No More Selfies ni The Ghost Of Vince Lombardi ne sont réellement inédits puisqu’ils figuraient déjà sur la version CD et la version dématérialisée de The Tea Party Revenge Porn. Cela ne m’aurait pas dérangé plus que ça s’ils n’avaient pas pu figurer sur la version vinyle de l’album dès le départ. Je sors mon chronomètre et ma calculette : le LP de huit titres seulement dure 38 minutes et même un millénial biberonné au streaming et aux mp3 dégueux peut savoir et comprendre qu’un vinyle avec deux titres supplémentaires pour une durée totale de 45 minutes aurait tout à fait été possible techniquement.
Autrement dit Jello Biafra a appliqué la méthode du saucissonnage de ses enregistrements – il avait déjà fait un truc du genre pour les disques avec les Melvins dans les années 2010 – et ainsi multiplié les éditions sur support physique. Les mauvaises langues diront que cette entourloupe accrédite les critiques contre Biafra le chanteur-politicien-businessman-à-trop-grande-gueule-pour-être-honnête et même les accusations de ses anciens collègues des Dead Kennedys qui, on s’en rappelle, l’avaient poursuivi devant la justice au début des années 2000 pour récupérer leur part de droits d’auteurs et la propriété des enregistrements du groupe, une histoire très made in USA. Moi je préfère fermer les yeux, toujours un peu crédule et naïf : réentendre en 2021 la voix de Jello Biafra me ramène malgré tout à ces disques des Dead Kennedys que j’ai usés jusqu’à la corde (au point de les avoir rachetés des années plus tard). Un amour de jeunesse, quoi…



jeudi 13 mai 2021

Dead Neanderthals : Rat Licker


 


 

En toute logique j’aurais du faire très court pour cette chronique : Rat Licker, le dernier disque en date des très prolifiques DEAD NEANDERTHALS, ne dure que 9 (neuf !) minutes pour un total de 12 (douze !) compositions. C’est ce qui s’appelle être lapidaire. Mais ce qui pourrait passer à tort pour un nouvel exercice de style n’en est pas moins un enregistrement extrêmement digne d’intérêt.
Le duo hollandais formé par le saxophoniste Otto Kokke et le batteur René Aquarius est, on le sait, du genre joueur mais aussi friand en collaborations diverses et variées, ce qui lui a souvent permis de mutiplier les plaisirs mais aussi de brouiller les cartes – citons Prime, enregistré en compagnie du saxophoniste anglais Colin Webster, Crater avec le bassiste français Maxime Petit, Molar Wrench en collaboration avec Sly & The Family Drone, Dietary Restrictions avec le génial guitariste américain Nick Millevoi ou l’album sans titre enregistré sous le nom de Twin Sister avec le bassiste et boss du label God Unknown Jason Stoll (avec une nuance de taille : Kokke y délaisse le saxophone pour jouer du synthétiseur et ce disque est d’ailleurs l’une des meilleures choses à avoir vu le jour au cours de l’année 2020). Mais avec Rat Licker les deux compères se retrouvent seuls face à face, sans personne d’autre, et jouent ouvertement la carte d’un grind-jazz volcanique.
J’ai mis autant de temps pour écrire les deux premiers paragraphes de cette chronique que j’en aurais mis pour écouter Rat Licker quatre ou cinq (six ?) fois d’affilée. Tout y va terriblement vite, tout s’enchaine parfaitement et aucun temps mort ne vient rompre la furie d’un disque monobloc. Bien que l’on puisse isoler un à un tous les titres du disque ils forment en même temps un seul et unique gros pavé dans la gueule, une série d’électrochocs, une succession de violentes décharges de freeture suraigüe au saxophone (parfois jusqu’au larsen) et doublées de martèlements rythmiques. Le tout avec des noms de morceaux très imagés tels que Cop Meat ou Scalp Wound qui rappelleront ceux d’un certain Naked City.
On pourra effectivement trouver que l’ombre du groupe de John Zorn plane sur Rat Licker – on peut aussi penser au premier album éponyme de Ground Zero, l’ancien groupe d’Otomo Yoshihide – mais je trouve la version proposée par les Dead Neanderthals du mélange tornade jazzcore / métallurgie de l’extrême beaucoup plus rigolote, plus désinvolte, plus punk à vrai dire. Zorn composait beaucoup, or on a vraiment l’impression que Otto Kokke et René Aquarius ont préféré jouer et jouer encore sans trop se poser de questions ni élaborer de plan d’action trop défini à l’avance. Si préméditation il y a – et évidemment qu’il y en a – il s’agit uniquement d’une volonté de départ et qui se suffit à elle-même pour donner libre cours au désir des deux musiciens de tout envoyer valser à grands coups de stridences (parfois à l’aide de pédales d’effet) et de blasts déglingués. Le résultat final est très drôle – ludique, si tu préfères – et jamais engoncé ni limité par des intentions trop identifiables. Sauf celle de jouer une musique libertaire et bruyante comme peuvent l’être le free jazz et le hardcore / grind et donc le mélange des deux.



[Rat Licker est publié sous la forme d’un 7’ par presque autant de label que sa durée comporte de minutes : Burning World records, Consouling Sounds, EveryDayHate, Moving Furniture records, God Unknown records, Sentencia records et Utech records]


lundi 29 mars 2021

72 % - Modern Technology / Drowning In A Sea Of Bastards b/w Lorn


La bonne surprise du moment. Evidemment on peut écouter et se procurer ce très (très) beau 7’ uniquement sur la foi de la participation de Modern Technology mais comme pour tout split qui se respecte la découverte est également au rendez-vous. Et la découverte dont il est ici question s’appelle 72% – cela se prononce Seventy-Two Percent – soit un trio originaire de Northampton. Putain d’anglais aurais-je envie de dire mais la vulgarité ce n’est pas du tout mon genre, hein.






72% c’est deux guitaristes – Joshua Ryan et Joe Brown – et un batteur – Joel Harries – qui pratiquent un noise-rock évolutif, essentiellement instrumental, bien foutu, parcimonieusement mâtiné de cailloux progressifs et collant comme il faut malgré l’extrême rareté du chant. Mais parfois le groupe se laisse aller à un peu de beuglante, ce qui est le cas sur Drowning In A Sea Of Bastards dont le titre facilement traduisible a déjà l’immense avantage de nous faire part immédiatement de toute la colère et de tout le dégout de 72%. Et comme cela ne devait pas suffire quelques salves postillonnées sont également au rendez-vous. C’est donc à la version frénétique, bruyante et chantée hurlée du groupe à laquelle nous avons droit et Drowning In A Sea Of Bastards justifie à lui tout seul que l’on s’intéresse à ce disque. On peut également jeter son dévolu sur How Is This Going To Make It Any Better ? mis en boite en 2019 par Wayne Adams (encore et toujours), un enregistrement de 72% plus nuancé et plus délié, permettant d’écouter des compositions architecturées mais toujours courtes – ce qui est un gage d’absence d’ennui – et dont il faudra attendre la dernière pour trouver du chant…







On retourne le disque et là on tombe nez à nez avec Lorn, un titre de six minutes de MODERN TECHNOLOGY. Dans la foulée et dans la continuité de l’album Service Provider cette composition inédite du duo est terriblement sombre et incroyablement oppressante. Un titre qui allie lourdeur visqueuse, gravité, martèlements à froid et chant funeste. Mais toujours avec cette optique engagée et humaniste propre à Chris Clarke (basse et voix) et Owen Gildersleeve (batterie). Je suis à chaque fois stupéfait de constater que malgré son line-up allégé – deux personnes et c’est tout – Modern Technology génère une musique aussi dense, aussi massive et aussi profonde. Tout y est… Lorn est pour l’instant ce que le duo a enregistré de mieux, y compris dans le sentiment de frustration que l’on ressent à la fin de son écoute : la claque est d’autant plus forte que ces six minutes passent à la vitesse de l’éclair (un comble pour une composition aussi lente) et qu’une fois achevé – non sans nous avoir infligé un final d’une lourdeur particulièrement étouffante mais doté d’un groove infernal et d’une batterie très tribale – Lorn laisse soudain la place à un grand vide. Comme une sensation de vertige persistant, mais sans pouvoir tomber. Vivement le prochain album !


[Drowning In A Sea Of Bastards b/w Lorn est publié en vinyle de couleur gris / fumée et tourne en 33 tours – comme d’habitude avec le label Human Worth les bénéfices tirés des ventes du disque seront reversés à des organisations caritatives]

 

 

 

dimanche 20 décembre 2020

Gaytheist - Intercourse / split

 

Parlons encore une fois, et ce ne sera peut-être pas la dernière, du label de Minneapolis Learning Curve records avec un split 7’ regroupant Gaytheist d’un côté et Intercourse de l’autre. Il fut un temps – disons à la fin du siècle dernier et au tout début de celui-ci – où les splits étaient un excellent moyen de découvrir des nouveaux groupes et de la nouvelle musique, non ? Mais ça c’était avant les internets et l’air conditionné digital pouvant alimenter le moindre recoin de la planète connectée en musique encodée, prête à l’emploi c’est-à-dire prête à être éventuellement jetée à la poubelle sitôt écoutée car hâtivement jugée impropre à la consommation. D’où la fameuse phrase que de nos jours plus personne ne prononce parce qu’elle décrit un automatisme comportemental complètement passé dans les mœurs de tout un chacun : « ouais j’ai écouté un peu juste pour me faire une idée du truc puis je suis passé à autre chose ».
On ne répétera pourtant jamais assez que la musique c’est aussi et surtout une question de temps : celui de l’écouter, de la réécouter, de l’aimer (ou pas) et d’y revenir peut-être, un jour. L’avantage suprême du format physique et donc de l’objet-disque n’est pas le fétichisme ni le matérialisme mais bien celui de poser une vraie balise temporelle. Ceci fonctionne également avec les livres. Bon, et puis il y a une autre raison qui font que les splits 7’ sont désormais plus rares, malgré le léger rebond idéologique et consumériste de ces dernières années autour du format vinyle : un 7’ / 45 tours coûte extrêmement cher à fabriquer et donc son prix à la revente l’est tout autant alors que c’est un format qui ne comporte que peu de titres. Conclusion : les splits 7’ ne courent plus vraiment les rues.

 


J’aurais bien voulu que la musique de GAYTHEIST soit aussi drôle que le nom du groupe mais je trouve ces trois petits gars de Portland / Oregon un tout petit peu patauds et convenus, pas seulement à cause d’un manque d’originalité notoire mais disons que j’ai le sentiment qu'il manque ce petit quelque chose qui fait toute la différence et génère un surplus d’excitation par rapport aux autres groupes du cru. La musique du trio tire plus vers le punk que vers le noise-rock et c’est sûrement ce qui me perturbe : j’aurais voulu plus de grésillements, de la saleté, du sang et du stupre. Cela ne signifie pas que Cracks et Summon Me soient de mauvaises compositions, non pas du tout du tout, mais je m’attendais à un peu mieux, bien que certains éléments fassent carrément le boulot – j’adore les lignes de basse, par exemple (ce n’est pas un secret que j’ai toujours été très client des grosses lignes de basse). Par contre Gaytheist a déjà une solide discographie derrière lui, donc je n’ai plus qu’à me plonger dedans, peut-être pour y trouver quelque enregistrement qui me comblera davantage.
C’est une toute autre histoire avec INTERCOURSE qui se révèle bien plus méchant et beaucoup plus teigneux. Hardcore. Et c’est ce qui me plait vraiment chez ce groupe de New Haven / Connecticut qui cite aussi bien les Cows que Deadguy parmi toutes ses influences. Tu vois le genre ? Du foutraque et du violent en même temps. De la rage vicieusement canalisée comme il faut mais pas de trop non plus. Last Cigarette Wrong End ne dure peut-être qu’une minute mais il s’agit d’une minute de pure colère teigneuse, les guitares ont un côté perturbateur qui me ravit tandis que le chanteur me postillonne à la gueule toutes les insultes covidées du monde. Puis arrive une reprise de… Black Flag. Un groupe tellement copié et repris qu’en général on finit par ne plus y faire trop attention sauf que la version que torche Intercourse de My War – grand classique s’il en est – me donne à chaque fois la chair de poule, utilisant les mêmes arguments que ceux de Last Cigarette Wrong End : chant de boucher en manque, guitares de malades, rythmique terrassière. Aussi malsain qu’entrainant et une belle réussite. 


[ce split est publié en vinyle noir (200 exemplaires) ou en vinyle rouge et vert (100 exemplaires) par Learning Curve records]

 

 

lundi 2 novembre 2020

Bummer / Thanks For Nothing

  


 

Avec le souci constant qui caractérise si bien la volonté indéfectible de cette gazette internet de coller au plus près à l’actualité musicale (mouhaha), parlons aujourd’hui de BUMMER. Un trio guitare + chant / basse / batterie originaire de Kansas City dans le Missouri et vraiment pas très fin. Mais c’est aussi pour cela que l’on aime ces trois petits gars, pour cette abnégation inébranlable à pratiquer un noise-rock ultra réactionnaire et conservateur au top, avec les grands anciens de Cherubs et d’Unsane en ligne de mire. Tu vois le genre ? Gros riffs dégueulasses et rythmique mega lourde en guise d’écrin de boue à un chant de vociférateur porcin ? Donc tu as tout juste.
Faisant suite à un Holy Terror aussi classique que jouissif, Thanks For Nothing est en fait un EP de quatre titres publié il y a tout juste un an, le 1er novembre 2019. Un disque qui reprend à peu près les mêmes ingrédients que les autres enregistrements de Bummer. La face A est occupée par deux compositions inédites, apparemment enregistrées au cours de cette même année 2019 et qui tendent à simplifier toujours plus la formule éculée de la musique du groupe. Avec son riff principal basé sur deux notes et demie et son break à peine plus élaboré Second Chimes (Terrence Howard War Machine) frise le basiquement rétrograde mais demeure diablement redoutable. A peine trois minutes de ce bon vieux noise-rock de pépères éternellement énervés face à la dureté d’une existence en sursis. Encore plus court Grim Sleeper est pourtant plus lent et comporte davantage d’idées que Second Chimes. Ah et puis cette accélération finale qui vient souligner vigoureusement tout le côté visqueux et poisseux de la musique de Bummer me file à chaque fois des frissons dans le dos. Et comme je suis plutôt du genre chatouilleux...

La Face B de Thanks For Nothing propose deux titres plus anciens du trio et qui jusqu’ici étaient restés cantonnés à une diffusion virtuelle sur les internets, sans aucune publication sur support physique. Enregistré en 2016 Beautiful People est une reprise de… Marylin Manson. Je ne connais absolument rien à la discographie de ce cher Brian Warner mais lorsque j’écoute ce titre plus qu’honorable je m’imagine Pord faisant une reprise d’Indochine ou Dead Arms reprenant Kim Wilde et cela me fait doucement rigoler. Blague à part ce Beautiful People est plutôt pas mal, en tous les cas il colle bien aux exigences stylistiques resserrées de Bummer mais on lui préfèrera définitivement King Shit et sa véhémence punk noise qui dévaste tout sur son passage. La fureur et la vitesse en plus du gras et du lourd, King Shit est certainement le meilleur titre de ce 7’ avec Grim Sleeper.

Chère lectrice / cher lecteur, à l’heure à laquelle tu liras ces quelques lignes Bummer aura publié un nouveau 7’, cette fois-ci sous la forme d’un split en (mauvaise) compagnie de The Body. Un disque édité par le célèbre label chicagoan Thrill Jockey – c’est celui de The Body – et difficilement trouvable du côté de la vieille Europe, sauf à des prix tellement prohibitifs que je ne peux que t’inciter à t’abstenir de te le procurer. Il n’empêche que cette dernière parution me fait me demander si Bummer ne serait pas l’une des prochaines signatures noise as fuck de Thrill Jockey, aux côtés des tout aussi bourrins Eye Flys. Pour en revenir aux disques made in USA, leurs prix sont devenus complètement déments depuis que les groupes ne tournent plus suite à la crise sanitaire et sont ainsi privés d’une éventuelle source de revenus – d’autant plus qu’il convient de rajouter des frais de port frisant l’escroquerie… Vive la musique !

 

[Thanks For Nothing est publié en vinyle bleu-vert-difficile-à-dire transparent et à 300 exemplaires par Learning Curve records]

lundi 19 octobre 2020

Bombardement / EP

  

 


 

BOMBARDEMENT est un groupe basé à Bordeaux et pratiquant joyeusement l’une des plus grandes spécialités locales : le d-beat. Il n’est donc pas très étonnant de retrouver Luc, l’ancien batteur des regrettés Gasmask Terrör et éternel fan de Discharge, ici à nouveau derrière les fûts. Mais ce n’est pas tout, puisque Bombardement est un vrai all-star band, réunissant des gens jouant ou ayant joué dans Diktat, Daymare, Monarch, Shock, Endless Flood, etc… La liste est beaucoup trop longue et bien qu’un peu de mauvaise foi ne m’a jamais vraiment effrayé je serais très mal avisé de citer tous les groupes auxquels ont un jour participé cette bande de jeunes punks puisque, une fois n’est pas coutume je vais faire preuve d’un peu d’honnêteté, je suis très loin de tous les connaitre. Mais ce radieux mélange tend à prouver une seule chose : la consanguinité ça a vraiment du bon.
Entre le premier 12’ (album ? mini album ? maxi ? on s’en fout !) très remarqué paru en 2019 et le tout nouveau 7’ (toujours sans titre) paru cette année et dont il va être maintenant question Bombardement aura toutefois changé de chanteuse. Le départ de Milia aka Emilie aka Eurogirl du poste de diva hardcore pouvait faire craindre une baisse de régime et d’intérêt tant elle fait des merveilles sur le premier disque du groupe. Elle est quand même la hurleuse en chef et grande prêtresse de Monarch ce qui n’est vraiment pas rien et certain.e.s se rappelleront même ses exploits passés avec le très éphémère et hilarant Rainbow Of Death. Mais Milia est donc allée voir ailleurs et c’est Oriane* qui assure désormais le chant et qui le fait plus que carrément bien. Globalement sa voix est moins aigue et plus éraillée et malgré toute l’affection que je porterai toujours à Milia et ses airs de sorcière maléfique on n’y perd pas au change. Tout le monde est rassuré : la voix d’Oriane colle parfaitement au style de chant très scandé et en même temps hurlé du d-beat – les paroles, jamais très longues, étant sans cesse répétées comme autant d’uppercuts dans la gueule.  
Mais ce nouvel EP se démarque surtout par un son encore plus puissant qui exacerbe tout le tranchant méticuleux des deux guitares. Un peu moins d-beat que son prédécesseur, ce quatre titres de haute volée lorgne même parfois du côté du thrash (le riff d’intro du Blood. Cash. Self-destruction) et Bombardement gravit allégrement quelques échelons supplémentaires dans la brutalité et l’efficacité – trois des titres du EP sont à fond les ballons, un seul est un mid-tempo mais toujours bien vigoureux : la proportion des trois quarts réglementaires est ainsi parfaitement respectée. Ça joue donc très vite et très massif avec un vrai mur du son, le résultat est implacable et les deux guitaristes se font vraiment plaisir en multipliant les solos méticuleusement moulés et surtout très mélodiques, se répondant parfois. Sur ce point précis Bombardement s’éloigne du d-beat traditionaliste pur et dur pour lorgner plus que jamais vers le metal. Mais un metal sale, méchant, hargneux et vociférant, bref Bombardement c’est soit du metal joué à la punk soit du hardcore en acier trempé, qu’importe parce que c’est tout simplement vraiment très bon.

[cet EP est publié par Destructure records, Kick Rock et Symphony Of Destruction]

 

* auparavant elle a joué dans Barren ?

vendredi 24 juillet 2020

V/A Hot Rock Action 2020


Hot Rock Action 2020. J’avoue ressentir un certain décalage entre d’un côté le titre très rock’n’rollesque de ce 7’ compilatoire et l’artwork signé Christopher Cooper aka mister Coop et de l’autre l’année indiquée : oui nous sommes bien en 2020 et il y a longtemps que je ne m’étais pas intéressé à un disque doté d’une pochette reprenant la plupart des poncifs du genre à savoir la meuf à moitié dénudée, tatouée, à gros cul, à gros seins, en bottes montantes à talons et armée d’un schlass parce qu’il ne faut pas déconner non plus, rien de tel que la violence – quel monde de merde mais comme il est plaisant de s’en délecter lorsqu’on est un mec, tiens on se croirait dans un film de cet escroc et fumiste de Tarentino.
Voici donc un 45 tours de quatre titres, une compilation qui ne regroupe pas comme on pourrait s’y attendre des contributions venant des Cosmic Psychos, de Nashville Pussy, de Grindhouse ou des Dwarves mais des inédits de quatre groupes parmi les plus intéressants de la scène noise-rock made in U.S. actuelle. Le « 2020 » s’impose de lui-même en faisant écho à de précédents 7’ publiés par le label Reptilian records au siècle dernier tandis que les Bulls, Hoaries, Sinking Suns et Super Thief sont au programme de ce petit disque (par la taille) qui fera baver d’envie et ronronner de plaisir tous les noise addicts.

 



Face A. Dans la foulée de leur premier album Then We Die dont on parlera sans doute bientôt par ici les Bulls nous balancent un Podium sec et rapide, court et mélodique. Difficile de croire que cette formation originaire du Texas ne regroupe que des musiciens aguerris voire vétérans et non pas des jeunes gens fringants et échevelés lorsqu’on écoute cette composition de haute tenue bien que débordante de juvénilité, avec son chant clair et son approche punk qui en font un tube instantané. Juste placés derrière et également texans les Hoaries ne sont vraiment pas en reste et confirment tout le bien que je pense d’eux grâce à un Ritualized Cloning comme à leur habitude un peu étrange et subtilement dissonant, ce qui encore une fois fait tout l’intérêt de leur musique. Malgré la forte concurrence en présence Hoaries s’imposent immédiatement comme le meilleur groupe de Hot Rock Action 2020 et plus je les écoute plus j’ai hâte qu’ils nous sortent un véritable album.
On retourne le disque. La face B démarre avec les Sinking Suns (du Wisconsin, j’aime toujours autant la géographie) que l’on ne devrait plus présenter et qui avaient littéralement enthousiasmé les foules en délire grâce à Bad Vibes, un deuxième (troisième ?) album qui depuis sa parution en 2018 a provoqué quelques dégâts irrémédiables et rabattu le caquet des amateurs de pseudo noise fleurie et divertissante en quête de toujours plus de bonheur. Happy Hauting Ground est dans la même lignée que Bad Vibes, celle d’un noise-rock touffu, charpenté et accrocheur. En gros de la vraie bonne tradition toujours aussi satisfaisante et qui fait toujours autant envie, définitivement bien loin du bonheur dégueulasse mentionné ci dessus. Tout aussi traditionaliste Super Thief se fend d’un Worm In The Pill Bag typique des années AmRep et qui ne décevra pas non plus celles et ceux qui avaient découvert le groupe via son CD/compilation Rep 132. Les texans – as-tu remarqué que trois des quatre formations présentes sur Hot Rock Action 2020 sont originaires de cet état particulièrement riche en groupes improbables et désordonnés ? – clôturent ainsi un disque offrant un excellent panorama de la chose, avec une face A un brin plus arty et une face B une chouille plus classique. Mais dans tous les cas il n’y a strictement rien à jeter ici.

[Hot Rock Action 2020 est publié en vinyle vert et à 300 exemplaires par Reptilian records]

mercredi 10 juin 2020

Gouge Away / Consider b/w Wave Of Mutilation






Il y a des disques qui se bonifient grandement avec le temps et Burnt Sugar de Gouge Away est de ceux-là. En relisant la chronique que je lui ai consacré il y a un an et demi je me suis rendu compte que – comme d’habitude – elle est beaucoup trop longue, qu’elle s’étale pour ne rien dire et que cet album tout nerveux et tout à vif aurait largement mérité une chronique express d’une phrase ou deux seulement, une centaine de mots amplement suffisants pour vanter tous les mérites d’un bon petit disque. Ah oui : je n’ai pas fait que me replonger dans la dite chronique, j’ai aussi scrupuleusement réécouté Burnt Sugar… autant de conscience et d’application puisque les cinq GOUGE AWAY sont de retour avec un nouveau disque, cette fois un 45 tours dont les deux faces sont inédites.
Ce n’est pas souvent que je m’intéresse de près à un single parce que leurs prix sont de plus en plus élevés ; c’est un phénomène touchant l’ensemble de l’édition phonographique professionnelle suite à l’effet de mode de ces dernières années autour du vinyle et du au fait que les majors de l’industrie du disque se sont aperçues qu’il y avait là à nouveau un gros filon bien juteux – la conséquence est que le prix moyen de la galette de 7’ augmente toujours plus et que je n’en achète presque plus. Consider b/w Wave Of Mutilation n’échappe pas à la règle inflationniste : le label Deathwish le vend à un prix qui donne mal au ventre même si je dois reconnaitre que question présentation l’objet a de la gueule avec son vinyle de couleur (jaune ou transparent), sa pochette cartonnée épaisse, sa pochette intérieure soignée avec photo du groupe, paroles et notes, ce qui est extrêmement rare pour un 45 tours.
Trêve de polémiques**. Consider représente la face mid-tempo de Gouge Away, une composition tenace et épaisse servie par deux guitares vrillées et une rythmique bien posée offrant une voie royale au chant hurlé de la chanteuse Christina Michelle. C’est simple, c’est efficace, c’est réussi mais ce n’est pas tout. Sur sa dernière minute le rythme de Consider s’en va en ralentissant, les guitares s’estompent un peu, la rythmique s’allège et le screamo light du groupe laisse la place à quelque chose de plus évanescent voire de plus vaporeux, le chant suivant le mouvement en se muant en vocalises aériennes de plus en plus lointaines. Voilà donc ce à quoi peut ressembler Gouge Away lorsque le groupe décide de devenir un peu plus mystérieux, ou plutôt un peu plus étrange. Si ce final en courant d’air te fait un peu penser aux défunts Pixies* et bien saches que je suis de ton avis…
… Mais s’appeler Gouge Away est une chose. Reprendre une composition du groupe de Black Francis et de Kim Deal en est une autre. Les intentions sont peut-être bonnes mais il faut bien avouer que la version sans esprit ni âme de Wave Of Mutilation des Pixies qui occupe la face B de ce single est dispensable. Oser s’attaquer à un tel monument est certes culotté mais cela ne suffit pas. Finalement c’est lorsque Gouge Away glisse des petits bouts de lutins joyeux au milieu de son merdier énervé – comme ce qu’il fait sur le final de Consider, donc – qu’il rend le meilleur hommage possible au groupe qui a composé et écrit la chanson dont Gouge Away a tiré son nom. Et ouais.

* oui « défunts », parce que les Pixies actuels et sous perfusion ne sont qu’une ignoble farce
** pour nuancer : les bénéfices tirés de la vente de Consider seront reversés au Rescue International Committee en aide aux réfugiés et aux migrants

mercredi 6 novembre 2019

Child Bite / Brain Tentacles - split





Publié par le label Learning Curve à l’occasion d’une tournée commune entre Child Bite et Brain Tentacles – en fait seulement cinq dates effectuées début septembre 2019 et quelques zigzags entre Chicago et Cincinnati, wow – ce petit 45 tours vaut tout d’abord pour sa présentation : une pochette conçue, imprimée et assemblée à la main par deux membres de Child Bite avec une découpe laissant apparaitre une partie de l’insert imprimé en argenté ; le vinyle en lui-même est transparent et tout ça a vraiment de la gueule. Chaque groupe présente un titre réputé inédit (pour l’instant).

Coté Child Bite on ne s’est malgré tout pas spécialement foulé. Nerve Quake est une composition signée Stu Spasm, autrement dit il s’agit d’une reprise des aussi infâmes que géniaux australiens Lubrificated Goat, un titre bien bouseux ici en version plutôt accélérée puisque Child Bite la raccourcit de pas moins d’une minute sans pour autant rajouter une once de folie ou de saleté à la version originale… La discographie de Child Bite est aussi étonnante que l’évolution du groupe. Pour ma part j’ai un peu décroché après les deux 10’ Monomania (2012) et Visions Crime (2013) chez Joyful Noise recordings et plus tard compilés sur un même album. Il est parfois difficile de croire que c’est bien le même groupe qui a sorti Wild Feast en 2006 et Negative Noise en 2016*. La musique des quatre de Detroit, à ses débuts sorte de version énervée de Père Ubu, s’est peu à peu muée en hardcore noiseux certes alambiqué mais moins pertinent – pendant ce temps là le chanteur Shawn Knight (et je crois seul membre permanent) est passé petit à petit d’une imitation assez convaincante de David Thomas à celle plus forcée d’un Jello Biafra vieillissant. Peut-être que je changerai d’avis avec le nouvel album que Child Bite s’apprête à publier sur Housecore records : il s’intitule Blow Off The Omens et s’annonce encore plus énervé, plus massif et plus lourd que tous ses prédécesseurs réunis. Gloups.

La seule chose dont je suis certain à propos de Blow Off The Omens est qu’il comporte quelques invités de marque et que parmi ceux-ci figure le chanteur et saxophoniste Bruce Lamont que l’on retrouve, attention suspens insoutenable, dans Brain Tentacles qui occupe donc l’autre face de ce 7’. Le line-up du groupe est complété par rien de moins qu’Aaron Dallison (de Keelhaul !) à la basse et Dave Witte (Discordance Axis, Burnt By The Sun, Melt Banana, Atomsmasher, Municipal Waste et tant d’autres…) à la batterie, oui ce type est aussi incroyable que sa discographie est pléthorique. Mais revenons à ce split : Yes, la contribution de Brain Tentacles n’est absolument pas une reprise de qui vous savez mais bien une composition originale. On y retrouve le mélange si particulier du trio excluant toute trace de guitare saturée ou non et basé sur une rythmique à la fois complètement folle et ultra puissante – on s’en serait douté. Comme j’aime bien les raccourcis stupides et limitatifs – de toute façon je te rappelle que présentement tu es en train de perdre ton temps sur les internets pour y lire une chronique de disque – j’affirmerais que Brain Tentacles est une sorte de Blurt en version hardcore métallisé mais avec un sens mélodique à la limite du simplisme et que Bruce Lamont est très bon dans son rôle de Ted Milton croisé Glenn Danzig sous champignons. Moi je suis fan et puis l’automne c’est la saison des champignons, non ? Je me prends à espérer qu’un jour Brain Tentacles donnera une suite à son seul et unique album sans titre publié en 2016 même si j’ai beaucoup plus de chance de déguster bientôt une bonne fricassée de girolles que de voir mon souhait se réaliser. Yes se veut à la fois rassurant sur la bonne santé de Brain Tentacles mais reste totalement frustrant. Trop bon mais trop court.

[ce très joli split 7' pour collectionneurs et fétichistes est publié à 500 exemplaires par Learning Curve records]

* je trouve assez symptomatique que le b*ndc*mp de Child Bite ne remonte pas au delà de l’année 2012, occultant ainsi les trois premiers albums du groupe…

mercredi 23 octobre 2019

MooM - God's America / split





Cette fois ci je m’y colle sans hésiter une seule seconde. Je vais te parler de MooM, un groupe de fastcore (c’est ainsi qu’en causent les connaisseurs pour de vrai) récemment vu ou plus exactement découvert lors d’un concert mémorable – ça veut dire que je m’en souviens encore très bien. Le meilleur groupe de la soirée, c’était eux, les quatre MooM, en provenance directe de Tel Aviv / Israël et ce jour là je n’ai eu d’yeux et d’oreilles que pour leur musique ultra rapide, ultra énervée, ultra massive mais ultra digeste – ça c’est important à mon âge – balancée à la face d’un public qui n’en demandait pas tant, avec un naturel, une aisance, une simplicité et une vérité qui se font tellement rares que j’ai tout d’abord eu du mal à y croire avant de me laisser submerger par toute cette classe incroyable. Je ne vais pas trop de raconter ma petite vie ni épiloguer là dessus mais en sortant de ce concert j’ai aussitôt acheté les trois 7’ que le groupe a sortis jusqu’à maintenant et après j’ai eu doit à quinze mille mercis de la part du guitariste qui n’arrêtait pas de vouloir me serrer la main en me disant « thanks for coming » – oh les gens se serait plutôt à moi de vous remercier, hein. A toutes les qualités musicales de MooM je rajouterais donc celles-ci, humaines : l’humilité et la gentillesse, alors prenez-en donc de la graine, bande d’adeptes d’un hardcore tatoué et viriliste de mes deux.

Mais parlons un peu de ce split single qui est le dernier disque en date publié par MooM. Et commençons par l’autre groupe qui partage ce disque : les God’s America qui eux viennent de Las Vegas / Nevada. Une formation avec déjà une bonne petite discographie derrière lui, dont nombre de splits (il y en a même un avec Sept Star Sete !). Ces mecs ne font guère dans la dentelle avec un mélange de powerviolence pachydermique (encore du vocabulaire de connaisseurs) et de grind turbopropulsé (sic) joué bien sauvagement et avec un son bien crade et bien épais. Le genre de groupe que je préférais voir un jour en concert mais les cinq titres proposés ici par God’s America – dont un seulement arrive à dépasser la minute – sont des plus convaincants. En plus je pressens fortement dans ce nom de God’s America comme un sens mordant de l’ironie politique qui ne peut également que me plaire (vocabulaire de gauchiste).

Repassons donc au cas de MooM. Je ne vais pas me la jouer fine bouche – enfin, si. Les compositions du groupe ont beau être très courtes elles sont extrêmement structurées tout en coulant naturellement de source. S’en suit un déluge complètement dingue de fastcore (ho ho ho !) particulièrement bien en place, d’un éclat submergeant et d’une fraîcheur indéniable. Ajoutez quelques parties lentes et lourdes qui collent au cerveau, agitez dans tous les sens et vous obtenez quatre compositions explosives
Outre la section rythmique aussi rapide que précise, le chant féminin ultra vénère est l’une des principales qualités de MooM mais que dire de cette guitare qui aligne sans faiblir des riffs torturés voire vicieux avec une aisance confondante ? Lorsqu’on écoute tous les disques de MooM à la suite on se rend parfaitement compte de la progression du groupe (qui me semble t-il a déjà cinq années d’existence) mais c’est la trajectoire de la guitare qui impressionne le plus. Le monstrueux Third EP (publié l’année dernière, déjà par Lixiviat records en compagnie de quelques autres labels obscurantistes) marquait un pallier important. Ce nouveau témoignage de la furie vivifiante de MooM est encore meilleur. Je me demande bien ce que le groupe va pouvoir nous sortir la prochaine fois. Mais j’ai entièrement confiance en ces quatre jeunes gens et j’attends ça avec impatience.

[ce split 7’ est édité en vinyle blanc ou en vinyle noir et à 500 exemplaires par Here And Now !, Lixiviat records et N.I.C.]

dimanche 13 octobre 2019

Comme à la radio : Batpiss






Génial trio de Melbourne déjà responsable de trois albums dont un LP intitulé Rest In Piss – quelle poésie – et indispensable à toute amoureuse et tout amoureux de punk noise australien, BATPISS sort un nouveau single et alors je n’ai plus qu’une seule idée en tête : me le procurer de toute urgence.

Mais l’Australie c’est vraiment trop loin… A moins de n’en avoir rien à faire de payer des frais de port démentiels ou à moins de faire des commandes groupées de disques – et donc d’avoir beaucoup d’ami.e.s qui en plus partagent mes goûts musicaux urophiles –, il me faut bien admettre que ce n’est pas demain la veille que j’arriverai à mettre la main sur une copie de ce Nothing b​/w A Veteran Of Nonsense. Ce qui n’est absolument pas la faute du label Poison City.  





Nothing tout comme sa face B A Veteran Of Nonsense sont les deux nouveaux témoignages de l’immense valeur de Batpiss après un changement radical de line-up puisque le guitariste et le batteur originels du groupe sont partis... 
 
... Et on note malgré tout ici une petite baisse de régime. Ne vous méprenez pas, tout ceci reste excellent mais avec Nothing les trois Batpiss tournent légèrement le dos à la noirceur un brin torturée de Rest In Piss. Un état d’esprit que l’on retrouve cependant un peu plus et avec bonheur (si je puis dire) sur A Veteran Of Nonsense et sa ligne de basse complètement omniprésente, ce qui me rassure sur la teneur d’un éventuel nouvel album du groupe. En attendant je remercie donc vivement les internets de me permettre d’écouter ce chouette single gratuitement et de me faire ainsi économiser de l’argent.


vendredi 4 octobre 2019

Grizzlor / Coolness Factor 6


GRIZZLOR me semble être l’un des groupes à la fois parmi les plus débiles* et parmi les plus ironiques de moment, sorte de pendant noise rock obsédé par les Melvins et sous amphétamines d’un Oozing Wound avec lequel le trio de New Haven / Connecticut partage plus d’un point commun, à commencer par un sens aigu du cynisme. Et ce n’est pas son nouveau disque, un EP de quatre titres intitulé Coolness Factor 6 qui me contredira : Grizzlor y est plus mordant et plus saignant que jamais.
Il convient déjà de s’arrêter quelques instants sur cette magnifique illustration de pochette qui reprend l’un des thèmes favoris des artworks du groupe, la science fiction déglinguée de série Z. Signée God-Awful on y découvre des astronautes atomisés par je ne sais quel rayon de la mort tandis que leur vaisseau spatial est attaqué par une bande d’aliens mi-poulpoïdes mi-calamars géants. C’est du grand art. Et puisque la pochette du disque se déplie la grosse rigolade graphique continue à l’intérieur mais en version noir et blanc ; ce qui permet au passage de se pencher également sur les paroles de The Take Off, Warp Speed, Extraterrestrial Space Fight et Space Nuke qui se suivent et racontent l’histoire d’une mission spatiale qui atterrit sur la planète Coolness Factor 6 avant d’affronter des aliens sanguinaires, évidemment tout ceci se termine en boucherie thermonucléaire. Coolness Factor 6 est donc un disque concept et plutôt récréatif voire complètement crétin, qui s’éloigne de la noirceur grinçante et désabusée des disques précédents de Grizzlor tout en conservant un certain nihilisme. 




Il y avait jusqu’ici deux constantes dans la musique du trio. La première : jouer des morceaux courts voire ultras courts et ce quel que soit le tempo emprunté. La seconde : alterner entre des compositions très lentes et très massives qui lorgnent (donc) du côté des Melvins et des compositions ultra speed et débilos – les premières restant cependant largement majoritaires. Bon, OK, il y a une troisième constante : le chant nasillard et énervant noyé sous une réverb dégueulasse. Quoi qu’il en soit Grizzlor n’a jamais su choisir entre la rapidité et la lenteur et cela lui a plutôt bien réussi même si le groupe me parait moins à l’aise sur la longueur d’un album entier – Grizzlor n’en a pour l’instant publié qu’un seul en 2017 : Destructoid – que sur single ou sur EP.
Avec Coolness Factor 6 Grizzlor reste toujours dans le domaine de la brièveté mais opte systématiquement pour la grosse cavalcade spatio-temporelle. Les quatre titres du 7’ rivalisent de rapidité et de fulgurance avec c’est vrai quelques petites nuances : The Take Off et Warp Speed possèdent un petit côté surf (écoutez la guitare lorsqu’elle part en solo) tandis que Extraterrestrial Space Fight lorgne vraiment du côté d’Oozing Wound, mais en plus noise hardcore (Space Nuke suit le même chemin tout en reprenant le côté surf sur sa fin). Grizzlor se révèle sans pitié et sanguinaire et confirme en même temps qu
’un 7’ est ce qui convient le mieux au groupe pour déverser son chaos grand-guignolesque dans nos petites oreilles avides de sensations fortes. Conclusion : rire et se faire mal en même temps, c’est tout à fait possible.

[Coolness Factor 6 tourne en 45 tours et est publié en vinyle noir et orange par Learning Curve records et Hermit Cave records qui est le propre label de Grizzlor]

* le nom du groupe semble emprunté à un personnage de la série Masters Of The Universe / Les Maitres de l’Univers qui parait-il faisait fureur dans les années 80 et 90 mais je n’en sais absolument rien, j’étais déjà trop vieux

lundi 23 septembre 2019

Hey Colossus : Carcass b/w Medal






Il y a des disques qui vieillissent rapidement, non pas qu’ils tombent en lambeaux aussitôt après les avoir écoutés, pour cause de mémoire sélective saturée de flux d’informations et de streaming réducteur, mais qui au contraire vieillissent étonnement bien : Four Bibles de Hey Colossus est de ceux-là. Malgré tous ses défauts et toutes ses défaillances, cet énième disque des anglais s’est peu à peu imposé et lorsque je le réécoute aujourd’hui, je me rends compte que je continue de l’apprécier de plus en plus – au contraire de son prédécesseur The Guillotine qui malgré quelques compositions époustouflantes reste un disque faiblard et incomplet.
Il y a bien une raison pour laquelle j’ai récemment encore réécouté Four Bibles : en plein milieu de l’été
HEY COLOSSUS a publié un single. Un vrai, qui tourne en 45 tours et dont la première face reprend le mega tube Carcass, l’un des titres phares de Four Bibles. Le label Alter records présente ce single comme symptomatique du double visage actuel de Hey Colossus avec une première face hit-paradesque et une seconde bruyante et sans concession. Tout ceci est à la fois entièrement vrai et complètement faux.

Les vieux nostalgiques de l’époque bourrinage ou droguée de Hey Colossus devront se faire une raison. Le groupe a définitivement changé, même s’il garde toujours une formidable capacité de puissance de feu que désormais il préfère mettre au service de chansons toujours plus mélodiques et accrocheuses. Ce qui n’empêche pas Hey Colossus de se retrouver constamment sur la corde raide, penchant alternativement du coté sombre et cynique puis du côté plus éclairé de sa musique. Carcass est une composition pop tellement parfaite qu’elle devrait passer régulièrement sur toutes les radios hertziennes et du web et alimenter les jukebox des bistros et des pubs du monde entier. J’oserai même affirmer que Carcass possède un côté hymne de stade, c’est une chanson que l’on a volontiers envie de reprendre en chœur et qui fait se rapprocher Hey Colossus des terrains de jeux d’un Total Victory (les experts anglais en matière d’hymnes fédérateurs dénués de toute démagogie commerciale). Autant de classe dans le rutilant et le précieux, voilà une réussite pour tous qui tient réellement du miraculeux.

La face B de ce single n’est cependant pas à la hauteur. Oubliez le côté supposément barouffeur de Medal vanté par le label dans son speech publicitaire, il y a des compositions bien plus trépidantes et plus virulentes que ça sur Four Bibles (Memory Gore ou Palm Hex / Arndale Chins par exemple). Non, sans être non plus complètement indigent, Medal n’est qu’un titre fond de tiroir qui effectivement ne méritait pas de figurer sur l’album. Sa place était logiquement en face B d’un tube mais il est également amusant de remarquer que stylistiquement Medal possède beaucoup de points en commun avec la musique d’Henry Blacker, soit le side-project de certains membres de Hey Colossus (et dont je suis pourtant fan). Je serais même extrêmement curieux de savoir ce que Tim Farthing et Joe Thompson – pour ne pas les nommer – auraient donné comme interprétation de ce titre avec leur autre groupe. En attendant le principal mérite de Carcass b/w Medal est d’avoir fait remonter une nouvelle fois Hey Colossus et son Four Bibles au sommet de la pile de disques à écouter et réécouter encore (mais aussi dans mon classement personnel des disques de l’année 2019). 

ps : j’aime beaucoup la photo en concert de la pochette, sacré Paul Sykes, et elle est signée Ed Overdrive

[Carcass b/w Medal est publié en 7’ par Alter records]

jeudi 30 mai 2019

The Feral Young / I Haven't Seen Myself In A While





Ce n’est pas tout le jour que l’on peut mettre la main sur un 7’ de la qualité de I Haven’t Seen Myself In A While : première publication officielle de THE FERAL YOUNG, cet EP est une vraie révélation. Une révélation non pas pour ce que les trois titres du disque apportent à la musique en général – l’histoire du noise-rock, puisque c’est de cela dont il s’agit, est écrite et réécrite depuis des lustres – mais parce que The Feral Young s’y impose d’ores et déjà comme un futur grand groupe du genre. Je ne sais pas trop ce qui traine dans l’atmosphère du côté de Turku (c’est en Finlande, au bord de la mer Baltique face à la Suède et ça a juste l’air magnifique) mais après les grands frères de Throat on peut dire qu’il se passe quelque chose de sérieux par là bas.

La première face comporte deux titres. The Beat est lourd et lent, la première guitare est très épaisse, la seconde plus acide, la basse est (évidemment) énorme et grasse, la batterie bien appuyée : The Beat est un court hymne à la gloire du plomb en fusion. Mais ce qui se remarque le plus c’est le chant d’écorché braillard, cette voix constamment dans le rouge, les cordes vocales qui surchauffent et un timbre qui se démarque du commun. Contrairement à beaucoup de groupes qui traitent l’importance du chant à la légère, The Feral Young en fait l’un de ses arguments principaux et sa tête de pont.
The Beat se termine à peine que débaroule Amnesia Alibi. Presque trois minutes d’
attaques frontales, la musique qui s’accélère, les guitares qui s’affutent mais l’épaisseur qui est toujours là et Amnesia Alibi se révèle être une machine encore plus implacable, tempête à la fureur bien calibrée mais qui ne perd jamais rien de son efficacité fougueuse… Arrivé à ce point du disque, je n’aurais rien trouvé à redire si The Feral Young en était resté là et je me serais satisfait des seuls The Beat et Amnesia Alibi qui après tout auraient constitué un single plus qu’honnête. Seulement voilà, pour l’instant je n’ai parlé que de la première face et le meilleur reste encore à venir.

La vraie révélation – pour employer le même terme – se trouve ainsi sur la face B et donne son nom au disque : I Haven’t Seen Myself In A While est plus qu’un coup d’éclat de la part de The Feral Young, il s’agit d’une véritable leçon, une bonne raclée. Le titre et les paroles de cette troisième composition me semblent complètement obscurs (même lorsqu’on se fait aider de la vidéo et de ses montages psycho-pop semble t-il conçus par le chanteur) mais il ne fait aucun doute que la tonalité générale est du côté de l’ombre et du trouble. Ce que retranscrit parfaitement la musique qui ici emploie la toujours très efficace méthode de l’alternance du chaud et du froid (ou du calme et du furieux, si tu préfères). Le chant suit cette même logique, d’abord plus nuancé mais toujours aussi prenant puis retombant dans les affres de la vocifération à vif. I Haven’t Seen Myself In A While est de ces compositions que l’on peut considérer comme parfaite.
The Feral Young – traduction : le jeune sauvage – porte bien son nom. Mais comme cela ne semblait pas suffire le groupe se définit lui-même comme « four mental cases make noises that one could say is music »… je ne saurais dire mieux et je guette un prochain 7’ ou pourquoi pas carrément un album en espérant qu’il se révélera aussi bon que ce premier essai plus que prometteur.

[I Haven’t Seen Myself In A While est publié par Kaos Kontrol, label et distro tenue par l’un des petits gars de Throat, justement]