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dimanche 29 janvier 2023

[chronique express] Krause : The Art Of Fatigue



 


Originaire d’Athènes et découvert grâce au label Riot Season qui avait eu la très bonne idée de publier ses tout premiers enregistrements, KRAUSE est un groupe qui n’a jamais fait dans la dentelle et le raffinement. Une nouvelle maison de disque, donc, depuis 2022 avec Venerate Industries, un single pétaradant en février dernier et maintenant The Art Of Fatigue, un troisième album porteur de peu de changement : chez Krause on aime le noise-rock à la fois véloce et épais, gras et alerte, bruyant et mélodique, lourd et tourbillonnant, nervuré et palpitant. Une musique coincée dans un sandwich grec entre les inévitables Unsane et les géniaux Hammerhead. Ouais, toujours les mêmes. Sauf que Krause est un groupe encore jeune et débordant de sève, très convaincant malgré son manque d’originalité et il fait preuve d’une fougue comme d’une violence implacables. On relèvera uniquement quelques traces fantaisistes au niveau de cette pochette tout aussi colorée et psyché-déviante que d’habitude ou des titres des onze compositions, loufoques voire sibyllins (parmi tant d’autres : Ceremonial Aspects of Everyday Bloodbaths ou The Things I Love Affront Me With The Effort It Takes To Love Them – j’en rigole encore). Autant d’absurdité dans un écrin noise aussi parfait que traditionnaliste, autant de fureur pour s’exprimer, autant d’électricité pour faire le mal, je ne peux être que d’accord, à genoux mais pas fatigué.


vendredi 27 janvier 2023

[chronique express] Catorcio : self titled

 


L’une des bonnes surprises du moment nous vient d’Italie et plus précisément de Bologne : CATORCIO c’est quatre musiciens – chant, guitare, basse et batterie – qui mélangent avec bonheur et jubilation noise-rock et math-rock. Encore ? me diras-tu et là je te répondrai que l’on n’a pas affaire à une énième resucée de recettes usées jusqu’à la corde. Ce qui me parait essentiel dans la musique du groupe c’est qu’il ne se contente pas de jouer des trucs niqués et alambiqués mais qu’il passe une bonne partie de son temps à tout dégueulasser. La voix en est le meilleur exemple, bel organe rauque et grave qui glaviotte avec délectation ou susurre des postillons psychotiques. La basse virevolte mais elle fait aussi appel à ce bon gros son boueux, essentiel à tout groupe de noise qui se respecte. La guitare aime racler là où ça fait mal et nous enfoncer des clous entre les cervicales. La batterie réussit à être à la fois massive et inattendue. Maintenant, faisons un peu de géométrie : tu traces un triangle équilatéral et à chacun de ses sommets tu places (dans l’ordre que tu veux) Hoaries, Killdozer et The Conformists. Puis tu traces trois droites reliant de façon perpendiculaire chaque sommet avec son côté opposé. Tu remarqueras qu’elles se croisent en un seul et unique point, au milieu de triangle : c’est précisément là où se situe Catorcio, percheron roublard, bordélique mais extrêmement sympathique, toujours en train d’essayer de courir à reculons lorsqu’il ne rue pas dans les brancards pour nous fracasser le crane.


mercredi 25 janvier 2023

Still/Form : From The Rot Is A Gift

 



Il y a plus d’un parti pris dans la musique de STILL/FORM mais celui qui pourrait déranger le plus, au risque peut-être de faire fuir certaines personnes pourtant pleines de bonne volonté, c’est celui du chant. Un chant curieusement rauque ou plutôt enroué et presque en retrait, trainant, rugueux à rebours, jamais excessif, se gardant bien de toute braillardise, de tout débordement, de tout épanchement de testostérone. Un chant s’empêchant volontairement de crier à s’en faire péter les amygdales ou le cortex cérébral et qui fait pour beaucoup dans l’originalité d’une formation que, sinon, on rangerait sans discussion possible dans la catégorie des groupes de noise-rock bon teint. Mais ici le teint est blafard : Still/Form et en particulier son guitariste/chanteur Robert Comitz – ex-Marriage + Cancer, que je n’ai jamais écouté* – aiment brouiller les pistes. Faire du bruit avec des guitares, ça d’accord. Blinder ses parties rythmiques, pareil. Composer des brûlots éventuellement alambiqués ou torturés, également. Mais il y a autre chose, donc.
Une fois que l’on a accepté ce chant, une fois qu’on appris à l’aimer, on ne peut plus s’en passer et tout coule de source – il devient impossible de résister aux fulgurances cérusées de From The Rot Is A Gift.
Still/Form y déploie un talent incomparable, provoquant brulures persistantes et contusions, se montrant intraitable sans en avoir l’air, solide comme un rock et aiguisé, dans une veine noise-rock alambiqué juste ce qu’il faut, héritier d’une violence torturée, chargé d’un malaise certain, d’une tension toujours palpable et sans rémission possible. Il y aurait presque – j’ai dit presque – du Dazzling Killmen là dedans, dans ce mode opératoire consistant à faire grimper la température et accélérer la machine à tourments mais, c’est toute la différence et elle est de taille, se gardant de toute explosion finale et définitive. Pas de hara-kiri émotionnel et destructeur. Tout est dans cette rétention quasi prophylactique incarnée par le chant de Comitz, un chant qui n’a rien non plus de plaintif bien que visiblement désespéré, lugubre à force de mystère, étrangement magnétique.
Une autre caractéristique de la musique de
Still/Form, c’est la guitare de ce même Robert Comitz qui peut prendre des chemins particulièrement inattendus. Sur Dead Check et plus encore sur Pigs End (mais il y a d’autres exemples) on peut légitimement se demander quels genres de pédales d’effet le musicien utilise pour faire sonner son instrument comme… une guitar-synth ? un four à micro-ondes couplé à un couteau à viande électrique ? Un truc pas spécialement recommandable en fait, quelque chose de non seulement déroutant mais que dans un tout autre contexte – i.e. un style de musique différent et basé, au hasard, sur l’enfilage à rallonges de perles progressives – on aurait volontiers rejeté en bloc. Mais, cette fois encore, cela fonctionne, parce que le résultat en devient plus interpellant que déstabilisant. Et malgré tout dangereux. From The Rot Is A Gift ressemble souvent à ces serpents du désert qui s’enfouissent volontairement sous le sable, ne laissant dépasser qu’un petit bout de tête et leurs crocs chargés de venin, attendant que quelqu’un leur marche malencontreusement dessus pour le mordre. L’un des disques les plus étonnants et les plus originaux de l’année 2022.

[
From The Rot Is A Gift est publié en vinyle et en CD par Hex records]

* maintenant c’est fait


dimanche 15 janvier 2023

Comme à la radio : Blacklisters

 




BLKLSTRS
 ? Oui, Blacklisters : il aura fallu attendre un peu plus de deux années pour que les Anglais sortent enfin de leur silence et fassent à nouveau parler d’eux… et deux ans c’est beaucoup trop long ! Le nouvel EP du groupe s’intitule Leisure Center, un titre prometteur et particulièrement sarcastique pour un enregistrement jamais avare en grosses déflagrations. Attention.









Quatre titres seulement, une publication uniquement au format cassette (encore cette putain de crise ?) chez Exploding In Sound records mais douze minutes gavées de noise-rock roublard et épais. De l’étourdissement bien gras et visqueux avec une nette tendance aux rythmes ralentis et appuyés. Si on peut encore penser aux Jesus Lizard et autres Pissed Jeans, on trouvera malgré tout que les quatre Blacklisters tirent de mieux en mieux leur épingle du jeu question originalité et qu’ils ne doivent finalement plus grand-chose à personne. Le poisseux leur va si bien. Ainsi le morceau titre qui ouvre le bal se montre particulièrement corrosif et grinçant mais dommage que mon niveau d’Anglais Langue Vivante 1 acquis au milieu des années 80 ne me permette pas de comprendre toute la subtilité acide des paroles du braillard éclairé Billy Mason-Wood. Lequel se paie aussi de luxe de nous surprendre sur un The Wrong Way Home avec ce chant tellement gouailleur qu’il en devient drolatique.

Pourtant la principale singularité de Leisure Center réside dans la présence d’un saxophone perturbateur sur la moitié des compositions. Parfois facétieux (la toute fin de Why Deny ?, une véritable pépite), souvent free et même bruyant, Rob Mitchell – un musicien au pedigree totalement inconnu des services d’Instant Bullshit – donne un sacré coup de fouet à la musique de Blacklisters. En bon adorateur éternellement à genoux de Fun House, voilà une caractéristique qui ne pouvait que me convaincre et me plaire.
Pour le reste, on reste évidemment en terrain connu mais on saluera l’excellence traditionnaliste d’un groupe qui connait les règles d’or du noise-rock sur le bout des doigts : guitare acérée coupante et lignes de basse aussi imposantes que possible, etc. Rappelons d’ailleurs que le poste de bassiste est toujours occupé par Steven Hodson, par ailleurs chanteur et guitariste de USA Nails, qui en plus s’est occupé du mix de Leisure Center. Bien lui en a pris et en espérant que ces quatre titres soient surtout les prémices d’un véritable quatrième album.
 


vendredi 30 décembre 2022

Comme à la radio : Less

 



Il est grand temps de parler un peu de LESS dans cette gazette internet. Un trio franchouille à la composition plutôt inhabituelle puisque comprenant deux bassistes (dont un chanteur) et un batteur. Et une musique qui fait plus que lorgner vers le noise-rock. C’est important de le souligner puisque Less reprend à son compte les us et coutumes d’un genre sans trop y ajouter d’autres influences, si ce n’est une bonne grosse dose de punk. Dans ce pays, les quelques rares (et bons) groupes que l’on pourrait qualifier de noise mélangent malgré tout pas mal d’ingrédients extérieurs – on citera Schleu et ses perturbations no wave et jazz core, Membrane qui fait plus que lorgner sur le post hard core ou Fleuves Noirs qui a trop bouffé d’acide. Avec Less, les lignes de basse sont évidemment au centre de la musique, constitutives et typiques de ce son abrasif et viscéral issu des années AmRep. Mais là où le trio a tout bon, c’est qu’il n’oublie pas non plus de placer accroches et rampes de lancement. Derrière le mur du son, le charme vénéneux de l’électricité maltraitée.

Depuis le début de l’année 2022, Less a ainsi inondé le whawhawha de pas moins quatre singles numériques. Le vieux râleur que je suis ne s’empêchera pas de toujours préférer les éditions physiques au streaming ou aux mp3 et consorts mais le fait est que la musique mis en ligne par le groupe vaut complètement le déplacement. Sa toute dernière publication est un deux titres intitulé Trauma et il aurait fait un excellent 7’ parce qu’il s’agit sans aucun doute de la meilleure réalisation du trio à ce jour.







Tu trouves que tout ceci manque de finesse ? Je reconnais que Bad To The Bone est un titre rapide et furieux qui va droit au but sans s’encombrer de complications mais il est surtout très représentatif du noise-punk de Less. La surprise vient juste après, des quelques cinq minutes de Substance et de sa longue première partie lente et poisseuse d’où émerge un chant clair d’abord faussement détaché puis sujet à plus de tension et de perturbations. Une très bonne composition.

Au rayon commérage on signalera également que Less, à l’origine basé du côté d’Annecy, a émigré vers les Pays de Loire. Et que le second bassiste et le batteur ont quitté le groupe mais ont été depuis remplacés, le bassiste/chanteur Romain Frelier-Borda restant le seul membre d’origine du groupe. En espérant que cette relocalisation et ce changement de line-up soient également synonymes d’un nouvel enregistrement et en dur, s’il vous plait (vinyle, cassette ou CD je m’en tape mais démerdez-vous).



mercredi 28 décembre 2022

Multicult & Child Bite : split

 

Annoncé par surprise au début de l’été 2022 par Hex records mais au départ prévu pour une parution aux alentours de 2021, voilà un split 12’ qui réunit Multicult et Child Bite. Deux groupes U.S. qui malheureusement et comme tant d’autres – toujours la faute à la crise sanitaire et à la crise économique – avaient du se faire discrets ces deux dernières années.

On était ainsi sans aucune nouvelle des MULTICULT depuis leur album Simultaneity Now en 2019 et leur excellente participation à la compilation en soutien à Reiner Fronz et Learning Curve records en 2020. Cela fait une excellente raison pour se jeter sur les trois inédits proposés ici. Le noise-rock du groupe de Baltimore a toujours été sec, décharné et anguleux, centré autour des lignes de basse de Rebecca Burchette, cérébral et assez froid aux premiers abords. Avec Extra Spherical View, le plus anecdotique Myriad et Countdown – presque un instrumental parsemé de borborygmes et cris divers – on ne sera pas dépaysé ni déçu : les premières écoutes commencent par une nécessaire phase d’apprivoisement car ici pas d’artifices inutiles, pas de grands gestes démonstratifs ni d’étalage de testostérone mais une musique racée, pensée et qui perdure, assurément. Avec Multicult il ne faut donc jamais hésiter à persister.
On note malgré tout une certaine rigidité générale qui s’explique par le fait que ces trois inédits ont été enregistrés à deux, le guitariste/chanteur Nick Skrobisz s’occupant également de la batterie. Le son n’est pas non plus vraiment à la hauteur – surement un enregistrement maison – mais cela suffira à mon bonheur. Et puisque nous sommes en plein dans la période des vœux, souhaits, bonnes résolutions et autres conneries divinatoires, moi je demande un beau et nouveau disque de Multicult pour 2023. Et pour de vrai.







Dès que résonnent les premières notes de Pass The Glue, il devient évidemment que CHILD BITE est en très grand forme. Je n’ai jamais été réellement convaincu par l’évolution musicale du groupe de Shawn Knight (chant, bidouilles en tous genres et seul membre originel) dont les deux 10’ Monomania (2012) et Vision Crimes (2013) – réunis plus tard sur un seul et même LP – constituent pour moi le sommet du groupe. L’accentuation de plus en plus hardcore et très métallisée de la musique de Child Bite avait abouti à l’album Blow Off The Omens (2019) avec des parties de guitare peu imaginatives et parfois laborieuses en guise de principal défaut. C’est pourtant bien le guitariste Jeremy Waun que l’on entend à nouveau sur ce Pass The Glue, virevoltant et éclairé à la manière d’un East Bay Ray clouté. Un élément qui ajouté au chant très Biafra-ien de Knight renforce plus que jamais les comparaisons entre le groupe de Detroit et les feu Dead Kennedys.
Moins hystérique et plus lent, privilégiant l’épaisseur et la lourdeur, Erect For Dystopia confirme. Entre les deux, Swan Song Of A Boiled Dog, comme souvent doté de paroles complètement barges de la part de Shawn Knight, joue sur les ambiances horrifiques et les contrastes malaisants. Je préfère toujours et encore le Chid Bite d’avant (tant pis si je me sens un peu seul sur ce coup là) mais je dois reconnaitre que ces trois titres me font espérer beaucoup pour la suite : un peu plus de punk, de noise et moins de métallurgie au rabais, s’il vous plait.

Pour les détails techniques, signalons que ce split 12’ tourne en 45 tours, est doté d’un insert, a été pressé en blanc et en vert, chaque version étant tirée à 150 exemplaires numérotés. L’illustration très colorée est signée Nick Skrobisz tandis que Shawn Knight s’est occupé du graphisme. Et, cerise sur le gâteau, la pochette est sérigraphiée.

 

 

vendredi 23 décembre 2022

Nerver : Cash

 





Et le grand gagnant du super concours du meilleur groupe de noise-rock pour l’année 2022 est… Non, je raconte encore n’importe quoi. Ce n’est pas que je n’estime pas le deuxième album de NERVER au plus au point – bien au contraire ! – mais disons que les classements, best of, palmarès, récapitulatifs, prix honorifiques, distributions de médailles et léchages d’égos et de culs parfumés, ça me gonfle toujours autant et même de plus en plus, avec l’âge. Ça va avec ma détestation des gens et du monde, tu me diras. Pourtant Cash est sans aucun doute possible l’album de noise-rock que j’ai le plus écouté cette année, l’album du genre que je retiendrais in fine s’il n’en fallait qu’un seul et alors qu’une fois de plus – quelle période bénie que celle des sursauts de vitalité avant l’ultime  – les bons disques avec des guitares assassines, des rythmiques-pilon et du chant braillard ça n’a pas manqué, au moins de l’autre côté de l’Atlantique Nord. Voilà.
Mais affinons un peu le propos. Nerver n’est pas qu’un groupe de plus qui défouraille et forcera les vieux et irréductibles noiseux à faire illico dans leurs culottes molletonnées. Question violence musicale, lourdeur, électricité, bruit et sauvagerie, le trio* de Kansas City en connait assurément un rayon et sait s’y prendre pour nous étaler sur la gueule son savoir-faire démoniaque et destructeur. Cash est un disque intraitable, lourd, gras, tranchant et, éventuellement, malsain, à la façon dont pouvaient l’être un Unsane au millénaire dernier (tu te rappelles ?). Toujours les mêmes références, je le reconnais bien volontiers, mais je n’en trouverai pas d’autres pour tenter de situer un disque et une musique qui refont l’histoire et remettent les pendules à zéro – tout comme le 7’ de Mirakler récemment évoqué ici et ce n’est sans doute pas pour rien si les deux groupes sont des camarades de label.
Mais il y a un truc vraiment à part du côté de Nerver. L’idée de ne pas toujours tout donner directement et frontalement, de savoir en garder un peu sous le coude, de louvoyer sournoisement, d’ouvrir quelques fenêtres mélodiques pour aérer et faire momentanément disparaitre les odeurs de pieds qui puent (Purgatory en est l’un des meilleurs exemples, de même que toute la fin du morceau-titre, comme une sorte de pied de nez). Derrière la sauvagerie et les bas instincts, Nerver aime se montrer plus indulgent avec nous et pour notre petite santé mentale mais le groupe le fait intelligemment, pas pour s’autoturluter et se faire mousser gratuitement. Pas pour simplement mettre en valeur ses innombrables et essentiels moment de colère noire, mais parce qu’il aime ça, on le sent bien.
Un bon disque de noise-rock en 2022 ce n’est certainement pas une leçon d’originalité ni d’innovation mais une question de sincérité et de vérité, des deux côtés, celui qui donne comme celui qui reçoit. Avec Cash, Nerver a enregistré un disque qui s’élève au dessus des autres parce qu’il ne laisse pas le choix et se montre impératif à force de conviction et de droiture. Ce qui n’est pas donné à tous le monde et en plus je suis persuadé que Evan Little (basse et chant), Jake Melech (guitare) et Mat Shanahan (batterie) sont des petits rigolos voire des vrais déconneurs : on ne peut pas appeler son disque « cash » ni choisir des photos aussi stupides pour son artwork si on n’en est pas un.

[Cash est publié en vinyle et en CD par The Ghost Is Clear – la version cassette est disponible chez Knife Hits]

* la nouvelle est tombée il y a peu : Nerver joue désormais à quatre avec l’adjonction d’un second guitariste…



mercredi 21 décembre 2022

[chronique express] Trigger Cut : Soot



 

Faut surtout pas se laisser faire. Si le troisième album de TRIGGER CUT s’intitule Soot (« suie » en français) c’est parce qu’en 2021 le groupe allemand emmené par le guitariste et chanteur Ralph Scharrschimdt a vu son local de répétition détruit par un incendie. Les instruments de musique et tout le matériel qui n’ont pas été la proie des flammes ont tout simplement été rendus inutilisables par une suie noire et collante, un vrai poison. Si on rajoute un défaut d’assurance, le tableau de la catastrophe devient complet et on a connu des groupes qui se sont séparés pour beaucoup moins que ça. Un peu plus d’une année plus tard, appels aux dons et mobilisation aidant, Trigger Cut nous revient donc. Plus vivant, plus virulent et plus fort que jamais. D’où, sûrement, la symbolique pas très finaude d’un Phoenix sur la pochette du disque. Mais ce n’est pas qu’une image : Soot est un concentré de hargne et de rage électrique propre à ce bon vieux noise-rock strident, tendu du slip à la mode de Chicago et régulièrement éclairé par une pointe d’émophilie post-Dischord, surtout au niveau du chant égosillé. A tout bien y réfléchir, Trigger Cut est l’un des meilleurs représentants en la matière, reprenant de main de maitre une musique irradiante qui m’avait marqué entre toutes dans les 90’s et ce que le groupe fait, souvent il le fait largement mieux que les autres. Je déteste cette expression qui consiste à dire « un mal pour un bien » mais je dois bien avouer malgré tout que Soot est de très loin le meilleur album du groupe. Parce que c’est le plus énervé, le plus débridé, le plus furieux mais aussi le plus mélodique. Fire walk with me. 

 

lundi 12 décembre 2022

Mirakler - Moon Pussy






 

Si tu as raté la tornade TRVSS c’est dommage pour toi parce que le trio n’existe plus vraiment mais il n’y a rien de rédhibitoire non plus à cela. Après deux albums dont un New Distances quasi miraculeux en 2020 puis le départ de la section rythmique du groupe, le guitariste/chanteur Daniel Gene est de retour avec deux nouveaux musiciens et un nouveau de nom : MIRAKLER. Et dans les faits cela ne change pas grand chose. Ou plutôt Mirakler laisse à penser qu’une étape supplémentaire a été franchie avec ce récent single à la pochette aussi inquiétante que réussie (un faux test de Rorschach ou une tête de mort, c’est comme on veut) qui comprend deux titres complètement dingues.
Même les vieux noiseux rétrogrades ou les personnes qui pensent que Chris Spencer et Unsane ont encore deux ou trois truc intéressants à raconter seront scotchés par la violence du trop bien nommé Instant Drugs et de The Shootist, nouveaux maitres-étalons en matière de noise-rock vicieux, sale, méchant et destructeur. Ce n’est même pas la peine de parler de machine à remonter le temps et de voyage dans l’éternité des 90’s, tout ici est parfait, depuis les guitares qui cisaillent constamment de la viande avariée à la rythmique ultra énervée en passant par le chant légèrement trafiqué et définitivement malsain. Instant Drugs / The Shootist est un single incendiaire comme on n’en croise plus tellement, publié conjointement par deux des meilleurs labels US dans le genre, The Ghost Is Clear et Reptilian records.







Toujours chez The Ghost Is Clear, un autre 7’ publié un peu plus tôt dans l’année et dont le premier avantage est de nous donner des nouvelles fraichement réjouissantes de MOON PUSSY (meilleur nom de groupe du monde, selon l’une de mes filles). On avait déjà adoré l’album sans titre publié en 2020 par ce trio originaire du Colorado et on adore tout autant Mediation et Mary Anning, deux nouveaux titres visqueux qui tournent toujours autour des lignes de basse et du chant écorchée de Crissy Cuellar. Le premier est le plus direct et le plus classique mais très efficace tandis que le second rappelle que Moon Pussy excelle particulièrement dans le domaine de la reptation du malsain.
On retourne la galette (en vinyle rose) et, puisqu’il s’agit d’un split, on retrouve Mirakler avec là aussi deux titres. En fait un titre et demi puisque Cotard’s Delusion est un court instrumental qui sert d’introduction à One, une reprise… de Metallica, ce groupe de beaufs qui en 1986 aurait mieux fait de crever en même temps que son bassiste à pattes d’éléphant. Dans mes souvenirs le titre original est une sorte de slow existentialiste, démago et pleurnichard. Ce qu’en fait Mirakler n’a strictement rien à voir, c’est du pur noise-rock mâtiné d’alternance entre passages faussement calmes mais fébriles et épandages vitriolés chargés d’une tension qui laisse systématiquement penser que le pire reste encore à venir. Un titre qui donne furieusement envie d’en écouter beaucoup plus de la part de Mirakler et un split single presque incontournable lui aussi.



mercredi 23 novembre 2022

Oxbow & Peter Brötzmann : An Eternal Reminder Of Not Today - Live at Moers

 

En d’autres temps (et au siècle dernier) j’aurais sûrement payé très cher pour assister au concert qui a abouti à l’enregistrement de An Eternal Reminder Of Not Today : la réunion d’OXBOW et du saxophoniste Peter BRÖTZMANN sur une même scène, celle de l’édition 2018 du Moers Festival, en Allemagne. Inutile cependant de rêver, je n’étais même pas au courant et mon désamour pour Oxbow depuis la parution de l’album Thin Black Duke en 2017 m’aurait certainement dissuadé de parcourir les quelques centaines de kilomètres séparant mon home sweat home de Moers. Mais quand même… l’un des meilleurs – et pendant longtemps mon préféré – groupes américains des années 90 qui joue avec l’un des piliers de la scène free et improvisée européenne des années 60, 70, 80, 90, etc. J’avoue que cela aurait pu avoir de la gueule.
Ce sont les internets qui ont craché le morceau quelques semaines à peine après le concert. Il était facile d’en retrouver l’enregistrement vidéo, en bonne qualité puisque repiqué à une chaine TV culturelle franco-allemande bien connue et je l’avais regardé, mi-sceptique et mi-amusé, entre agacement et fascination. La dite vidéo a rapidement été supprimée en raison d’une réclamation de Nico Werner d’Oxbow pour atteinte à la propriété artistique. Tant pis pour les pirates… Cependant la récente publication sur disque du concert (i.e. l’objet de la présente chronique) est une bonne chose, ne serait-ce que pour pouvoir (ré)écouter sereinement cette musique sans avoir à supporter les images d’un public de jazzophiles concentrés et assis.







An Eternal Reminder Of Not Today - Live at Moers ne présente aucun inédit mais des nouvelles versions de compositions d’Oxbow, piochant dans presque toute la discographie du groupe, exception faite du génial Let Me Be A Woman de 1995, ce que je ne pourrais que regretter, et de The Narcotic Story (2007), ce que je regrette déjà beaucoup moins : The Valley est tiré du premier album Fuck Fest (1989), Angel et Cat And Mouse sont extraits de King Of Jews (1991), Over de Serenade In Red (1996), Skin de An Evil Heat (2002) et malheureusement Thin Black Duke est représenté par trois titres : A Gentleman’s Gentleman, Host et The Finished Line. Mais je ne devrais pas écrire « malheureusement » parce que ces trois compositions sont celles qui ressortent le mieux du traitement à la moulinette freeturée made in Brötzmann, peut-être parce que les versions initiales de 2017 étaient décevantes. En particulier A Gentleman’s Gentleman est très enlevé (malgré des foutues parties de piano !) et rassure sur le fait que An Eternal Reminder Of Not Today ne sera pas entièrement dédié aux tempos lents ou mediums. Quant à The Finished Line il s’agit du meilleur titre du disque.
Et le reste alors ? Difficile de ne pas ressentir un fort sentiment de frustration. Tout est bien en place, tout est parfaitement joué et souvent même des fois un peu trop (les glissandos de Dan Adams sur le manche de sa basse fretless m’insupportent). An Eternal Reminder Of Not Today est un disque confortable à l’artificialité convenue mais plaisante. Et tout le génie de Peter Brötzmann n’y peut rien. Je ne vais pas repartir sur le même refrain, dire qu’Oxbow c’était mieux avant, que le groupe n’a plus rien de dangereux, de méchant, de malsain et de saignant parce qu’après tout c’est bien ce que la bande à Eugene Robinson et Nico Wenner souhaite faire depuis quelques années : du rock de salon, habillés en costards, dépravés avec soin, et que ce qu’ils font, ils le font bien. Juste que cela ne m’intéresse plus du tout. J’ai toujours pensé qu’il fallait que je me méfie d’un groupe très électrique à partir du moment où il commençait à faire des versions acoustiques de ses compositions, exercice qu’Oxbow a pratiqué dès les années 2000. Et comme je suis particulièrement prétentieux, je ne peux qu’affirmer avoir eu raison. J’espère aussi que la prochaine étape ne sera pas avec orchestre philharmonique et chorale de jouvenceaux prépubères.

[An Eternal Reminder Of Not Today - Live At Moers est publié en double vinyle (il y a une version rouge pour les addicts) et en CD par Trost records, maison dont la succursale Cien Fuegos réédite un par un tous les enregistrements historiques de Peter Brötzmann mais aussi nombre de ceux de ses camarades musiciens et amis, de Han Bennink à Sven-Ake Johansson (etc.), des disques que je ne saurais que trop conseiller]

 


mardi 25 octobre 2022

Fantôme Josépha + Sida @Grrrnd Zero [21/10/2022]

 



Grosse surprise du mois avec SIDA de retour après des années de silence et d’inactivité – chacun des membres du groupe s’étant consacré à ses propres projets – pour un concert tendu, sec et méchant à faire trembler Grrrnd Zero et face à un public qui en a même redemandé. Le grand écart par rapport à Fantôme Josépha qui a joué en premier et dans un tout autre registre, bien plus calme et onirique.






























































































mercredi 12 octobre 2022

[chronique express] Sinking Suns : Dark Days

 



Comme les SINKING SUNS sont des joyeux drilles ils ont décidé d’intituler leur nouveau disque Dark Days : question optimisme forcené, joie de vivre et soupe de nouilles lyophilisée cela ne se pose pas vraiment là. Mais, plus sérieusement, qui pourra leur donner tort ? Pas moi, en tous les cas, car musicalement le constat est le même et il sera difficile de contredire un groupe qui plonge tête baissée dans les eaux boueuses, sombres et malsaines héritées de ce que l’underground US des 80’s et 90’s a engendré de meilleur : le troisième album de ces petits gars du Wisconsin perpétue la longue tradition d’un noise-rock toujours puissant mais mélodique et plus d’une fois on pensera aux grands Hammerhead avec, de temps à autre, un je ne sais quoi de swamp californien (notamment certaines parties de guitare qui n’auraient pas été reniées par un East Bay Ray). Là où Bad Vibes (sorti en 2018 et encore un titre d’album top shinny) se montrait presque élégant et racé dans sa colère, Dark Days n’y va pas par quatre chemins, se montre particulièrement intraitable et se révèle être le meilleur disque à ce jour de Sinking Suns grâce à son côté plus sale, plus terrien et plus charbonneux. Ce qui n’exclut pas quelques nuances – Asleep by the Fire et sa séquelle The Invisible Sun, assurément le duo gagnant du disque, option hit-parade – d’autant plus que le bassiste/chanteur Dennis Ponozzo s’est une nouvelle fois collé à l’enregistrement et que ce type s’y connait comme personne pour faire sonner son propre groupe. Rien de tel qu’une rasade de noirceur viscérale fortement dosée pour faire mon bonheur. 

mercredi 21 septembre 2022

Dandaure : Rude Nada


Attention : grand disque. Musiciens d’exception. Frissons garantis. Bonheur absolu.

DANDAURE est un quartet découvert grâce à Franck Gaffer. D’abord avec un premier EP publié en cassette sur son défunt label en 2018 puis lors de la dixième et dernière édition du Gaffer Fest, en septembre 2019. Un split en compagnie de Chamane Chômeur plus tard, les quatre musiciens sont enfin de retour avec un premier album enregistré en décembre 2019 et intitulé Rude Nada. Il aura fallu bien plus d’une année pour que deux des membres du groupe – en l’occurrence Billy Guidoni (batterie) et Fabrizio Bozzi Fenu (guitare) – se retrouvent et procèdent au mix puis au mastering de l’album. Un travail au long cours, les temps sont difficiles pour les musiciens, spécialement pour les plus pointus d’entre eux.
Mais faisons les présentations. Billy a joué dans Costa Fatal (actuellement en hibernation plus que prolongée…) et joue toujours – du moins je l’espère – avec les excellents Emwewme ; il participe à Bruits Confus, émission musicale incontournable et inclassable, tous les quinze jours sur Radio Grenouille à Marseille. Le bassiste Krim Bouslama est un vieux complice puisqu’il est l’autre moitié du duo Costa Fatal et fait aussi partie de l’équipe Bruits Confus. Par contre je ferai moins le malin en ce qui concerne les deux guitaristes de Dandaure. Fabio Cerina a joué dans énormément de groupes dont seul Uncle Faust me dit vaguement quelque chose. Quant à Fabrizio Fenu, c’est l’inconnu total mais il semblerait qu’il est très investi dans les musiques improvisées non idiomatiques. Petit détail géographique, Cerina comme Fenu sont Sardes alors que Bouslama et Guidoni viennent de Marseille.








Rude Nada. Que, selon quelques vagues et médiocres souvenirs de mes cours d’Espagnol au lycée, je traduirai par « rien de grossier ». Rien de présomptueux non plus dans ce titre. S’il faut opposer simplisme, balourdise, vulgarité et inélégance à finesse, distinction et exigence alors les quatre musiciens ont parfaitement eu raison de choisir un tel nom d’album. Parce qu’il définit parfaitement leur musique, son inventivité permanente, sa richesse et sa profondeur, son esprit aventureux.
Résumer un disque aussi court – beaucoup trop court diront peut-être certain·es – est cependant difficile. Dandaure se présente comme une formation aux horizons multiples, fouinant dans le bruitisme des guitares, alliant blues déconstruit et abstrait, taquinant la freeture, frôlant les excès de la no-wave, aimant les dissonances, les suites d’accords bizarres, les mesures avec des chiffres à virgule (je sais que cela n’existe pas mais tu comprends le principe, non ?), le psychédélisme voyageur, les paysages désertiques... et le groupe d’inventer, semble-t-il spontanément ou en tous les cas d’une manière qui sonne spontanée et sans entraves ni travail d’écriture formelle en amont, une musique rayonnant d’intelligence.
Beaucoup d’intelligence, même. Mais rien non plus de maniéré, d’orgueilleux ou de vaniteux : Dandaure, bien qu’étant composé de musiciens aguerris, imaginatifs, sans peur et sans reproches, n’est pas un groupe élitiste et cérébral s’adressant à un parterre de connaisseurs ne jouissant de la musique qu’avec leur tête. Au contraire, si Dandaure est un groupe ambitieux c’est avant tout par générosité et par sensibilité. Son free noise – appellation du coup un peu courte sur pattes mais bien pratique – est aussi alambiqué et exigeant que lisible, aussi abrupt qu’altruiste, aussi réfléchi que bouillonnant et incandescent, exploratoire mais jamais en vain, épidermique et parfois hallucinatoire, mutant mais limpide et lumineux. Avec en ligne de mire cette volonté authentique de nous prendre par la main, de nous embrasser, nous enflammer, nous enlever, la tête qui tourne et le cœur qui s’emballe, qui s'apaise, plus loin, plus fort. Tout sourire.

[Rude Nada est publié en CD uniquement – pour l’instant ? – par Araki records ; son artwork est signé Federico Orrù et je l’aime beaucoup, dommage que l’on ne puisse pas l’admirer sur une pochette de disque vinyle]




lundi 12 septembre 2022

[Chronique express] Chat Pile : God's Country




C’est peut dire que j’attendais le deuxième LP de CHAT PILE avec impatience. Le premier était une compilation de deux EP mais se tenait parfaitement de bout en bout, au point d’être l’un de mes disques préférés de l’année 2020. La suite est encore meilleure et un peu différente. Massif, monolithique, caréné à la crasse, laissant moins libre cours au désordre suintant qui hantait les disques précédents, moins organique, définitivement psychopathe et vicieux mais surtout désespérant, cérébral et anxiogène comme jamais, God’s Country fait tout pour nous enlever toute joie de vivre. Il n’est pas très aisé de rentrer complètement dedans, inconditionnellement, sans y laisser quelques points de vie. Mais une fois que l’on y est, on ne veut plus en ressortir, alors tant mieux s’il ne s’agit pas d’un disque facile ou immédiat. Plus métallique, plus industrielle et (un peu) moins noise rock, la musique de Chat Pile se mérite donc toujours plus – on aime ou on déteste. Ici on adore complètement et définitivement. Avec une légère restriction : Grimace Smoking Weed, dernier titre de l’album, un chouïa laborieux parce que trop volontairement torturé du haut de ses neuf minutes – les gars, on avait déjà compris que vous souffrez et que vous tenez absolument à ce que l’on souffre avec vous. Mais pour le reste c’est du tout bon (Anywhere, à la fois visqueux et urticant), voire de l’exceptionnel (Wicked Puppet Dance, brûlot incontestable). Avec God’s Country Chat Pile réédite l’exploit de publier l’un des disques majeurs et incontournables de l’année et confirme qu’il est bien ce grand groupe sur lequel il va falloir compter.


vendredi 5 août 2022

Schleu : Lying In The Wrong Coffin

 

Le monde, les autres, l’avenir, la beauté, tout ça : essayons de sauver le monde, juste pour rire et juste avant de vomir. Une conversation nocturne absurde et alcoolisée qui a fini par tourner en rond – quoi faire ? – et qui s’est fatalement terminée dans la pure débilité. Une question comme un défi, au lieu d’aller enfin dormir. Lorsque tu m’as demandé quel super-héros sauveur de l’univers (rires) j’aimerais être et quel super pouvoir/force rouge-bleue-verte-jaune j’aimerais posséder, je n’ai pas hésité.
Tu connais Scanners, le film de Cronenberg ? J’aimerais être comme ça, avoir le pouvoir de faire exploser la tête de mes congénères rien que par la pensée et réduire en bouillie tous les crânes, liquéfier toutes les cervelles des personnes que je déteste et je crois que ça en ferait un paquet. Mais ce n’est qu’une vue de l’esprit, une pauvre Chimère qui en plus ne crache même pas de flammes. Les super pouvoirs cela n’existe pas (à part le pouvoir de nuisance et de destruction du capitalisme triomphant et mondialisé), les super-héros sont en plastique non biodégradable et vendus dans les rayons jouets des hypermarchés, Scanners n’est qu’un film, certes excellent, et moi je me retrouve comme un imbécile avec mes rêves ultimes d’annihilation humaine. Mais j’ai trouvé une solution de rechange : je vais te faire écouter Lying In The Wrong Coffin, le premier album de Schleu.







SCHLEU est un groupe basé à Lyon et formé par des musiciens d’horizons assez différents. Le guitariste a joué ou joue encore dans Torticoli et Tombouctou, le bassiste vient de Garmonbozia et de Süryabonali, le batteur tape ou tapait dans Burne, Plèvre et Neige Morte et la chanteuse était auparavant dans Le Death To Mankind. Tout ça nous donne une guitare roublarde et vicieuse, volontiers stridente et souvent malaisante, une basse élastique et transformiste, une batterie qui pilonne impitoyablement mais non dénuée d’un groove certain et un chant… non, le chant on en parlera un peu plus loin, il le mérite. Lying In The Wrong Coffin présente un mélange d’autant plus fracassant qu’il tient étonnamment bien la route et négocie parfaitement les virages en zig-zag et autre têtes d’épingle. Un gros parpaing de fureur corrosive, d’acidité et de violence. De méchanceté, même. On pense à quelques trucs datant d’une époque depuis longtemps révolue, lorsqu’un label comme Skingraft sortait à la pelle des disques tous plus fous les uns que les autres (le début de Zucchini Kills rappellera immanquablement les grandes heures de Melt-Banana, Arab On Radar est un autre nom qui reviendra souvent à l’esprit). Mais comparaison n’est pas raison – déraison ?
Dans le grand chaudron de Schleu on trouvera donc pêle-mêle de la no-wave, du rock régressif, quelques fuites de jazz, de l’agilité arachnide, du poison violent, des bouts de technicité métallique corrompue… Une grosse salade de bruits mais rien de classiquement noise-rock, d’ailleurs je pense que les membres du groupe s’en défendraient totalement : ils prennent un tel plaisir à nous mener en bateau, multipliant les plans, les idées, entrechoquant leurs envies de bordel et de déflagration, alignant sans aucune pitié crescendos assassins et tabassage de crânes, le tout entrecoupé de moments plus calmes mais qui ne durent jamais (tu voulais un peu de répit ? tu espérais qu’on allait te foutre la paix ? perdu !). Schleu allie fureur incisive et démence généralisée avec un sens de la précision et une efficacité redoutable, Lying In The Wrong Coffin semble avoir principalement été conçu dans l’optique de ne jamais laisser indifférent, quitte à prendre le risque de devenir détestable.
Reste le chant. Et la voix. Hors de question pour cette chanteuse survoltée et un brin allumée de faire de la figuration, de n’être qu’un prétexte pour une musique déjà complètement folle. Le chant ne s’arrête jamais, littéralement, il envahit tout Lying In The Wrong Coffin et domine infatigablement la musique de Schleu. Une déferlante de mots, encore des mots et toujours des mots, éructés, écorchés, crachés, hurlés, feulés, persifflés, miaulés sans relâche. Pas de repos pour les larves. Jusqu’à épuisement (le notre, bien sûr) et sans que l’on ait la possibilité de demander grâce, supplier que le déluge s’arrête enfin. Mais elle ne lâche rien, odieuse, névrotique, sans la moindre trace d’empathie, jouant elle aussi dangereusement avec la détestation, pouvant nous pousser à bout car elle est là pour faire chier : on n’a plus qu’à la fermer, c’est elle la chanteuse et ses textes  déversent inlassablement des histoires de vessie et de pisse, de courgette, de trous, de cicatrices, de plaies, d’aiguilles, de porcs, d’hypocrisie, de connerie.
On sort de là complètement lessivé, sans avoir exactement compris tout ce qui venait de nous arriver. On vient d’en prendre plein la gueule, plein pour notre grade, on le sait et parler d’inconfort serait encore trop positif. Mais on est d’accord.

[Lying In The Wrong Coffin est publié en vinyle par Cheap Satanism records, Degelite, L’Etourneur, L’Hygiène Sonore, Jarane, Pied De Biche, Poutch Militaire, Prix Libre record et Rockerill records]



dimanche 19 juin 2022

[chronique express] Prayer Group : Michael Dose

 



Ça fait beaucoup trop longtemps que cette gazette internet de bas étage n’a pas parlé de ce pour quoi elle a au départ été principalement conçue : noise-rock mon Amour j’écris ton nom. Et les quatre PRAYER GROUP, puisque c’est d’eux dont il s’agit, pratiquent le genre à la perfection, réveillant une nouvelle fois et de plus belle mes bas instincts d’éternel adolescent frustré et de vieux noiseux rétrograde (tout ça dans un seul et même corps, oui). Rien que l’écoute de World Of Mirror / World Of Mind (pile-poil à la fin de la face A du disque, moment stratégique s’il en est) me fait transpirer du bulbe rachidien et me lance des frissons incommensurablement douloureux de plaisir dans la colonne vertébrale pendant des jours entiers. Ces garçons de Richmond / Virginie reprennent plus que dignement à leur compte toutes les règles inamovibles du noise-rock des 90’s – cela ne t’étonnera donc pas d’apprendre que les lignes de basse sont incroyablement monstrueuses – et poussent le bouchon plus loin que la moyenne, notamment grâce à un chant de malade et à des parties de guitare qui elles assurent le côté affiné, tannique et vicieux d’un disque de très haut niveau. La première face de Michael Dose est déjà incroyable mais que dire de la seconde si ce n’est qu’elle est… insurpassable ? Niveau de composition très largement supérieur, énergie écrasante, électricité carnassière et grésillante : le résultat est tout simplement parfait.

ps : Michael Dose est publié chez Reptilian records, label chéri-chéri qui a également eu la bonne idée d’éditer en vinyle l’album Rule 38 d’Intercourse, un enregistrement en son temps particulièrement plébiscité par la rédaction d’Instant Bullshit


vendredi 17 juin 2022

Tunic + Irnini Mons @Sonic [11/06/2022]

 



On ne peut pas vraiment dire que ce concert de TUNIC a rameuté les foules et c’est bien dommage parce que des groupes de cette trempe on n’en voit pas tous les jours. Le trio canadien qui pratique une musique incandescente, acérée et viscérale a définitivement conquis mon petit cœur de pierre glacé par une existence morne et misérable. Tout en me rappelant une époque pas si lointaine que cela où des groupes de noise-rock, on pouvait en découvrir beaucoup plus régulièrement en concert... Mais les temps changent alors que moi, non (et d’ailleurs je m’y refuse). Les filles et les garçons d’Irnini Mons ont joué en première partie, dans un tout autre registre, beaucoup plus pop et sophistiqué, mais pas moins intéressant*.



































































































* hop, un diaporama avec l’intégralité des photos, qui plus est en meilleure qualité