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vendredi 16 décembre 2022

[chronique express] Municipal Waste : Electrified Brain

 



Electrified Brain est le septième album de MUNICIPAL WASTE. Et pour résumer il s’agit d’un bon disque de thrash crossover, bien que sans surprises. Voilà un peu plus de vingt ans maintenant que les Américains jouent la même musique, s’amusent des mêmes blagues, font les mêmes grimaces de mongoloïdes, reprennent les mêmes thématiques horrifiques, mélangent musique avec fun, bière et mauvais goût assumé. La perfection nostalgique. Mais Electrified Brain est à l’image de sa pochette à la mocheté très efficace et les regrets finissent par s’accumuler. Regret que les quelques bons riffs contenus dans l’album ne débouchent plus systématiquement sur de l’explosif. Regret que depuis que le groupe comporte deux guitaristes les solos et les leads se multiplient et que Municipal Waste fasse de plus en plus pencher la balance de son crossover du côté metal que du côté hardcore punk. Regret que le groupe en soit également réduit à faire un clin d’œil aux abominables Scorpions pour tenter de nous faire rire (Ten Cent Beer Night). Regret que la production du disque aseptise un peu tout. Et donc, conséquemment, regret de l’époque des albums Hazardous Mutation (2005) et surtout The Art Of Partying (2007), bien plus directs, plus nerveux et plus méchants. Regret enfin que l’on soit sans aucune réelle nouvelle d’Iron Reagan, l’autre combo du chanteur Tony Foresta et du bassiste/guitariste Phil Hall, un groupe bien meilleur dans un genre finalement très similaire.


lundi 14 novembre 2022

Valve + Cerbère + Chaos E.T Sexual @Grrrnd Zero [11/11/2022]

 




Gros plateau de tripes fumées et de gras parisien mitonné par les Sœurs du Désastre avec Valve – dont le tout nouvel album Thermoclines vient juste de paraitre –, les très efficaces Cerbère et les rois du gangsta doom Chaos E.T. Sexual que j’ai enfin pu revoir en concert. Une pensée pour les allemands d’Eastwood initialement prévus à l’affiche mais qui ont du annuler toutes leurs dates françaises suite aux mésaventures de leur chanteur (auquel on souhaite de se rétablir bien vite).














































































































































dimanche 23 octobre 2022

[chronique express] Enforced : Kill Grid

 



Tiens, cela fait un bon moment que je n’avais pas chroniqué un disque publié il y a plus d’un an, motherfuckers. Celui-ci date même de mars 2021 (ouch !) mais pourrait très bien provenir du milieu des 80's et avoir traversé toutes ces années déglinguo-débiles pour arriver jusqu’à nous : ENFORCED c’est du thrash très old school et Kill Grid, deuxième album du groupe natif de Richmond/Virginie, est doté d’un chant ultra dégueulasse et surtout puise directement son inspiration dans le riffage Slayer-ien, le tout joué avec un esprit et une qualité très hardcore mâtinés d’une dose sévère de crossover – nota : la pochette de certaines éditions d’At The Walls, premier album d’Enforced paru en juillet 2019, était déjà un rip-off du visuel impérialiste de la bande à Tom Araya. Et en ce dimanche matin tout aussi pourri que les autres, je n’ai donc rien trouvé de mieux que de headbanguer en pyjama et de torcher vite fait bien fait ces quelques lignes inutiles et redondantes au sujet de Kill Grid, un album d’autant plus jouissif et indispensable qu’il se révèle passéiste et rétrograde. Dernier détail mais qui a vraiment toute son importance, l’artwork de la pochette est signé Joe Petagno, ouais on parle bien du bonhomme responsable il y a plus de quarante ans du célébrissime logo de Motörhead. Kill and kill again.


lundi 19 septembre 2022

Massgrav : Slowly We Rock

 

Nul doute que Slowly We Rock devrait remporter le grand prix de la pochette la plus génialement laide et addictive de l’année 2022 avec son artwork fluo digne d’un vieux groupe de hard-rock réac ou même de hair-metal 80’s en provenance directe de Fuckland (voir Los Angeles et mourir). Le truc, c’est que chez MASSGRAV on ne porte pas de vestes à franges, de santiags ni de pantalons moule-burnes ou de bandanas et que le groupe est originaire de Suède. Donc rien à voir : ces quatre garçons ne sont pas là pour rouler des mécaniques devant un miroir sans tain, épater la galerie et amasser de la thune avec des chansonnettes insipides parlant de cul, de coke, d’amours incestueuses, de flingues, de bagnoles, de bière au goût de pisse, de junkfood et de cholestérol.
En fait, je ne savais pas à quoi m’attendre exactement avant d’écouter pour la première fois Slowly We Rock – légèrement contraint et menacé par le service marketing et force de ventes de Lixiviat records, il est vrai particulièrement efficace et offensif dès qu’il s’agit de faire la promotion de l’une de ses nouvelles productions – mais j’ai immédiatement bondi au plafond. De stupeur. Et de joie. De cette joie régressive qui te colle immédiatement un sourire tartignole aux lèvres et te fait regretter de ne plus avoir de cheveux pour headbanguer avec classe et panache pendant que tu fais de l’air-guitar dans ton salon. Ce disque est une bombe. A tel point que j’ai du me retenir de commencer immédiatement une chronique pour en dire tout le bien que j’en pense et même plus encore. Fallait que ça sorte.







Mais de quoi parle-t-on exactement ? Slowly We Rock est un titre complètement ironique puisque en fait de lenteur, on se retrouve avec un disque de vingt trois minutes et vingt et un titres. Mais bien que cela soit l’une des nombreuses spécialités suédoises en matière de musiques extrêmes, Massgrav n’est pas un groupe de grindcore pour autant – on notera juste que le guitariste Jesper Liveröd qui a intégré l’affaire aux alentours de 2018 est un ancien Nasum, oui rien que ça. Un titre tel que (le génialement entrainant) Gasen I Botten représente bien l’état d’esprit d’une musique qui oscille constamment entre fastcore, grind, punk et rock’n’roll. Un mélange complètement hallucinant, époustouflant et bien dégueulasse qui fonctionne de bout en bout et révèle tellement de bonnes surprises. Difficile de trouver des points de comparaison mais Massgrav c’est un peu Zeke (le Zeke de la grande période, quelque part entre les albums Kick In The Teeth et Death Alley) qui aurait mis une bonne dose de grind et de powerviolence dans son hardcorepunk’n’roll. Dans ta face.
Slowly We Rock est ultra rapide, ultra sauvage et, musicalement, complètement hilarant. C’est aussi le disque le plus épais et le plus massif de Massgrav qui jusqu’ici fonctionnait en trio, avec une seule guitare. Quant aux paroles, elles sont exclusivement en Suédois – mais quelle belle langue, über efficace dès qu’il s’agit de brailler des insanités ! – avec des textes anti-patrons, anti-flics, anti-connards de droite, la routine quoi. Entre autres friandises vitriolées on remarquera ce Krossa Högerkukarna que l’on pourrait sobrement traduire par « écraser les bonnes bites » et dont les paroles comportent ces quelques mots doux : « Il est temps d’écraser les bites de droite / Il faut écraser la noblesse / Il est temps de se battre / Il faut écraser la noblesse » (coucou Elizabeth). Tu auras évidemment remarqué que je parle couramment la langue d’Ingmar Bergman.
Blague à part, lorsque on voit le résultat des dernières élections législatives et la coalition qui s’apprête à prendre le pouvoir en Suède, il est certain que Massgrav n’en a vraiment pas fini de gueuler et d’envoyer du pâté… mais par ici nous serions pourtant bien mal inspiré·es de faire les malins, parce que nous ne sommes vraiment plus très loin de connaitre une situation aussi merdique et aussi dangereuse que celle-là.



lundi 12 septembre 2022

[Chronique express] Chat Pile : God's Country




C’est peut dire que j’attendais le deuxième LP de CHAT PILE avec impatience. Le premier était une compilation de deux EP mais se tenait parfaitement de bout en bout, au point d’être l’un de mes disques préférés de l’année 2020. La suite est encore meilleure et un peu différente. Massif, monolithique, caréné à la crasse, laissant moins libre cours au désordre suintant qui hantait les disques précédents, moins organique, définitivement psychopathe et vicieux mais surtout désespérant, cérébral et anxiogène comme jamais, God’s Country fait tout pour nous enlever toute joie de vivre. Il n’est pas très aisé de rentrer complètement dedans, inconditionnellement, sans y laisser quelques points de vie. Mais une fois que l’on y est, on ne veut plus en ressortir, alors tant mieux s’il ne s’agit pas d’un disque facile ou immédiat. Plus métallique, plus industrielle et (un peu) moins noise rock, la musique de Chat Pile se mérite donc toujours plus – on aime ou on déteste. Ici on adore complètement et définitivement. Avec une légère restriction : Grimace Smoking Weed, dernier titre de l’album, un chouïa laborieux parce que trop volontairement torturé du haut de ses neuf minutes – les gars, on avait déjà compris que vous souffrez et que vous tenez absolument à ce que l’on souffre avec vous. Mais pour le reste c’est du tout bon (Anywhere, à la fois visqueux et urticant), voire de l’exceptionnel (Wicked Puppet Dance, brûlot incontestable). Avec God’s Country Chat Pile réédite l’exploit de publier l’un des disques majeurs et incontournables de l’année et confirme qu’il est bien ce grand groupe sur lequel il va falloir compter.


vendredi 9 septembre 2022

Primtive Man : Insurmountable

 




Il semblerait que 2020 ait été une année particulièrement insupportable. Pour les nantis habitant de ce côté ci de la planète, tous les autres sachant déjà à quoi s’en tenir, la privation de toute forme de vie sociale et de leurs libertés individuelles pendant de longs mois de confinement a laissé quelques traces. Tu me diras que l’on a peut-être connu pire depuis mais que l’on ne le sait pas encore et que le calme relatif et presque insouciant qui règne actuellement n’est qu’une forme de vaste déni collectif et suicidaire.
2020 c’est aussi l’année où les Américains de PRIMITIVE MAN ont publié ce que beaucoup considèrent comme leur meilleur enregistrement : Immersion allait encore plus loin dans la misanthropie et le dégout absolu de l’espèce humaine que le double album Caustic (2017), surtout il revenait au format beaucoup plus raisonnable et donc beaucoup plus efficace d’un simple LP. Lorsque tu joues une musique aussi lourde, lente, massive, saturée, grésillante et haineuse que celle de Primitive Man, peut-être qu’il reste malgré tout quelques limites infranchissables et que la durée de tes compositions en est une (dans le même genre d’idée mais un tout autre style musical, un album de grind dépassant la demi-heure a vraiment toutes les chances de devenir imbitable).
2022 : Primitive Man est de retour avec ce qui est considéré comme un EP de trente huit minutes (!) intitulé Insurmountable et comprenant quatre titres, dont une plage d’ambient pas super intéressante et une reprise des Smashing Pumpkins, groupe beaucoup trop fadasse à mon goût et ne méritant pas grand-chose d’autre qu’un bon coup de pied au cul. Et cela tombe bien : le traitement extrême que fait subir le trio de Denver / Colorado à Quiet défigure tellement la composition originale de la bande à Billy Corgan et James Iha que ce serait du pareil au même. Car honnêtement, si je n’avais pas lu quelque part que Quiet était une reprise, j’aurais simplement pris ce titre pour un original de Primitive Man.
On peut reprocher deux choses à Insurmountable. La première étant que, sans dévier de la ligne esthétique de base chère au groupe, la musique est moins inspirée. En gros c’est la même chose qu’avant, mais en un peu moins bien, Je n’irai pas jusqu’à dire que le résultat me semble plus mou, en tous les cas je le trouve beaucoup moins radical et plus pâteux. Avoir enregistré des titres très longs (seize minutes pour This Life et onze pour Cage Intimacy) pose quelques questions, à croire que Primitive Man a vraiment un problème de chronomètre et que le groupe confond endurance et malveillance. Une impression également renforcée par le son trop sourd et pas assez ample à mon gout. Un manque d’envergure certain. Une connaissance davantage compréhensive et ultra-fan du trio a bien essayé de m’expliquer que c’est fait exprès mais je n’en démordrai pas : Insurmountable se traine parfois, comme si la haine incommensurable de Primitive Man pour l’espèce humaine avait cédé la place à la nausée, se déversant en un gros vomi malodorant. Si tel était bien le but au départ, je dois alors admettre que le résultat est réussi, même si je ne l’apprécie pas plus que cela.
Paradoxalement, alors qu’il s’agit du disque le moins réussi de Primitive Man, Insurmountable est aussi le plus beau. Le label new-yorkais Closed Casket Activities a vraiment mis les bouchées doubles : illustration dark et flippante à souhait, pochette gatefold, double insert, obi imprimé et une variété de pressages en vinyle qui fait rêver par ces temps de pénurie de plastique polymère : du transparent, du blanc, du noir, du doré et du splater pour autant de combinaisons possibles et imaginables, youpi. Là aussi la misanthropie a ses limites.

lundi 18 juillet 2022

Wormrot : Hiss

 

Le grindcore est-il soluble dans le mainstream ? Haha, je plaisante bien sûr mais en découvrant Hiss – quatrième album des Singapouriens de WORMROT et le premier en six ans – je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’il y a deux formes différentes, en gros deux façons de faire du grind. La première est celle, rude, brutale et sombre d’un Blockheads dont l’incontournable Trip To The Void a récemment été évoqué dans ces pages ou celle d’un Whoresnation, groupe incroyable et dont on reparlera un de ces jours au sujet de Dearth, son plus que formidable nouvel album. La seconde est sophistiquée, léchée et à la production plus calibrée, une évolution considérée comme logique par les musicologues avertis se plaçant d’un point de vue temporel et historique (le grindcore a commencé à apparaitre au milieu des années 80, gnagnagna…) mais qui ne m’intéresse pas. Hiss pourrait bien être le nouveau porte-étendard de ce grind qui n’a plus rien de crust, moulé en salle de sports et ripoliné en studio, symptomatique de la tentation hi-tech qui apparemment finit un jour ou l’autre par rattraper toutes les musiques dites extrêmes pour adolescents en manque de sensations fortes.
Parce qu’il s’agit d’un phénomène récurrent. On se rappellera comment à partir du début des années 90 Fear Factory avait tenté de digitaliser le death metal, ouvrant de nouvelles voies mais finissant par s’enfoncer dans une bouillasse sans nom. The Dillinger Escape Plan n’a pas fait autre chose avec le hardcore chaotique – il y a tout un monde entre les albums Calculating Infinity et Ire Works –, Refused s’est littéralement compromis en enregistrant The Shape Of Punk To Come, défrichant le terrain pour toutes les merdes néo-metal à venir et, beaucoup plus récemment, l’enduis plastifié qui enrobe Glow On a permis aux hardcoreux de Turnstile d’atteindre les rivages de l’inconsistance proprette et de l’ennui populaire (note à l’usage des personnes en train de hurler en lisant ceci : Turnstile est peut-être un très bon groupe en concert mais j’ai de toutes façons toujours trouvé sa musique solidement banale). Et pour en revenir au grind, le seul contre exemple de sophistication et d’évolution réussies qui me vient à l’esprit est celui de Napalm Death. Mais je reste pour le respect de la tradition, seule garantie d’un avenir sereinement confortable.







Hiss est un disque certes foutrement efficace, un véritable rouleau compresseur qui ne laisse que peu de répit et s’il est aussi fatiguant et aussi assommant c’est parce qu’il ne s’agit donc pas d’un disque de grind pur et dur. De nombreux plans de guitare hardcore émaillent l’album et le chant lui-même se permet de nombreuses incartades. L’une des plus marquantes arrive dès le deuxième titre où Arif vocalise en chant clair pendant quelques instants, de trop longues secondes pendant lesquelles il est légitime d’espérer que tout l’album ne sera pas comme ça. Heureusement non, bien que le chant clair réapparaisse ça et là mais sur un mode moins lyrique. Pale Moonlight pratique le tribalisme facile (néanmoins sans être aussi putassier que celui d’un Sepultura circa Roots). Sans oublier du violon alto sur deux ou trois titres, Grieve et le clientéliste Glass Shards, histoire de… de quoi en fait ? Renouveler le truc coûte que coûte ? Faire en sorte de ne pas s’emmerder en jouant toujours la même musique ?
OK : peut-on pour autant reprocher à Wormrot d’avoir voulu s’amuser un peu ? Mon honnêteté intellectuelle, bien que très relative dès qu’il s’agit de musique, m’incite à répondre par la négative… Pourtant Hiss est bourré de facilités. Tous ces riffs bas de gamme ou typés metalcore boutonneux, ces introductions à la démagogie assurée (Sea Of Desease), ces accroche-cœurs et autres roucoulades, ces breaks complaisamment calculés, cette rage soigneusement millimétrée, ces plans qui ressemblent à tellement de choses déjà faites et surtout empruntant tous azimuts – on trouve même une tentative avortée de mettre le black metal à l’honneur sur le passage intermédiaire de Desolate Landscapes. Un vrai catalogue de l’extrême universaliste et un volontarisme œcuménique qui à la longue finit par être lassant puis rebutant. Qu’il n’y ait rien de vraiment original ici et que tout soit emprunté et copié ne serait pas si grave si tout était également bien assimilé mais ce n’est pas le cas. Le mélange indigeste de Hiss ne fait que mettre en lumière le péché d’orgueil de gourmandise d’un groupe qui a voulu en faire beaucoup trop, passant d’un registre à l’autre sans se demander si cela fonctionnait ou pas, y allant à l’esbroufe et au culot. C’est bien la seule chose que l’on ne pourra pas enlever à Wormrot : avoir essayé. Moi, je passe mn tour.

ps : pour que cette chronique soit totalement complète il me faut également préciser que Hiss est le dernier enregistrement de Wormrot avec Arif au chant, celui-ci ayant décidé de lâcher l’affaire pour des raisons strictement personnelles – le guitariste Rasyied et le batteur Vijesh lui cherchent actuellement un remplaçant et ça, c’est pas gagné

[Hiss est publié en vinyle bleu, violet, rouge, blanc ou noir et même en CD par Earache records]

 

samedi 2 juillet 2022

Comme à la radio : YRRE (Luhlæ x The Witch)

 




Je n’avais jamais entendu parler de The WitchThe VVitch pour les intimes – un film réalisé par un certain Robert Eggers et sorti en salles en 2015 ou 2016. Mais il faut me pardonner : j’ai tellement de mal (je reste poli) avec le cinéma actuel et je préfère tellement les films en noir et blanc, des premiers Fritz Lang et tout le cinéma expressionniste allemand à l’insurpassable Kenji Mizoguchi en passant par les polars américains des 50’s (au hasard : Kiss Me Deadly de Robert Aldrich)… En fait, au départ, j’ai tout simplement cru que The Witch était un film tombé dans les oubliettes depuis longtemps et qui avait échappé à mes obsessions cinématographiques, un film tellement ancien qu’il était désormais libre de droits et pouvait être repris et projeté par n’importe qui et n’importe où.

Si j’ai pensé une telle chose, c’est à cause de YRRE. Un groupe de La Chaux De Fonds en Suisse et dont le premier méfait a été de proposer un ciné-concert autour de The Witch dans le cadre du Festival 2300 Plan 9 - Les Etranges Nuits du Cinéma. A l’époque le projet s’intitulait Luhlæ. En général ce sont les vieux films qui font l’objet d’un tel traitement, ce qui explique en grande partie mon erreur – je me rappellerai toujours des New-yorkais de Liminal (avec DJ Olive !) jouant sur le Nosferatu de Murnau, plus récemment on peut citer Brame et son interprétation de l’incomparable film Danois Häxan - La Sorcellerie A Travers Les Ages réalisé en 1922 (!) par Benjamin Christensen.







Depuis cette première tentative de mise en musique The Witch est devenu un véritable enregistrement publié en vinyle à trop peu d’exemplaires (une centaine ?) par Hummus records mais heureusement téléchargeable à prix libre (et même gratuitement) sur le b*ndc*mp ou le site du label. Et le projet a changé de nom pour devenir YRRE, pérennisé en tant que groupe composé d’Alex Straubhaar, Julien Floch, Naser Ardelean, Anna Sauter-Mc Dowell – que l’on a pu voir en solo sous le nom de Dubuk en décembre dernier à Grrrnd Zero – et Iannis Valvini.

Traversées de paysages anxiogènes dans une obscurité presque totale, climax haletants parsemés de hurlements aussi effroyables qu’insaisissables, déchainements de forces malfaisantes animées de pulsions meurtrières : Luhlæ x The Witch est un monstre multiforme d’une lourdeur écrasante et faisant preuve d’un sens de la tension à la limite de la cruauté. Un disque incroyablement dense et captivant qui remet à jour les compteurs du doom moderne comme du post hardcore. Tous ces trucs lents et lourds dont j’avais fini par me lasser parce qu’au delà de quelques groupes un peu plus doués que la moyenne le genre avait fini au cours des années 2000 par se perdre en route à force de trop de circonvolutions, de prétention mollassonne voire de digressions progressives. Des passages atmosphériques il y en a malgré tout quelques uns sur Luhlæ x The Witch (j’apprécie particulièrement Uhtceare) mais là encore YRRE ne perd rien de son élan et balaie tout sur son passage. Quant au beaucoup plus lourd Aglaeca, il en devient même complètement inclassable avec sa partie de guitare en forme de ressort charmeur/titilleur de nerfs à vif.

Cela fait bien longtemps que je n’avais pas écouté un disque de musique électrique et plombée aussi organique qu’inconfortable, aussi beau que vénéneux. Un disque qui refile immanquablement la chair de poule mais totalement ensorcelant, entre invitation et contrainte.... comme dans un vrai bon film d’épouvante et d’horreur, lorsqu’un sentiment de terreur incontrôlable fait prendre aux personnages des décisions complètement irrationnelles et aux conséquences potentiellement dangereuses ou même fatales. Sauf que la musique de YRRE n’a pas besoin des images du film qui l’ont inspirée pour exister en tant que telle et nous entrainer toujours plus loin sur ces chemins parsemés d’embuches que l’on redoute autant qu’ils nous fascinent, en direction des ténèbres. Une vraie réussite.

 

vendredi 15 avril 2022

Bombardement : Le Futur Est Là

 

Récapitulons : en comptant la démo-cassette de 2016, Le Futur Est Là est le quatrième enregistrement de BOMBARDEMENT, le deuxième avec Oriane au chant et le premier avec des textes exclusivement braillés en français. Le premier 12’ et le 7’ marquaient déjà pas mal de points en matière de grosse furie et de décharges électriques mais avec ce nouveau disque le groupe bordelais (des bouts de Gasmask Terrör, Monarch ou Endless Flood, etc.) repousse encore un peu plus loin les limites de son d-beat éruptif et explosif. On peut toujours décider d’enregistrer plus ou moins le même disque, fidèle à une esthétique aussi marquée que balisée, mais cela n’empêche pas de faire encore mieux à chaque fois ou – dit autrement – cela n’empêche pas de chercher et de trouver le juste équilibre entre tout ce que l’on souhaitait au départ et ce que l’on a réellement réussi à exprimer. C’est, je crois, exactement le résultat auquel est parvenu Bombardement avec Le Futur Est Là.









Le Futur Est Là est sans équivoque, réel, brutal, rageur, ciselé, punk jusqu’à l’os, engagé et il collectionne les riffs mortels et les rythmiques impitoyables avec une telle aisance que l’on ne peut qu’y croire. Surtout, il y a chez Bombardement la caractéristique de deux guitares, des guitares jumelées qui s’envolent régulièrement dans les airs pour des solos qui en mettent plein les oreilles et donnent une belle couleur métallique à la musique. Le côté jouissif des notes suraigües et des sons qui vrillent, un peu comme si Judas Priest faisait des reprises de Discharge tout en lorgnant du côté du thrash de la Bay Area – essaye un peu d’imaginer K.K. Downing et Glenn Tipton qui ne seraient pas encore devenus deux vieux grincheux revanchards et botoxés, malgré tout éternellement complices et complémentaires, grands maitres des guitares assassines. Il y a aussi un peu de Motörhead, principalement sur les compositions les plus lentes (Mille Morts) qui me font plus que jamais penser au swing ravageur et irrésistible de la bande à Lemmy entre la fin des 70’s et le début des 80’s.
Une fois que l’on a bien digéré le passage en force de l’Interceptor V8 de la quatrième à la sixième vitesse et hormis la présence étonnante mais bien fondée d’un saxophone hurleur sur Poison, le changement principal et réellement marquant opéré par Bombardement sur Le Futur Est Là se situe donc au niveau du chant, désormais en français, la langue maudite des musiques électriques avec ou sans prétentions littéraires (mais plutôt avec). Par contre le principe du d-beat et des paroles scandées et répétées à l’envie telles des slogans de colère politique même pas contenue est toujours présent, comme des haïkus aussi aiguisés que des lames de rasoir, des mots qui tranchent net et ne souffrent d’aucune discussion. L’intransigeance à la mesure de la noirceur des sujets abordés. Hurler et hurler encore, crache tes poumons !

[Le Futur Est Là est édité par Destructure et Symphony Of Destruction, comporte huit titres, tourne en 45 tours, dure vingt minutes et n’existe qu’en vinyle noir, la seule couleur véritable de la musique]



vendredi 8 avril 2022

[chronique express] Portrayal Of Guilt : Christfucker

 



Christfucker de PORTRAYAL OF GUILT… Je n’irai pas jusqu’à affirmer que ce groupe a attiré mon attention à cause du titre de son deuxième album mais je mentirai en expliquant le contraire : tu peux toujours compter sur moi dès qu’il s’agit de dénigrer une religion prosélyte, hypocrite et patriarcale, quelle qu’elle soit. Mais parlons musique. Celle des Texans est présentée comme un mélange de hardcore screamo et de black metal avec une touche d’indus-fantasy. Encore un disque polymorphe et multifonctions qui tente de broyer du noir toujours plus fort, un mélange des genres dont notre 21ème siècle est tellement friand – les musiques extrêmes se mordent la queue, on ne sait plus quoi inventer ma brave dame et mon brave monsieur. Joliment et efficacement mis en son par Ben Greenberg (Uniform, etc.), Christfucker est cependant un album passablement aéré et peu oppressant. Les passages calmes avec guitares au son presque clair sont légion, les nombreux changements de rythmes et d’atmosphères ne permettent pas de s’installer durablement dans les délices de l’agression sonore pure et l’album comporte quelques interludes bidouillés qui tentent de donner une impression de cohérence à l’ensemble. Plus que le maniérisme on retiendra donc de Christfucker la volonté de bien faire, sans ambition ni complaisance trop mal placées. Ce qui fait de Portrayal Of Guilt un groupe de metal de hipsters parmi les plus sympathiques du moment, un comble !

 

 

 

 

 


dimanche 3 avril 2022

[chronique express] Napalm Death : Resentment Is Always Seismic - A Final Throw Of Throes






Enième enregistrement des vétérans NAPALM DEATH, Resentment Is Always Seismic - A Final Throw Of Throes est présenté par Century Media comme le petit frère de l’album Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism (2020). On remarquera essentiellement que ce mini LP de trente minutes et huit titres est un parfait résumé de la musique telle que l’ont pratiquée les Anglais ces quinze dernières années. On y trouve des titres rapides et très hardcore, des compositions plus lentes, plus sophistiquées et flirtant parfois avec un indus très décoratif, deux reprises illustrant à nouveau et s’il en était encore besoin l’ouverture d’esprit du groupe – un titre des trop méconnus Slab! et un autre des Bad Brains –, un gros son général à mille lieues du crust et du grind des débuts du groupe il y a 36 ans, une pochette de disque encore plus moche que d’habitude… Resentment Is Always Seismic - A Final Throw Of Throes n’a rien de surprenant, est malgré tout un bon cru et permet à Napalm Death de maintenir son statut de groupe à la fois culte et incontournable toujours en activité. Que demander de plus ? Pas grand-chose en fait : les Anglais font partie du décor depuis tellement longtemps maintenant que leur persévérance possède un côté rassurant et fédérateur et qu’écouter chacun de leurs nouveaux disques équivaut à reprendre des cours de catéchisme ou retourner à la messe du dimanche. Mais a-t-on vraiment encore besoin d’un groupe tel que celui-ci pour s’entendre dire que le monde va mal mais qu’heureusement la musique est là pour nous sauver ? Non… sauf si on est, comme moi, irrécupérablement nostalgique.


mercredi 23 février 2022

Neige Morte + Sordide @Farmer [19/02/2022]






Le retour officiel des concerts debout avec le droit de se mélanger et de s’agiter. Et une programmation de choix avec le death metal magmatique et expérimental de NEIGE MORTE – de plus en plus massif et de plus en plus impressionnant – puis SORDIDE et son black metal crusty-fondu (et quel batteur !). Le tout dans un Farmer sold-out et bien moite, en résumé que du bonheur. On en profite aussi pour reprendre les bonnes habitudes : la totalité des photos est consultable sur Flickr.