On ne saurait
trop louer le travail d’archives et d’exhumation effectué depuis une bonne
dizaine d’années maintenant par label Superior
Viaduct. Basée à San Francisco cette vénérable maison a réédité tellement
d’enregistrements historiquement et musicalement essentiels qu’en donner la
liste, même partielle, donne le vertige : Avengers, MX-80 Sound, Gun Club,
Gruppo Di Improvvisazione Nuova Consonanza (avec Ennio Morricone !), The
Urinals, Devo, Tuxedomoon, Brigitte Fontaine, Alice Coltrane, Glenn Branca, Harry
Pussy, DNA, The Fall, Crime, Spacemen 3, Phil Niblock, The Mekons, Ike Yard… Et
encore, j’en oublie.
On remarquera le
grand écart stylistique d’un tel catalogue. On notera surtout qu’aux côtés de
disques que tout le monde connait déjà mais souvent devenus introuvables depuis
des lustres, Superior Viaduct a le don de rééditer des enregistrements rares et
inédits mais toujours de qualité – un exemple parmi tant d’autres mais très
significatif : les deux volumes Hardcore
Devo consacrés au groupe des frères Mothersbaugh, une vrai mine d’or !
En 2020 Superior
Viaduct a jeté son dévolu sur les premiers méfaits de The Ex et je ne peux
que conseiller le séminal History Is
What's Happening, merveilleux en tous points et offrant un éclairage rétroactif
étonnant sur l’évolution du groupe hollandais... Mais aujourd’hui
intéressons-nous plutôt au seul et unique album de FLAMING TUNES, réédité lui au mois de novembre de l’année dernière
:
Flaming
Tunes est un duo éphémère composé de deux musicien.nes et
ami.e.s d’enfance : Mary Currie et un certain Gareth Williams. Oui, tu as bien lu
: Gareth Williams, l’un des trois membres de l’un des groupes les plus
importants de la fin des années 70 et du début des années 80, les très
avant-gardistes This Heat.
Publié presque
en douce et en cassette uniquement, Flaming
Tunes est un disque entièrement enregistré à la maison, fait de bric et de
broc et surtout débordant d’une poésie des sons amoureusement bidouillée et
funambule dont le charme et l’attrait ne sont plus à prouver. Douces mélodies
bancales, naïveté cabossée, traficotages de bandes, bruitages d’origine
indéterminée, emprunts aux musiques indiennes (surtout au niveau de quelques
rythmes), interventions d’un chant parcellaire et lunaire sur une poignée de
chansons pop à la limite du psychédélisme des années 60, qualité sonore lo-fi… Flaming Tunes est un disque étrange où
rien ne nous est étranger, un disque intimiste de partages et une sorte de
courant d’air frais traversant les années 80 – nous sommes en 1985 – pourtant
si tapageuses et si racoleuses.
D’abord réédité
en 2009 et en CD par Life And Living records puis en 2012 par le label anglais
Blackest Ever Black, l’unique album sans titre des Flaming Tunes – à l’origine publié sous le nom de « Gareth Williams
& Mary Currie » – se voit ainsi offrir une nouvelle chance de toucher les
oreilles curieuses et les cœurs ouverts. Et comme toujours avec Superior
Viaduct le résultat est impeccable : remasterisation sans
surgonflage, beau pressage en vinyle transparent, pochette soignée, insert,
notes explicatives, etc…
(malheureusement
Gareth Williams est mort beaucoup trop tôt en 2001 et à l’âge de 48 ans
seulement)