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lundi 29 mars 2021

72 % - Modern Technology / Drowning In A Sea Of Bastards b/w Lorn


La bonne surprise du moment. Evidemment on peut écouter et se procurer ce très (très) beau 7’ uniquement sur la foi de la participation de Modern Technology mais comme pour tout split qui se respecte la découverte est également au rendez-vous. Et la découverte dont il est ici question s’appelle 72% – cela se prononce Seventy-Two Percent – soit un trio originaire de Northampton. Putain d’anglais aurais-je envie de dire mais la vulgarité ce n’est pas du tout mon genre, hein.






72% c’est deux guitaristes – Joshua Ryan et Joe Brown – et un batteur – Joel Harries – qui pratiquent un noise-rock évolutif, essentiellement instrumental, bien foutu, parcimonieusement mâtiné de cailloux progressifs et collant comme il faut malgré l’extrême rareté du chant. Mais parfois le groupe se laisse aller à un peu de beuglante, ce qui est le cas sur Drowning In A Sea Of Bastards dont le titre facilement traduisible a déjà l’immense avantage de nous faire part immédiatement de toute la colère et de tout le dégout de 72%. Et comme cela ne devait pas suffire quelques salves postillonnées sont également au rendez-vous. C’est donc à la version frénétique, bruyante et chantée hurlée du groupe à laquelle nous avons droit et Drowning In A Sea Of Bastards justifie à lui tout seul que l’on s’intéresse à ce disque. On peut également jeter son dévolu sur How Is This Going To Make It Any Better ? mis en boite en 2019 par Wayne Adams (encore et toujours), un enregistrement de 72% plus nuancé et plus délié, permettant d’écouter des compositions architecturées mais toujours courtes – ce qui est un gage d’absence d’ennui – et dont il faudra attendre la dernière pour trouver du chant…







On retourne le disque et là on tombe nez à nez avec Lorn, un titre de six minutes de MODERN TECHNOLOGY. Dans la foulée et dans la continuité de l’album Service Provider cette composition inédite du duo est terriblement sombre et incroyablement oppressante. Un titre qui allie lourdeur visqueuse, gravité, martèlements à froid et chant funeste. Mais toujours avec cette optique engagée et humaniste propre à Chris Clarke (basse et voix) et Owen Gildersleeve (batterie). Je suis à chaque fois stupéfait de constater que malgré son line-up allégé – deux personnes et c’est tout – Modern Technology génère une musique aussi dense, aussi massive et aussi profonde. Tout y est… Lorn est pour l’instant ce que le duo a enregistré de mieux, y compris dans le sentiment de frustration que l’on ressent à la fin de son écoute : la claque est d’autant plus forte que ces six minutes passent à la vitesse de l’éclair (un comble pour une composition aussi lente) et qu’une fois achevé – non sans nous avoir infligé un final d’une lourdeur particulièrement étouffante mais doté d’un groove infernal et d’une batterie très tribale – Lorn laisse soudain la place à un grand vide. Comme une sensation de vertige persistant, mais sans pouvoir tomber. Vivement le prochain album !


[Drowning In A Sea Of Bastards b/w Lorn est publié en vinyle de couleur gris / fumée et tourne en 33 tours – comme d’habitude avec le label Human Worth les bénéfices tirés des ventes du disque seront reversés à des organisations caritatives]

 

 

 

mercredi 30 décembre 2020

Modern Technology / Service Provider





Même accablé par la stupidité consumériste et l’hypocrisie religieuse des fêtes de fin d’année le comité rédactionnel au grand complet de cette feuille de choux numérique à l’avenir incertain est resté à la recherche du grand frisson en matière de noise-rock (et cette phrase ne veut rien dire). Et une fois de plus l’étincelle salvatrice est apparue du côté du Royaume-Uni pré-Brexit, véritable Eldorado en la matière.
Repérés il y a quelques mois maintenant par les radars* d’Instant Bullshit, les anglais de MODERN TECHNOLOGY ont publié leur premier album Service Provider au mois de septembre 2020 sur leur propre label Human Worth. Et c’est une vraie bombe. Toutefois le duo se distingue de la plupart de ses pairs par une conscience sociale et politique affirmée ainsi que par un activisme militant. Si la musique de Chris Clark (basse et chant) et Owen Gildersleeve (batterie) est si sombre et si dure c’est parce qu’elle décrit un monde profondément inégalitaire, injuste et à la dérive, elle nous parle d’une société ultra-libérale où crise économique et crise sociale se conjuguent malheureusement avec naufrage écologique et désastre environnemental. Une situation qui génère un sentiment d’anxiété croissant contre lequel une prise en main devient plus que jamais nécessaire et vitale : il faut donc agir.
On pourrait sans doute envisager Service Provider uniquement d’un point de vue strictement musical mais connaitre les tenants et les aboutissants de la démarche de Modern Technology donne à mon sens encore plus de portée à la musique du groupe**. Car il y a des cas où vouloir absolument rester aveugle revient aussi à devenir sourd. A toutes celles et tous ceux qui pensent donc qu’écouter un disque colérique ou tapageur pour évacuer toute sa frustration et ses angoisses face au monde actuel serait suffisant, les anglais répondent du tac au tac avec un enregistrement d’une rare noirceur et d’une âpreté dérangeante mais chargé en questionnements et de significations. Qu’on se le dise : il n’y a absolument aucune place pour le cynisme sur Service Provider, aucune place pour un positionnement nombriliste de repli-sur-soi, à la « après moi le déluge ».
Le tableau brossé par Modern Technology est plus que sinistre, il pourrait même être parfaitement déprimant mais c’est bien tout le contraire : la musique du duo est en lutte et, confrontée à la nécessité et fidèle à l’injonction de ne pas se laisser faire, elle utilise les mêmes armes qu’en face. A l’oppression et les difficultés du monde le groupe oppose donc une musique très lourde, très dense et souvent très lente, mélangeant à parts égales le côté viscéralement bruyant d’un noise-rock rebelle avec celui d’un metal post industriel sans complaisance. Service Provider est un disque volontaire qui grésille, qui étreint, qui nous violente même parfois mais qui le fait sans doute pour nous faire réagir. Encore une fois on peut choisir de prendre cette musique simplement au premier degré – un peu comme celle d’un groupe de gore-grind caricatural parlant d’automutilation ou celle d’un groupe de death metal sans cervelle évoquant des scènes de guerre – mais ce serait complètement passer à côté de son essence même, cette volonté acharnée, concernée et engagée qui lui donne tout son caractère et cette saveur peut-être extrêmement grave mais nécessaire, parce qu’il y a encore des choses à faire et des idées qu’il faut défendre.


[Service Provider est publié en vinyle noir et blanc par Human Worth – le groupe et le label s’engagent à reverser une partie des bénéfices tirés des ventes du disque à des organisations dont les causes leur semblent justes et donc à soutenir]


* le premier mini album de Modern Technology a rapidement été chroniqué ici

** on peut se reporter aux paroles de Service Provider, imprimées sur la pochette intérieure du disque et également disponibles sur le b*ndc*mp du groupe

vendredi 13 décembre 2019

Comme à la radio : Modern Technology






MODERN TECHNOLOGY est un duo londonien qui a fait beaucoup parler de lui ces derniers mois. Steve aka General Waste, chanteur de Dead Arms, ne tarit pas d’éloges au sujet de ces deux musiciens – Chris Clark à la basse et à la voix et Owen Gildersleeve à la batterie – qui pratiquent un noise rock lent et sombre, débordant de riffs obsédants accompagnés de rythmiques lourdes. Le premier mini album sans titre de Modern Technology publié au début de l’année 2019 donne ainsi à entendre six compositions anxiogènes sur lesquelles le duo semble prendre tout son temps pour nous avoir à l’usure ; il ne faut surtout pas se fier à l’apparente monotonie qui se dégage de ce 12’, tout est question d’intensité et de son, celui de la basse grésillante et épaisse conférant toute son originalité à une musique obsédante et extrêmement prenante.




Mais ce n’est pas tout. En lisant les textes de Modern Technology il n’est pas très difficile de comprendre que le groupe a des opinions, qu’il tient à faire partager ses idées et que celles-ci sont suivies des faits. Ainsi avec le EP digital Exploding Head Sessions enregistré en concert le groupe participe au financement d’œuvres caritatives en soutien aux sans-abris qui souffrent plus que tout le monde en cette période de l’année. Malgré ses rodomontades et ses illusions financières (ou plutôt à cause d’elles) la Grande Bretagne est un pays sinistré économiquement et socialement, la gestion ultra libérale héritée d’une Thatcher et dont Boris Johnson est aujourd’hui le représentant y génère toujours plus d’injustice et d’inégalité. Modern Technology s’inscrit clairement dans la longue lignée des groupes britanniques militants et c’est tant mieux. 







On remarquera également qu’en plus de comporter quatre titres issus du premier EP dans des versions encore plus claustrophobes les Exploding Head Sessions présentent deux compositions inédites à ce jour, de quoi patienter un tout petit peu avant un premier album qui s’annonce plus que prometteur. Modern Technology, encore un groupe anglais à suivre et à soutenir.