Tout est
question de profondeur. Les toutes premières secondes de XXXIII ressemblent à une chute vertigineuse et inévitable, un espace-temps
suspendu, un faux silence précurseur et annonciateur des masses sonores monstrueuses
qui bientôt vont nous écraser, l’appel du chaos qui va nous emporter. VALVE
est un groupe parisien : un chanteur très présent et diversifié – il n’a
rien d’un simple beugleur sans imagination –, deux guitares tout aussi
inventives et une rythmique de plomb et implacable dont on appréciera également
la souplesse, via des lignes de basse distinctes et évoluées. Un groupe à la
présence forte, particulièrement efficace en concert et dont Thermoclines est
le premier véritable enregistrement long format. Quatre compostions dont la
plus courte avoisine les sept minutes et la plus longue flirte avec le quart d’heure.
Autant dire tout de suite que Valve est un groupe qui préfère l’épaisseur,
la densité et les contrastes aux bavardages sans fond. Des bifurcations et des
changements, Thermoclines ne propose pratiquement que ça, mais sans aucune hésitation ni errance – changements de rythmes,
d’atmosphères, de volumes, de hauteur, de textures et de couleurs, toutes les
nuances et toutes les densités de noir y passent. Puisant aussi bien dans le
sludge, le (post) hardcore que le doom, les cinq musiciens savent tirer parti des
matières offertes et des langages déjà connus pour capter l’attention, dans le
bon sens du terme : il ne s’agit pas se la raconter mais – tout simplement
et on ne peut plus humainement – de raconter. Lorsqu’il y a de la double
pédale, ce n’est pas juste pour le plaisir d’en rajouter. Lorsque tout
s’accélère au milieu de Schism, ce
n’est pas par coquetterie. Lorsque le chanteur s’époumone si violemment que
l’on finit nous-mêmes par en avoir mal, ce n’est pas par volonté de montrer ses
muscles. Lorsque les guitares alternent modes atmosphériques et blocs de
saturation, ce n’est pas pour le décorum du chaud et du froid. Tout dans la musique
de Valve a un sens et, surtout, fait sens.
La narration est donc un élément primordial. Chacun des titres, possède un vrai
début et une vraie fin – vrai car on
y croit immédiatement – avec entre les deux un fil conducteur tortueux mais
lisible, Valve ayant, on l’a déjà dit, cette capacité hautement
estimable, pour un groupe qui a choisi les difficultés des longues distances et
des mouvements massifs, de nous tenir de haleine. Ecouter Thermoclines c’est accepter de nager dans des eaux troubles et
sombres, quitter la surface des choses, plonger dans l’obscurité pour y
chercher la lumière, trouver ce à quoi on ne s’attendait pas, des réelles
surprises – la montée des guitares en mode noise entre les quatrième et
cinquième minutes de Kabuki par
exemple, un vrai bonheur, parce que fulgurant – et la musique de Valve de s’imposer de la meilleure des
façons, syncrétique et viscérale. Une musique qui fait corps avec expertise et
personnalité et qui surtout donne envie de faire corps avec elle.
[Thermoclines est publié en vinyle doré, blanc ou transparent,
en cassette et même en CD par Itawak records,
Moment Of Collapse,
Poutrage et Yoyodyne records – l’artwork très
psychémétaphorique est signé Ëmgalaï]