Nouvelles
Et Anciennes Pratiques De Cartographie Amateure
aurait pu être de ces disques dont on se dit, avec une déférence contenue, trop
prudemment et donc à tort, qu’il vaut mieux y entrer doucement, à petits pas et
en mettant des patins de feutrine pour ne pas rayer le plancher, en faisant
attention à ne rien déplacer, rendu silencieux par les impératifs de l’écoute
respectueuse. Qu’il s’agit d’un énième enregistrement conceptuel, un peu comme
une œuvre d’art à laquelle on ne comprendrait rien, si ce n’est que c’est effectivement
de l’Art, du vrai de vrai, avec une cage de plexiglas tout autour et une belle
lumière électrique mais tamisée pour rajouter tout le relief nécessaire à son
statu d’importance.
Or, il n’en est rien. Qui a déjà vu TACHYCARDIE
aka Jean-Baptiste Geoffroy aka JB Pneu en concert comprendra tout de suite de
ce dont il est réellement question. Si, à l’écoute, Nouvelles Et Anciennes Pratiques De Cartographie Amateure est techniquement
détachable de toute gestuelle et de toute manifestation physique d’intention –
rejoignant ainsi l’un des préceptes de la musique concrète, celle qui fixe les
sons sur une bande et les arrache méticuleusement à leurs sources d’origine,
les transformant en portes ouvrant sur des significations nouvelles et des
mondes imaginaires – la musique de Tachycardie
transporte malgré et plus que tout l’empreinte du corps humain. Fermons les
yeux et nous entendrons des sons. Ouvrons-les pour regarder JB derrière ses dispositifs
sonores et nous verrons un magicien qui transpire. Fermons-les à nouveau et nous écouterons ce qui a toujours été là : des
sons qui nous parlent. Les vibrations sont de part et d’autre.
Le terme organique n’est pas
suffisant pour définir le fil ténu sur lequel Tachycardie funambulise, pendant d’un côté, puis de l’autre, et
surtout des deux à la fois, entre une pratique pointilliste des percussions et de
la synthèse analogique et, donc, son élévation autour de celle-ci pour donner
naissance à une musique immersive qui ouvrira tout un champ des possibles à qui
voudra bien se laisser faire – mais comment refuser de se laisse faire ? Concernant
le troisième disque (déjà) de Tachycardie,
seule l’indication cartographique
donnera quelques indices, ceux de la découverte éventuelle de mondes perdus ou
imaginés, fantasmagories de lumières et de formes, voyages parfois très
exotiques où celle ou celui qui écoute finit par trouver tout·e seul·e le
chemin vers la destination.
J’ai écrit exotique parce que mon
expérience personnelle de Nouvelles Et
Anciennes Pratiques De Cartographie Amateure m’a plusieurs fois emmené au cœur
de forêts luxuriantes peuplées d’animaux encore jamais rencontrés et notamment
d’oiseaux aux folles couleurs, aux cris et aux sifflements enchanteurs. Parfois
je me suis même retrouvé à l’entrée d’une immense caverne, hésitant à rester
sous la pénombre d’arbres millénaires laissant tout juste passer la lumière du
jour ou bien pénétrer dans les profondeurs attirantes aux bruissements
inattendus (nota : je suggère
plus que jamais l’utilisation d’un casque audio afin de rien perdre des détails
qui ne manqueront pas d’apparaitre à chaque nouvelle écoute du disque). La
force-beauté de Nouvelles Et Anciennes
Pratiques De Cartographie Amateure réside en grande partie dans le fait
qu’il est tout à fait permis – et même inévitable – de se l’approprier car, finalement,
l’amateur·e, stricto sensu, c’est toi
et c’est moi. C’est nous qui écoutons le déroulement pas si géographique que ça d’un disque
subtil et poétique, jamais démonstratif ni définitif.
[Nouvelles Et Anciennes Pratiques De
Cartographie Amateure est publié en vinyle chez Kythibong ; à noter
qu’un nouvel album de Tachycardie –
décidemment très inspiré – et intitulé Autonomie
Minérale devrait paraitre sous peu]