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mercredi 17 mars 2021

Echoplain / Polaroid Malibu

 

Attention : marqueurs spatio-temporels de toute première importance. Lorsqu’on intitule son premier album Polaroid Malibu – en l’occurrence le nom d’un gadget photographique très en vogue dans les années 70, toujours en cours chez les hipsters du 21ème siècle et ici associé au nom d’une boisson alcoolisée tellement 80’s et idéale pour chopper une bonne gueule de bois doublée d’une crise de foie persistante – c’est soit que l’on est un jeune con prétentieux postmoderne qui veut faire genre soit un vieux schnock qui n’a plus peur de rien.
Avec ECHOPLAIN la réponse est toute trouvée : il s’agit d’un trio parisien composé d’anciens Sons Of Frida, le guitariste et chanteur Emmanuel Bœuf et le bassiste Clément Matheron. Des vétérans, si je puis dire, auxquels se rajoute le batteur Stéphane Vion qui lui joue dans Vélocross (groupe dans lequel on retrouve également Geoffrey Jégat, encore un ex Sons Of Frida et actuel Tabatha Crash). Ce monde est décidemment bien petit mais, je te rassure tout de suite, il sera toujours assez grand pour accueillir des groupes de la trempe d’Echoplain.







Je ne vais donc pas cacher mon enthousiasme débordant face à la musique de trois garçons pour qui porter des chemises à carreaux ne relèverait ni d’une attitude anachronique ni d’une posture revivaliste, qui ont tellement bien fait le tour de leurs goûts musicaux qu’ils continuent malgré tout de découvrir de nouvelles choses et qui – je l’imagine – jouent à titre très personnel la musique qui leur tient le plus à cœur. C’est ce que l’on entend en premier en découvrant les dix compositions virevoltantes et survoltées de Polaraid Malibu : toute l’unité et toute la cohérence dont font preuve ces trois là, au service absolu d’un rock tendu, sec, nerveux, emporté, électrique et souvent bruyant. Le côté indéfectible de la musique.
Tu remarqueras que je n’ai pas écrit directement « noise rock » bien que je n’en pense pas moins. Mais le noise-rock, c’est un peu comme le post punk : je ne sais pas vraiment ce que c’est mais j’en écoute tous les jours. Ici on ne peut qu’être scotché par la solidité, l’aplomb et la lucidité démontrés par la musique d’Echoplain sans pour autant avoir à déplorer un quelconque manque de fiabilité sur la longueur ou une propension irraisonnable pour le bruit gratuit et sans fondement. Loin des images floues (certes parfois pleines de charme) d’un polaroid et loin de la saturation écœurante de la boisson alcoolisée susnommée, le noise-rock du trio est un bijou d’équilibre, de netteté, de dosage et une mécanique si finement réglée que l’on ne s’en aperçoit même pas. Comme lorsqu’on parle de la mise en scène d’un film et que l’on affirme qu’elle est d’autant plus réussie qu’elle ne se voit pas à l’écran (ou plutôt : tu es tellement captivé par ce que tu regardes que tu ne te préoccupes plus trop de tout le reste).
Le mot finesse prend ici un sens encore plus aigu, parce que cette finesse est au service d’une musique que n’importe qui pourrait – uniquement par défaut ou par désinvolture, je ne sais pas – qualifier de bruyante. 
Mais ce serait omettre que si la musique d’Echoplain n’était que fracassante on finirait forcément par s’emmerder. Et ne pas comprendre que si elle l’est autant c’est bien parce que les trois Echoplain sont des orfèvres en la matière. A grands coups de saturation bien dosée et de dissonances bien placées (école Sonic Youth période Sister / Daydream Nation). A l’aide d’une rythmique à la volumétrie implacable et imaginative. Avec un coté mélodique indéniable, souvent mis en avant dans le chant, parfois parlé, parfois crié, toujours avec ce même sens du dosage et de l’à-propos. Un à-propos qui ne masque rien de la noirceur exprimée au travers d’une musique qui n’est pas là non plus pour nous séduire à tout prix. Et qui, en suivant toujours le même principe, y arrive donc parfaitement. La boucle est bouclée en quelque sorte. Mais le sujet est loin d’être clôt. Parce qu’il est littéralement impossible de se lasser d’Echoplain et de Polaroid Malibu.

 

 

[Polaraid Malibu est publié en vinyle par Araki, Pied De Biche et Zéro Egal Petit Intérieur – l’artwork est signé Sasha Andrès, chanteuse d’Heliogabale et d’A Shape, un groupe dont Emmanuel Bœuf, homme aux mille projets, a également été membre]

 

vendredi 12 mars 2021

Tabatha Crash / Twist


 




Avec un nom de groupe en forme de référence de vieux aux années 90 et de blague potache (c’est presque aussi réussi que Charogne Stone ou que Clit Eastwood), TABATHA CRASH ne pouvait qu’attirer mon attention de vieux bougon renfrogné et cloitré à la maison entre deux piles de disques ou de bouquins et attendant des jours meilleurs. Tu rajoutes une photo de pochette avec un bobtail bien baveux et visiblement prêt à tout pour une partie de léchouilles endiablées et le tour est presque joué. Mais en fait, ce qu’il faut surtout retenir c’est que Tabatha Crash est né des cendres des excellents Sons Of Frida – dont le Tortuga est resté dans toutes les mémoires – puisque on y retrouve le guitariste / chanteur / trompettiste Benoit Malevergne ainsi que le batteur Thierry Cottrel. Quant à la basse elle est tenue par Geoffrey Jégat qui me semble t-il jouait lui aussi aux tout débuts de ces mêmes Sons Of Frida… Une suite logique, en quelque sorte, et un line-up en théorie typiquement noise-rock.
Twist
est le deuxième enregistrement publié par le groupe. Il conviendrait de parler de mini album puisque celui-ci ne contient que six titres pour tout de même vingt-cinq minutes de coït ininterrompu. Je vais commencer par avouer que je n’avais écouté son prédécesseur sans titre que d’une oreille assez lointaine et distraite et que maintenant je m’en mords un peu les doigts. Tant pis, je rattraperai mon retard avec ce Twist bien mené, bien tourné, bien ourlé et doté d’une qualité sonore bien meilleure parce qu’offrant plus de clarté et de lisibilité, bref d’efficacité – au passage signalons que l’enregistrement et le mixage sont le fait de Manu Laffeach (il a bossé avec Shub, Poutre, Marylin Rambo, Ultracoït et tant d’autres) tandis que le mastering est l’œuvre du wizzzzard Cyril Meysson (Magrava, Satan, etc.).
Difficile cependant de limiter les trois musiciens de Tabatha Crash au seul registre du noise-rock à papa et maman. Toujours au rayon années 90 et musiques de vieux et de vieilles, le trio semble aussi très largement puiser son inspiration dans le post hardcore. Mais le vrai post hardcore, canal historique, pas celui des saloperies progressives vouées au culte lunaire ou au dieu solaire mais celui des groupes du label Dischord et qui donnera l’emo avant que cela ne dégénère en musique pleurnicharde, complaisante et peignée au gel à fixation forte. L’énergie est constamment présente mais il s’agit donc d’une énergie toujours finement enclenchée – si tu veux de la bourrinade à la queue-leu-leu va plutôt voir ailleurs –, apportant son lot important de subtilités et d’attraits mélodiques.
Les six compositions de Twist pourraient avoir l’air de rien – je veux dire par là qu’elles ne rentrent pas frontalement dans le lard pour tout dévaster et repartir sans laisser plus d’impressions que celles de la gratuité et de la facilité – mais elles sont plutôt du genre à s’immiscer avec assurance, à se faire une place au chaud et à rester bien dans la tête. Fast End est caractéristique de cette façon de faire, pleine de conviction et de détermination mais aussi de souplesse et de séduction. D’allant et d’intelligence. Au rayon des positions intenables et extravagantes Tabatha Crash ne remportera peut-être pas le premier prix d’excellence – la décence m’interdit absolument de traduire « twist » dans un tel contexte – mais le trio gagne celui de l’agilité et de la persuasion.



[Twist est publié en vinyle par Araki et Zéro Egal Petit Intérieu