Nul doute que Slowly We Rock devrait remporter le
grand prix de la pochette la plus génialement laide et addictive de l’année
2022 avec son artwork fluo digne d’un vieux groupe de hard-rock réac ou même de
hair-metal 80’s en provenance directe de Fuckland (voir Los Angeles et mourir).
Le truc, c’est que chez MASSGRAV on ne porte
pas de vestes à franges, de santiags ni de pantalons moule-burnes ou de bandanas
et que le groupe est originaire de Suède. Donc rien à voir : ces quatre
garçons ne sont pas là pour rouler des mécaniques devant un miroir sans tain, épater la
galerie et amasser de la thune avec des chansonnettes insipides parlant de cul,
de coke, d’amours incestueuses, de flingues, de bagnoles, de bière au goût de pisse,
de junkfood et de cholestérol.
En fait, je ne savais pas à quoi m’attendre exactement avant d’écouter pour la
première fois Slowly We Rock –
légèrement contraint et menacé par le service marketing et force de ventes de Lixiviat records,
il est vrai particulièrement efficace et offensif dès qu’il s’agit de faire la
promotion de l’une de ses nouvelles productions – mais j’ai immédiatement bondi
au plafond. De stupeur. Et de joie. De cette joie régressive qui te colle
immédiatement un sourire tartignole aux lèvres et te fait regretter de ne plus
avoir de cheveux pour headbanguer avec classe et panache pendant que tu fais de
l’air-guitar dans ton salon. Ce disque est une bombe. A tel point que j’ai du
me retenir de commencer immédiatement une chronique pour en dire tout le bien
que j’en pense et même plus encore. Fallait que ça sorte.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? Slowly We Rock
est un titre complètement ironique puisque en fait de lenteur, on se retrouve
avec un disque de vingt trois minutes et vingt et un titres. Mais bien que cela
soit l’une des nombreuses spécialités suédoises en matière de musiques extrêmes,
Massgrav n’est pas un
groupe de grindcore pour autant – on notera juste que le guitariste Jesper
Liveröd qui a intégré l’affaire aux alentours de 2018 est un ancien Nasum, oui
rien que ça. Un titre tel que (le génialement entrainant) Gasen I Botten représente bien l’état d’esprit d’une musique qui oscille
constamment entre fastcore, grind, punk et rock’n’roll. Un mélange complètement
hallucinant, époustouflant et bien dégueulasse qui fonctionne de bout en bout
et révèle tellement de bonnes surprises. Difficile de trouver des points de
comparaison mais Massgrav c’est un
peu Zeke (le Zeke de la grande période, quelque part entre les albums Kick In The Teeth et Death Alley) qui aurait mis une bonne
dose de grind et de powerviolence dans son hardcorepunk’n’roll. Dans ta face.
Slowly We Rock est ultra rapide,
ultra sauvage et, musicalement, complètement hilarant. C’est aussi le disque le
plus épais et le plus massif de Massgrav
qui jusqu’ici fonctionnait en trio, avec une seule guitare. Quant aux paroles,
elles sont exclusivement en Suédois – mais quelle belle langue, über efficace
dès qu’il s’agit de brailler des insanités ! – avec des textes
anti-patrons, anti-flics, anti-connards de droite, la routine quoi. Entre
autres friandises vitriolées on remarquera ce Krossa Högerkukarna que l’on pourrait sobrement traduire par
« écraser les bonnes bites » et dont les paroles comportent ces
quelques mots doux : « Il est temps d’écraser les
bites de droite / Il faut écraser la noblesse / Il est temps de se battre / Il
faut écraser la noblesse » (coucou Elizabeth). Tu auras évidemment
remarqué que je parle couramment la langue d’Ingmar Bergman.
Blague à part, lorsque on voit le
résultat des dernières élections législatives et la coalition qui s’apprête à prendre le pouvoir en Suède, il est certain que Massgrav n’en a vraiment pas fini de
gueuler et d’envoyer du pâté… mais par ici nous serions pourtant bien mal inspiré·es de
faire les malins, parce que nous ne sommes vraiment plus très loin de connaitre
une situation aussi merdique et aussi dangereuse que celle-là.