lundi 19 septembre 2022

Massgrav : Slowly We Rock

 

Nul doute que Slowly We Rock devrait remporter le grand prix de la pochette la plus génialement laide et addictive de l’année 2022 avec son artwork fluo digne d’un vieux groupe de hard-rock réac ou même de hair-metal 80’s en provenance directe de Fuckland (voir Los Angeles et mourir). Le truc, c’est que chez MASSGRAV on ne porte pas de vestes à franges, de santiags ni de pantalons moule-burnes ou de bandanas et que le groupe est originaire de Suède. Donc rien à voir : ces quatre garçons ne sont pas là pour rouler des mécaniques devant un miroir sans tain, épater la galerie et amasser de la thune avec des chansonnettes insipides parlant de cul, de coke, d’amours incestueuses, de flingues, de bagnoles, de bière au goût de pisse, de junkfood et de cholestérol.
En fait, je ne savais pas à quoi m’attendre exactement avant d’écouter pour la première fois Slowly We Rock – légèrement contraint et menacé par le service marketing et force de ventes de Lixiviat records, il est vrai particulièrement efficace et offensif dès qu’il s’agit de faire la promotion de l’une de ses nouvelles productions – mais j’ai immédiatement bondi au plafond. De stupeur. Et de joie. De cette joie régressive qui te colle immédiatement un sourire tartignole aux lèvres et te fait regretter de ne plus avoir de cheveux pour headbanguer avec classe et panache pendant que tu fais de l’air-guitar dans ton salon. Ce disque est une bombe. A tel point que j’ai du me retenir de commencer immédiatement une chronique pour en dire tout le bien que j’en pense et même plus encore. Fallait que ça sorte.







Mais de quoi parle-t-on exactement ? Slowly We Rock est un titre complètement ironique puisque en fait de lenteur, on se retrouve avec un disque de vingt trois minutes et vingt et un titres. Mais bien que cela soit l’une des nombreuses spécialités suédoises en matière de musiques extrêmes, Massgrav n’est pas un groupe de grindcore pour autant – on notera juste que le guitariste Jesper Liveröd qui a intégré l’affaire aux alentours de 2018 est un ancien Nasum, oui rien que ça. Un titre tel que (le génialement entrainant) Gasen I Botten représente bien l’état d’esprit d’une musique qui oscille constamment entre fastcore, grind, punk et rock’n’roll. Un mélange complètement hallucinant, époustouflant et bien dégueulasse qui fonctionne de bout en bout et révèle tellement de bonnes surprises. Difficile de trouver des points de comparaison mais Massgrav c’est un peu Zeke (le Zeke de la grande période, quelque part entre les albums Kick In The Teeth et Death Alley) qui aurait mis une bonne dose de grind et de powerviolence dans son hardcorepunk’n’roll. Dans ta face.
Slowly We Rock est ultra rapide, ultra sauvage et, musicalement, complètement hilarant. C’est aussi le disque le plus épais et le plus massif de Massgrav qui jusqu’ici fonctionnait en trio, avec une seule guitare. Quant aux paroles, elles sont exclusivement en Suédois – mais quelle belle langue, über efficace dès qu’il s’agit de brailler des insanités ! – avec des textes anti-patrons, anti-flics, anti-connards de droite, la routine quoi. Entre autres friandises vitriolées on remarquera ce Krossa Högerkukarna que l’on pourrait sobrement traduire par « écraser les bonnes bites » et dont les paroles comportent ces quelques mots doux : « Il est temps d’écraser les bites de droite / Il faut écraser la noblesse / Il est temps de se battre / Il faut écraser la noblesse » (coucou Elizabeth). Tu auras évidemment remarqué que je parle couramment la langue d’Ingmar Bergman.
Blague à part, lorsque on voit le résultat des dernières élections législatives et la coalition qui s’apprête à prendre le pouvoir en Suède, il est certain que Massgrav n’en a vraiment pas fini de gueuler et d’envoyer du pâté… mais par ici nous serions pourtant bien mal inspiré·es de faire les malins, parce que nous ne sommes vraiment plus très loin de connaitre une situation aussi merdique et aussi dangereuse que celle-là.