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vendredi 6 janvier 2023

The Flying Luttenbachers : Terror Iridescence

 





Intarissable et insaisissable Weasel Walter. A peine réactive t-il les FLYING LUTTENBACHERS, son groupe de toujours, aux alentours de l’année 2019 et avec Tim Dahl, Brandon Seabrook ainsi que Matthew Nelson comme nouveaux partenaires, qu’il nous balance deux enregistrements colossaux et pourtant très différents : Shattered Dimension et Imminent Death. Mais cela ne suffisait pas. Nouveau changement de line-up, arrivée de Katie Battistoni à la guitare et de Sam Ospovat derrière la batterie, Weasel Walter prenant la deuxième guitare. Et cela a donné l’album Negative Infinity en 2021, l’un des trucs les plus monstrueux jamais enregistré par les Luttenbachers. Aux dernières nouvelles, notre diablotin qui n’est vraiment pas du genre à s’endormir sur ses lauriers a pris un nouveau virage à 180°, quittant New-York où il s’était installé depuis plusieurs années et retournant à Chicago, là où tout avait commencé, la ville de naissance des Flying Luttenbachers. Là il s’est entouré de nouveaux musiciens, entre autres Alex Prekolup à la basse et Charlie Werber à la batterie, et on attend donc la suite de ses aventures.
Pourtant une dernière surprise New-Yorkaise nous attendait. Enregistré – c’est suffisamment rare pour être souligné – avec les mêmes musiciens que Negative Infinity, Terror Iridescence est encore une fois un album tout à fait à part dans la discographie pléthorique et expansive des Flying Luttenbachers. Seulement deux titres d’une vingtaine de minutes, Meredith Herold (du nom d’une obscure actrice des 60’s) et Tom Smith (en hommage au co-fondateur de To Live And To Shave In L.A., malheureusement disparu en janvier 2022). Et un mode opératoire inédit pour Weasel Walter et ses mercenaires du tout est possible : aucune composition préétablie et imposée par Walter, aucune répétition-marathon pour mémoriser la musique tordue, alambiquée et labyrinthique du chef mais une séance d’improvisation étalée sur une journée dans le studio de Colin Marston. Walter en « chef d’orchestre », indiquant à chacun quand et quoi jouer – cela m’a un peu rappelé le concept de Cobra imaginé par Zorn au milieu des années 80 – et, une drôle d’idée : suivre et se fier à la piste de tracking / click que tous les musiciens entendaient dans leur casque. Un truc qui ici ressemble moins à un métronome qu’à un goutte-à-goutte faisant du roller-coaster, comme un instrument de torture.
La suite, c’est Weasel Walter qui la raconte : « Once it [the recording] came down to the mixing phase, it was apparent that this click track was actually an integral part of the composition and had to be included in the final mix, whereas the original idea was to mute it completely ». Accompagnant tout Meredith Herold, disparaissant parfois, lorsque la musique fait de brusques embardées, élément immuable ou solitaire (on le distingue complètement aux alentours de la neuvième minute), ce click que l’on n'aurait donc pas du entendre dans le mix final donne une saveur complètement irréelle aux vingt minutes de conversations fragmentées et accompagnées de traitements électroniques en direct de Meredith Herold. Vingt minutes flirtant non seulement avec l’idée d’improvisation libre mais aussi de musique concrète – ce qui n’est absolument pas un hasard, Weasel Walter est un grand admirateur de Iannis Xenakis.
Egalement chargé en traitements électroniques, tout aussi improvisé, Tom Smith se rapproche déjà plus de l’esthétique connue des Flying Luttenbachers – bien que, répétons-le, le groupe ne se soit, précisément, jamais répété. Plus de freeture, plus de chaos et plus d’explosion. Un maelström qui là aussi joue sur les allers-et-retours, les attaques, les fractures, les effondrements, les fulgurances mais de façon beaucoup plus organique, tout en maintenant ce sentiment d’énergie sans cesse mutante qui ne permet jamais de savoir jusqu’où – ni comment – Weasel Walter et les Flying Luttenbachers vont nous emmener. En relisant les précédentes chroniques consacrées au groupe, je me suis aperçu non sans rougir que j’avais un jour osé traiter son incontestable leader et cerveau bouillonnant de génie… Je sais très bien que ce mot n’est pas à employer ni à prendre à la légère mais à l’écoute de Terror Iridescence il ne m’en vient malheureusement pas d’autre. Désolé Walter, mais ce n’est pas encore cette fois que tu me décevras.

[Terror Iridescence est publié en CD par ugEXPLODE et en vinyle par God records]

 

mercredi 23 novembre 2022

Oxbow & Peter Brötzmann : An Eternal Reminder Of Not Today - Live at Moers

 

En d’autres temps (et au siècle dernier) j’aurais sûrement payé très cher pour assister au concert qui a abouti à l’enregistrement de An Eternal Reminder Of Not Today : la réunion d’OXBOW et du saxophoniste Peter BRÖTZMANN sur une même scène, celle de l’édition 2018 du Moers Festival, en Allemagne. Inutile cependant de rêver, je n’étais même pas au courant et mon désamour pour Oxbow depuis la parution de l’album Thin Black Duke en 2017 m’aurait certainement dissuadé de parcourir les quelques centaines de kilomètres séparant mon home sweat home de Moers. Mais quand même… l’un des meilleurs – et pendant longtemps mon préféré – groupes américains des années 90 qui joue avec l’un des piliers de la scène free et improvisée européenne des années 60, 70, 80, 90, etc. J’avoue que cela aurait pu avoir de la gueule.
Ce sont les internets qui ont craché le morceau quelques semaines à peine après le concert. Il était facile d’en retrouver l’enregistrement vidéo, en bonne qualité puisque repiqué à une chaine TV culturelle franco-allemande bien connue et je l’avais regardé, mi-sceptique et mi-amusé, entre agacement et fascination. La dite vidéo a rapidement été supprimée en raison d’une réclamation de Nico Werner d’Oxbow pour atteinte à la propriété artistique. Tant pis pour les pirates… Cependant la récente publication sur disque du concert (i.e. l’objet de la présente chronique) est une bonne chose, ne serait-ce que pour pouvoir (ré)écouter sereinement cette musique sans avoir à supporter les images d’un public de jazzophiles concentrés et assis.







An Eternal Reminder Of Not Today - Live at Moers ne présente aucun inédit mais des nouvelles versions de compositions d’Oxbow, piochant dans presque toute la discographie du groupe, exception faite du génial Let Me Be A Woman de 1995, ce que je ne pourrais que regretter, et de The Narcotic Story (2007), ce que je regrette déjà beaucoup moins : The Valley est tiré du premier album Fuck Fest (1989), Angel et Cat And Mouse sont extraits de King Of Jews (1991), Over de Serenade In Red (1996), Skin de An Evil Heat (2002) et malheureusement Thin Black Duke est représenté par trois titres : A Gentleman’s Gentleman, Host et The Finished Line. Mais je ne devrais pas écrire « malheureusement » parce que ces trois compositions sont celles qui ressortent le mieux du traitement à la moulinette freeturée made in Brötzmann, peut-être parce que les versions initiales de 2017 étaient décevantes. En particulier A Gentleman’s Gentleman est très enlevé (malgré des foutues parties de piano !) et rassure sur le fait que An Eternal Reminder Of Not Today ne sera pas entièrement dédié aux tempos lents ou mediums. Quant à The Finished Line il s’agit du meilleur titre du disque.
Et le reste alors ? Difficile de ne pas ressentir un fort sentiment de frustration. Tout est bien en place, tout est parfaitement joué et souvent même des fois un peu trop (les glissandos de Dan Adams sur le manche de sa basse fretless m’insupportent). An Eternal Reminder Of Not Today est un disque confortable à l’artificialité convenue mais plaisante. Et tout le génie de Peter Brötzmann n’y peut rien. Je ne vais pas repartir sur le même refrain, dire qu’Oxbow c’était mieux avant, que le groupe n’a plus rien de dangereux, de méchant, de malsain et de saignant parce qu’après tout c’est bien ce que la bande à Eugene Robinson et Nico Wenner souhaite faire depuis quelques années : du rock de salon, habillés en costards, dépravés avec soin, et que ce qu’ils font, ils le font bien. Juste que cela ne m’intéresse plus du tout. J’ai toujours pensé qu’il fallait que je me méfie d’un groupe très électrique à partir du moment où il commençait à faire des versions acoustiques de ses compositions, exercice qu’Oxbow a pratiqué dès les années 2000. Et comme je suis particulièrement prétentieux, je ne peux qu’affirmer avoir eu raison. J’espère aussi que la prochaine étape ne sera pas avec orchestre philharmonique et chorale de jouvenceaux prépubères.

[An Eternal Reminder Of Not Today - Live At Moers est publié en double vinyle (il y a une version rouge pour les addicts) et en CD par Trost records, maison dont la succursale Cien Fuegos réédite un par un tous les enregistrements historiques de Peter Brötzmann mais aussi nombre de ceux de ses camarades musiciens et amis, de Han Bennink à Sven-Ake Johansson (etc.), des disques que je ne saurais que trop conseiller]

 


mercredi 21 septembre 2022

Dandaure : Rude Nada


Attention : grand disque. Musiciens d’exception. Frissons garantis. Bonheur absolu.

DANDAURE est un quartet découvert grâce à Franck Gaffer. D’abord avec un premier EP publié en cassette sur son défunt label en 2018 puis lors de la dixième et dernière édition du Gaffer Fest, en septembre 2019. Un split en compagnie de Chamane Chômeur plus tard, les quatre musiciens sont enfin de retour avec un premier album enregistré en décembre 2019 et intitulé Rude Nada. Il aura fallu bien plus d’une année pour que deux des membres du groupe – en l’occurrence Billy Guidoni (batterie) et Fabrizio Bozzi Fenu (guitare) – se retrouvent et procèdent au mix puis au mastering de l’album. Un travail au long cours, les temps sont difficiles pour les musiciens, spécialement pour les plus pointus d’entre eux.
Mais faisons les présentations. Billy a joué dans Costa Fatal (actuellement en hibernation plus que prolongée…) et joue toujours – du moins je l’espère – avec les excellents Emwewme ; il participe à Bruits Confus, émission musicale incontournable et inclassable, tous les quinze jours sur Radio Grenouille à Marseille. Le bassiste Krim Bouslama est un vieux complice puisqu’il est l’autre moitié du duo Costa Fatal et fait aussi partie de l’équipe Bruits Confus. Par contre je ferai moins le malin en ce qui concerne les deux guitaristes de Dandaure. Fabio Cerina a joué dans énormément de groupes dont seul Uncle Faust me dit vaguement quelque chose. Quant à Fabrizio Fenu, c’est l’inconnu total mais il semblerait qu’il est très investi dans les musiques improvisées non idiomatiques. Petit détail géographique, Cerina comme Fenu sont Sardes alors que Bouslama et Guidoni viennent de Marseille.








Rude Nada. Que, selon quelques vagues et médiocres souvenirs de mes cours d’Espagnol au lycée, je traduirai par « rien de grossier ». Rien de présomptueux non plus dans ce titre. S’il faut opposer simplisme, balourdise, vulgarité et inélégance à finesse, distinction et exigence alors les quatre musiciens ont parfaitement eu raison de choisir un tel nom d’album. Parce qu’il définit parfaitement leur musique, son inventivité permanente, sa richesse et sa profondeur, son esprit aventureux.
Résumer un disque aussi court – beaucoup trop court diront peut-être certain·es – est cependant difficile. Dandaure se présente comme une formation aux horizons multiples, fouinant dans le bruitisme des guitares, alliant blues déconstruit et abstrait, taquinant la freeture, frôlant les excès de la no-wave, aimant les dissonances, les suites d’accords bizarres, les mesures avec des chiffres à virgule (je sais que cela n’existe pas mais tu comprends le principe, non ?), le psychédélisme voyageur, les paysages désertiques... et le groupe d’inventer, semble-t-il spontanément ou en tous les cas d’une manière qui sonne spontanée et sans entraves ni travail d’écriture formelle en amont, une musique rayonnant d’intelligence.
Beaucoup d’intelligence, même. Mais rien non plus de maniéré, d’orgueilleux ou de vaniteux : Dandaure, bien qu’étant composé de musiciens aguerris, imaginatifs, sans peur et sans reproches, n’est pas un groupe élitiste et cérébral s’adressant à un parterre de connaisseurs ne jouissant de la musique qu’avec leur tête. Au contraire, si Dandaure est un groupe ambitieux c’est avant tout par générosité et par sensibilité. Son free noise – appellation du coup un peu courte sur pattes mais bien pratique – est aussi alambiqué et exigeant que lisible, aussi abrupt qu’altruiste, aussi réfléchi que bouillonnant et incandescent, exploratoire mais jamais en vain, épidermique et parfois hallucinatoire, mutant mais limpide et lumineux. Avec en ligne de mire cette volonté authentique de nous prendre par la main, de nous embrasser, nous enflammer, nous enlever, la tête qui tourne et le cœur qui s’emballe, qui s'apaise, plus loin, plus fort. Tout sourire.

[Rude Nada est publié en CD uniquement – pour l’instant ? – par Araki records ; son artwork est signé Federico Orrù et je l’aime beaucoup, dommage que l’on ne puisse pas l’admirer sur une pochette de disque vinyle]




vendredi 20 mai 2022

Brandon Seabrook Trio @Périscope [16/05/2022]

 




Guitariste foutraque affilié à la scène downtown new-yorkaise, BRANDON SEABROOK, possède un curriculum-vitae impressionnant, puisqu’il joue ou a joué avec Jessica Lurie, Paul Brody, Peter Evans, Simon Nabatov et qu’il a même fait partie des Flying Luttenbachers. Je me rappelle aussi de l’avoir vu il y a une vingtaine d’années avec les fabuleux Naftule’s Dream dans un [kafé myzik] bouillonnant. Pour ce concert au Périscope il était accompagné de Cooper-Moore (légende s’il en est) au diddley bow et de Gerald Cleaver à la batterie. 













































































lundi 25 avril 2022

Polymorphie @Périscope [19/04/2022]

 




Double programme au Périscope pour POLYMORPHIE qui a interprété – avec des line-up différents – deux pièces de son répertoire ayant récemment fait l’objet d’une réédition (des beaux livres-disques chez La Compagnie 4000). Je connaissais déjà Cellule (2014) et j’ai été tout autant secoué qu’il y a quelques années par la force de la musique et de textes tournant autour de l’enfermement et du monde carcéral. J’ai par contre été moins touché par Claire Vénus (2020), déambulation poétique sur la passion et les sentiments amoureux. Une séance de rattrapage semble s’imposer…