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vendredi 27 janvier 2023

[chronique express] Catorcio : self titled

 


L’une des bonnes surprises du moment nous vient d’Italie et plus précisément de Bologne : CATORCIO c’est quatre musiciens – chant, guitare, basse et batterie – qui mélangent avec bonheur et jubilation noise-rock et math-rock. Encore ? me diras-tu et là je te répondrai que l’on n’a pas affaire à une énième resucée de recettes usées jusqu’à la corde. Ce qui me parait essentiel dans la musique du groupe c’est qu’il ne se contente pas de jouer des trucs niqués et alambiqués mais qu’il passe une bonne partie de son temps à tout dégueulasser. La voix en est le meilleur exemple, bel organe rauque et grave qui glaviotte avec délectation ou susurre des postillons psychotiques. La basse virevolte mais elle fait aussi appel à ce bon gros son boueux, essentiel à tout groupe de noise qui se respecte. La guitare aime racler là où ça fait mal et nous enfoncer des clous entre les cervicales. La batterie réussit à être à la fois massive et inattendue. Maintenant, faisons un peu de géométrie : tu traces un triangle équilatéral et à chacun de ses sommets tu places (dans l’ordre que tu veux) Hoaries, Killdozer et The Conformists. Puis tu traces trois droites reliant de façon perpendiculaire chaque sommet avec son côté opposé. Tu remarqueras qu’elles se croisent en un seul et unique point, au milieu de triangle : c’est précisément là où se situe Catorcio, percheron roublard, bordélique mais extrêmement sympathique, toujours en train d’essayer de courir à reculons lorsqu’il ne rue pas dans les brancards pour nous fracasser le crane.


jeudi 27 mai 2021

Valse Noot : Utter Contempt

 




Pas besoin d’avoir à toujours traverser l’Atlantique ou La Manche pour découvrir des groupes de noise-rock. On peut par exemple aller faire un tour du côté de Vesoul (Membrane), Nantes (Carver, on en reparle bientôt), Clermont Ferrand (Black Ink Stain, on en reparlera également), Saint Brieuc (Dewaere, du moins ce qu’il en reste), Saint Etienne (Nose In The Nose), Marvejols (Pord, mes chéris de toujours) et – il semblerait depuis une dizaine d’années – Brest avec VALSE NOOT. J’admets cependant que si j’avais écouté dès 2012 le premier EP de ces quatre petits gars je n’aurais pas voulu parier un seul copeck de bitcoin en chocolat sur eux. Et à peine plus avec leur premier CD So Straight Architecture paru lui en 2014. Mais c’est une toute autre histoire avec Utter Contempt que le groupe a publié au mois de janvier de cette année 2021.
De ses débuts très techniques et trop souvent à la limite du rock progressif – tu sais bien que je déteste ce truc, tu comprendrais tout de suite si tu avais eu des grands frères et des grandes sœurs qui écoutaient Genesis et autre Marillion en fumant des bidis au lieu d’écouter les Buzzcocks et Motörhead en buvant de la bière tiède – Valse Noot a cependant gardé plusieurs ingrédients : cette capacité à jouer comme des brutes de technicité (donc), une énergie implacable, un amour pour les structures tordues et même ce synthétiseur qui sur Utter Contempt ponctue la musique du groupe sans jamais prendre les devants.

Il est là le principal changement : à la fois dans le durcissement et la mutation du son du groupe. Je ne sais pas si ce sont exactement les mêmes personnes qui jouent sur Utter Contempt que sur les enregistrements précédents de Valse Noot mais c’est presque le jour et la nuit. La basse est devenue ultra volumineuse et des fois même très grasse – pas le moindre slap dégueu à l’horizon non plus – tandis que la guitare joue désormais du côté du charcutage et de la soudure à haute température. Quant au chant, toujours très démonstratif, il garde ses côtés foutrement années 90 (Angst est peut-être le titre du disque que j’aime le moins à cause de cette scansion me rappelant beaucoup trop un groupe made in France vaguement fusionnel pas très innocent et surtout, finalement, très opportuniste et carriériste). C’est le point de rupture – ou d’adhésion, c’est selon – avec Utter Contempt : il faut accepter ce chanteur pyromane qui a tendance à en faire des tonnes et qui visiblement aime beaucoup ça.
Dans ses meilleurs moments, c’est-à-dire lorsque le prog pointe malgré tout le petit bout de son nez dans la musique du groupe pour provoquer le chaos (Pigeonholed, à partir de sa deuxième minute), Valse Noot se rapproche d’un Dazzling Killmen, l’aridité obsessionnelle et autodestructrice en moins. Et c’est dans ces moments là que j’apprécie énormément Utter Contempt. Mais ce n’est pas une règle générale : le groupe dévie tout le temps, ne reste jamais sur la même position et n’est guère avare en surprises. On peut au minimum affirmer que la musique de Valse Noot manie fort bien le concept d’originalité – une qualité inestimable par les temps qui courent, j’en conviens aisément. Et justement je crois que ce qui m’accroche le moins et me chiffonne le plus sur Utter Contempt a précisément quelque chose à voir avec son originalité : quel dilemme, n’est ce pas ?
D’habitude je ne me force jamais trop avec un disque mais partant du principe qu’une musique qui bouscule un peu mes habitudes conservatrices et réactionnaires n’est pas forcément moins estimable qu’une musique qui les conforte et qui flatte mon bon goût légendaire et souverain, j’ai juste compris qu’il me fallait insister un peu plus avec Utter Contempt pour commencer à apprécier ce que de prime abord je ne faisais que discerner. Je ne le regrette aucunement parce que Valse Noot est de ces groupes qui apparemment n’ont peur de rien et dont on a donc le plus de chance de se souvenir. Et Utter Contempt de tracer sa route de la meilleure façon qui soit.



[Utter Contempt est publié en vinyle et en cassette par French wine records, Ideal Crash, Offoron records, Super Apes et Vollmer Industries]



lundi 18 mai 2020

The Glad Husbands / Safe Places


Ce monde est définitivement merveilleux et cette vie est plus que jamais pleine de surprises. Et puis, c’est vrai, je suis tellement content d’être moi. Non, je plaisante bien sûr. Sauf pour les surprises : des fois il y en a des bonnes qui débarquent sans prévenir et c’est le cas de Safe Places (un titre vaguement prémonitoire) de THE GLAD HUSBANDS, un groupe dont on n’avait pas eu de nouvelles depuis beaucoup trop longtemps. Pourtant certains se rappelleront peut-être non sans une petite pointe d’émotion de ce trio italien originaire de Bene Vagienna* qui en 2012  nous avait déjà vigoureusement secoué le cocotier grâce à God Bless The Stormy Weather, un premier album tout chaud bouillant de noise-rock énervé comme un taureau chicagoan et tendu comme une fin de mois difficile.
2012… cela semble si loin : qu’a-t-il bien pu se passer entretemps ? A part un changement de batteur – le « nouveau » s’appelle Stefano Ghigliano et il développe un jeu absolument terrible – je n’en sais rien. Mais ce que je sais, du moins ce que je pense pouvoir affirmer, c’est que si l’appellation d’origine contrôlée noise rock a encore un sens en ce bas monde ravagé par la stupidité progressive, l’ignorance des valeurs sûres et l’inanité des colporteurs de noise tropicale c’est grâce à des groupes comme The Glad Husbands, des groupes venus de nulle part et qui ne la ramènent pas alors qu’ils seraient carrément en droit de le faire.




Cependant, dans sa courte présentation, The Glad Husbands préfère se définir plutôt comme un power trio de post hardcore et parler de « rational music played with punk attitude ». Je ne vais pas contredire ces trois garçons et en fait je crois que je vois exactement où ils veulent en venir : la musique du groupe est massive, acérée et complexe donc, oui, elle possède quelque chose de hardcore. Mais c’est un quelque chose qui tient plutôt du hardcore moderne, celui qui n’hésite pas à dresser des pics millimétrés et à envoyer des salves brûlantes tout en gardant à l’esprit la nécessité d’atteindre son but (ça, c’est pour le côté « rational music »). Et enfin The Glad Husbands reste avant tout un concentré d’énergie folle, une boule de feu, une répétition d’explosions toutes plus virulentes les une que les autres – et ça c’est donc pour le « punk attitude ». Ces gars savent pertinemment ce qu’ils font… et à chaque fois que j’écoute la longue introduction de Where Do Flies Go When They Die ? ou le bien nommé Like Animals qui clôt magistralement Safe Places mon poil se hérisse et je choppe invariablement la chair de poule, comme un vrai gosse toujours aussi impressionnable.
Toute proportion gardée The Glad Husbands lorgne souvent du côté d’un Dazzling Killmen mais sans le côté obsessionnel et torturé (voire malsain) des américains. Car à la différence des tueurs étincelants, les maris heureux ne sont pas réfractaires à un peu de fanfreluches et leur coquetterie naturelle se manifeste par un recours récurrent aux mélodies qui accrochent le fond du cœur et du slip. Dans ces moment là le chant s’adoucit, les guitares au son tellement sec et aux riffs tellement tranchants soulignent plus qu’elles ne pilonnent tandis que la batterie reste toujours à l’affut, prête à relancer la machine l’instant d’après. Efficacité : je n’aime toujours pas ce (très) gros mot mais c’est ici le résultat obtenu et tout l’intérêt des nombreuses coupures mélodiques que le groupe inclut ça et là dans sa musique, donnant un tout autre relief et une toute autre signification à sa violence hardcore noise. Bien que des fois The Glad Husbands joue dangereusement avec le feu, comme lorsque la voix se retrouve trafiquée par quelques effets proches de l’acidulé (Midas). Mais le groupe retombe systématiquement sur ses pattes ou plutôt il rebondit aussitôt, sortant à nouveau ses griffes et repartant de plus belle. Et puis on s’habitue très vite à ces quelques décorations en stuc pour finalement toutes les trouver de bon goût : si ça ce n’est pas de la magie, je ne sais pas ce que c’est. Un vrai bon disque et une belle réussite, en tous les cas.

[Safe Places est publié en vinyle et en CD par Antena Krzyku,  Entes Anomicos, Longrail records, Scatti Vorticosi, Tadca records, Vollmer Industries et Whosbrain qui avait déjà sorti God Bless The Stormy Weather en 2012… la version numérique de Safe Places est elle disponible via Atypeek Music]

* et voilà mon vieux démon géographique qui me reprend soudainement : Bene Vagienna est une petite ville du Piémont, entre Turin et Gênes, pour faire vite