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vendredi 30 décembre 2022

Comme à la radio : Less

 



Il est grand temps de parler un peu de LESS dans cette gazette internet. Un trio franchouille à la composition plutôt inhabituelle puisque comprenant deux bassistes (dont un chanteur) et un batteur. Et une musique qui fait plus que lorgner vers le noise-rock. C’est important de le souligner puisque Less reprend à son compte les us et coutumes d’un genre sans trop y ajouter d’autres influences, si ce n’est une bonne grosse dose de punk. Dans ce pays, les quelques rares (et bons) groupes que l’on pourrait qualifier de noise mélangent malgré tout pas mal d’ingrédients extérieurs – on citera Schleu et ses perturbations no wave et jazz core, Membrane qui fait plus que lorgner sur le post hard core ou Fleuves Noirs qui a trop bouffé d’acide. Avec Less, les lignes de basse sont évidemment au centre de la musique, constitutives et typiques de ce son abrasif et viscéral issu des années AmRep. Mais là où le trio a tout bon, c’est qu’il n’oublie pas non plus de placer accroches et rampes de lancement. Derrière le mur du son, le charme vénéneux de l’électricité maltraitée.

Depuis le début de l’année 2022, Less a ainsi inondé le whawhawha de pas moins quatre singles numériques. Le vieux râleur que je suis ne s’empêchera pas de toujours préférer les éditions physiques au streaming ou aux mp3 et consorts mais le fait est que la musique mis en ligne par le groupe vaut complètement le déplacement. Sa toute dernière publication est un deux titres intitulé Trauma et il aurait fait un excellent 7’ parce qu’il s’agit sans aucun doute de la meilleure réalisation du trio à ce jour.







Tu trouves que tout ceci manque de finesse ? Je reconnais que Bad To The Bone est un titre rapide et furieux qui va droit au but sans s’encombrer de complications mais il est surtout très représentatif du noise-punk de Less. La surprise vient juste après, des quelques cinq minutes de Substance et de sa longue première partie lente et poisseuse d’où émerge un chant clair d’abord faussement détaché puis sujet à plus de tension et de perturbations. Une très bonne composition.

Au rayon commérage on signalera également que Less, à l’origine basé du côté d’Annecy, a émigré vers les Pays de Loire. Et que le second bassiste et le batteur ont quitté le groupe mais ont été depuis remplacés, le bassiste/chanteur Romain Frelier-Borda restant le seul membre d’origine du groupe. En espérant que cette relocalisation et ce changement de line-up soient également synonymes d’un nouvel enregistrement et en dur, s’il vous plait (vinyle, cassette ou CD je m’en tape mais démerdez-vous).



mercredi 21 décembre 2022

[chronique express] Trigger Cut : Soot



 

Faut surtout pas se laisser faire. Si le troisième album de TRIGGER CUT s’intitule Soot (« suie » en français) c’est parce qu’en 2021 le groupe allemand emmené par le guitariste et chanteur Ralph Scharrschimdt a vu son local de répétition détruit par un incendie. Les instruments de musique et tout le matériel qui n’ont pas été la proie des flammes ont tout simplement été rendus inutilisables par une suie noire et collante, un vrai poison. Si on rajoute un défaut d’assurance, le tableau de la catastrophe devient complet et on a connu des groupes qui se sont séparés pour beaucoup moins que ça. Un peu plus d’une année plus tard, appels aux dons et mobilisation aidant, Trigger Cut nous revient donc. Plus vivant, plus virulent et plus fort que jamais. D’où, sûrement, la symbolique pas très finaude d’un Phoenix sur la pochette du disque. Mais ce n’est pas qu’une image : Soot est un concentré de hargne et de rage électrique propre à ce bon vieux noise-rock strident, tendu du slip à la mode de Chicago et régulièrement éclairé par une pointe d’émophilie post-Dischord, surtout au niveau du chant égosillé. A tout bien y réfléchir, Trigger Cut est l’un des meilleurs représentants en la matière, reprenant de main de maitre une musique irradiante qui m’avait marqué entre toutes dans les 90’s et ce que le groupe fait, souvent il le fait largement mieux que les autres. Je déteste cette expression qui consiste à dire « un mal pour un bien » mais je dois bien avouer malgré tout que Soot est de très loin le meilleur album du groupe. Parce que c’est le plus énervé, le plus débridé, le plus furieux mais aussi le plus mélodique. Fire walk with me. 

 

jeudi 2 juin 2022

Jean Pierre Marsal : Distance / Les Tempêtes

 

J’ai bien trainé en route, à la croisée des chemins. Avec toujours dans la tête cette idée d’arriver un jour à chroniquer Distance, un album publié par JEAN PIERRE MARSAL au tout début de l’année 2022 et reprenant, tout en y ajoutant quelques nouvelles compositions, les titres du EP du même nom publié lui quelques mois auparavant et uniquement au format numérique. Et puis c’est fou comme le temps passe toujours trop vite lorsqu’on a justement décider d’en prendre pour soi. On fait autre chose, parfois avec d’autres. On se découvre une nouvelle et belle amitié, par exemple, et on fait tout pour la préserver des dangers du monde. Mais de temps en temps, en remettant Distance dans le mange-disques, on entrouvre à nouveau une petite porte qui laisse passer un fin rayon de lumière, entrainant quelque courant d’air qui fait voler tout autour des brins d’atmosphère, des poussières persistantes de vie, les cris d’une enfant qui joue, quelques poils de chat, des bruits du quotidien, des odeurs insistantes, des pointes de tristesse moins tristes lorsqu’on a enfin réussi à en parler, des pointes de noirceur aiguisées également, des bonheurs infimes et des grosses douleurs, des notes égrainées telles des pelures séchées de fruits et abandonnées sur un coin de table, des petites choses sans lesquelles les grandes n’auraient pas autant d’importance : la musique de Jean Pierre Marsal.







Dans Distance on trouvera uniquement une guitare même pas amplifiée, du chant, du blues et du folk sans aucune trace de tension ou d’électricité si ce n’est celles générées par une musique dont la seule « violence » est celle de l’intime. Je mets volontairement des guillemets parce que cette violence n’en est pas réellement une mais en écoutant Distance j’ai souvent essayé de mesurer les efforts qu’avait du faire son auteur pour réussir à se dévoiler autant. On m’excusera de l’exprimer ainsi mais ma conviction est qu’il a vraiment du en chier. Mais nous également, du moins provisoirement : les textes sont tellement personnels et intenses que l’on est forcément placé dans la position de l’intrus ou du curieux (tout dépendra du degré de sensibilité de celle ou celui qui écoute). On peut se demander ce qu’on fout là, à écouter les confidences d’un autre, puis le simple fait de se dire que Jean Pierre Marsal a agi volontairement, en connaissance de cause, suffit. Se dire que c’est un véritable artiste – j’insiste, pas la peine de râler à ce sujet mon garçon – et que chanter est sa façon de nous parler sincèrement de lui-même, sans fausse pudeur lorsqu’il n’hésite pas à utiliser le « je » et avec tout ce que cela comporte, allant jusqu’au bout de ses joies comme de ses doutes.







Et ne voilà t-il pas que notre homme a dans la foulée publié un deuxième disque, cette fois-ci complètement inédit : Les Tempêtes a vu le jour au mois d’avril de cette même année 2022. Un album qui reprend tous les fondamentaux – au sens le plus strict du terme – de Distance. C’est à dire une musique toujours sans la moindre trace de machines, d’entourloupes technologiques. Et des textes plus que jamais à écouter (mais aussi à lire : un livret avec toutes les paroles des chansons est joint au disque). Le « je » prend toujours autant de place mais le « tu » également, sans que l’on sache toujours à qui Jean Pierre Marsal s’adresse dans la réalité – on comprend uniquement qu’il s’agit d’une (de) personne(s) très importante(s). Certains des textes évoquent plus ouvertement sa fille (Les Chaussons De Liz) mais aussi, d’une façon tristement logique et inévitablement inquiète, parlent du fracas de moins en moins lointain et de plus en plus détestable du futur. Du présent. L’heure n’est plus uniquement à l’introspection et aux confidences mais également à la colère. L’électricité de l’intime devient aussi celle des révoltes légitimes et les treize chansons des Tempêtes – en forme de décharges et d’éclairs aussi vifs que brefs – prennent une dimension nettement plus politique, sans jamais tomber dans les travers du prêche et rejoignent parfois quelques unes des thématiques déjà abordées par Jean Pierre Marsal lorsqu’il officiait encore sous le nom de 202project.
C’est fou comme une musique réduite à sa plus simple expression – du chant et une guitare – peut dire beaucoup plus de choses, poser plus de questions, tenter de trouver des réponses, entrainer plus de rêveries et déclencher plus de déclarations que n’importe quelle autre. Jean Pierre Marsal nous fait comprendre et ressentir que son expérience, personnelle et donc unique, pourrait converger avec les nôtres. Ou qu’en tous les cas nous pouvons nous y retrouver si nous acceptons de l’écouter. Il parait que tout le monde devrait manger cinq fruits ou légumes par jour parce que c’est excellent pour la santé et donc bon le moral, OK, mais moi je préfère nettement douter, divaguer, rêvasser et me plonger dans Les Tempêtes, ne serait-ce pour observer ce coin de table encombré de petites épluchures de réalité et de pelures d’existence, ces recoins intimistes où soudain une pensée, une musique, d’abord invisibles et fugitives, apparaissent, nous entrainent. Jean Pierre Marsal sait comment donner corps et âme à cette musique là, il sait s’affranchir en elle. Et surtout il sait nous en faire profiter, nous l’offrir.

[Distance et Les Tempêtes sont disponibles uniquement en CD – parce que par les temps qui courent les vinyles sont devenus beaucoup trop chers et trop longs à fabriquer – auprès de Jean Pierre Marsal et via sa page b*ndc*mp]




vendredi 25 février 2022

[chronique express] Christian Fitness : Hip Gone Gunslingers

 



Evidemment le nom d’Andy Falkous doit te dire quelque chose : mclusky et Future Of The Left c’est lui. CHRISTIAN FITNESS est un autre de ses projets – quasiment solo, seul le batteur Jack Egglestone apparait ici à ses côtés – dont Hip Gone Gunslingers n’est jamais que le septième album en presque autant d’années. Ce nouvel enregistrement disponible uniquement en CD, totalement autoproduit et presque entièrement enregistré à la maison s’inscrit dans la veine de ses prédécesseurs, proposant un punk noise alerte et vivifiant, mélange de ritournelles dissonantes, de salves frénétiques, de bizarreries et d’un peu de mélancolie réparatrice. Un disque qui touche toujours juste et atteint même quelques sommets. Autant de modestie et autant de talent en seulement vingt six minutes, j’en connais plus d’un·e qui pourrait être jaloux·se mais Falkous se rend compte de rien, poursuit son petit bonhomme de chemin et ne semble intéressé que par la générosité… et l’amour. Une attitude tellement positive qu’il résume ainsi dans les notes du livret : please enjoy your life, you only get six, after all.


lundi 21 février 2022

Conger! Conger! : IV

 




Une histoire courte mais un moment de vie important. Pendant quelques années les Marseillais de CONGER! CONGER! sont passés de trois à quatre membres avec l’adjonction d’un batteur (Thierry) en remplacement de Patrice, également chanteur, qui pour des raisons de santé ne pouvait plus jouer de batterie. Quelle stupéfaction – sans parler d’une inquiétude certaine, toute personnelle – en apprenant cette nouvelle. Pour moi, une partie de l’identité du groupe résidait, au milieu de tant d’autres choses, dans la présence de ce chanteur/batteur trépignant et qui, précisément, devait en permanence faire le lien entre ses deux rôles, luttait contre des vents contraires, partagé entre ses envies de galipettes de frontman et ses fantaisies de batteur équilibriste – un indice pour celles et ceux qui ne le savent pas encore : Patrice est également danseur/acteur/performeur.
Puis j’ai eu quelques échos des concerts à quatre du groupe. Le démon était en liberté, le chanteur n’arrêtait pas de cabrioler et sur scène la musique devenait de plus en plus frontale, cédant de son originalité à la fois poétique et sensitive mais y gagnant en puissance de feu. Sans doute était-il alors hors de question de renoncer et hors de question que l’histoire s’achève – dit autrement : pour Conger! Conger! les concerts n’étaient-ils pas devenus une forme de revanche, une manière d’affirmer que la musique restait le plus important ? Je n’ai sûrement qu’une vision incomplète des choses mais c’est ce que j’ai cru comprendre, de loin. De loin parce que je n’ai jamais pu – ou plutôt il n’y a eu que des occasions ratées – voir Conger! Conger! jouer dans cette formation inédite... Depuis, Patrice a pu retourner derrière sa batterie et le groupe est redevenu un trio – Pierrot (guitare et chant), Didier (basse et chant) et donc Patrice (batterie et chant principal) souhaitant se recentrer sur la nature initiale de leur projet.
De cette période transitoire il reste un album complet, le quatrième des Marseillais, enregistré pendant l’été 2020 par l’indéfectible Nicolas Dick (Kill The Thrill) venu en ami et qui joue aussi un peu de lapsteel sur le disque. IV fait plus que documenter une étape particulière dans l’existence déjà très longue et très riche de Conger! Conger! : les trois musiciens historiques du groupe ne veulent rien renier ou oublier. Et ils ont entièrement raison car à l’écoute du disque on reconnait sans difficulté leur patte si particulière. Mais on découvre également des nouvelles choses ou, plutôt, certains aspects de leur musique ont pris de l’ascendant tandis que d’autres ont eu tendance à s’effacer. Plus d’épaisseur, plus de rentre-dedans et même, quelquefois, un côté braillard (le très killing-jokien Backgate). Mais la musique reste toujours élégante et racée – que l’on n’aille pas s’imaginer non plus que Conger! Conger! était devenu un monstre post-metal-prouto-noise-néo-wave ou je ne sais quoi de trop volumineux ou indigeste.
On peut aussi penser (et c’est mon cas) que le supplément d’énergie ultra tubesque diffusée dans IV attenue un peu trop la portée sensible de la musique du groupe. Que IV est un album vigoureux et chargé en émotions mais que ces émotions sont plus fermement exprimées et soulignées que réellement fortes, en tous les cas qu’elles peuvent pâtir de ce trop-plein d’expressivité presque agressive. Que l’album est extrêmement direct, sans équivoques ni ambiguïtés. Sans fragilités apparentes. Qu’il s’agit d’un enregistrement qui laisse moins de place aux amplitudes de sensations, aux failles et aux rebonds ainsi qu’aux fluctuations qui ont toujours été l’une des principales marques de fabrique de Conger! Conger! – bien qu’il y ait des exceptions telles que le magnifique Upside World, incontestablement la pièce maitresse du disque, ainsi que le crépusculaire I Am A Clown.
IV est très loin d’être un mauvais disque et je l’apprécie mais, sans nier sa nature personnelle, c’est l’œuvre la moins attachante de Conger! Conger!. Comme déjà écrit, la nécessité humaine et affective de publier un tel enregistrement ne peut faire l’objet d’aucune discussion – pour passer à autre chose et aller de l’avant ou tout du moins ailleurs, il faut savoir tirer un bilan de ses expériences passées – aussi je ne voudrais surtout pas minimiser la sincérité de la démarche des trois musiciens (la sincérité : la plus grande de leurs qualités, depuis le début…). Conger! Conger! est tout simplement bien vivant et fier de l’être… la preuve, le groupe est en train de travailler et a déjà bien avancé sur son cinquième album. Vivement.

[IV n’existe pour l’instant que sous la forme d’un CD autoproduit et disponible directement auprès du groupe ainsi qu’en cassette via le label Ganache records – si jamais un ou plusieurs labels sont intéressés pour sortir une édition vinyle, Conger! Conger! ne dira évidemment pas non… à bon entendeur]


samedi 13 novembre 2021

Comme à la radio : Michel Anoia








Je pensais MICHEL ANOIA bon pour la casse. Définitivement mort et enterré mais avec tous les honneurs dus à son rang : les groupes de brutal death – c’est comme ça qu’on dit chez les experts en métallurgie appliquée et les ingénieurs en alliages toxiques – on n’en trouve finalement pas des tonnes de ce côté-ci de la France profonde et la disparition du trio lyonnais des radars cosmiques laissait comme un arrière goût d’inachevé mais aussi, fort heureusement, quelques bons souvenirs à ressasser. Parce que le groupe avait su attirer l’attention avec son metal de la mort très technique et inventif, se différenciant largement de la concurrence grâce à quelques éléments de caractère grind ou metalcore bien placés – sans oublier, parfois, deux ou trois petites fantaisies désopilantes à tendance jazzy-tropicale et décalée. On se souviendra également du groupe en concert, que ce soit avec ou sans chanteur : même dans sa version instrumentale la musique de Michel Anoia valait son pesant de têtes coupées, de cadavres éviscérés, de cœurs atomisés, de noirceur envahissante, de spacecakes bien chargés, de sourires édentés voire de fous-rires expiatoires.

Mais arrêtons tout de suite de chi(al)er dans la pseudo nostalgie et de parler au passé puisque en plein mois d’août dernier Michel Anoia a eu la bonne idée (et sans prévenir personne ou presque) de mettre en ligne un album entièrement inédit et intitulé Nervures.

  

 

 

Nervures a semble t-il été enregistré en 2018. A l’époque le groupe était encore composé de Charles à la guitare, Simon à la basse et Ugo à la batterie, lequel est depuis parti pour de nouvelles aventures au sein d’Hørdür et de Civilian Thrower. C’est en réécoutant les bandes de Nervures que les deux membres survivants de Michel Anoia se sont dits qu’il fallait vraiment en faire quelque chose et ils ont alors relancé le groupe, notamment en cherchant à recruter un nouveau batteur (aux dernières nouvelles il s’agit de Jo, le gros malade qui tient ou tenait les baguettes pour Burne, Plèvre, Neige Morte, Schleu, Lésion Étrange, etc., bref tu vois un peu le niveau du garçon).
Si Nervures débute par un ou deux titres de facture relativement classique et semble s’affranchir de toute coquetterie pour se concentrer sur l’essentiel, l’album convainc à force d’opiniâtreté, gagnant définitivement ses galons de créature tourmentée dans les ténèbres grâce à des titres tels que le très étrange Rubedo, l’imparable morceau-titre ou le fulgurant Suture. Sans oublier l’incroyable L’Ombre Et L’Errant, placé en dernière position et sorte de bouquet final d’un festival de noirceur et de désolation. Fait notable, le chant sur l’album est pour la première fois assuré par Charles qui s’en sort plutôt très bien et comme toujours avec Michel Anoia le niveau technique des musiciens est très, très, élevé – guitariste et bassiste possèdent au moins six ou sept doigts à chaque main tandis que le batteur doit bien avoir deux paires de bras et de jambes. Face à de telles démonstrations pyrotechniques et incendiaires je dois bien avouer que j’ai d’abord du me faire violence pour abandonner mes réticences naturelles et légitimes (j’ai toujours cette tendance à préférer les gens qui jouent et chantent approximativement, du moment qu’ils me touchent au plus près et au plus juste) et finalement me laisser submerger par l’obscurité éprouvante d’un disque sans concession et chargé à bloc d’une rage plus que palpable. Et je ne le regrette pas.

Nervures n’est à ce jour qu’un album numérique au milieu de tant d’autres – il est disponible à prix libre sur la page b*ndc*mp du groupe ou via le label Total Dissonance Worship – mais Michel Anoia semble désireux d’en faire un disque, en vrai et en dur, tout comme sa musique aussi viscérale qu’acharnée. En espérant que des labels se déclarent suffisamment intéressés pour éditer en vinyle, CD, etc. un enregistrement qui le mérite vraiment.  A bon entendeur…

 

vendredi 6 août 2021

Concrete Ships : In Observance

 



Euh… des « bateaux de béton » ? La curiosité me poussant à découvrir d’où pouvait bien provenir le nom de Concrete Ships, j’ai effectué quelques recherches rapides sur les internets pour apprendre que ceux ci avaient réellement existé et, notamment, que la marine américaine s’était lancée dans la construction de bateaux de béton pendant les deux premières guerres mondiales, parce que l’acier se faisait rare et coutait alors curieusement trop cher. Tu ne me crois pas ? Je te dis que j’ai des preuves. Il n’y a que le stupide génie humain pour avoir des idées pareilles et pour réussir à les concrétiser (sic)…
Le bassiste / chanteur Chris Thompson, le guitariste Joe Dickinson et le batteur Jamie Batt viennent de Lincoln en Grande Bretagne et ils ont fondé CONCRETE SHIPS dans les années 2010. Un premier enregistrement sans titre a été publié en 2018 sous la forme d’une cassette autoproduite et déjà on pouvait sentir quelque chose d’un peu à part dans la musique du trio. Malgré un final assez curieux The Last Public Execution est d’une facture noise-rock assez classique tandis que SleepSpeak peut sembler davantage aventureux. On s’intéressera également à Six Degrees Of Prostration et Fighting Men in Their Uniforms, deux compositions trop bancales qui tournent autour de la dizaine de minutes et qui donnent un bon aperçu des ambitions progressives de Concrete Ships.
In Observance marque une étonnante et bienvenue évolution par rapport au premier EP. Le son – c’est le guitariste qui s’est collé à l’enregistrement et au mixage – est devenu imposant et massif, crépitant et urticant, tandis que les compositions de Concrete Ships se sont elles grandement étoffées, abandonnant le côté trop gentiment psychédélique pour gagner en dureté et en violence mais sans pour autant perdre ce soupçon progressif destiné à brouiller intrusivement les cartes. Dit autrement, la musique du trio possède toujours le même côté alambiqué et à tiroirs mais sans la naïveté des intentions trop facilement expliquées. Et ça fait plus de bruit : les longs corridors souterrains empruntés ici sont redéfinis selon les règles du noise-rock et du post hardcore et dégueulent d’incandescence et de viscéralité. On comprend là où les trois musiciens veulent en venir (et là où ils nous emmènent) tout en restant toujours surpris et scotché par un tel déploiement et un tel déferlement de rage électrique.
C’est d’autant plus marquant que Concrete Ships n’a pas pour autant renoncé à ses ambitions au long court puisque, hormis le premier titre Flotilla ouvertement noise qui avoisine les quatre minutes et un interlude instrumental qui en fait moins de deux, toutes les compositions du disque tournent entre huit et dix minutes et sont carénées de passages hallucinatoires qui génèrent noirceur ou tension (le déconcertant A Records Of Ancient Matters, l’incroyablement addictif Clouds, Vibration White Finger dont les quatre premières minutes me font tellement penser – et c’est un énorme compliment – à du Hey Colossus et We Never Were en guise de coup de grâce débordant de théâtralité sanguinaire). Avec In Observance Concrete Ships passe réellement à la vitesse supérieure et tous les éléments de sa musique ont gagné en épaisseur, en virulence et donc en superlativité, notamment le chant, jamais trop systématique, qui fait preuve d’une braillardise éclairée qui jusqu’ici lui faisait trop souvent défaut… Touché, coulé !

[In Observance est publié en CD, cassette ou vinyle par Trepanation recordings]


dimanche 4 juillet 2021

Comme à la radio : Intercourse


  


 

Jour de colère. Le programme de ce dimanche est assuré par INTERCOURSE, un groupe du Connecticut, New Haven je crois, qui pratique un hardcore bien tordu et torturé, lourd et visqueux, qui plus est insidieusement parfumé d’un soupçon noise-rock à l’ancienne. Rule 36 est le deuxième long format – neuf titres, vingt minutes – enregistré par ces quatre fous-furieux, après un premier 12’ très recommandable en 2018 (et au titre particulièrement désopilant : Everything Is Pornography When You've Got An Imagination) et quelques formats courts, dont deux brulots figurant sur un excellent split 7’ en compagnie des chaudasses de chez Gaytheists.

 

 

 


Il y a beaucoup de Deadguy / Rorschach mais aussi une bonne dose de Coalesce dans la façon qu’à Intercourse de faire monter la pression et la température sans avoir recours aux habituelles pitreries bodybuildées des formations de metalcore fréquentant trop assidument les salles de sport. Comme si la devise du groupe était : complexifier sans trop en rajouter et densifier tout en restant lisible. Ne pas (se) prendre la tête mais plutôt faire exploser les crânes. Les embardées sont nombreuses, quelques accélérations sont même au rendez-vous (No Country For Old Crow, encore un titre hilarant sorti de la folle imagination du chanteur / hurleur Tarek Ahmed) mais globalement le groupe joue la carte de l’épaisseur contrôlée, du mid-tempo fracassé et du chaos à inflammation lente. Au final il se dégage de Rule 36 un effet de combustion permanente et un sentiment de rage viscérale qui ne laissent pas indifférent.

Pour l’instant Rule 36 ne bénéficie d’aucune parution sur support physique mais on peut télécharger tout le disque à prix libre sur la page b*ndc*amp du groupe (tout comme la totalité de ses autres enregistrements – merci qui ?).


 

mardi 25 mai 2021

Maraudeur : Puissance 4

 





Il se passe quelque chose d’assez spécial dès les quinze ou vingt premières secondes du très alerte et très mothersbaughsien Es Ist Kein Stehlen, le titre d’ouverture de Puissance 4. On y croit tout de suite. On est immédiatement happé par un disque au charme fou, au songwriting gonflé de finesse et d’invention et à l’interprétation débordant de conviction. J’ai l’air d’un pauvre gamin à dire et à écrire cela, comme si je venais de subitement découvrir le Saint-Graal au fond du jardin de ma grand-mère ou la recette magique pour transformer l’ennui du quotidien en rêves éveillés mais c’est exactement de cela dont il s’agit : Puissance 4 est un disque évident. Et MARAUDEUR est un groupe qui l’est tout autant.
Partagé entre l’Allemagne, la Suisse et la France – côté « français » on retrouve Camille, batteuse de Litige et d’URSA ainsi que Morgane, ex-bassiste de Tôle Froide et désormais dans Scarlatine – Maraudeur c’est principalement des synthétiseurs, des lignes de basse très présentes et même centrales, de la batterie, un tout petit peu de saxophone réjouissant, de la guitare aigrelette mais vraiment pas tout le temps, plusieurs voix et du chant en allemand, en anglais et en français (sur le très poétique C’est Caché). Autrement dit le groupe, exclusivement féminin, pourrait être assimilable à la cohorte des formations actuelles qui s’adonnent volontiers aux musiques nées dans les années 80, option synth-punk diraient les connaisseurs en appellations d’origine contrôlée. Un peu de flanger / chorus* sur la basse de Slow Dress vient nous rappeler à quel point il peut faire froid en ce bas monde et à quel point on peut carrément aimer ça pourtant Maraudeur ne pratique ni le copié-collé bête et méchant, ni l’hommage trop respectueux et encore moins le revival accessoiriste.
Non, Maraudeur s’amuse, tout simplement… Par touches successives, en incluant des drôles d’idées et des breaks-surprises, en jouant à fond sur la complémentarité des voix, en emballant tout ça avec une belle vigueur et un entrain qui ne se démentiront pas de tout l’album (file under : Raincoats, etc). Du coup je comprends un peu mieux ce titre d’album qui rappellera à quiconque né au siècle dernier un jeu de stratégie en plastique inventé au milieu des années 70** et que je détestais (mais beaucoup moins qu’Othello, beaucoup plus ancien et sorte de version très appauvrie du jeu de Go, bref). Après tout, aucune personne n’est obligée de perdre son temps à essayer d’aligner quatre pions de la même couleur, on peut aussi les aligner dans l’ordre et de la façon dont on a simplement envie. C’est ce que font les filles de
Maraudeur avec leur musique qui en rappellera peut-être (sûrement) d’autres mais qui reste malgré tout inimitable.


[Puissance 4 est publié en totale autoproduction : le vinyle est d’un beau violet, la pochette est en deux partie dont une sériographie, il y a plein de dessins qui sont tous l’œuvre d’auteur.e.s différent.e.s et le mini-insert photocopié n’importe comment et joint à l’intérieur a à l’origine été écrit à la main – do it yourself]


* comme je suis un peu sourd et que je ne fais aucun effort je n’ai jamais su différencier l’un de l’autre
** vérification faite, le jeu Puissance 4 existe toujours…

 

 

mercredi 14 avril 2021

[chronique express] Trigger Cut / Rogo




 

Rogo est un disque qui fait du bruit, dans tous les sens du terme. Impossible en effet – lorsqu’on traine du côté des groupes de pression et autres think tanks consacrés au noise-rock – de ne pas en avoir entendu parler des semaines avant sa parution et, depuis, de ne pas avoir vu sur les internets quantité de photos de fans de TRIGGER CUT en provenance du monde entier et exhibant leur exemplaire du disque. Si Ralph Schaarschmidt, guitariste / chanteur / leader du groupe, n’était pas un personnage aussi drôle, sympathique, érudit et (surtout) doué je peux te dire que j’aurais un peu tiré la gueule.
Seulement voilà Rogo est un excellent disque. Et même plus que ça. Toujours aussi obsédés par maitre Albini, Trigger Cut et Ralph Schaarschmidt font même passer un nouveau cap à la musique du trio, toujours plus sèche, plus aiguisée et plus frénétique. Et plus personnelle. Une vraie bombe explosive et à fragmentation, entre hargne acide et mélodies acharnées. Des guitares qui cisaillent et tranchent dans le vif et une rythmique qui pilonne adroitement. Honnêtement je n’ai rien de plus pertinent à ajouter au concert de louanges consacrées à Rogo et je n’aurai rien non plus à enlever. Juste que si tu n’aimes pas ce disque c’est que peut-être que tu n’aimes tout simplement pas le noise-rock et que donc tu peux tout de suite passer ton chemin. Voilà, cette mini chronique vient de rejoindre les quelques dizaines d’autres, largement méritées et déjà consacrées à Rogo. Moi je retourne écouter ce furieux témoignage de vitalité fracassante.



vendredi 5 février 2021

Brame / Ce qui rôde



 

Lorsqu’on regarde d’un peu plus près la discographie de BRAME, on s’aperçoit tout de suite d’une chose, très importante : jusqu’ici tous les enregistrements du duo ont été autoproduits. Sans exception. Brame c’est José à la guitare et Serge à la voix, deux types dans leur coin, plutôt discrets à vrai dire et qui font leur truc bien à eux. Je me suis alors rappelé de cette fois où j’avais trouvé dans ma boite-aux-lettres le CDr d’un groupe dont je ne connaissais encore rien. Une belle présentation, avec un nom : celui de Brame. Et un petit mot accompagnant le disque, Tenaille, qui m’avait tenu en haleine. Ou plutôt qui m’avait mordu jusqu’au sang, ne lâchant rien. Jusqu’à ce jour de 2013 où La Nuit, Les Charrues  a débarqué à son tour. Toujours plus loin. Puis ce fut Basses Terres. Un vrai CD cette fois, avec une présentation encore plus belle et encore plus attirante. On était déjà en 2015, une sale année pour tout dire. Maintenant j’ai un peu de mal à faire la part des choses. Entre ce qu’alors je refusais d’entendre du côté du réel (disons, pour faire simple : celui du fracas et de la destruction) et ce que j’entendais au delà, comme à chaque fois que je mettais Basses Terres dans le lecteur.

Je n’ai pas réécouté Basses Terres ni ses deux prédécesseurs depuis des années maintenant. Sans doute par peur d’y retrouver ce que j’ai voulu fuir. Des conversations insensées à n’en plus finir, des horizons depuis longtemps effondrés, des promesses non tenues, des existences disparues, des regards éteints, des mains qui se desserrent (les mains qui se desserrent : voilà le plus important). Tout en sachant aussi ce qu’il y avait – ce qu’il y a toujours – dedans : des tranches de vie(s). Bien saignantes les vies, et puis découpées avec un vieux couteau tout rouillé. Un vrai travail de sagouin, quelque chose d’irrécupérable mais dont on ne peut pas se défaire. La violence de la musique de Brame est souvent, toujours, ainsi. Insoutenable si on la prend comme telle. Une vraie torture, sans échappatoire.
Alors que de là surgit aussi toute sa beauté. Au milieu d’un grand ragout de tripes faisandées. Des lambeaux de chairs et d’existences assaisonnés d’une sale guitare – la seule que je connaisse comme ça. Une musique qui en quelques notes brûlantes et vibrantes réussit à associer blues des cavernes, paysages rocheux, vieilles voies ferrées parcourues par des trains fantômes, bêtes sauvages affamées, crépuscules orageux, plaines désertiques, refuges de fortune, gémissements de proies aux abois, marches solitaires, rivières torrentielles. Peu importe l’ordre.

Ce qui rôde est le quatrième album de Brame. Je pourrais (je vais) dire que c’est le plus beau parce que pour la première fois c’est un vinyle, bien épais et bien dense, dans une pochette en gros carton qui l’est tout autant. Sans oublier les inserts sérigraphiés, un autocollant. C’est un objet. (Sans code-barres, sans aucune référence, sans dépôt de droits d’auteurs ni logo régional de subventions culturelles.) Mais je vais dire que c’est le plus beau surtout à cause de la musique qu’il contient. Celle que je n’avais pas oubliée. La guitare qui remue la boue et convoque le vent. Les battements minéraux. L’harmonica au loin. Les hurlements de vie. Et la paix qu’il ramène avec lui, la sérénité presque, une fois que l’on a compris et senti que la violence de cette musique n’en est pas réellement une, que c’est plutôt comme un monde qui s’ouvre et que s’ouvrir comme ça et bien ça peut faire mal. Je suis heureux de savoir que tu fais encore partie du monde des vivants. Et je suis heureux d’en faire encore partie moi aussi. 

 

 

vendredi 9 octobre 2020

Comme à la radio : Scimmia

 


Normalement et à l’origine cette rubrique « comme à la radio » n’était qu’un simple bouche trou destiné à poster quand même deux ou trois trucs sans avoir trop à me fatiguer et parce que je n’avais pas forcément grand-chose d’intéressant à dire au sujet d'un disque ou d'un groupe dont je voulais pourtant absolument parler (internet mon amour, tu es le miroir de mes contradictions, de mes névroses et de mon goût prononcé pour les phrases beaucoup trop longues). Et puis comme d’habitude je me suis laissé aller.

Donc au menu d’aujourd’hui ce sera la cassette / démo de SCIMMIA (auparavant Papillon Barbu) avec des membres de Meurtrières et de Zone Infinie dedans. OK, on est en plein dans le microcosme lyonnais mais tu connais mon désintérêt total pour le régionalisme musical à outrance. Autrement dit ce n’est pas parce qu’un groupe répète dans la cave de l’immeuble d’à côté du mien que je vais forcément en parler ; inversement je trouverais particulièrement dommage de ne pas te causer d’un groupe dont j’aime la musique sous prétexte qu’il ne vient pas du même bled que ses illustres modèles américains ou anglais, le tout en encensant en même temps un groupe merdique pour hipsters dont le seul mérite serait d’avoir la « bonne » nationalité (encore une phrase trop longue : ça va pour toi ?). Tout ça n’est que snobisme, dans un cas comme dans l’autre.

 

 

Autant le dire tout de suite, avec SCIMMIA on tient vraiment un super groupe. J’ai été soufflé la première fois que j’ai vu ces quatre garçons en concert et je n’ai vraiment pas été déçu par leur première démo publiée en cassette en mars 2020. Huit titres d’un punk hyper original ne serait-ce que par la présence accrue d’une basse qui fait des trucs assez dingues dans le genre, d’une guitare qui ne se laisse pas bouffer par cette même basse pour autant et qui possède un son bien à elle.

 



Et puis il y a le chant comme j’aimerais en entendre plus souvent, pas spécialement beuglé (en fait non, pas du tout) mais distinct et habité, on sent très bien que ce chanteur qui en concert raconte des blaguounettes aux frontières de l’absurde veut vraiment donner corps et vie à ses textes. Et en plus j’adore son timbre de voix… évidemment il possède un avantage certain dans toute cette affaire : l’anglais est sa langue maternelle. Bref, comme je ne veux pas faire de jaloux je parlerai également du batteur qui joue ou a joué dans nombre de groupes locaux mais qu’ici je trouve plus particulièrement à son aise. Si j’osais j’affirmerais presque que Scimmia doit être un projet qui le comble particulièrement (mais j’ose pas).
Pour finir, cette cassette s’écoute dans les deux sens mais le résultat est beaucoup mieux qu’un film arrogant et prétentieux de Christopher Nolan : on a droit aux huit mêmes titres sur les deux faces et si tu as la chance d’avoir un vieux magnéto-cassettes qui fait autoreverse tu pourras donc écouter cette démo en boucle de longues heures durant, et notamment la triplette gagnante Pas Des Fruits / Fifty Dollars / Kool Aid (mais en fait j’aime tous les titres de cette démo).

L’artwork est signé Suka Mabuk qui n’est autre que le généreux bassiste de Sciammia… j’imagine que c’est lui qui a proposé le nom du groupe, Scimmia signifiant « singe » en italien, sa langue maternelle à lui. Quand je te disais que j’en avais vraiment rien à foutre de la provenance et de la nationalité des groupes que j’écoute. 

 

dimanche 22 septembre 2019

Comme à la radio : Grand Plateau






Aujourd’hui dans notre grande série peut-on parler d’un disque et d’un groupe dont on connait particulièrement bien l’un des membres voici GRAND PLATEAU. Traduction : le copinage est-il une bonne chose ? ou bien faut-il s’en cacher ? Évidemment que non. Je dirais même qu’en matière de musique(s) cela fonctionne souvent comme cela. C’est ce que l’on appelle pudiquement le « réseau », celui que l’on met des années à se faire et que l’on passe de longs moments à entretenir à grands coups d’apéros cosmiques et de concerts débridés – sauf lorsque on a trop de problèmes d’intégration relationnelle comme moi.
Comme je ne touche aucun pot-de-vin lorsque j’écris une chronique, comme aucun espace publicitaire ne vient perturber la lecture de cette gazette internet et comme la plupart des disques chroniqués ici reflètent des pratiques musicales et économiques basées sur la débrouillardise, la solidarité, le non-profit et l’échange je ne vais donc pas me gêner pour vous toucher deux mots de Broom Wagon, tout premier album enregistré par Grand Plateau, donc, un groupe dont mon ami Damien est le guitariste et le chanteur.






Casual Act, premier enregistrement de Grand Plateau, date déjà de 2011. Il aura donc fallu près de huit années avant que le trio lyonnais ne décide de se lancer dans l’aventure d’un premier album. Et parler d’aventure n’est pas un vain mot, le groupe ayant mis plus d’une année entre le début de l’enregistrement et la sortie physique – en CD uniquement – de Broom Wagon, le tout en complète autoproduction. Je vous passe les difficultés techniques et parfois humaines que ces trois garçons ont rencontrées, l’important c’est le résultat obtenu.
On peut traduire Broom Wagon par « voiture balai ». Entre ça, le nom du groupe et l’artwork du disque il ne fait aucun doute que Grand Plateau est un groupe de faux sportifs qui plus est adeptes d’un rock très noisy et tirant sur l’emo – l’emo de Fugazi, c’est à dire qui ne vise qu’à faire passer des émotions, même de travioles, et non pas à couiner et chougner dans les bras de notre meilleur ami parce que l’amour de notre vie est parti, parce que notre gel pour cheveux habituel a changé de parfum ou parce que notre personnage préféré de série a été assassiné à la fin de l’épisode 11 de la 6ème saison. Une référence émophile à laquelle je rajouterais des choses encore plus romantiques du type Rodan/June Of 44.
Le chant est plutôt rare ici, il ne répond pas aux impératifs du couplet/refrain et souvent il intervient après de longs développements instrumentaux pendant lesquels la guitare tisse des entrelacs mi atmosphériques mi acides appuyés par une section rythmique solide voire même primordiale. C’est le genre de choses auxquelles je fais toujours attention : l’enregistrement respecte très bien l’équilibre entre les trois instruments et à ce titre Broom Wagon sonne parfaitement, à la fois ample et précis tout en gardant la simplicité et le côté direct nécessaire à une telle musique.
Pour en revenir au chant, son côté juvénile rajoute une bonne couche de fébrilité (un peu de vraie vie quoi, ça change des hurleurs et des rageux qui enculent la société à longueur de textes que personne ne comprend) ce qui n’empêche pas l’instrumental N2 d’être l’un de mes titres préférés de Broom Wagon avec sa progression dramaturgique mais jamais grandiloquente. Juste avant Barbwire et son intro aussi chancelante qu’un vieux blues aura presque eu raison de moi et de mon petit cœur solitaire. Et juste après Chiens conclut de manière magistrale un disque sans fioritures ni faux-semblants : Grand Plateau fait tout simplement partie de la cohorte de « petits groupes » qui font réellement vivre la musique pour ce qu’elle est et doit être : des idées, des instants, des témoignages, du partage.