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mercredi 28 décembre 2022

Multicult & Child Bite : split

 

Annoncé par surprise au début de l’été 2022 par Hex records mais au départ prévu pour une parution aux alentours de 2021, voilà un split 12’ qui réunit Multicult et Child Bite. Deux groupes U.S. qui malheureusement et comme tant d’autres – toujours la faute à la crise sanitaire et à la crise économique – avaient du se faire discrets ces deux dernières années.

On était ainsi sans aucune nouvelle des MULTICULT depuis leur album Simultaneity Now en 2019 et leur excellente participation à la compilation en soutien à Reiner Fronz et Learning Curve records en 2020. Cela fait une excellente raison pour se jeter sur les trois inédits proposés ici. Le noise-rock du groupe de Baltimore a toujours été sec, décharné et anguleux, centré autour des lignes de basse de Rebecca Burchette, cérébral et assez froid aux premiers abords. Avec Extra Spherical View, le plus anecdotique Myriad et Countdown – presque un instrumental parsemé de borborygmes et cris divers – on ne sera pas dépaysé ni déçu : les premières écoutes commencent par une nécessaire phase d’apprivoisement car ici pas d’artifices inutiles, pas de grands gestes démonstratifs ni d’étalage de testostérone mais une musique racée, pensée et qui perdure, assurément. Avec Multicult il ne faut donc jamais hésiter à persister.
On note malgré tout une certaine rigidité générale qui s’explique par le fait que ces trois inédits ont été enregistrés à deux, le guitariste/chanteur Nick Skrobisz s’occupant également de la batterie. Le son n’est pas non plus vraiment à la hauteur – surement un enregistrement maison – mais cela suffira à mon bonheur. Et puisque nous sommes en plein dans la période des vœux, souhaits, bonnes résolutions et autres conneries divinatoires, moi je demande un beau et nouveau disque de Multicult pour 2023. Et pour de vrai.







Dès que résonnent les premières notes de Pass The Glue, il devient évidemment que CHILD BITE est en très grand forme. Je n’ai jamais été réellement convaincu par l’évolution musicale du groupe de Shawn Knight (chant, bidouilles en tous genres et seul membre originel) dont les deux 10’ Monomania (2012) et Vision Crimes (2013) – réunis plus tard sur un seul et même LP – constituent pour moi le sommet du groupe. L’accentuation de plus en plus hardcore et très métallisée de la musique de Child Bite avait abouti à l’album Blow Off The Omens (2019) avec des parties de guitare peu imaginatives et parfois laborieuses en guise de principal défaut. C’est pourtant bien le guitariste Jeremy Waun que l’on entend à nouveau sur ce Pass The Glue, virevoltant et éclairé à la manière d’un East Bay Ray clouté. Un élément qui ajouté au chant très Biafra-ien de Knight renforce plus que jamais les comparaisons entre le groupe de Detroit et les feu Dead Kennedys.
Moins hystérique et plus lent, privilégiant l’épaisseur et la lourdeur, Erect For Dystopia confirme. Entre les deux, Swan Song Of A Boiled Dog, comme souvent doté de paroles complètement barges de la part de Shawn Knight, joue sur les ambiances horrifiques et les contrastes malaisants. Je préfère toujours et encore le Chid Bite d’avant (tant pis si je me sens un peu seul sur ce coup là) mais je dois reconnaitre que ces trois titres me font espérer beaucoup pour la suite : un peu plus de punk, de noise et moins de métallurgie au rabais, s’il vous plait.

Pour les détails techniques, signalons que ce split 12’ tourne en 45 tours, est doté d’un insert, a été pressé en blanc et en vert, chaque version étant tirée à 150 exemplaires numérotés. L’illustration très colorée est signée Nick Skrobisz tandis que Shawn Knight s’est occupé du graphisme. Et, cerise sur le gâteau, la pochette est sérigraphiée.

 

 

jeudi 8 avril 2021

Alpha Hopper / Alpha Hex Index



« American rock & roll quartet from Buffalo, New York ». C’est ainsi que se présente ALPHA HOPPER et on va dire que ces quatre jeunes gens – Irene Rekhviashvili au chant, John Toohill à la guitare et à l’électronique, Ryan McMullen à l’autre guitare et Douglas Scheider à la batterie – ne prennent ainsi pas beaucoup de risques. Les risques c’est plutôt toi qui va te les taper à l’écoute d’Alpha Hex Index : pourtant tu pouvais bien te douter qu’avec un tel nom de groupe, un tel titre d’album et un tel artwork tu n’allais pas découvrir un énième ersatz de musique à papa-maman. Résumé grossièrement, Alpha Hopper serait plutôt à coincer entre un Melt Banana en moins scrupuleusement ludique et un Arab On Radar / Doomsday Student en beaucoup plus grassouillet.








Alpha Hopper est donc ce que les spécialistes en musiques toxiques et autres coloscopistes diptérophiles appellent un groupe de art-rock à tendance noise. Avec une pointe élargie de post hardcore moderne et hystérique, si tu veux. Un truc qui aurait fait fureur sur un label comme Skingraft et dont la musique d’Alpha Hopper est incontestablement l’héritière car très représentative de son fond de commerce d’antan. Des groupes tels que celui-ci il y en a déjà eu énormément et fut un temps l’overdose type branlitude bozardeuse n’était pas loin, je pense à des formations pas forcément mauvaises mais très vite lassantes parce que finalement très prévisibles dans leurs délires arty, telles que Aids Wolf ou Pre (deux signatures Skingraft au début des années 2010, comme par hasard). Mais le temps a passé. Et mon énervement et ma lassitude aussi. Aujourd’hui, lorsque j’écoute Alpha Hex Index j’y trouve une fraîcheur non feinte et si je hurle comme un débile ce n’est pas pour râler et crier à l’arnaque facile mais pour accompagner les vocalises d’Irene Rekhviashvili, stridentes comme le bruit d’un ongle retourné sur une surface plane. Oui ça peut faire un peu mal.
Alpha Hex Index est l’album le plus extrémiste et le plus paroxystique d’Alpha Hopper. Un disque apparemment sans grandes concessions et gavé de bruits consciencieusement furieux. C’est aussi drôle que débordant de naturel. Entrainant – l’introductif In The Desert Of The West et son refrain à tout péter – mais cela reste mordant. Et surtout – finalement, oui – il y a bien un peu de ce rock’n’roll revendiqué par le groupe : les structures des neuf compositions (je ne compte pas les trois instrumentaux/interludes) restent assez traditionnelles, les riffs de guitares n’ont rien de trop expérimental et rien de dissonant (The Goods est même fichtrement classique) et ce qui fait tout le truc ici, c’est l’enrobage. La façon de chanter d’Irene, donc, et les quelques ajouts de zigouigouis électroniques. Plus quelques guitares un chouïa neo-prog (Enskin) et parfois même quelques tentatives de solos pyrotechniques.
Je pourrais écrire qu’avec Alpha Hopper on est en terrain connu et qu’Alpha Hex Index peut s’écouter tranquillement un verre de Daïkiri à la main, les doigts de pieds à l’air, uniquement vêtu d’un bermuda informe et vautré sur une chaise longue mais surtout je trouve très amusant qu’une musique comme celle-ci qui il y a quelques années aurait pu sembler irritante n’a aujourd’hui rien de dérangeant. Alpha Hex Index est donc ce que l’on appelle un bon petit disque, un disque qui fait tout simplement du bien par où il passe... Pas tout à fait dans le même genre – mais sur le même label – je conseillerais également Ritualistic Time Abuser de Post/Boredom, plus massif et finalement plus hardcore. La relève est assurée.



[Alpha Hex Index est publié en vinyle transparent doré ou argenté façon nuages de fumée par Hex records – le label appelle ça « sun haze » et « moon haze » et dans les deux cas c’est très réussi]


lundi 8 février 2021

Exhalants / Atonement


C’est déjà l’heure du deuxième album  pour EXHALANTS, jeune trio originaire d’Austin / Texas. Deux années après un premier essai tout ce qu’il y avait de plus réussi et de plus prometteur, Bill Indelicato (basse), Tommy Rabon (batterie) et Steve Pike (guitare et chant) sont donc de retour avec un Atonement qui casse littéralement la baraque et repousse les limites de ce cher bon vieux noise-rock à papa. Oui. Si j’étais en train de te parler musique en vrai, comme dans l’ancien temps lors d’une conversation enflammée autour d’un pack de bières ou d’une bouteille de vodka glacée (mais on peut toujours rêver), tu entendrais ma voix tremblotante de houblon et d’électricité te faire l’apologie d’un album assurément et lourdement furieux et pourtant d’une subtilité certaine.
La subtilité dans le noise-rock qu’est-ce que cela signifie ? Rien d’autre que la faculté et le talent de ne pas se laisser déborder ni dévorer par ses propres démons électriques, ne pas tout abandonner à la facilité du bruit divin, aux sirènes des guitares qui découpent grossièrement, aux rythmiques qui ne font que tout écraser et au chant beuglard sans vergogne. Foncer droit dans le mur et réussir à passer au travers, il y a finalement très peu de groupes qui y sont arrivés (meilleurs exemples en la matière : Unsane et Cherubs) et tellement d’autres qui ont échoué, se contentant de singer ce que finalement ils sont dans la triste réalité, des bourrins plus ou moins sympathiques (non, pas d’autres exemples à citer sur ce coup là, mon secrétariat personnel est déjà débordé par tout un flot de courriers d’insultes avec menaces à la clef).

 


 

Et puis il y a tous les autres groupes, ceux que je préfère et de loin, qui ont compris que pour faire ressentir un peu de personnalité dans leur musique il faut surtout y insuffler de l’étrangeté, de la déviance, de la roublardise, du vice – parfois les quatre à la fois. C’est dans cette catégorie de groupes que je range – façon de parler, évidemment – Big Black, les Butthole Surfers, Distorted Pony, Slug, US Maple, Dazzling Killmen, Craw ou autres Couch Slut et Hoaries (pour parler cette fois de l’époque actuelle). Des groupes qui musicalement n’ont rien à voir entre eux mais qui possèdent tous quelque chose de différent. Un caractère propre. Et Exhalants fait partie de cette élite. Atonement a été publié par Hex records, un label de Portland dont le catalogue révèle des goûts très sûrs (Ed Gein, Playing Enemy, Grizzlor, The Great Sabatini, Great Falls, Gaytheist, USA Nails et tout récemment Alpha Hopper dont on reparlera bientôt).
Les premières secondes de The Thorn You Carry On Your Side et sa ligne de basse à la Fudge Tunnel nous donnent une précieuse indication : Exhalants n’aura rien à envier aux autres. Bang puis Passing Perceptions confirment immédiatement. La basse est placée en tête de gondole et le restera jusqu’à la fin disque, monumentale. Ce n’est pas un hasard non plus si en énumérant le line-up du groupe j’ai précisément commencé par nommer le bassiste et sa grosse (grosse) Rickenbacker. Rarement j’aurai écouté un enregistrement où cet instrument joue un rôle aussi central, pivot, éclairant et fédérateur. Tu connais mon amour biblique et quasiment inconditionnel pour les groupes dotés d’une quatre-cordes proéminente – non, pas d’analyse psychologico-phallique s’il te plait – pourtant Exhalants atteint un nouveau degré de monstruosité avec des lignes de basse alliant sécheresse qui claque façon Table et puissance de frappe digne d’un Godflesh.

Atonement
c’est aussi des tonnes de trouvailles et de détails qui mis tous ensemble donnent à la musique d’Exhalants son caractère personnel. Le très post hardcore (dans le sens employé dans les années 90) Definitions évoque un A Minor Forrest en plus torturé. Quant à Lake song et ses instruments additionnels – de la trompette et du violoncelle – je ne peux pas m’empêcher d’y trouver comme une pointe de June Of 44 et d’Engine Kid.
Sur les compositions les plus virulentes, les plus lourdes et les plus puissantes c’est la guitare qui occupe le poste de coloriste et assure le contrebalancement. Une guitare qui n’hésite pas à déraper, à irriter ou à enflammer mais surtout qui ne rechigne jamais à recourir au pouvoir des mélodies. Un enveloppement subtil et bien soigneusement délimité dont l’évidence princière s’impose face aux martèlements terrassiers non domesticables du couple rythmique. L’équilibre parfait entre la fureur et l’éclat, entre la crasse et la noblesse. Avec Atonement les trois Exhalants s’imposent parmi les plus grands et les plus dignes représentants d’un genre – le noise-rock – qui a donc toujours son mot à dire.


[Atonement est publié en CD et en vinyle noir, bleu transparent et rose uni ou fruité-marbré par Hex records]

 

 

mardi 1 décembre 2020

USA Nails / Character Stop


  


 

Si on récapitule toute leur discographie, les anglais de USA Nails en sont déjà à leur cinquième album en sept années (c’est le deuxième avec le batteur Tom Brewins, transfuge de Death Pedals) et moi j’en suis toujours à m’émerveiller de la musique du groupe. Ces quatre types là jouent bien plus que du simple punk noise / noise rock / post punk / et plus si affinités, ils jouent du USA Nails et uniquement ça. Avec sa pochette toute bariolée et très réussie Character Stop me semble même être l’album le plus personnel et le plus impliqué du groupe, le disque sur lequel il affirme avec le plus de conviction et de force son identité propre. C’est aussi un enregistrement sur lequel les quatre musiciens ralentissent toujours plus la cadence – ce qui ne les empêche pas de nous gratifier malgré tout de quelques ruades punk bien épicées et frénétiques – et se concentrent toujours plus sur leur son, notamment celui des guitares, reconnaissable entre mille, et l’intelligence acétique de leurs compositions. On se sent comme naviguant au cœur d’un générateur d’énergie renouvelable mais sans se coltiner les déchets dont on ne sait jamais quoi faire.
Revolution Worker et son mid tempo touffu donne ainsi la tonalité principale d’un album placé sous le signe d’une colère sourde et qui n’explose qu’à bon escient, froidement mais avec un maximum de résultat – les paroles ne laissent elles guère de doutes sur ce que veut exprimer le groupe. Un palier supplémentaire est franchi avec le morceau-titre qui déborde de guitares dissonantes tandis que la rythmique fait place nette : la basse est encore plus énorme que d’habitude, sèche et tendue, elle claque aux côtés d’une batterie très volumineuse. On a alors vraiment le sentiment que USA Nails n’a vraiment plus besoin de se précipiter et de jouer contre la montre pour partager avec nous l’urgence impérieuse de sa musique. Et finalement Character Stop est bien un album plutôt lent, ou disons plutôt un album axé majoritairement sur des mid-tempos ravageurs – citons également
How Was Your Week-end ? et sa partie de batterie étourdissante – et lorsque le groupe accélère le rythme on assiste plus à un incroyablement étoffement de sa musique qu’à un passage en force et en cinquième vitesse (See Yourself, I don’t Own Anything). Une bonne dose de précision rigoureuse doublée d’une bonne dose d’acuité.

Et puis il y a le chant, toujours très caractéristique chez USA Nails, en mode parlé mais pas vraiment non plus, presque robotique, entre égrenages acides proches de la récitation et cris rageux mais toujours avec cette froideur apparente qui caractérise si bien le groupe et sa musique. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucune trace de vie là dedans, bien au contraire. Les deux voix sont très complémentaires et l’association des deux fonctionne mieux que jamais – soit en alternance, soit à l’unisson – et c’est l’un des autres points fort de USA Nails, cette capacité à faire passer autant de choses sans faire le mariole ni son intéressant.
La fin du disque est occupée par deux compositions un peu à part. J’ai beaucoup ri la première fois que j’ai entendu Temporary Home, titre le plus groovy, le plus dansant et à la limite de l’injonction à remuer son popotin comme un débile jamais composé par USA Nails et certainement aussi le titre du groupe le plus influencé par les années 80. N’oublions pas qu’en 2017 USA Nails s’était attaqué à la reprise du Eisbear de Grauzone ni que sur l’un de leurs t-shirts les anglais ont joyeusement détourné le logo de Devo. Bien que fonctionnant différemment des autres compositions de l’album, Temporary Home est une chanson qui développe beaucoup plus d’idées et de profondeur musicale qu’elle ne semble le faire au départ et pour moi elle constitue l’une des grandes réussites de l’album*. Quant à Wallington qui clôt magnifiquement Character Stop nous avons là le titre le plus ralenti et le plus sombre de l’album, presque mélancolique. Une lente et longue – pour USA Nails s’entend, c’est-à-dire au delà des quatre minutes – descente en forme de chemin subtilement escarpé, une voix quasi murmurée accompagnée d’une guitare crissant dans la nuit, une atmosphère proche du basculement avant la disparition. La preuve que USA Nails sait également s’y prendre pour nous émouvoir.


[Character Stop est publié en vinyle noir par Bigoût records pour l’Europe – le noir ça fait des pressages de bonne qualité avec lesquels on a rarement de mauvaises surprises – et par Hex records pour l’Amérique du Nord et qui lui a préféré multiplier les versions en couleurs]


* et ainsi j’espère deux choses : la première c’est qu’USA Nails comme tous les autres groupes que j’aime et que j’écoute puisse à nouveau refaire des concerts ; la deuxième c’est qu’USA Nails joue Temporary Home en live, pour que je puisse secouer mes vieux os comme un éternel gamin

 

 

mercredi 19 juin 2019

The Great Sabatini / Great Falls – split 12'


Malgré ses onze années d’existence THE GREAT SABATINI est un groupe qui fait trop peu parler de lui. Pour être honnête, si en 2014 feu le label clermontois Solar Flare n’avait pas publié Dog Years je n’aurais jamais entendu parler de ce groupe de Montréal ni de son troisième (?) album. Depuis cette bande de joyeux barbus a sorti l’excellent et toujours très versatile Goodbye Audio que je ne désespère pas de trouver un jour en dur et en vrai mais les conditions et les frais de port transatlantiques sont devenus tellement difficiles ces dernières années que pour l’instant je me contente d’écouter cette petite pépite en streaming grâce à la page b*ndc*mp du groupe (c’est curieux comme la mondialisation fonctionne beaucoup mieux pour le commerce lucratif des objets numériques et autres téléphones intelligents fabriqués en Asie par des ouvriers sous-payés à l’aide de matériaux extraits des sols africains par des esclaves ouvriers encore plus sous-payés que les premiers).
Quoi qu’il en soit The Great Sabatini a également participé à un split en compagnie de Great Falls, publié au tout début de cette année 2019 par Hex records. L’affiche est des plus alléchantes et le résultat est, disons-le tout de suite, carrément excitant. Chacun des deux groupes propose deux titres : à propos de The Great Sabatini j’ai parlé un peu plus haut de versatilité, caractéristique qu’il est peut être plus difficile à cerner lorsqu’on a que deux compositions à écouter tant le groupe aime d’ordinaire passer du bon gros sludge bien gras au noise-rock bien épais et ne semble jamais s’interdire aucune incartade ni aucune étape intermédiaire entre les deux du moment que ça défouraille. Avec Bleeder Of The pack (le jeu de mot de ce titre me fait hurler de rire) et l’à peine moins excitant Entartete Kunst le cahier des charges est cependant bel et bien rempli par The Great Sabatini qui confirme ainsi la constante progression de sa musique et prouve que le format court lui va tout aussi bien que celui d’un album multiforme. 




Il est temps maintenant de parler du disque en lui-même, parce que l’objet est extrêmement réussi : le vinyle est marbré rose/rouge translucide et gravé d’un sillon uniquement sur sa première face. La seconde est entièrement occupée par une illustration également gravée – « etched B-side » en anglais – et s’amuser avec les reflets et les effets de lumière au travers du vinyle révèle plein de nuances dont il est impossible de se lasser. Evidemment on ne peut pas jouer au magicien des couleurs et écouter le disque en même temps. Tant pis. On peut remarquer une plage intermédiaire ne portant pas de titre entre les deux compositions de The Great Sabatini et celles de Great Falls … en fait il s’agit d’un locked groove c’est-à-dire un sillon fermé. En général ce genre de blague se trouve à la fin de la face d’un vinyle mais là il n’y a rien d’autre à faire que de se lever et de déplacer la tête de lecture de sa platine de quelques millimètres pour passer à la suite et pouvoir écouter les deux morceaux de GREAT FALLS.
Le trio de Seattle a également publié un disque en 2018, son quatrième : le double LP A Sense Of Rest, conjointement chez Corpse Of Flowers et Throatruiner. Un album dont on peut affirmer sans se tromper qu’il constitue à ce jour le meilleur enregistrement de Great Falls et qui a convaincu les éternels retardataires que celui-ci n’était pas que le groupe actuel d’anciens membres de Kiss It Goodbye et de Playing Enemy (OK : Playing Enemy était un truc franchement génial mais la nostalgie c’est mal, non ?). Demian Johnston, Shane Mehling et Phil Petrocelli continuent ici sur leur lancée avec deux compositions inédites qui raviront les déjà fans et – je l’espère – convaincront tous les autres, Great Falls étant un exemple d’excellence suprême en matière de noise hardcore avec un fort penchant pour le chaos viscéral et l’étalage de tripes en mode émotions à vif… Our Lonely Old Year et surtout Dancing In Black And White sont vraiment deux nouveaux indispensables en provenance d’un groupe d’exception et particulièrement prolifique (depuis 2009 et en dehors de ses quatre albums Great Falls a publié presque une trentaine de CDr, de splits, de cassettes et autres). Autrement dit : ce très beau split 12’ est un incontournable et on ne peut que remercier Hex Records qui cette année s’était déjà illustré en assurant l’édition nord américaine de Life Cinema, le quatrième album des anglais d’USA Nails.

vendredi 10 mai 2019

USA Nails / Life Cinema





Life Cinéma est le quatrième album des londoniens de USA NAILS depuis 2014 et ce doit être également le quatrième que je chronique, par ici ou par là. Je pourrais commencer à sérieusement me lasser, baisser les bras et vouloir passer à autre chose mais en réalité il n’y qu’un seul groupe comme USA Nails et même bien trop peu d’autres groupes de la même trempe. Et tant que les anglais publieront des bons disques et tant qu’ils ne lâcheront pas l’affaire je n’abandonnerai pas non plus.
Des disques j’ai l’impression qu’il en sort toujours plus, tous les jours, de toutes les provenances, et seule ma séance quotidienne de yoga et mes infusions de verveine mentholée du soir me permettent encore de garder l’esprit au clair et de ne pas me laisser submerger par cette avalanche de musiques souvent inutiles et ennuyeuses. Tandis qu’au milieu de tout ce bordel pléthorique USA Nails continue donc de faire toute la différence. Je pourrais concéder que musicalement le groupe n’est plus totalement surprenant, qu’il a sans doute enregistré son meilleur album il y a déjà quelques années (je veux parler du deuxième, No Pleasure, en 2015) et que depuis il court derrière et ressasse les mêmes choses, les mêmes compositions, en leur apportant quelques variations périphériques. Ce n’est pas complètement faux. Mais je m’en moque : car si les quatre USA Nails puisent encore et toujours dans les mêmes réserves de munitions – qui au passage semblent malgré tout inépuisables – celles-ci restent de très bonne qualité. Pas de pétards mouillés sur Life Cinéma mais une succession de roquettes explosives envoyées pied au plancher et derrière lesquelles je sens toujours poindre comme une once de sarcasme bien corrosif. Je ne vais donc pas bouder un groupe qui s’entête en continuant dans la même veine et en se moquant du qu’en-dira-ton.

Dès l’introduction fracassante de Smile on sait déjà que Life Cinéma va être un très bon disque de punk noise (une spécialité anglaise de ces dernières années). Tous les ingrédients sont en place et se déroulent tout au long de l’album : une rythmique en acier trempé mais débordant de groove ; des guitares qui filent droit mais distillant des sonorités complètement triturées ; des breaks qui font mouche pour des compositions volcaniques ; un chant qui ressemble à du papier de verre passé sur des fausses dents en céramique mais simultanément un chant qui ne perd rien de son pouvoir d’accroche et donne envie de brailler en même temps, « why can’t I talk ? why can’t I cry ? » (sic). La différence avec le disque précédent – le beaucoup plus cérébral Shame Spiral en 2017 – c’est que les douze titres de Life Cinema sont plus concis, plus ramassés, plus denses, plus nerveux, plus tranchants, plus volcaniques… en un mot plus punks et plus bruyants. Même lorsque le rythme ralentit USA Nails n’en profite pas pour relâcher la pression pour autant et les compositions s’enchainent avec une facilité et une vitesse effarantes. Une seule arrive à dépasser les trois minutes (A Sense Of Self Will Always Limit You pourtant insensément éruptive et diablement tordue) sinon toutes tournent entre une minute et deux minutes et demi tandis que l’album n’en dépasse pas vingt cinq. Parfois quelques coquetteries comme les handclaps de You Wish ou la version da da da de Life Cinema rajoutent un peu de piment et de drôlerie à l’ensemble mais globalement ce quatrième album parait bien impulsif et querelleur. Sombre.

Et en fait je devrais réviser mon jugement. USA Nails est bien plus qu’un groupe de très bon faiseurs et artificiers qui ne se laissent toujours pas faire. Avec Life Cinéma les anglais ont resserré les boulons et remis du vitriol dans leur mixture sonique mais surtout ils ont une nouvelle fois affirmé que l’ennui et le clap de fin ne sont pas pour demain – du moins je l’espère – et que même l’acidité de la colère leur permet de prendre de la hauteur. A tel point que Life Cinéma pourrait bien finir aux côtés de No Pleasure sur la plus haute marche du podium des meilleurs albums de USA Nails, groupe aussi inestimable qu’indispensable. Et c’est pas du cinéma.

[Life Cinema est publié en vinyle par Bigoût records et Hex records




En outre les USA Nails seront bientôt en tournée européenne en compagnie des excellents Dead Arms qui viennent eux aussi de publier un album... une tournée passant par Lyon le 28 mai alors admirez un peu cette magnifique affiche faite avec les doigts