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lundi 12 décembre 2022

Mirakler - Moon Pussy






 

Si tu as raté la tornade TRVSS c’est dommage pour toi parce que le trio n’existe plus vraiment mais il n’y a rien de rédhibitoire non plus à cela. Après deux albums dont un New Distances quasi miraculeux en 2020 puis le départ de la section rythmique du groupe, le guitariste/chanteur Daniel Gene est de retour avec deux nouveaux musiciens et un nouveau de nom : MIRAKLER. Et dans les faits cela ne change pas grand chose. Ou plutôt Mirakler laisse à penser qu’une étape supplémentaire a été franchie avec ce récent single à la pochette aussi inquiétante que réussie (un faux test de Rorschach ou une tête de mort, c’est comme on veut) qui comprend deux titres complètement dingues.
Même les vieux noiseux rétrogrades ou les personnes qui pensent que Chris Spencer et Unsane ont encore deux ou trois truc intéressants à raconter seront scotchés par la violence du trop bien nommé Instant Drugs et de The Shootist, nouveaux maitres-étalons en matière de noise-rock vicieux, sale, méchant et destructeur. Ce n’est même pas la peine de parler de machine à remonter le temps et de voyage dans l’éternité des 90’s, tout ici est parfait, depuis les guitares qui cisaillent constamment de la viande avariée à la rythmique ultra énervée en passant par le chant légèrement trafiqué et définitivement malsain. Instant Drugs / The Shootist est un single incendiaire comme on n’en croise plus tellement, publié conjointement par deux des meilleurs labels US dans le genre, The Ghost Is Clear et Reptilian records.







Toujours chez The Ghost Is Clear, un autre 7’ publié un peu plus tôt dans l’année et dont le premier avantage est de nous donner des nouvelles fraichement réjouissantes de MOON PUSSY (meilleur nom de groupe du monde, selon l’une de mes filles). On avait déjà adoré l’album sans titre publié en 2020 par ce trio originaire du Colorado et on adore tout autant Mediation et Mary Anning, deux nouveaux titres visqueux qui tournent toujours autour des lignes de basse et du chant écorchée de Crissy Cuellar. Le premier est le plus direct et le plus classique mais très efficace tandis que le second rappelle que Moon Pussy excelle particulièrement dans le domaine de la reptation du malsain.
On retourne la galette (en vinyle rose) et, puisqu’il s’agit d’un split, on retrouve Mirakler avec là aussi deux titres. En fait un titre et demi puisque Cotard’s Delusion est un court instrumental qui sert d’introduction à One, une reprise… de Metallica, ce groupe de beaufs qui en 1986 aurait mieux fait de crever en même temps que son bassiste à pattes d’éléphant. Dans mes souvenirs le titre original est une sorte de slow existentialiste, démago et pleurnichard. Ce qu’en fait Mirakler n’a strictement rien à voir, c’est du pur noise-rock mâtiné d’alternance entre passages faussement calmes mais fébriles et épandages vitriolés chargés d’une tension qui laisse systématiquement penser que le pire reste encore à venir. Un titre qui donne furieusement envie d’en écouter beaucoup plus de la part de Mirakler et un split single presque incontournable lui aussi.



samedi 3 décembre 2022

[chronique express] Moral Panic : Validation

 



Allez, on se détend. Enfin, façon de parler : Validation est le troisième album des New-Yorkais MORAL PANIC, le groupe du guitariste/chanteur Daniel Kelley que l’on connait également pour avoir fait partie des fantastiques Livids aux côtés du grand Eric Davidson. C’est également le premier avec la paire rythmique composée de Michael Dimmitt (basse) et Eric Robel (batterie, ex-Heroin Sheiks !) et le trio ne craint personne en matière de punk-rock joué pied au plancher – les labels Reptilian records (US) et Alien Snatch (Europe) ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisqu’ils ont sorti conjointement le disque, de chaque côté de l’Atlantique. Passé une très courte intro puis un premier titre au mid-temp soutenu et ravageur, Validation enquille les pépites et les bombes à fragmentation avec une facilité et une frénésie déconcertantes. Riffs accrocheurs as fuck, chant nerveux et sans fioritures, gros son qui n’oublie pas de tâcher, lignes de basse dantesques, urgence et intensité à tous les étages, aucun titre au dessus de la limite réglementaire des 2’30 : absolument tout participe à un album aussi court et furieux que génial et indispensable, un album qui monte inexorablement en puissance pour s’achever sur un Horton Hears The Who qui reprend presque tel quel – et ça c’est très malin de la part du groupe – le canevas de l’intro du disque. Conclusion : on ne peut pas s’empêcher de remettre immédiatement Validation sur la platine pour une énième dose de punk-rock acharné et rageusement jubilatoire.


mercredi 12 octobre 2022

[chronique express] Sinking Suns : Dark Days

 



Comme les SINKING SUNS sont des joyeux drilles ils ont décidé d’intituler leur nouveau disque Dark Days : question optimisme forcené, joie de vivre et soupe de nouilles lyophilisée cela ne se pose pas vraiment là. Mais, plus sérieusement, qui pourra leur donner tort ? Pas moi, en tous les cas, car musicalement le constat est le même et il sera difficile de contredire un groupe qui plonge tête baissée dans les eaux boueuses, sombres et malsaines héritées de ce que l’underground US des 80’s et 90’s a engendré de meilleur : le troisième album de ces petits gars du Wisconsin perpétue la longue tradition d’un noise-rock toujours puissant mais mélodique et plus d’une fois on pensera aux grands Hammerhead avec, de temps à autre, un je ne sais quoi de swamp californien (notamment certaines parties de guitare qui n’auraient pas été reniées par un East Bay Ray). Là où Bad Vibes (sorti en 2018 et encore un titre d’album top shinny) se montrait presque élégant et racé dans sa colère, Dark Days n’y va pas par quatre chemins, se montre particulièrement intraitable et se révèle être le meilleur disque à ce jour de Sinking Suns grâce à son côté plus sale, plus terrien et plus charbonneux. Ce qui n’exclut pas quelques nuances – Asleep by the Fire et sa séquelle The Invisible Sun, assurément le duo gagnant du disque, option hit-parade – d’autant plus que le bassiste/chanteur Dennis Ponozzo s’est une nouvelle fois collé à l’enregistrement et que ce type s’y connait comme personne pour faire sonner son propre groupe. Rien de tel qu’une rasade de noirceur viscérale fortement dosée pour faire mon bonheur. 

jeudi 23 juin 2022

Canyons : Stay Buried


Voilà un disque qui techniquement n’est pas nouveau : Stay Buried porte bien son nom puisqu’il traine sur les internets depuis environ deux ans et qu’il a failli tomber à jamais dans l’oubli de la sédimentation numérique pour finir écrasé en fin de liste sur un serveur malaysien de seconde zone – l’Internationale Digitale sera le genre humain. Mais les quatre CANYONS qui nous viennent de Kansas City dans le Missouri ont choisi de persister et d’attendre que le label Reptilian records s’en mêle et édite Stay Buried en version vinyle, tout récemment donc (février 2022). Un disque finalement publié autant de temps après sa conception et son enregistrement ne pouvait que bouleverser ma vision supra-nombriliste de l’existence et mon rapport fébrile à la temporalité. Comme si tout n’était déjà pas suffisamment compliqué comme ça.
Reprenons depuis le début. Est-ce comme si, de fait, le temps n’existait que pour nous autres, pauvres êtres humains ? Ce serait l’évidence même, puisque la musique est précisément là pour nous le rappeler en permanence (sic) et qu’elle nous sert de marqueur. A chacune et à chacun sa façon de tromper l’ennemi : jouer de la musique parce qu’on a que ça à foutre et que l’on n’a pas trop peur de se chier dessus ; ou se contenter d’en écouter à longueur de journée ou de nuit parce que là aussi on n’a rien de mieux à faire à part bailler aux corneilles en se faisant du bien tout·e seul·e dans son coin (et ce ne sont pas les méthodes, délicieuses et/ou éprouvantes, qui manquent). Fin de la parenthèse pseudo philosophico-métaphysico-existentielle, maintenant parlons musique.







Les garçons de Canyons partagent avec leurs petits camarades de label Intercourse le même penchant pour un hardcore épais, puissant et lourd teinté de noise-rock. Sauf que sur Stay Buried la musique est vraiment beaucoup plus hardcore que noise et que question rétropédalage jusqu’au tout début des années 2000 et retour vers le futur sans avenir du metalcore, le groupe a tout bon et excelle dans la manchette bourre-pif et le crochet à l’estomac. C’est pas fin et très poilu, c’est court et concis, c’est assez monotone (le chant ne dévie jamais de ses obligations dégurgitatives et glavioteuses), pas du tout du tout original mais cela fonctionne carrément bien, même si la fin du disque part en sucette à cause d’un titre au rabais et sorti dont on ne sait où*.
Et là on touche du doigt une autre caractéristique essentielle de toute fantasmagorie musicale – spoiler : retour inexorable à la philosophie de comptoir – car si j’apprécie la musique de Canyons et Stay Buried, c’est parce qu’en l’écoutant j’imagine volontiers le groupe donnant un concert dans un bar ou un pub quelconque et un peu paumé (j’avais bien dit : « de comptoir »), balançant des versions dantesques de Check Game, Endless Fiction ou du génial Oil Change, transpirant sang et houblon fermenté devant un public épars hésitant lui entre être éberlué devant tant de violence ou boire un dernier verre pour terminer complètement bourré et aller crever sur un bout du trottoir d’en face. Gueuler pour communier contre la merde qui nous entoure et nous étouffe, ne serait-ce point une autre façon de tuer le temps ? Oui, et je crois que c’est aussi l’une des meilleures.

* le titre en question n’a pas été mis en ligne et ne figure que sur le vinyle…

 

 

dimanche 19 juin 2022

[chronique express] Prayer Group : Michael Dose

 



Ça fait beaucoup trop longtemps que cette gazette internet de bas étage n’a pas parlé de ce pour quoi elle a au départ été principalement conçue : noise-rock mon Amour j’écris ton nom. Et les quatre PRAYER GROUP, puisque c’est d’eux dont il s’agit, pratiquent le genre à la perfection, réveillant une nouvelle fois et de plus belle mes bas instincts d’éternel adolescent frustré et de vieux noiseux rétrograde (tout ça dans un seul et même corps, oui). Rien que l’écoute de World Of Mirror / World Of Mind (pile-poil à la fin de la face A du disque, moment stratégique s’il en est) me fait transpirer du bulbe rachidien et me lance des frissons incommensurablement douloureux de plaisir dans la colonne vertébrale pendant des jours entiers. Ces garçons de Richmond / Virginie reprennent plus que dignement à leur compte toutes les règles inamovibles du noise-rock des 90’s – cela ne t’étonnera donc pas d’apprendre que les lignes de basse sont incroyablement monstrueuses – et poussent le bouchon plus loin que la moyenne, notamment grâce à un chant de malade et à des parties de guitare qui elles assurent le côté affiné, tannique et vicieux d’un disque de très haut niveau. La première face de Michael Dose est déjà incroyable mais que dire de la seconde si ce n’est qu’elle est… insurpassable ? Niveau de composition très largement supérieur, énergie écrasante, électricité carnassière et grésillante : le résultat est tout simplement parfait.

ps : Michael Dose est publié chez Reptilian records, label chéri-chéri qui a également eu la bonne idée d’éditer en vinyle l’album Rule 38 d’Intercourse, un enregistrement en son temps particulièrement plébiscité par la rédaction d’Instant Bullshit


lundi 11 janvier 2021

Hoaries / Rocker Shocker




 

Et voilà, cette nouvelle année commence exactement comme celle d’avant s’était achevée : dans un gros bain de merde moussante et bien collante et avec une déferlante de stupidité congénitale et assumée, le tout aggloméré par une crise sanitaire mondialisée (est-ce que ce sera mieux que de disparaitre suite à la chute d’une météorite géante à la surface de la planète ? honnêtement je ne suis sûr de rien). En résumé je ne sais pas ce que je préfère entre l’arrogance mortifère des vieilles démocraties occidentales complètement essoufflées et dépassées et les régimes autoritaires qui ricanent dans leur coin en attendant de moins en moins patiemment que leur tour arrive. Beauté de l’avenir.
L’année 2020 s’est également terminée avec un bilan musical de grande qualité – oui je sais, je change de sujet. Rarement j’aurai vu une telle profusion de bons disques, l’émergence de tant de bons groupes, la confirmation de tant de talents. Tu sais ce que l’on dit : lorsque tout va mal ou presque la création artistique s’envole toujours plus haut, galvanisée par la chute inéluctable de tout ce qui l’entoure. Et l’underground est comme toujours à la pointe. A croire que c’est en se sentant plus que jamais acculé que l’on arrive à libérer de soi toutes ces choses qui exacerbent l’inventivité pour mieux adoucir l’horreur du quotidien et la crasse de l’existence (et finalement… c’est comme si on restait dans le même sujet, non ?).

Publié un peu trop tard pour figurer dans tous les tops musicaux des noiseux de la Terre entière Rocker Shocker est le premier album des Texans d’HOARIES. On avait pu découvrir le groupe via une triplette de 45 tours ascensionnels – comprendre : de plus en plus réussis – et, au printemps dernier, grâce à un excellent 10’ partagé avec les très velus Beige Eagle Boys, un disque publié par le non moins excellent label Reptilian records. Mais sinon on ne sait pas grand-chose d’Hoaries mis à part que le guitariste Jeff Helland officiait il y a quelques années dans White Drugs qui avait publié un album très recommandable chez Amphetamine Reptile records. C’est déjà pas mal comme indice mais ce ne sera pas suffisant.
Parce que je n’aurai pas peur d’affirmer que s’il ne fallait citer qu’un seul enregistrement de noise-rock sorti en 2020, je choisirais Rocker Shocker sans aucune hésitation. Egalement publié par Reptilian records, ce premier album a vraiment tout pour lui : emmené par la locomotive furibarde et implacablement groovy I’ve Got A Room At The Plazza, Rocker Shocker est un concentré bouillonnant d’énergie, de vindicte, de mordant, d’acidité électrique et d’humour féroce. Un disque aux compositions des plus variées, allant d’un noise punk échevelé et nerveux (Permanent Meltdown) à des étalages plus psychotiques de guitares dissonantes (Data Stitches) et lorgnant même parfois vers le mélodramatique (Pearls). Hoaries est autant à l’aise lorsque il joue avec l’urgence vitriolée d’un punk sous speed que lorsque il privilégie la transgression et la déviance arty. Et surtout le groupe évite soigneusement tout déploiement ostentatoire de gras et de lourd, ici tout est taillé au cordeau, sec et vif, mais sans aucune rigidité (We’re Doing This, sorte de rouleau-compresseur à l’élégance aussi folle que braillarde).

Il y a finalement un côté assez cérébral et des fois presque glacé dans la musique d’Hoaries mais celui-ci est régulièrement contrebalancé par la vivacité bouillonnante d’une interprétation aussi virevoltante que sauvage mais qui ne néglige jamais non plus une certaine profondeur et une certaine subtilité. Chaque titre de Rocker Shocker apporte quelque chose d’autre et de nouveau par rapport au précédent et Hoaries ne nous ménagera absolument aucune surprise tout au long des vingt cinq minutes que dure l’album, en profitant même pour démontrer une nouvelle fois son expertise et sa finesse de jugement en matière de reprise. Après celle de Cabaret Voltaire sur le 10’ avec Beige Eagle Boys c’est au tour du très sirupeux Soldiers Of Love de Sade – et si… – de faire les frais d’une transformation / rénovation de fond en comble. Hoaries sait parfaitement s’approprier la musique des autres pour la faire sienne et si le groupe y arrive aussi bien c’est sans doute parce que sa propre musique possède déjà en elle-même quelque chose d’inimitable et de personnel, juste ce qu’il faut et au bon moment.

 

ps : Rocker Shocker tourne en 45 tours, sa pochette est gatefold, j’adore son artwork et le vinyle est transparent avec un magnifique « effet fumée »

 

 

dimanche 25 octobre 2020

[chronique express] Chief Tail / self titled

 


Ce disque est une vraie bombe noise-rock et honnêtement je l’adore : il a été publié à la mi-janvier 2020 chez les infatigables Reptilian records et je l’écoute encore très régulièrement depuis quelque mois, c’est-à-dire à chaque fois que j’ai besoin de me défouler et de hurler comme une andouille dans mon petit salon pendant vingt minutes (au-delà de ce temps imparti je me transforme invariablement en métalleux et je ressors mes vieux disques de thrash et de death). Mais ce disque a également un énorme défaut… il me fait beaucoup trop penser à du Jesus Lizard survitaminé ou, si tu préfères, à du Pissed Jeans qui aurait oublié d’être chiant en se consacrant uniquement au côté punk de la chose. Mais le résultat est tellement bon que je n’arrive pas trop à en vouloir à Chief Tail.

 

 

mercredi 16 septembre 2020

Chat Pile / This Dungeon Earth - Remove Your Skin Please

 

J’ai longtemps cru que CHAT PILE était un trio voix / guitare / basse jouant avec une boite-à-rythmes du nom de Cap’n Ron… perdu ! Cap’n Ron est en fait le pseudonyme* d’un quatrième membre du groupe et « Yamaha DX Explorer » ne désigne pas une machine mais une batterie électronique, un truc un peu chelou qui ressemble plus une installation de panneaux photovoltaïques sur un pavillon de banlieue qu’à un kit de batterie. Le visionnage de quelques vidéos de Chat Pile en concert permet en outre de se rendre compte qu’effectivement le groupe joue avec un vrai batteur (et avec une vraie batterie cette fois) et non pas avec un métronome d’origine électronique. En écoutant This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please on y croit pourtant très fort à toute cette histoire de boite-à-rythmes qui donne un côté très indus et froid à la musique de ce groupe originaire d’Oklahoma. Bien qu’en prêtant un peu plus d’attention au disque on aurait aussi pu se dire que cette fameuse et supposée machine a quand même été sacrément bien programmée par quelqu’un qui en plus déborde de bonnes idées. Le plus important reste la coloration très glacée, robotique et donc presque mécanique et quasiment implacable donnée à la musique de Chat Pile par un batteur et son instrument vraiment inhabituel pour mes petites oreilles intolérantes**

 


 

This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please est un vinyle qui regroupe deux cassettes publiées par Chat Pile l’année dernière. Encore une belle initiative de la part de Reptilian records permettant aux petits européens comme moi complètement perdus de l’autre côté de l’Atlantique Nord d’avoir connaissance de groupes jusqu’ici complètement inconnus. Et c’est tant mieux ! Car avec ce premier vinyle Chat Pile est en bonne place pour remporter le premier prix d’originalité dans la catégorie groupes de noise-rock tordus et vicieux (un grand concours flirtant de près avec la sacro-sainte inutilité mais qui pourtant ne manque pas de prétendants, je pense notamment aux géniaux Hoaries…).
J’imagine que l’on peut écouter le disque dans le sens que l’on veut mais il n’empêche que sa face A est logiquement occupé par l’enregistrement le plus vieux de Chat Pile avec les quatre titres de This Dungeon Earth initialement publié en mai 2019. Quatre titres de grosse terreur post industrielle et de déflagrations noise rappelant aussi bien Big Black et Jesus Lizard que Godflesh… bordel de merde de bordel de merde, question grosses références voilà qui en impose carrément mais celles-ci ne sont données qu’à titre de délimitation – si je puis m’exprimer ainsi – pour tenter de bien cerner une musique martelée et froidement névrotique qui réussit l’exploit d’osciller constamment entre énergie électrique à base de guitares folles et de chant psychopathe et écrasement tellurique suite à l’invasion de ta ville pourrie par des monstres de métal échappés d’une usine de reconditionnement psychique de robots-transformers tueurs d’enfants.

Occupant la deuxième face du disque et d’abord publié en novembre 2019 Remove Your Skin Please pourrait être issu des mêmes sessions que This Dungeon Earth, en tous les cas tous les titres du disque – ceux de la face A comme ceux de la face B – sont indiqués comme enregistrés au cours de l’année 2019 quelque part à Oklahoma City puis masterisés par la même personne (Jared Stimpfl*** du groupe Secret Cutter) et dans le même studio (Captured recordings). Globalement tout se tient donc, pas de changement notoires entre face A et face B, même engagement viscéral et même volonté de faire mal parce que l’on souffre beaucoup trop, dans un environnement hostile. Peut-être cette face B présente-t-elle un peu plus de nuances et d’accents noise-rock, une batterie toujours plus robotique, des passages de guitare plus tortueux et moins massifs, un chant un peu moins niqué des cordes vocales et plus psychotique mais dans les grandes lignes This Dungeon Earth et Remove Your Skin Please s’écoutent comme un seul et unique album et constituent l’une des plus belles surprises de cette formidable année 2020 de merde.

[This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please est publié en vinyle par Reptilian records]

 

* tout le monde dans Chat Pile a droit à son pseudo : Raygun Busch chante, Luther Manhole joue de la guitare et Stin s’occupe de la basse
** donc on oublie pour l’instant ces vidéos de concerts où Chat Pile sonne avec moins d’originalité et beaucoup plus comme un groupe de noise-rock
*** il a également bossé avec mes chouchous de Tile

 

vendredi 31 juillet 2020

[chronique express] Bulls / Then We Die




Encore une formation originaire d’un trou du cul du Texas, encore un groupe de noise-rock, encore un enregistrement publié grâce aux bons soins de Reptilian records et encore un disque qui fait terriblement frémir mon petit cœur de pierre ; donc si tu aimes tous ces trucs de noiseux bien tendus (Buildings ou Blacklisters, etc) et si tu aimes également la mélancolique occasionnelle (genre Slint) tu aimeras Then We Die, le premier album de BULLS – et petit détail à l’attention des entomologistes musicaux, le batteur du groupe est également son chanteur… étonnant, non ?

vendredi 24 juillet 2020

V/A Hot Rock Action 2020


Hot Rock Action 2020. J’avoue ressentir un certain décalage entre d’un côté le titre très rock’n’rollesque de ce 7’ compilatoire et l’artwork signé Christopher Cooper aka mister Coop et de l’autre l’année indiquée : oui nous sommes bien en 2020 et il y a longtemps que je ne m’étais pas intéressé à un disque doté d’une pochette reprenant la plupart des poncifs du genre à savoir la meuf à moitié dénudée, tatouée, à gros cul, à gros seins, en bottes montantes à talons et armée d’un schlass parce qu’il ne faut pas déconner non plus, rien de tel que la violence – quel monde de merde mais comme il est plaisant de s’en délecter lorsqu’on est un mec, tiens on se croirait dans un film de cet escroc et fumiste de Tarentino.
Voici donc un 45 tours de quatre titres, une compilation qui ne regroupe pas comme on pourrait s’y attendre des contributions venant des Cosmic Psychos, de Nashville Pussy, de Grindhouse ou des Dwarves mais des inédits de quatre groupes parmi les plus intéressants de la scène noise-rock made in U.S. actuelle. Le « 2020 » s’impose de lui-même en faisant écho à de précédents 7’ publiés par le label Reptilian records au siècle dernier tandis que les Bulls, Hoaries, Sinking Suns et Super Thief sont au programme de ce petit disque (par la taille) qui fera baver d’envie et ronronner de plaisir tous les noise addicts.

 



Face A. Dans la foulée de leur premier album Then We Die dont on parlera sans doute bientôt par ici les Bulls nous balancent un Podium sec et rapide, court et mélodique. Difficile de croire que cette formation originaire du Texas ne regroupe que des musiciens aguerris voire vétérans et non pas des jeunes gens fringants et échevelés lorsqu’on écoute cette composition de haute tenue bien que débordante de juvénilité, avec son chant clair et son approche punk qui en font un tube instantané. Juste placés derrière et également texans les Hoaries ne sont vraiment pas en reste et confirment tout le bien que je pense d’eux grâce à un Ritualized Cloning comme à leur habitude un peu étrange et subtilement dissonant, ce qui encore une fois fait tout l’intérêt de leur musique. Malgré la forte concurrence en présence Hoaries s’imposent immédiatement comme le meilleur groupe de Hot Rock Action 2020 et plus je les écoute plus j’ai hâte qu’ils nous sortent un véritable album.
On retourne le disque. La face B démarre avec les Sinking Suns (du Wisconsin, j’aime toujours autant la géographie) que l’on ne devrait plus présenter et qui avaient littéralement enthousiasmé les foules en délire grâce à Bad Vibes, un deuxième (troisième ?) album qui depuis sa parution en 2018 a provoqué quelques dégâts irrémédiables et rabattu le caquet des amateurs de pseudo noise fleurie et divertissante en quête de toujours plus de bonheur. Happy Hauting Ground est dans la même lignée que Bad Vibes, celle d’un noise-rock touffu, charpenté et accrocheur. En gros de la vraie bonne tradition toujours aussi satisfaisante et qui fait toujours autant envie, définitivement bien loin du bonheur dégueulasse mentionné ci dessus. Tout aussi traditionaliste Super Thief se fend d’un Worm In The Pill Bag typique des années AmRep et qui ne décevra pas non plus celles et ceux qui avaient découvert le groupe via son CD/compilation Rep 132. Les texans – as-tu remarqué que trois des quatre formations présentes sur Hot Rock Action 2020 sont originaires de cet état particulièrement riche en groupes improbables et désordonnés ? – clôturent ainsi un disque offrant un excellent panorama de la chose, avec une face A un brin plus arty et une face B une chouille plus classique. Mais dans tous les cas il n’y a strictement rien à jeter ici.

[Hot Rock Action 2020 est publié en vinyle vert et à 300 exemplaires par Reptilian records]

lundi 13 juillet 2020

Hoaries - Beige Eagle Boys / split


C’est comme ça : dès que j’entends parler de noise-rock – je parle de noise-rock bête, sale et méchant, pas de cette pisse édulcorée jouée par trop de groupes qui ont fait des études supérieures en musicologie – je redeviens immédiatement le crétin psychorigide et monomaniaque qu’au fond de moi je n’ai en réalité jamais cessé d’être. Chassez le naturel… le naturel c’est le chaos. Aussi lorsque j’ai appris que les Beige Eagle Boys étaient toujours en vie et qu’ils venaient de donner quelques signes probants d’activité en publiant quelques nouveaux titres via un 10’ sur l’excellent label Reptilian records de Baltimore j’ai failli me faire dessus comme un pauvre gamin en proie à ses premiers émois sexuels et découvrant qu’on peut aussi faire des trucs chelous avec son corps.

 


Mais qui dit split dit deuxième groupe et en l’occurrence il s’agit d’HOARIES. Une formation du Texas – on n’en saura pas plus – et rien que cette petite précision géographique permettra d’avoir la puce à l’oreille tant cet état américain particulièrement réactionnaire et consanguin a depuis quelques décennies généré son lot de groupes totalement barges et déviants. Hoaries n’échappe pas à la règle pourtant je dois avouer que le noise-rock de ces quatre là me semble plutôt allégé ou, encore mieux, désinvolte, avec une pointe de fantomatisme acide qui se glisse au travers des guitares plus dentelières que chez la plupart des collègues, presque avec un petit côté post punk dissonant. J’adore. Les deux inédits proposés par le groupe sont d’excellente facture et ils sont complétés par une reprise de Product Patrol de Cabaret Voltaire (deuxième période des anglais de Sheffield, alors devenu duo). Un choix loin d’être très évident au départ mais qui va très bien à Hoaries qui est parfaitement arrivé à transformer ce vieux machin plutôt électro-dark à sa sauce électrique – au passage cela en dit long sur le caractère décalé du noise-rock un brin arty des texans. Pour l’instant Hoaries n’a publié qu’une volée de 45 tours également compilés sur le CD Crudforms vol-1-3 et que je ne peux que chaudement recommander. Un groupe à suivre de très près, en tous les cas.

On était donc sans nouvelles des BEIGE EAGLE BOYS depuis 2014 et un premier album You’re Gonna Get Yours fracassant. Le groupe de Detroit nous revient en pleine forme et avec deux inédits et également une reprise. C’est lourd, c’est gras, c’est dévastateur, c’est loin d’être fin – surtout comparé à Hoaries – mais bordel de sa mère qu’est ce que c’est bon de se faire ramoner les conduits auditifs avec des lignes de basse et une guitare saignantes aussi peu scrupuleuses sur les conditions élémentaires d’hygiène, sans oublier ce chant porcin 100% viande avariée. J’espère que Are You Going With Me ? et You’re Bleeding (Out Of My Eyes) ne sont que les signes avant-coureurs d’un futur nouvel album… quant à la reprise il s’agit d’une version pas délicate du tout (le contraire eut été étonnant) du Don’t You Want Me ? des abominablement datés Human League, reprise improbable complétant ainsi une belle triplette de chansons d’amour (mouhaha). La version qu’en donnent les Beige Eagle Boys massacre tout ce qu’il faut comme il faut et arrive même à pulvériser le niveau d’excellence de la reprise du Unbelievable donnée en son temps par les plus que regrettés Killdozer, ce qui donne une bonne idée du niveau de connerie et de génie de la chose et finit d’établir le statut d’incontournable du noise rock intemporel de ce 10’ de couleur verte.

mercredi 13 novembre 2019

Multicult / Simultaneity Now





C’est la première fois que je suis un peu déçu par un album de Multicult. Pourtant j’adore particulièrement ce trio de Baltimore (c’est dans le Maryland et j’espère que depuis le temps tu as remarqué à quel point je suis doué en géographie nord-américaine… non ? tu as raison : je fais ça uniquement pour me la péter un peu plus, je n’ai jamais traversé l’océan Atlantique et sans doute ne le ferais-je jamais, je suis beaucoup trop fainéant pour ne serait-ce y songer). Mais passons. J’adore ce groupe jusqu’à avoir mis un point d’honneur (sic) à me procurer tous ses disques, les albums, les 7’, les splits, etc. Et comme décidément j’aime vraiment trop me faire mousser, je peux te dire que j’ai quelque part dans tout mon bordel bien rangé alphanumériquement le tout premier LP sans titre que le groupe a publié en 2010 et en complète autoproduction, oui je parle bien  de celui emballé dans une pochette toute simple, entièrement rouge et qui laisse apparaître les ronds centraux du vinyle, d’ailleurs je ne l’écoute presque jamais.

Le line-up de Multicult n’a pas changé depuis ce premier disque. Par contre sa musique n’a jamais cessé de s’améliorer. Pour résumer un peu vite de quoi on cause, disons que Multicult c’est du noise rock comme j’en écoutais déjà dans les années 90, pas celui qui fait du gras et donne des flatulences mais celui qui sèche vite fait bien fait l’auditeur : une rythmique abrupte, concise et tranchante (la basse est très présente mais se la joue médium ; le batteur est plein de fougue mais ne s’étale jamais), une guitare incisive qui déballe des riffs au scalpel et un chant qui sert à beugler des paroles auxquelles, je l’avoue, je n’ai toujours porté qu’une attention très relative mais qui exaltent l’aigreur et l’ennui d’une existence que seule la musique permet de rehausser un peu. Tu vois ce que je veux dire ? Non ? OK, je recommence : si la musique de Multicult me parle c’est parce qu’elle caresse mon amertume naturelle et un brin auto-complaisante dans le sens du poil – avoue aussi que c’est quand même autre chose que de s’appeler « frustration », de s’habiller en Grand Jury et de jouer de la musique de garçons-coiffeurs pour faire danser les masses dans toutes les Smac du pays. Mais passons, encore une fois.

Que se passe t-il alors avec ce Simultaneity Now qui est donc le cinquième album du groupe ? Rien de spécial en fait. Et c’est précisément là le problème. Des groupes comme Multicult il en existe des tonnes et il faut être sacrément malin – ou vicieux, ce qui en l’occurrence revient exactement au même – pour réussir à tirer son épingle du jeu. Avec les années la musique du trio n’a pas réellement évolué elle non plus, les lignes de basse de Rebecca Burchette sont toujours aussi parfaites, la guitare de Nick Skrobisz également et le temps d’un Caterwaul introductif on peut largement y croire… Seulement un air de déjà-entendu se fait peu à peu sentir. Rien de très gênant a priori me direz-vous puisqu’il s’agit de ce bon vieux noise-rock et que le noise-rock c’est comme la recette des frites, il n’y en a qu’une et il suffit simplement de la respecter*. Sauf que l’absence de riff qui fait vraiment mouche, le côté trop routinier de certaines compositions et l’absence de tubes incandescents finissent par prendre le dessus. Dans son genre Multicult est un bon groupe, un groupe très honorable pour ainsi dire mais qui ne va pas au delà des choses. Quelques fioritures inutiles – une note répétitive au synthé destinée à souligner la guitare sur High Contrast Image Arena, l’instrumental Fed Back Fatigue en fin de disque, toujours avec du synthé, et qui ne porte que trop bien son nom – ne servent qu’à souligner l’impasse stylistique dans laquelle Multicult s’est un peu englué. Après tout, il ne sert à rien de vouloir changer les choses, il suffit de les transcender (tout comme des frites réussies se passent de tout ketchup et autres sauces chimiques industrielles) mais avec Simultaneity Now le trio n’y arrive pas.

[Simultaneity Now est publié en vinyle** par Learning Curve records et en CD par Reptilian records***]

* ce qui est primordial c’est de bien faire cuire les frites en deux fois pour un effet croustillant à l’extérieur et fondant à l’intérieur et, bien sûr, de préparer ses frites avec des vraies pommes de terre et non pas se servir de ces trucs surgelés inventés par l’industrie agroalimentaire
** il existe plusieurs versions : une en vinyle transparent avec des éclats de couleurs bleus, rouges ou verts, une autre avec des bandes de couleurs rouges, une troisième en vinyle jaune avec une grosse tache de rouge (oui encore du rouge) au milieu… je commence à être particulièrement fatigué de toutes ces coquetteries vinyliques qui servent strictement à rien et surtout n’apporte rien à la musique… malheureusement pour les grincheuses et les grincheux il n’existe pas de version en vinyle noir de Simultaneity Now, la tradition ça a pourtant du bon
*** souvent je me demande dans quel état d’abandon serait la scène noise-rock US actuelle sans ces deux labels qui sortent énormément de disques incontournables pour tous les fanatiques du genre

mercredi 2 janvier 2019

Super Thief / Rep – 132






Pour bien commencer cette formidable année 2019 et parce que je déteste toujours autant le changement, la nouveauté, le progrès et même (des fois) l’avenir je n’ai rien trouvé de mieux que de chroniquer un groupe qui reprend le flambeau de ce bon vieux noise-rock 90’s si cher à mon cœur pétrifié et sclérosé. L’objet d’étude du jour s’appelle SUPER THIEF c’est à dire quatre petits gars originaires d’Austin / Texas et je ne voudrais pas faire mon malin mais cela s’entend absolument à l’écoute de Rep – 132. Le disque n’est qu’un vulgaire CD publié par Reptilian records (l’un de mes labels U.S. préférés du moment) et qui compile Stuck, une cassette autoproduite par Super Thief en 2017 puis le mini album Eating Alone In My Car publié lui en 2018 et en vinyle par Learning Curve records (un autre de mes labels américains préférés).

Rep – 132 suit la chronologique des enregistrements et j’aime ça, ce respect inflexible et méthodique de l’ordre immuablement établi : I Don’t Know About You Or Your Band démarre le programme de la façon la plus alléchante qui soit, et pas seulement à cause de son titre chargé de toute cette ironie mordante qui me ravira toujours mais surtout parce que dès les premières mesures Super Thief plante le décor d’un noise-rock charpenté et vigoureux, rapide et incisif, finalement assez punk dégraissé et vicelard (culminant avec le tubesque Scrape The Paint).
Pas besoin donc d’être un musicologue averti de la presse musicale écrite pour affirmer que les origines texanes du groupe peuvent aisément se deviner rien qu’en écoutant sa musique et l’inévitable référence aux formations historiques du label Trance Syndicate s’impose d’elle-même tout au long des dix titres plutôt courts mais toujours efficaces de Stuck. Il n’y a évidemment rien de totalement bouleversant ici mais il reste le plaisir d’écouter une musique de joyeux barbares qui aiment les lignes de basse en forme d’étrons soniques bien moulés, les guitares tranchantes, le chant braillé et le bordel en ébullition. Moi cela me va parfaitement et je suis très étonné que Stuck n’ait à l’origine été publié qu’en cassette puisque la qualité sonore et le niveau de composition sont bel et bien là… Voilà donc une réédition qui répare cette erreur bien qu’une version vinyle eut été encore plus appropriée.

Par contre, en parlant d’erreur, il semble bien qu’il y en ait une grosse lorsqu’on aborde les cinq derniers titres de Rep – 132 et constituant initialement le 12’ Eating Alone In My Car. Erreur de manipulation de l’usine de pressage ou erreur de mastering en studio je n’en sais absolument rien mais le niveau sonore chute drastiquement, ce qui oblige à monter le son du lecteur. Et encore… en plus d’avoir un niveau tout chétif, le son est riquiqui et souffreteux, dominé par des aigus et des médiums raplaplas au détriment des basses. Non seulement il est nécessaire de monter le volume de l’ampli mais il convient également de tenter de régler la qualité de ce qui en sort ; une fois l’opération terminée on peut enfin goûter un peu plus sereinement à Eating Alone In My Car et découvrir tous les progrès que Super Thief a effectués en une seule année.
Les compositions de Eating Alone In My Car sont plus abouties et ont gagné en côté noise ce qu’elles ont perdu en punk (à l’exception du jubilatoire et bref Woodchipper), Super Thief élargissant enfin son propos (Gone Country et Eating Alone In My Car) et n’hésitant plus à prendre son temps et quelques risques en même temps (la lente descente aux enfers puis l’agonie de You Play It Like A Joke But I Know You Really Mean It). Ce n’est toujours pas révolutionnaire ni novateur mais ça a beaucoup plus de gueule et de caractère, suffisamment pour que je me mette à guetter la suite des aventures du groupe. Un dernier détail… la photo de Rep – 132 représente l’écran d’un téléphone faisant une vidéo de chien ce qui fait dix points de vie supplémentaires à l’actif de Super Thief – pas pour le téléphone mais pour la truffe du chien, évidemment.

vendredi 30 novembre 2018

Sinking Suns / Bad Vibes



Ce n’est pas la peine de me le répéter encore et toujours : je sais déjà que je ne suis qu’un vil réactionnaire doublé d’un conservateur de la pire espèce. Une sorte de grosse enflure de rétrograde passéiste. Par exemple je refuse de trop m’extasier sur ce groupe tellement aventureux et tellement novateur (haha !) qu’est Idles – non, je n’ai pas dit que je ne l’aimais point, simplement je suis très loin de comprendre tout le foin hystérique et béat qu’il suscite* – tout comme je ne saurais trouver les mots précisément justes pour exprimer toutes les mauvaises pensées que génèrent en moi les imbécilités formatées et extrudées (tiens, voilà du boudin) de Dead Cross ou de Converge, ce genre de formations marketées dont le but premier semble être de vendre des baskets, des sacs-à-dos, des épinglettes et des t-shirts hors de prix à des kidettes et des kids pourri.e.s à l’envie (sic).
Le gâtisme c’est de toujours râler sur les mêmes sujets (activité que je maitrise parfaitement) mais surtout râler de plus en plus (je n’en parle même pas) ; le gâtisme c’est également porter au pinacle de l’inventivité des groupes prémâchés qui font la même chose ou presque que ce que d’autres groupes faisaient déjà il y a déjà plus de vingt ans, et presque toujours en beaucoup mieux. De ce point de vue là c’est gâtisme contre gâtisme, choisis donc le tien et profites en pour en même temps choisir ton camp, camarade, parce que c’est l’époque qui veut ça, tout ayant déjà été fait en matière de musiques. Tout ? Oui et c’est terriblement vrai. Mais ce qui l’est encore plus c’est que l’on n’a que l’âge de la musique que l’on écoute alors que la musique, elle, n’a pas d’âge (sauf celui qu’on veut bien lui donner, par conséquent cela ne compte pas, retour à la case départ).  




Et c’est ce qui m’incite alors à te parler aujourd’hui de SINKING SUNS, un trio de noise-rock (encore une fois, oui !) originaire de Madison / Wisconsin et dont le deuxième album intitulé Bad Vibes a été publié fin juillet par l’excellent label Reptilian records (de Baltimore… je le précise également à cause de mon côté « apprendre en s’amusant » et tu verras, toi aussi à force tu deviendras un jour incollable sur le géographie nord-américaine). 
Et alors donc ? Quoi de neuf ? Mais rien du tout, pardi ! Sinking Suns est l’archétype éculé et prévisible ou presque du sacro-saint trio de noise-rock typé guitare/basse/batterie – « ou presque » parce que pour une fois c’est le bassiste qui assure (magnifiquement) le chant principal et non pas le guitariste. Quelle différence ? A priori aucune sauf que chez Sinking Suns les parties de guitares sont réellement chiadées de chez chiadées, atteignant systématiquement leur but, j’en déduis que le titulaire de cet instrument du diable a pu se concentrer comme il le voulait sur ses parties pour tirer du feu riffs et mélodies imparables. Pour le reste c’est du plus que classique, à commencer par les lignes de basse d’une taille largement plus que respectables, pour ne pas écrire énormes (bonnet Z). Ce qui est la moindre des choses.
Le gros point fort du trio reste cette capacité ici jamais démentie – et beaucoup plus rare qu’on ne le pense – à savoir concilier puissance réfléchie et mélodies non aguicheuses mais implacables : Sinking Suns est une formation appartenant à la catégorie des groupes finauds qui ont parfaitement compris que ce bon vieux noise-rock à papa peut être aussi bruyant qu’il le veut et qu’il le peut, il n’en sera que plus efficace si le niveau des compositions s’élève au dessus du niveau zéro du tout à  l’égout en privilégiant l’accroche mélodique. Ajoutez à cela un bon petit côté élégamment marécageux et Sinking Suns se place derechef quelque part à la croisée d’Hammerhead et de Clockcleaner.
Bref… Je ne sais donc pas ce qu’il s’est passé en 1987 mais 1987 est également le titre introductif de Bad Vibes, un mid-tempo décidé et volontaire qui ouvre le bal d’un album qui ne connait absolument aucun coup de mou. Suivent American Steel plus Hammerhead que jamais, Zenith et The End Of All Roads (deux pépites swamp), l’ultra mélodique et tubesque Thumbsucker, le très swinguant et irrésistible Remember You Will Die (non mais quel titre !) ou Teenage Werewolf, composition la plus rock’n’roll (ahem) du lot et qui contrairement à son titre n’a pas l’air d’être une reprise des Cramps (et pourtant...). Bad Vibes est peut-être bien le disque de noise-rock de cette année 2018. Et Sinking Suns est un groupe inratable, aussi épidermique qu’intelligent. Que c’est bon d’être un vieux con.  

* mais comme je suis généreux voici un lien vers les photos très étonnantes prises par Lowlights and Decibels (prénom : Gérald) lors d’un récent concert d’Idles du côté de Lyon