Si tu as raté la
tornade TRVSS c’est dommage pour toi parce que le trio n’existe plus vraiment
mais il n’y a rien de rédhibitoire non plus à cela. Après deux albums dont
un New Distances quasi miraculeux en 2020
puis le départ de la section rythmique du groupe, le guitariste/chanteur Daniel
Gene est de retour avec deux nouveaux musiciens et un nouveau de nom : MIRAKLER. Et dans les faits cela ne
change pas grand chose. Ou plutôt Mirakler
laisse à penser qu’une étape supplémentaire a été franchie avec ce récent single
à la pochette aussi inquiétante que réussie (un faux test de Rorschach ou une
tête de mort, c’est comme on veut) qui comprend deux titres complètement
dingues.
Même les vieux noiseux rétrogrades ou les personnes qui pensent que Chris
Spencer et Unsane ont encore deux ou trois truc intéressants à raconter seront
scotchés par la violence du trop bien nommé Instant
Drugs et de The Shootist,
nouveaux maitres-étalons en matière de noise-rock vicieux, sale, méchant et
destructeur. Ce n’est même pas la peine de parler de machine à remonter le
temps et de voyage dans l’éternité des 90’s, tout ici est parfait, depuis les
guitares qui cisaillent constamment de la viande avariée à la rythmique ultra
énervée en passant par le chant légèrement trafiqué et définitivement malsain. Instant Drugs / The Shootist
est un single incendiaire comme on n’en croise plus tellement, publié
conjointement par deux des meilleurs labels US dans le genre, The Ghost Is Clear et Reptilian records.
Toujours chez The Ghost Is Clear, un autre 7’ publié un peu plus tôt dans l’année et dont le
premier avantage est de nous donner des nouvelles fraichement réjouissantes de MOON PUSSY (meilleur nom de groupe du monde, selon l’une de mes
filles). On avait déjà adoré
l’album sans titre publié en 2020 par ce trio originaire du Colorado et on
adore tout autant Mediation et Mary Anning, deux nouveaux titres
visqueux qui tournent toujours autour des lignes de basse et du chant écorchée
de Crissy Cuellar. Le premier est le plus direct et le plus classique mais très
efficace tandis que le second rappelle que Moon
Pussy excelle particulièrement dans le domaine de la reptation du malsain.
On retourne la galette (en vinyle rose) et, puisqu’il s’agit d’un split, on
retrouve Mirakler avec là aussi deux titres. En fait un titre et demi puisque Cotard’s Delusion est un court instrumental qui sert d’introduction
à One, une reprise… de Metallica, ce
groupe de beaufs qui en 1986 aurait mieux fait de crever en même temps que son
bassiste à pattes d’éléphant. Dans mes souvenirs le titre original est une
sorte de slow existentialiste, démago et pleurnichard. Ce qu’en fait Mirakler n’a strictement rien à voir,
c’est du pur noise-rock mâtiné d’alternance entre passages faussement calmes
mais fébriles et épandages vitriolés chargés d’une tension qui laisse
systématiquement penser que le pire reste encore à venir. Un titre qui donne
furieusement envie d’en écouter beaucoup plus de la part de Mirakler et un split single
presque incontournable lui aussi.
Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net
lundi 12 décembre 2022
Mirakler - Moon Pussy
samedi 3 décembre 2022
[chronique express] Moral Panic : Validation
Allez, on se
détend. Enfin, façon de parler : Validation
est le troisième album des New-Yorkais MORAL
PANIC, le groupe du guitariste/chanteur Daniel Kelley que l’on connait
également pour avoir fait partie des fantastiques Livids aux côtés du grand Eric Davidson. C’est également le premier avec la paire
rythmique composée de Michael Dimmitt (basse) et Eric Robel (batterie, ex-Heroin
Sheiks !) et le trio ne craint personne en matière de punk-rock joué pied
au plancher – les labels Reptilian records (US) et Alien Snatch (Europe) ne s’y
sont d’ailleurs pas trompés puisqu’ils ont sorti conjointement le disque, de
chaque côté de l’Atlantique. Passé une très courte intro puis un premier titre
au mid-temp soutenu et ravageur, Validation
enquille les pépites et les bombes à fragmentation avec une facilité et une frénésie
déconcertantes. Riffs accrocheurs as fuck, chant nerveux et sans fioritures, gros
son qui n’oublie pas de tâcher, lignes de basse dantesques, urgence et
intensité à tous les étages, aucun titre au dessus de la limite réglementaire
des 2’30 : absolument tout participe à un album aussi court et furieux que
génial et indispensable, un album qui monte inexorablement en puissance pour s’achever
sur un Horton Hears The Who qui
reprend presque tel quel – et ça c’est très malin de la part du groupe – le canevas
de l’intro du disque. Conclusion : on ne peut pas s’empêcher de remettre
immédiatement Validation
sur la platine pour une énième dose de punk-rock acharné et rageusement jubilatoire.
mercredi 12 octobre 2022
[chronique express] Sinking Suns : Dark Days
Comme les SINKING SUNS sont des joyeux drilles
ils ont décidé d’intituler leur nouveau disque Dark Days : question
optimisme forcené, joie de vivre et soupe de nouilles lyophilisée cela ne se
pose pas vraiment là. Mais, plus sérieusement, qui pourra leur donner
tort ? Pas moi, en tous les cas, car musicalement le constat est le même et
il sera difficile de contredire un groupe qui plonge tête baissée dans les eaux
boueuses, sombres et malsaines héritées de ce que l’underground US des 80’s et 90’s
a engendré de meilleur : le troisième album de ces petits gars du
Wisconsin perpétue la longue tradition d’un noise-rock toujours puissant mais mélodique
et plus d’une fois on pensera aux grands Hammerhead avec, de temps à autre, un
je ne sais quoi de swamp californien (notamment certaines parties de guitare qui
n’auraient pas été reniées par un East Bay Ray). Là où Bad Vibes (sorti
en 2018 et encore un titre d’album top shinny) se montrait presque élégant et
racé dans sa colère, Dark Days
n’y va pas par quatre chemins, se montre particulièrement intraitable et se
révèle être le meilleur disque à ce jour de Sinking Suns grâce à son côté plus sale, plus terrien et plus
charbonneux. Ce qui n’exclut pas quelques nuances – Asleep by the Fire et sa
séquelle The Invisible Sun,
assurément le duo gagnant du disque, option hit-parade – d’autant plus que le
bassiste/chanteur Dennis Ponozzo s’est une nouvelle fois collé à
l’enregistrement et que ce type s’y connait comme personne pour faire sonner
son propre groupe. Rien de tel qu’une rasade de noirceur viscérale fortement
dosée pour faire mon bonheur.
jeudi 23 juin 2022
Canyons : Stay Buried
Voilà un disque
qui techniquement n’est pas nouveau : Stay Buried porte bien son nom puisqu’il traine sur les
internets depuis environ deux ans et qu’il a failli tomber à jamais dans
l’oubli de la sédimentation numérique pour finir écrasé en fin de liste sur un
serveur malaysien de seconde zone – l’Internationale Digitale sera le genre
humain. Mais les quatre CANYONS qui nous viennent de Kansas City
dans le Missouri ont choisi de persister et d’attendre que le label Reptilian records s’en mêle et
édite Stay Buried en version vinyle,
tout récemment donc (février 2022). Un disque finalement publié autant de temps
après sa conception et son enregistrement ne pouvait que bouleverser ma
vision supra-nombriliste de l’existence et mon rapport fébrile à la temporalité. Comme
si tout n’était déjà pas suffisamment compliqué comme ça.
Reprenons depuis le début. Est-ce comme si, de fait, le temps n’existait que pour nous autres, pauvres êtres humains ?
Ce serait l’évidence même, puisque la musique est précisément là pour nous le
rappeler en permanence (sic) et qu’elle nous sert de marqueur. A chacune et à chacun
sa façon de tromper l’ennemi : jouer de la musique parce qu’on a que ça à
foutre et que l’on n’a pas trop peur de se chier dessus ; ou se contenter
d’en écouter à longueur de journée ou de nuit parce que là aussi on n’a rien de
mieux à faire à part bailler aux corneilles en se faisant du bien tout·e seul·e
dans son coin (et ce ne sont pas les méthodes, délicieuses et/ou éprouvantes,
qui manquent). Fin de la parenthèse pseudo philosophico-métaphysico-existentielle,
maintenant parlons musique.
Les garçons de Canyons partagent avec leurs petits
camarades de label Intercourse le même penchant pour un hardcore épais,
puissant et lourd teinté de noise-rock. Sauf que sur Stay Buried la musique est vraiment beaucoup plus hardcore que
noise et que question rétropédalage jusqu’au tout début des années 2000 et
retour vers le futur sans avenir du metalcore, le groupe a tout bon et excelle
dans la manchette bourre-pif et le crochet à l’estomac. C’est pas fin et très
poilu, c’est court et concis, c’est assez monotone (le chant ne dévie jamais de
ses obligations dégurgitatives et glavioteuses), pas du tout du tout original
mais cela fonctionne carrément bien, même si la fin du disque part en sucette à
cause d’un titre au rabais et sorti dont on ne sait où*.
Et là on touche du doigt une autre caractéristique essentielle de toute
fantasmagorie musicale – spoiler : retour inexorable à la philosophie de
comptoir – car si j’apprécie la musique de Canyons
et Stay Buried, c’est parce qu’en
l’écoutant j’imagine volontiers le groupe donnant un concert dans un bar ou un
pub quelconque et un peu paumé (j’avais bien dit : « de
comptoir »), balançant des versions dantesques de Check Game, Endless Fiction
ou du génial Oil Change, transpirant
sang et houblon fermenté devant un public épars hésitant lui entre être éberlué
devant tant de violence ou boire un dernier verre pour terminer complètement
bourré et aller crever sur un bout du trottoir d’en face. Gueuler pour
communier contre la merde qui nous entoure et nous étouffe, ne serait-ce point
une autre façon de tuer le temps ? Oui, et je crois que c’est aussi l’une
des meilleures.
* le titre en question n’a pas été mis en ligne
et ne figure que sur le vinyle…
dimanche 19 juin 2022
[chronique express] Prayer Group : Michael Dose
Ça fait beaucoup
trop longtemps que cette gazette internet de bas étage n’a pas parlé de ce pour
quoi elle a au départ été principalement conçue : noise-rock mon Amour
j’écris ton nom. Et les quatre PRAYER
GROUP, puisque c’est d’eux dont il s’agit, pratiquent le genre à la
perfection, réveillant une nouvelle fois et de plus belle mes bas instincts
d’éternel adolescent frustré et de vieux noiseux rétrograde (tout ça dans un
seul et même corps, oui). Rien que l’écoute de World Of Mirror / World Of Mind (pile-poil à la fin de la face A du
disque, moment stratégique s’il en est) me fait transpirer du bulbe rachidien
et me lance des frissons incommensurablement douloureux de plaisir dans la
colonne vertébrale pendant des jours entiers. Ces garçons de Richmond /
Virginie reprennent plus que dignement à leur compte toutes les règles
inamovibles du noise-rock des 90’s – cela ne t’étonnera donc pas d’apprendre
que les lignes de basse sont incroyablement monstrueuses – et poussent le
bouchon plus loin que la moyenne, notamment grâce à un chant de malade et à des
parties de guitare qui elles assurent le côté affiné, tannique et vicieux d’un
disque de très haut niveau. La première face de Michael Dose est déjà incroyable
mais que dire de la seconde si ce n’est qu’elle est… insurpassable ? Niveau
de composition très largement supérieur, énergie écrasante, électricité carnassière
et grésillante : le résultat est tout simplement parfait.
ps : Michael Dose est publié chez Reptilian records, label
chéri-chéri qui a également eu la bonne idée d’éditer en vinyle l’album Rule 38 d’Intercourse, un enregistrement
en son temps particulièrement plébiscité par la rédaction d’Instant Bullshit
lundi 11 janvier 2021
Hoaries / Rocker Shocker
Et voilà, cette
nouvelle année commence exactement comme celle d’avant s’était achevée :
dans un gros bain de merde moussante et bien collante et avec une déferlante de
stupidité congénitale et assumée, le tout aggloméré par une crise sanitaire
mondialisée (est-ce que ce sera mieux que de disparaitre suite à la chute d’une
météorite géante à la surface de la planète ? honnêtement je ne suis sûr
de rien). En résumé je ne sais pas ce que je préfère entre l’arrogance mortifère
des vieilles démocraties occidentales complètement essoufflées et dépassées et
les régimes autoritaires qui ricanent dans leur coin en attendant de moins en
moins patiemment que leur tour arrive. Beauté de l’avenir.
L’année 2020 s’est également terminée avec un bilan musical de grande qualité –
oui je sais, je change de sujet. Rarement j’aurai vu une telle profusion de
bons disques, l’émergence de tant de bons groupes, la confirmation de tant de
talents. Tu sais ce que l’on dit : lorsque tout va mal ou presque la
création artistique s’envole toujours plus haut, galvanisée par la chute
inéluctable de tout ce qui l’entoure. Et l’underground est comme toujours à la
pointe. A croire que c’est en se sentant plus que jamais acculé que l’on arrive
à libérer de soi toutes ces choses qui exacerbent l’inventivité pour mieux
adoucir l’horreur du quotidien et la crasse de l’existence (et finalement…
c’est comme si on restait dans le même sujet, non ?).
Publié un peu trop tard pour figurer dans tous les tops musicaux des noiseux de
la Terre entière Rocker Shocker est le premier album
des Texans d’HOARIES. On avait pu découvrir le
groupe via une triplette de 45 tours ascensionnels – comprendre : de plus
en plus réussis – et, au printemps dernier, grâce à un excellent 10’ partagé avec les très velus Beige Eagle Boys, un disque publié par le
non moins excellent label Reptilian records. Mais sinon on ne sait pas
grand-chose d’Hoaries mis à part que
le guitariste Jeff Helland officiait il y a quelques années dans White Drugs
qui avait publié un album très
recommandable chez Amphetamine Reptile records. C’est déjà pas mal comme indice
mais ce ne sera pas suffisant.
Parce que je n’aurai pas peur d’affirmer que s’il ne fallait citer qu’un seul
enregistrement de noise-rock sorti en 2020, je choisirais Rocker Shocker sans aucune hésitation. Egalement publié par Reptilian records, ce premier album
a vraiment tout pour lui : emmené par la locomotive furibarde et implacablement
groovy I’ve Got A Room At The Plazza,
Rocker Shocker est un concentré
bouillonnant d’énergie, de vindicte, de mordant, d’acidité électrique et
d’humour féroce. Un disque aux compositions des plus variées, allant d’un noise
punk échevelé et nerveux (Permanent
Meltdown) à des étalages plus psychotiques de guitares dissonantes (Data Stitches) et lorgnant même parfois
vers le mélodramatique (Pearls). Hoaries est autant à l’aise lorsque il joue avec l’urgence vitriolée
d’un punk sous speed que lorsque il privilégie la transgression et la déviance arty.
Et surtout le groupe évite soigneusement tout déploiement ostentatoire de gras
et de lourd, ici tout est taillé au cordeau, sec et vif, mais sans aucune
rigidité (We’re Doing This, sorte
de rouleau-compresseur à l’élégance aussi folle que braillarde).
Il y a finalement un côté assez cérébral et des fois presque glacé dans la musique d’Hoaries mais celui-ci est régulièrement contrebalancé par la vivacité bouillonnante d’une interprétation aussi virevoltante que sauvage mais qui ne néglige jamais non plus une certaine profondeur et une certaine subtilité. Chaque titre de Rocker Shocker apporte quelque chose d’autre et de nouveau par rapport au précédent et Hoaries ne nous ménagera absolument aucune surprise tout au long des vingt cinq minutes que dure l’album, en profitant même pour démontrer une nouvelle fois son expertise et sa finesse de jugement en matière de reprise. Après celle de Cabaret Voltaire sur le 10’ avec Beige Eagle Boys c’est au tour du très sirupeux Soldiers Of Love de Sade – et si… – de faire les frais d’une transformation / rénovation de fond en comble. Hoaries sait parfaitement s’approprier la musique des autres pour la faire sienne et si le groupe y arrive aussi bien c’est sans doute parce que sa propre musique possède déjà en elle-même quelque chose d’inimitable et de personnel, juste ce qu’il faut et au bon moment.
ps : Rocker Shocker tourne en 45 tours, sa pochette est gatefold, j’adore son artwork et le vinyle est transparent avec un magnifique « effet fumée »
dimanche 25 octobre 2020
[chronique express] Chief Tail / self titled
Ce disque est une vraie bombe noise-rock et honnêtement je l’adore : il a été publié à la mi-janvier 2020 chez les infatigables Reptilian records et je l’écoute encore très régulièrement depuis quelque mois, c’est-à-dire à chaque fois que j’ai besoin de me défouler et de hurler comme une andouille dans mon petit salon pendant vingt minutes (au-delà de ce temps imparti je me transforme invariablement en métalleux et je ressors mes vieux disques de thrash et de death). Mais ce disque a également un énorme défaut… il me fait beaucoup trop penser à du Jesus Lizard survitaminé ou, si tu préfères, à du Pissed Jeans qui aurait oublié d’être chiant en se consacrant uniquement au côté punk de la chose. Mais le résultat est tellement bon que je n’arrive pas trop à en vouloir à Chief Tail.
mercredi 16 septembre 2020
Chat Pile / This Dungeon Earth - Remove Your Skin Please
J’ai longtemps cru que CHAT PILE était un trio voix / guitare / basse jouant avec une boite-à-rythmes du nom de Cap’n Ron… perdu ! Cap’n Ron est en fait le pseudonyme* d’un quatrième membre du groupe et « Yamaha DX Explorer » ne désigne pas une machine mais une batterie électronique, un truc un peu chelou qui ressemble plus une installation de panneaux photovoltaïques sur un pavillon de banlieue qu’à un kit de batterie. Le visionnage de quelques vidéos de Chat Pile en concert permet en outre de se rendre compte qu’effectivement le groupe joue avec un vrai batteur (et avec une vraie batterie cette fois) et non pas avec un métronome d’origine électronique. En écoutant This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please on y croit pourtant très fort à toute cette histoire de boite-à-rythmes qui donne un côté très indus et froid à la musique de ce groupe originaire d’Oklahoma. Bien qu’en prêtant un peu plus d’attention au disque on aurait aussi pu se dire que cette fameuse et supposée machine a quand même été sacrément bien programmée par quelqu’un qui en plus déborde de bonnes idées. Le plus important reste la coloration très glacée, robotique et donc presque mécanique et quasiment implacable donnée à la musique de Chat Pile par un batteur et son instrument vraiment inhabituel pour mes petites oreilles intolérantes**
This
Dungeon Earth / Remove Your Skin Please est un vinyle qui
regroupe deux cassettes publiées par Chat Pile l’année dernière. Encore une belle initiative de la
part de Reptilian records permettant aux petits européens comme moi
complètement perdus de l’autre côté de l’Atlantique Nord d’avoir connaissance
de groupes jusqu’ici complètement inconnus. Et c’est tant mieux ! Car avec
ce premier vinyle Chat Pile est en
bonne place pour remporter le premier prix d’originalité dans la catégorie
groupes de noise-rock tordus et vicieux (un grand concours flirtant de près
avec la sacro-sainte inutilité mais qui pourtant ne manque pas de prétendants,
je pense notamment aux géniaux Hoaries…).
J’imagine que l’on peut écouter le disque dans le sens que l’on veut mais il
n’empêche que sa face A est logiquement occupé par l’enregistrement le plus vieux
de Chat Pile avec les quatre titres
de This Dungeon Earth initialement
publié en mai 2019. Quatre titres de grosse terreur post industrielle et de
déflagrations noise rappelant aussi bien Big Black et Jesus Lizard que
Godflesh… bordel de merde de bordel de merde, question grosses références voilà
qui en impose carrément mais celles-ci ne sont données qu’à titre de
délimitation – si je puis m’exprimer ainsi – pour tenter de bien cerner une
musique martelée et froidement névrotique qui réussit l’exploit d’osciller
constamment entre énergie électrique à base de guitares folles et de chant
psychopathe et écrasement tellurique suite à l’invasion de ta ville pourrie par
des monstres de métal échappés d’une usine de reconditionnement psychique de
robots-transformers tueurs d’enfants.
Occupant la deuxième face du disque et
d’abord publié en novembre 2019 Remove Your Skin Please pourrait être issu des mêmes sessions
que This Dungeon Earth, en tous les
cas tous les titres du disque – ceux de la face A comme ceux de la face B – sont
indiqués comme enregistrés au cours de l’année 2019 quelque part à Oklahoma
City puis masterisés par la même personne (Jared Stimpfl*** du groupe Secret
Cutter) et dans le même studio (Captured recordings). Globalement tout se tient
donc, pas de changement notoires entre face A et face B, même engagement
viscéral et même volonté de faire mal parce que l’on souffre beaucoup trop,
dans un environnement hostile. Peut-être cette face B présente-t-elle un peu
plus de nuances et d’accents noise-rock, une batterie toujours plus robotique, des
passages de guitare plus tortueux et moins massifs, un chant un peu moins niqué
des cordes vocales et plus psychotique mais dans les grandes lignes This Dungeon Earth et Remove Your Skin Please s’écoutent
comme un seul et unique album et constituent l’une des plus belles surprises de
cette formidable année 2020 de merde.
[This Dungeon Earth / Remove Your Skin Please est publié en vinyle par Reptilian records]
* tout le monde dans Chat Pile a droit à son pseudo :
Raygun Busch chante, Luther Manhole joue de la guitare et Stin s’occupe de la
basse
** donc on oublie pour l’instant ces
vidéos de concerts où Chat Pile sonne avec moins d’originalité et beaucoup plus
comme un groupe de noise-rock
*** il a également bossé avec mes
chouchous de Tile
vendredi 31 juillet 2020
[chronique express] Bulls / Then We Die
Encore une formation originaire d’un trou du cul du Texas, encore un groupe de noise-rock, encore un enregistrement publié grâce aux bons soins de Reptilian records et encore un disque qui fait terriblement frémir mon petit cœur de pierre ; donc si tu aimes tous ces trucs de noiseux bien tendus (Buildings ou Blacklisters, etc) et si tu aimes également la mélancolique occasionnelle (genre Slint) tu aimeras Then We Die, le premier album de BULLS – et petit détail à l’attention des entomologistes musicaux, le batteur du groupe est également son chanteur… étonnant, non ?
vendredi 24 juillet 2020
V/A Hot Rock Action 2020
Hot
Rock Action 2020. J’avoue ressentir un certain décalage
entre d’un côté le titre très rock’n’rollesque de ce 7’ compilatoire et l’artwork signé
Christopher Cooper aka mister Coop
et de l’autre l’année indiquée : oui nous sommes bien en 2020 et
il y a longtemps que je ne m’étais pas intéressé à un disque doté d’une
pochette reprenant la plupart des poncifs du genre à savoir la meuf à moitié
dénudée, tatouée, à gros cul, à gros seins, en bottes montantes à talons et
armée d’un schlass parce qu’il ne faut pas déconner non plus, rien de tel que la violence – quel monde de merde mais comme
il est plaisant de s’en délecter lorsqu’on est un mec, tiens on se croirait
dans un film de cet escroc et fumiste de Tarentino.
Voici donc un 45 tours de quatre titres,
une compilation qui ne regroupe pas comme on pourrait s’y attendre des contributions
venant des Cosmic Psychos, de Nashville Pussy, de Grindhouse ou des Dwarves
mais des inédits de quatre groupes parmi les plus intéressants de la scène
noise-rock made in U.S. actuelle. Le « 2020 » s’impose de lui-même en
faisant écho à de précédents 7’ publiés par le label Reptilian records au
siècle dernier tandis que les Bulls, Hoaries, Sinking Suns et Super Thief sont
au programme de ce petit disque (par la taille) qui fera baver d’envie et
ronronner de plaisir tous les noise addicts.
Face A. Dans la foulée de leur premier
album Then We Die dont on parlera sans
doute bientôt par ici les Bulls nous balancent un Podium sec et rapide, court et
mélodique. Difficile de croire que cette formation originaire du Texas ne
regroupe que des musiciens aguerris voire vétérans et non pas des jeunes gens
fringants et échevelés lorsqu’on écoute cette composition de haute tenue bien
que débordante de juvénilité, avec son chant clair et son approche punk qui en
font un tube instantané. Juste placés derrière et également texans les Hoaries
ne sont vraiment pas en reste et confirment tout le bien que je pense d’eux grâce à un Ritualized
Cloning comme à leur habitude un peu étrange et subtilement dissonant, ce qui encore une fois fait
tout l’intérêt de leur musique. Malgré la forte concurrence en présence Hoaries s’imposent immédiatement comme le
meilleur groupe de Hot Rock Action 2020
et plus je les écoute plus j’ai hâte qu’ils nous sortent un véritable album.
On retourne le disque. La face B démarre avec les Sinking
Suns (du Wisconsin, j’aime toujours autant la géographie) que l’on ne
devrait plus présenter et qui avaient littéralement enthousiasmé les foules en
délire grâce à Bad Vibes, un deuxième (troisième ?)
album qui depuis sa parution en 2018 a provoqué quelques dégâts irrémédiables et
rabattu le caquet des amateurs de pseudo noise fleurie et divertissante en
quête de toujours plus de bonheur. Happy
Hauting Ground est dans la même lignée que Bad Vibes, celle d’un noise-rock touffu, charpenté et accrocheur.
En gros de la vraie bonne tradition toujours aussi satisfaisante et qui fait
toujours autant envie, définitivement bien loin du bonheur dégueulasse
mentionné ci dessus. Tout aussi traditionaliste Super
Thief se fend d’un Worm In The
Pill Bag typique des années AmRep et qui ne décevra pas non plus celles et
ceux qui avaient découvert le groupe via son CD/compilation Rep 132. Les texans – as-tu remarqué
que trois des quatre formations présentes sur Hot
Rock Action 2020 sont originaires de cet état particulièrement riche en
groupes improbables et désordonnés ? – clôturent ainsi un disque offrant
un excellent panorama de la chose, avec une face A un brin plus arty et une
face B une chouille plus classique. Mais dans tous les cas il n’y a strictement
rien à jeter ici.
[Hot Rock Action 2020 est publié en vinyle vert et à 300 exemplaires par Reptilian records]
lundi 13 juillet 2020
Hoaries - Beige Eagle Boys / split
C’est comme ça : dès que j’entends parler de noise-rock – je parle de noise-rock bête, sale et méchant, pas de cette pisse édulcorée jouée par trop de groupes qui ont fait des études supérieures en musicologie – je redeviens immédiatement le crétin psychorigide et monomaniaque qu’au fond de moi je n’ai en réalité jamais cessé d’être. Chassez le naturel… le naturel c’est le chaos. Aussi lorsque j’ai appris que les Beige Eagle Boys étaient toujours en vie et qu’ils venaient de donner quelques signes probants d’activité en publiant quelques nouveaux titres via un 10’ sur l’excellent label Reptilian records de Baltimore j’ai failli me faire dessus comme un pauvre gamin en proie à ses premiers émois sexuels et découvrant qu’on peut aussi faire des trucs chelous avec son corps.
Mais qui dit split dit deuxième groupe et en l’occurrence il s’agit d’HOARIES. Une formation du Texas – on n’en saura pas plus – et rien que cette petite précision géographique permettra d’avoir la puce à l’oreille tant cet état américain particulièrement réactionnaire et consanguin a depuis quelques décennies généré son lot de groupes totalement barges et déviants. Hoaries n’échappe pas à la règle pourtant je dois avouer que le noise-rock de ces quatre là me semble plutôt allégé ou, encore mieux, désinvolte, avec une pointe de fantomatisme acide qui se glisse au travers des guitares plus dentelières que chez la plupart des collègues, presque avec un petit côté post punk dissonant. J’adore. Les deux inédits proposés par le groupe sont d’excellente facture et ils sont complétés par une reprise de Product Patrol de Cabaret Voltaire (deuxième période des anglais de Sheffield, alors devenu duo). Un choix loin d’être très évident au départ mais qui va très bien à Hoaries qui est parfaitement arrivé à transformer ce vieux machin plutôt électro-dark à sa sauce électrique – au passage cela en dit long sur le caractère décalé du noise-rock un brin arty des texans. Pour l’instant Hoaries n’a publié qu’une volée de 45 tours également compilés sur le CD Crudforms vol-1-3 et que je ne peux que chaudement recommander. Un groupe à suivre de très près, en tous les cas.
On était donc sans nouvelles des BEIGE EAGLE BOYS depuis 2014 et un premier album You’re Gonna Get Yours fracassant. Le groupe de Detroit nous revient en pleine forme et avec deux inédits et également une reprise. C’est lourd, c’est gras, c’est dévastateur, c’est loin d’être fin – surtout comparé à Hoaries – mais bordel de sa mère qu’est ce que c’est bon de se faire ramoner les conduits auditifs avec des lignes de basse et une guitare saignantes aussi peu scrupuleuses sur les conditions élémentaires d’hygiène, sans oublier ce chant porcin 100% viande avariée. J’espère que Are You Going With Me ? et You’re Bleeding (Out Of My Eyes) ne sont que les signes avant-coureurs d’un futur nouvel album… quant à la reprise il s’agit d’une version pas délicate du tout (le contraire eut été étonnant) du Don’t You Want Me ? des abominablement datés Human League, reprise improbable complétant ainsi une belle triplette de chansons d’amour (mouhaha). La version qu’en donnent les Beige Eagle Boys massacre tout ce qu’il faut comme il faut et arrive même à pulvériser le niveau d’excellence de la reprise du Unbelievable donnée en son temps par les plus que regrettés Killdozer, ce qui donne une bonne idée du niveau de connerie et de génie de la chose et finit d’établir le statut d’incontournable du noise rock intemporel de ce 10’ de couleur verte.
mercredi 13 novembre 2019
Multicult / Simultaneity Now
*** souvent je me demande dans quel état d’abandon serait la scène noise-rock US actuelle sans ces deux labels qui sortent énormément de disques incontournables pour tous les fanatiques du genre
mercredi 2 janvier 2019
Super Thief / Rep – 132
Les compositions de Eating Alone In My Car sont plus abouties et ont gagné en côté noise ce qu’elles ont perdu en punk (à l’exception du jubilatoire et bref Woodchipper), Super Thief élargissant enfin son propos (Gone Country et Eating Alone In My Car) et n’hésitant plus à prendre son temps et quelques risques en même temps (la lente descente aux enfers puis l’agonie de You Play It Like A Joke But I Know You Really Mean It). Ce n’est toujours pas révolutionnaire ni novateur mais ça a beaucoup plus de gueule et de caractère, suffisamment pour que je me mette à guetter la suite des aventures du groupe. Un dernier détail… la photo de Rep – 132 représente l’écran d’un téléphone faisant une vidéo de chien ce qui fait dix points de vie supplémentaires à l’actif de Super Thief – pas pour le téléphone mais pour la truffe du chien, évidemment.
vendredi 30 novembre 2018
Sinking Suns / Bad Vibes
Et alors donc ? Quoi de neuf ? Mais rien du tout, pardi ! Sinking Suns est l’archétype éculé et prévisible ou presque du sacro-saint trio de noise-rock typé guitare/basse/batterie – « ou presque » parce que pour une fois c’est le bassiste qui assure (magnifiquement) le chant principal et non pas le guitariste. Quelle différence ? A priori aucune sauf que chez Sinking Suns les parties de guitares sont réellement chiadées de chez chiadées, atteignant systématiquement leur but, j’en déduis que le titulaire de cet instrument du diable a pu se concentrer comme il le voulait sur ses parties pour tirer du feu riffs et mélodies imparables. Pour le reste c’est du plus que classique, à commencer par les lignes de basse d’une taille largement plus que respectables, pour ne pas écrire énormes (bonnet Z). Ce qui est la moindre des choses.