Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

Affichage des articles dont le libellé est Learning Curve records. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Learning Curve records. Afficher tous les articles

lundi 11 octobre 2021

The Grasshopper Lies Heavy : A Cult That Worships A God Of Death

 

L’un des groupes parmi les plus indéfinissables du moment s’appelle THE GRASSHOPPER LIES HEAVY et il nous vient du Texas. On avait connu le trio de San Antonio adepte de post rock, de post hardcore instrumental, d’ambient-drone, de pipo-bimbo, de noise-rock et, plus récemment encore, il s’était acoquiné avec la chanteuse de Capra pour nous torcher une reprise assez hallucinante de Jesus Lizard. Oui, rien que ça : il faut déjà avoir un certain courage pour s’attaquer à un tel monstre du noise-rock made in Chicago mais il faut surtout un sacré culot pour carrément oser reprendre Mouth Breather, l’un des chefs-d’œuvre absolu de la bande à David Yow et Duane Denison. Autrement dit The Grasshopper Lies Heavy est non seulement insaisissable mais en plus le trio a vraiment peur de rien. Pas très étonnant qu’il ait choisi un nom de groupe faisant explicitement référence à l’écrivain Philip K. Kick, le maitre paranoïaque des faux-semblants, des chausse-trappes et du vertige existentiel.
A Cult That Worships A God Of Death est le premier véritable album de The Grasshopper Lies Heavy depuis bien longtemps, ce qui ne signifie pas que James Woodard (guitare, chant et synthétiseur), Mario Trejo (basse) et Steven Barrera (batterie) se fassent rares – au contraire ils ont multiplié EP, 12’, cassettes et autres splits au cours des dix dernières années. Il s’agit également du disque le plus « classique » du groupe, c’est-à-dire que ce n’est ni un enregistrement en forme de collaboration ni un enregistrement ouvertement expérimental. Question brutalité et intensité électrique A Cult That Worships A God Of Death se pose carrément là, développant, du moins dans un premier temps, le côté le plus noise-rock et le plus post hardcore d’une musique toujours aussi riche en rebondissements.







Techniquement l’album se divise en deux parties distinctes : si on excepte son intro instrumentale et sournoise (Untitled) la première ne comporte que des compositions avec du chant – un bon gros chant de barbare sans pitié et qui fait peur. Ce chant, pas très fin tu l’auras bien compris, ne remplit pas tout l’espace disponible et laisse beaucoup de place à des passages instrumentaux surchargés en tension dramaturgique et débouchant sur des climax abrupts ou savamment frustrants (Charging Bull). La seconde partie d’A Cult That Worships A God Of Death est elle purement instrumentale et, outre le morceau-titre assez génial, ne comporte que deux autres compositions. The Grasshopper Lies Heavy y laisse libre cours à son imagination dévastatrice et – même si on n’était jusqu’ici pas très familier avec le musique du groupe – on reconnaitra le penchant très narratif et cinématographique du trio, ce côté volontiers imagé que l’on avait déjà bien perçu sur la première partie du disque. Si par contre on avait déjà eu vent des débordements en tous genres de The Grasshopper Lies Heavy (sur le split 12’ avec Gay Witch Abortion par exemple), on ne sera peut-être pas surpris par ces trois instrumentaux mais on sera une nouvelle fois estomaqué par la puissance imaginative et libératrice développée par la musique du trio, une puissance qui prend ici toute sa folle démesure (et à ce niveau là A Cult That Worships A God Of Death, Bullet Curtain et
サウンドチェック me semblent être sans égal au sein d’une discographie pourtant déjà très riche).
Les trois musiciens ne sauraient donc se contenter de n’être qu’une formation parmi tant d’autres de noise-rock saturé de gras et de distorsion et adepte de l’urgence – après tout, le Texas a toujours été une pépinière en la matière –  car on sent bien que les élucubrations presque progressives de leurs compositions instrumentales (ou des passages instrumentaux de leurs compositions chantées) constituent leur principale et profonde motivation. Toute l’intelligence musicale de The Grasshopper Lies Heavy réside dans un appétit vorace et une insatiabilité finalement bien maitrisés où raison et déraison s’interpénètrent sans que l’on puisse tout à fait les départager – et cela aussi me fait penser à du Philip K. Dick.

[A Cult That Worships A God Of Death n’est pour l’instant disponible qu’en CD – ainsi qu’en format numérique pour les personnes non fétichistes – mais il devrait un jour bénéficier d’une édition vinyle grâce au valeureux label Learning Curve records dont on est très content ici qu’il reprenne enfin du poil de la bête]

 

 

mercredi 18 août 2021

Part Chimp : Drool

 

Que l’on ait déjà eu la chance de voir PART CHIMP en concert ou pas, on peut quand même avoir une idée de la suite – forcément dithyrambique – de cette chronique. Parce que les anglais font partie de ces groupes époustouflants sur scène mais dont les enregistrements studio sont largement à la hauteur du déluge sonore occasionné en live. Ce qui est plus que jamais le cas avec Drool, cinquième album de Part Chimp depuis 2002 et sans aucun doute l’un de ses meilleurs à ce jour. Ce n’est pas qu’une question de volume auquel on règlera son matériel hi-fi, son ordinateur ou son baladeur mp3 : le son du groupe est intrinsèquement épais et dense, pesant et magnétique mais il n’est jamais étouffant ou asphyxiant. Si la musique de Part Chimp te prend à la gorge elle te laisse malgré tout respirer, mais différemment, recréant tout autour une bulle électrique increvable et finalement hospitalière. Une sorte de vertige pyschoactif qui rétablit l’équilibre. Imagine un peu un son heavy 70’s mais pas trop non plus, associé à un sens de la mélodie imparable. La lourdeur et la puissance en cinémascope avec des mouvements de caméra aériens et des travellings à couper le souffle de profondeur. Ou si tu préfères : tu mets Harvey Milk, Electric Wizard et même le Torche des débuts dans un grand shaker, tu centrifuges tout ça à vitesse maximale et tu obtiens le début d’un commencement d’une idée de ce à quoi peut ressembler Part Chimp et Drool.







L’album débute par un Back From The Dead absolument colossal et plus que bien nommé, marquant d’emblée l’affirmation du grand retour des patrons. Le solo introductif arrache les tympans, le riff principal est d’apparence simple mais instantanément mémorisable, la rythmique est vigoureuse et ultra bien posée, le chant se prête à une sorte de nonchalance mélodique et surtout reste un peu caché dans le mix, presque gazeux. C’est, en gros, la recette principale qu’appliquera Part Chimp tout au long de la dizaine de compositions – plus deux interludes fastoches – de Drool. À une exception près : It’s True Man dont les paroles ont été écrites et interprétées d’une voix rocailleuse par un invité de marque, Tim Farthing de Hey Colossus et Henry Blacker. C’est loin d’être le meilleur morceau de l’album mais on fera avec : comme il arrive plutôt vers la fin du disque on peut dire que le mal est fait mais que Drool a d’ores et déjà gagné la partie.
On peut d’ailleurs établir quelques correspondances entre Part Chimp et Hey Colossus, principalement un même sens de la tension au cordeau qui évite la surenchère pour jouer sur l’effet de densification (Clever en est le meilleur exemple). Et paradoxalement l’ensemble de Drool dégage également un effet de légèreté ou plutôt d’apesanteur : son écoute donne autant envie de bouger comme une brute que de se perdre dans l’hébétude née de la musique. Mais qu’elle soit lente et saupoudrée d’anxiété (Dirty Birdy) ou plus rapide et incandescente (Up With Notes), la musique des anglais conserve toute son immédiateté et tout son pouvoir d’attraction. Le groupe emmené par Tim Cedar – ce type mérite le respect absolu et rappelons que lorsqu’il était encore tout jeune il tenait la guitare au sein des inestimables Penthouse – maitrise l’art de la composition comme personne, appliquant à la lettre l’éternel principe du less is more… un peu comme n’importe quelle bonne formation de pop music, non ? Evidemment Part Chimp n’a pas grand chose d’intrinsèquement pop mais il y a dans son essence même quelque chose de fondamentalement anglais et de noble : Part Chip est un grand groupe, tout simplement.

[Drool est publié en CD, vinyle noir, orange, violet, transparent, etc. par Wrong Speed records – c’est le label monté par Joe Thomson de Hey Colossus – pour l’Europe et par Learning Curve records pour les US]


vendredi 15 janvier 2021

New Primals / Horse Girl Energy


 


Avec ma manie de laisser trainer les choses – c’est ça d’avoir comme loisir favori de rester le nez en l’air en écoutant de la musique – je me rends compte qu’il y a énormément de disques qui m’ont marqué en 2020 et au sujet desquels je n’ai pas encore écrit le moindre mot. Et sûrement que pour la plupart d’entre eux je n’en ferai rien. Le confinement, le couvre-feu, les restrictions des libertés et l’interdiction des concerts... toutes ces choses ont radicalement changé la donne au cours de l’année écoulée : plus on a du temps devant soi, même imposé, et plus on en prend. Moins on a de vie sociale en vrai et de trucs à gérer et plus on procrastine. C’est facile de se laisser aller. Bizarrement cette vie au ralenti n’est pas une vie qui s’écoule plus lentement mais une vie que l’on regarde s’écouler sans s’en rendre vraiment compte. Il vient peut-être de là ce sentiment de vide.
Tout ça je le crains n’est pas non plus très intéressant à lire. Mais la conséquence en est qu’il y a (minimum) une demi-brouette de disques divers dont j’aurais bien voulu parler ici et que le premier album de NEW PRIMALS arrive dans le peloton de tête. New Primals est un trio – ou un quartet, je ne sais pas – qui nous vient d’Atlanta. Ils sont trois sur la photo imprimée sur l’insert du disque. Et juste en dessous on peut lire quatre noms, donc je ne vais pas trop chercher à comprendre… Sans oublier les quelques musiciens invités, principalement aux synthétiseurs et parmi lesquels on compte un certain Todd Rittmann – U.S. Maple, Cheer Accident, Dead Rider et j’en passe – qui par ailleurs a mixé et masterisé l’album.  Mais globalement sur Horse Girl Energy on entend principalement une guitare tarabiscotée, une grosse basse soufflante, une batterie nerveuse et débordante et du chant curieusement outré. Tout le reste n’est qu’accessoire et le cœur de la musique de New Primals est donc constitué de cette éternelle association de base à partir de laquelle tout semble encore possible, y compris de nos jours 
(il y a parfois des handclaps, de la guitare acoustique, du Korg et des chœurs divers et variés)
Et on serait bien en peine de définir clairement l’alchimie mi baroque-pailletée mi noise-théâtralisée qui préside à la musique de New Primals. Mais cela ne m’étonne pas du tout que Todd Rittmann ait voulu mettre son nez là dedans : avec son nom de boisson gazeuse acidulée et opiacée Horse Girl Energy est un disque assez déconcertant, punk dans l’énergie, parfois noise dans la forme et indubitablement doté d’un gros nez rouge écrasé comme une vieille patate toute germée. Ou plutôt avec des grosses coulées de khôl sur les joues. L’exubérance est partout et serait vraiment trop envahissante si New Primals n’avait pas aussi la présence d’esprit de se limiter à des formats courts, la plupart des compositions tournant autour de deux à trois minutes. D’une certaine façon le groupe aime jouer avec nos nerfs, se montre volontiers provocateur, souvent arty-fondu et révèle un côté glam (glam = compositions surlignées au eye-liner, donc) volontiers décadent et donc terriblement attractif et séduisant. Tu vois c’est un peu comme l’illustration de la pochette : on peut la trouver très laide – d’ailleurs moi je la trouve très laide – mais il est difficile de l’oublier et de ne pas se sentir attiré par elle. Des fois avec Horse Girl Energy j’ai l’impression d’entendre le vieux Child Bite – celui d’avant le virage testostéroné au metal – qui aurait glissé du côté strass d’un noise-rock artistique, comme une vieille décapotable avec intérieur queer qui en aurait sacrément dans le moteur mais aurait eu l’intelligence de mettre ses huit cylindres au service de l’étrangeté électrique et non pas uniquement au service du rentre-dedans et du bourre-pif hardcore. La classe, quoi.

[
Horse Girl Energy est publié en vinyle transparent et rouge, en vinyle irisé jaune et rouge ou en vinyle noir par…  Learning Curve records : et oui j’ai à nouveau chroniqué un disque de ce cher label de Minneapolis dans lequel je n’ai pourtant aucun intérêt financier ou autre mais c’est juste, encore une fois, que Learning Curve est un label incontournable en provenance des US et ce depuis de très nombreuses années maintenant] 




mercredi 6 janvier 2021

Reptoid / Worship False Gods


Le coup du petit gars tout seul dans son coin qui fait un one man band à l’aide de tout un dispositif bidouillé à partir de pédales d’effets, de samplers et d’autres trucs encore dont je n’ai pas la moindre idée, on nous l’a déjà fait mille fois. Tu sais bien : un batteur plus ou moins frappadingue (ou poète…) installé derrière ses fûts avec un micro attaché (ou pas) devant la gueule par un masque, un harnais ou un simple pied et qui en même temps balance des sons pour donner corps à des compositions des fois bien troussées ou bordéliques et hallucinées. Il y en a eu des tas et sûrement que ce n’est pas fini, on peut citer l’ex-lyonnais et presque suédois Sheik Anorak dans un genre cette fois plutôt pop mais aussi Black Pus c’est-à-dire Brian Chippendale de Lightning Bolt tentant sans y arriver de récréer tout seul le chaos irisé de son groupe d’origine. Il y a Octopoulpe également, qui lui complique le bousin en rajoutant des vidéos qui se déclenchent simultanément à ses parties samplées.
La plupart du temps tous ces bande-tout-seul sont bien rigolos à voir en concert – ça transpire et ça glaviotte comme au bon vieux temps – mais comme toute performance qui se respecte et qui respecte son public il ne faut pas que cela dure trop longtemps. Et surtout sur disque c’est souvent inintéressant voir carrément chiatique. Mais on trouve quelques exceptions telles que le déjà cité Sheik Anorak (c’est lui le poète du genre solitaire) et, complètement à l’opposé, il y a le furieux REPTOID. 

 


 

Reptoid c’est donc un certain Jordan Sobolew et uniquement lui*. Il nous vient d’Oakland en Californie et Worship False Gods est son tout premier album. Il trimbale dans ses valises tout un arsenal de pédales, de pads et de mixettes qu’il manie entre deux coups de caisse claire et deux bombardements de kick. Une grosse installation pour des concerts bien éruptifs.
Le premier truc que l’on remarque chez Reptoid c’est le côté très percussif et très tribal de sa musique, aux frontières de l’industriel ou plutôt aux frontières d’un noise-rock qui au lieu d’être basiquement axé sur des guitares qui dérapent et des basses qui terrassent ferait appel à des polyrythmies en cascades enrobant une multitude de sons complètement barrés – parfois on croit reconnaitre une guitare samplée** mais rien n’est moins sûr –, de nappages bruitistes et d’interventions éclair de crissements synthétiques et bruitistes. Ça fait un sacré barouf mais un barouf toujours délimité par la batterie et les percussions incessantes et omniprésentes et un barouf au dessus duquel surnage le chant de Jordan Sobolew qui n’a pas besoin d’effets supplémentaires sur sa voix et autres subterfuges pour nous faire peur avec. Non seulement ce petit gars est un batteur infatigable et un lanceur de samples aguerri mais en plus c’est un bon chanteur, avec une super voix.

Une voix qui souvent me fait penser à Tod A et – logiquement – Reptoid rejoint le Cop Shoot Cop des débuts et même parfois certains trucs à la Foetus / J.G. Thirlwell, ce genre de mélange d’éléments industriels et d’éléments plus conventionnels.
C’est dire si la musique de Reptoid se tient et si Sobalew est un vrai compositeur et un véritable auteur*** (comme on dit de par chez nous). Un orfèvre en matière d’arrachage et de foutraquage. Sa musique dépasse largement le gimmick sensationnaliste du one man band explosif qui fera écarquiller des yeux et des oreilles les puceaux et les pucelles du bruit savant en recherche de sensations fortes. Avec Worship False Gods Reptoid nous présente un bourbier incandescent et furieux que l’on est pas prêt d’oublier et Jordan Sobolew se révèle être déjà une sacrée personnalité. Et en plus ce type développe une incroyable passion pour les pizzas. J’en reprendrai bien une tranche et Worship False Gods est l'une meilleure découverte de l’année 2020, haut la main.

[Worship False Gods est publié en vinyle avec une pochette gatefold d’un goût délicieusement douteux et très explicite**** par Learning Curve records]

* une seule exception pour l’instrumental Cerebral Wall, plus tribal que jamais avec sa doublette de batterie, la seconde étant tenue par Max Senna du groupe Facet
** certains de ces samples ont été fournis par des guitaristes invités pour les titres You Have Already Been Compromised et le terrible I Drunk The Punch
*** un auteur qui n’a pas honte de ses textes, reproduits à l’intérieur de la pochette et qui méritent d’être lus

**** toutes les photos ont été réalisées par Christopher Sturm

 

dimanche 20 décembre 2020

Gaytheist - Intercourse / split

 

Parlons encore une fois, et ce ne sera peut-être pas la dernière, du label de Minneapolis Learning Curve records avec un split 7’ regroupant Gaytheist d’un côté et Intercourse de l’autre. Il fut un temps – disons à la fin du siècle dernier et au tout début de celui-ci – où les splits étaient un excellent moyen de découvrir des nouveaux groupes et de la nouvelle musique, non ? Mais ça c’était avant les internets et l’air conditionné digital pouvant alimenter le moindre recoin de la planète connectée en musique encodée, prête à l’emploi c’est-à-dire prête à être éventuellement jetée à la poubelle sitôt écoutée car hâtivement jugée impropre à la consommation. D’où la fameuse phrase que de nos jours plus personne ne prononce parce qu’elle décrit un automatisme comportemental complètement passé dans les mœurs de tout un chacun : « ouais j’ai écouté un peu juste pour me faire une idée du truc puis je suis passé à autre chose ».
On ne répétera pourtant jamais assez que la musique c’est aussi et surtout une question de temps : celui de l’écouter, de la réécouter, de l’aimer (ou pas) et d’y revenir peut-être, un jour. L’avantage suprême du format physique et donc de l’objet-disque n’est pas le fétichisme ni le matérialisme mais bien celui de poser une vraie balise temporelle. Ceci fonctionne également avec les livres. Bon, et puis il y a une autre raison qui font que les splits 7’ sont désormais plus rares, malgré le léger rebond idéologique et consumériste de ces dernières années autour du format vinyle : un 7’ / 45 tours coûte extrêmement cher à fabriquer et donc son prix à la revente l’est tout autant alors que c’est un format qui ne comporte que peu de titres. Conclusion : les splits 7’ ne courent plus vraiment les rues.

 


J’aurais bien voulu que la musique de GAYTHEIST soit aussi drôle que le nom du groupe mais je trouve ces trois petits gars de Portland / Oregon un tout petit peu patauds et convenus, pas seulement à cause d’un manque d’originalité notoire mais disons que j’ai le sentiment qu'il manque ce petit quelque chose qui fait toute la différence et génère un surplus d’excitation par rapport aux autres groupes du cru. La musique du trio tire plus vers le punk que vers le noise-rock et c’est sûrement ce qui me perturbe : j’aurais voulu plus de grésillements, de la saleté, du sang et du stupre. Cela ne signifie pas que Cracks et Summon Me soient de mauvaises compositions, non pas du tout du tout, mais je m’attendais à un peu mieux, bien que certains éléments fassent carrément le boulot – j’adore les lignes de basse, par exemple (ce n’est pas un secret que j’ai toujours été très client des grosses lignes de basse). Par contre Gaytheist a déjà une solide discographie derrière lui, donc je n’ai plus qu’à me plonger dedans, peut-être pour y trouver quelque enregistrement qui me comblera davantage.
C’est une toute autre histoire avec INTERCOURSE qui se révèle bien plus méchant et beaucoup plus teigneux. Hardcore. Et c’est ce qui me plait vraiment chez ce groupe de New Haven / Connecticut qui cite aussi bien les Cows que Deadguy parmi toutes ses influences. Tu vois le genre ? Du foutraque et du violent en même temps. De la rage vicieusement canalisée comme il faut mais pas de trop non plus. Last Cigarette Wrong End ne dure peut-être qu’une minute mais il s’agit d’une minute de pure colère teigneuse, les guitares ont un côté perturbateur qui me ravit tandis que le chanteur me postillonne à la gueule toutes les insultes covidées du monde. Puis arrive une reprise de… Black Flag. Un groupe tellement copié et repris qu’en général on finit par ne plus y faire trop attention sauf que la version que torche Intercourse de My War – grand classique s’il en est – me donne à chaque fois la chair de poule, utilisant les mêmes arguments que ceux de Last Cigarette Wrong End : chant de boucher en manque, guitares de malades, rythmique terrassière. Aussi malsain qu’entrainant et une belle réussite. 


[ce split est publié en vinyle noir (200 exemplaires) ou en vinyle rouge et vert (100 exemplaires) par Learning Curve records]

 

 

samedi 12 décembre 2020

Comme à la radio : The Caterwaul Society - Songs For Rainer Fronz


The Caterwaul Society tire son nom du festival de musique du même nom – malheureusement annulé en 2020 pour les raisons sanitaires que l’on sait mais reprogrammé pour 2021, on croise les doigts pour eux – et rassemble une pelletée de groupes, musiciennes, musiciens et ami.e.s de tout bord souhaitant apporter leur soutien à Rainer Fronz et à son label Learning Curve records, une petite mais prestigieuse maison de disques basée à Minneapolis et dont cette gazette est particulièrement fan, comme tu le sais sûrement. 




Les graves problèmes de santé actuels de Rainer Fronz ont déjà été rapidement évoqués à la fin de la chronique de l’album Dances / Curses de Hey Colossus – le label publie aux Etats Unis ce disque incontournable de l’année 2020 – mais la situation sociale et économique est tellement merdique dans son beau pays (soins médicaux très chers et pas d’assurance maladie pour tous) que trop souvent il n’y a pas d’autre moyen que celui de faire appel à la solidarité et à la charité pour faire face à la maladie et à ses conséquences financières.
Songs For Rainer Fronz est donc ce que les américains appellent un benefit record, un disque destiné à récolter des fonds : on peut se le procurer en CD*, au format digital et même acheter le beau t-shirt qui va avec (les visuels sont rien de moins que l’œuvre du géant de la noise Tom Hazelmyer, le fondateur d’AmRep).

 

 

Même si on est un gros connard égoïste incapable de la moins empathie pour son prochain (amen) et même si on peut trouver la moitié des titres proposés sur Songs For Rainer Fronz sans grand intérêt on ne pourra que saluer une telle initiative. Pas moins de vingt et un groupes ont été réunis et nombre d’entre eux se sont fendus d’un inédit mis en boite pour l’occasion ou d’un enregistrement en concert.

Signalons donc The Grasshopper Lies Heavy reprenant Sepultura – ça c’est pour la blague –, une nouveauté très intéressante de la part de Super Thief, un superbe inédit des très persévérants Multicult, un live de Dead, un remix de mes top chouchous Hoaries et des contributions des excellents Vincas, Chief Tail, New Primals et de tant d’autres, à découvrir (en particulier Moon Pussy, Bbigpigg et Asbestos Worker Accountability). En résumé : Songs For Rainer Fronz présente un bon tour d’horizon de la scène rock poilu, punk, grunge, noise-rock, noise punk, etc. qui sévit actuellement aux Etats Unis. Il y a forcément à boire et à manger mais indubitablement le niveau général est au dessus de la moyenne et de toute façon, rappelons-le une dernier fois, il s’agit d’une bonne action

* j’ai testé pour vous : à destination de la France la version CD de
Songs For Rainer Fronz coûte un peu moins de 14 €uros, port compris


dimanche 6 décembre 2020

[chronique express] Vincas / Phantasma

 


Sur le papier les américains de VINCAS ont vraiment tout pour me plaire avec leur mélange de swamp rock et de noise rock parcimonieusement saupoudré de relents goths. Et effectivement Phantasma (le troisième album du groupe) est une belle réussite en la matière avec ses dix compositions toujours plus tendues et plus sombres, lorgnant du côté d’un post punk très énervé pouvant rappeler un Joy Division pas bégueule forniquant avec un Gun Club terriblement mal luné. Sur certains titres l’allure est un petit peu trop robotique à mon goût (la batterie est doublée par des machines) et ce sont donc les compositions les plus lentes et crépusculaires que je préfère – les splendides Lead Men et The Shadow Hand – mais Phantasma reste un album prenant et parfois envoutant qui ravira sans difficultés tous les corbeaux et toutes les corneilles de mauvais augure à l’ouest du Mississipi.

 

lundi 16 novembre 2020

Hey Colossus / Dances - Curses

 



La régularité n’est pas la moindre des qualités de HEY COLOSSUS : depuis leurs tout débuts les anglais auront publié quasiment un disque par an (des fois deux, dans le cas du brillant tandem In Black And Gold  / Radio Static High en 2015) et il ne se passe jamais très longtemps avant que le groupe n’annonce une nouvelle sortie. Faisant suite au très tubesque et escarpé – cela n’a rien d’incompatible – Four Bibles paru en mai 2019, le groupe est donc déjà de retour avec… un double album !
Dances - Curses* posait a priori au moins deux ou trois questions existentielles au pauvre fanatique transi de Hey Colossus que je suis : mais qu’est-ce que c’est que cette pochette ? Et surtout : le groupe allait-il avoir les épaules suffisamment larges et faire preuve de suffisamment d’inspiration pour assumer entièrement un disque durant près de 80 minutes ?
Pour la pochette, la réponse est très facile. Signée David Hand on y devine les plumes d’un volatile quelconque percuté par l’avant d’un train high-tech lancé à toute vitesse en pleine campagne. L’ensemble est très léché et en mode cartoon (une première pour Hey Colossus) mais possède un rendu presque glacé malgré les couleurs vives employées : globalement l’impression que l’on en retire est, elle, étrangement attirante (c'est l'effet mystère) et étonnamment lumineuse. 

Comme la musique contenue par ce Dances - Curses, double album d’une aisance, d’une élasticité, d’une clarté et d’une noblesse incroyables, le tout à un niveau encore jamais atteint jusqu’ici par Hey Colossus. La réponse à la deuxième question est ainsi toute trouvée : loin de montrer le moindre signe de faiblesse ou d’essoufflement, Dances - Curses constitue un enregistrement d’une rare rigueur et d’une constance, d’une dynamique, d’une assurance et d’une trempe peu communes. Y compris dans ses moments les plus improbables, comme sur ces compositions à revers ou à rebrousse-poils dont Hey Colossus parsème souvent ses disques (ici : le drôlement exotique Stylites In Reverse). Et surtout comme sur A Trembling Rose, longue composition dépassant le quart d’heure et jouant sur l’accumulation, la stratification et la répétition, certainement l’une des meilleures réinterprétations pysché-noise des idiomes kraut que j’ai pu écouter depuis longtemps. A Trembling Rose (il convient d’y ajouter cette « reprise » charbonnée qui fait beaucoup pour le côté magique de la chose) s’impose comme la pierre angulaire d’un disque très « pop » et mélodique par ailleurs.

Parce que Dances - Curses est également un album lourdement chargé en hits et autres futurs classiques. A commencer par le très profond The Mirror bénéficiant de l’appui au chant d’un Marc Lanegan toujours aussi égal à lui-même, prince incontournable des voix enfumées et embourbonnées et dont la participation provoque un effet secondaire plutôt inattendu et palpable sur l’ensemble du disque en mettant en valeur le chant de Paul Sykes, le chanteur habituel du groupe, toujours plus aérien et en constante progression ces dernières années…
Mais au rang des tubes de l’album on citera également : The Eyeball Dance, Donkey Jaw, Medal et Dreamer Is Lying In State qui illuminent toute la première face** de Dances - Curses, de loin la plus carrée et la plus accrocheuse du disque, comme si Hey Colossus faisait se croiser le fer entre desert rock rigoriste mais (extrêmement) mélodique et cold wave / new wave aux accents fédérateurs subtilement retenus – imagine un peu Josh Homme et Ian McCulloch montant un projet ensemble sans s’engueuler une seule fois. Après avoir fait la démonstration de tant de force et de magnificence (je rajoute Revelation Day à la longue liste de tubes contenus dans cet album) puis de tout son pouvoir d’expérimentation assurée, le groupe se montre expert dans l’art de trousser chansons de garçons gothiques et balades noisy (
U Cowboy et Blood Red Madrigal) et Dances - Curses glisse alors peu à peu sur sa deuxième partie – il m’arrive souvent de n’écouter que la quatrième face du disque – dans une sorte de mélancolie souriante et lumineuse, s’approchant au plus près d’une certaine forme de calme rayonnant et de sagesse inévitablement poétique, l’électricité comme épais manteau contre la froidure et la douleur. 

Il faut savoir faire confiance à ceux que l’on aime

[Dances - Curses est publié sous la forme d’un double vinyle transparent ou orange avec pochette gatefold comprenant les paroles à l’intérieur et en double CD (sans les paroles et couleur CD, évidemment) par Wrong Speed records de ce côté-ci de l’Atlantique et Learning Curve records***, de l’autre côté]


* « danses / malédictions » pour les non-anglophones… en fait je voulais surtout en profiter pour adresser un message personnel à Joe Thompson, bassiste de Hey Colossus : Joe je sais que l’année dernière tu as publié un livre intitulé Sleevenotes, pour l’instant non traduit mais dont plusieurs personnes bien informées et de bon goût m’ont dit le plus grand bien… n’envisagerais-tu pas une traduction et une édition française de Sleevenotes pour que celles et ceux qui comme moi parlent et lisent très mal l’anglais puissent enfin le lire confortablement ? Merci, bisous.

** quatre titres au top sur une face qui en compte cinq : qui dit mieux ????

*** mauvaises nouvelles… Rainer, le boss de Learning Curve doit actuellement faire face à de gros problèmes de santé et, sans réelle couverture sociale ni assurance maladie, il a lancé une cagnotte pour financer son opération

 

 

lundi 2 novembre 2020

Bummer / Thanks For Nothing

  


 

Avec le souci constant qui caractérise si bien la volonté indéfectible de cette gazette internet de coller au plus près à l’actualité musicale (mouhaha), parlons aujourd’hui de BUMMER. Un trio guitare + chant / basse / batterie originaire de Kansas City dans le Missouri et vraiment pas très fin. Mais c’est aussi pour cela que l’on aime ces trois petits gars, pour cette abnégation inébranlable à pratiquer un noise-rock ultra réactionnaire et conservateur au top, avec les grands anciens de Cherubs et d’Unsane en ligne de mire. Tu vois le genre ? Gros riffs dégueulasses et rythmique mega lourde en guise d’écrin de boue à un chant de vociférateur porcin ? Donc tu as tout juste.
Faisant suite à un Holy Terror aussi classique que jouissif, Thanks For Nothing est en fait un EP de quatre titres publié il y a tout juste un an, le 1er novembre 2019. Un disque qui reprend à peu près les mêmes ingrédients que les autres enregistrements de Bummer. La face A est occupée par deux compositions inédites, apparemment enregistrées au cours de cette même année 2019 et qui tendent à simplifier toujours plus la formule éculée de la musique du groupe. Avec son riff principal basé sur deux notes et demie et son break à peine plus élaboré Second Chimes (Terrence Howard War Machine) frise le basiquement rétrograde mais demeure diablement redoutable. A peine trois minutes de ce bon vieux noise-rock de pépères éternellement énervés face à la dureté d’une existence en sursis. Encore plus court Grim Sleeper est pourtant plus lent et comporte davantage d’idées que Second Chimes. Ah et puis cette accélération finale qui vient souligner vigoureusement tout le côté visqueux et poisseux de la musique de Bummer me file à chaque fois des frissons dans le dos. Et comme je suis plutôt du genre chatouilleux...

La Face B de Thanks For Nothing propose deux titres plus anciens du trio et qui jusqu’ici étaient restés cantonnés à une diffusion virtuelle sur les internets, sans aucune publication sur support physique. Enregistré en 2016 Beautiful People est une reprise de… Marylin Manson. Je ne connais absolument rien à la discographie de ce cher Brian Warner mais lorsque j’écoute ce titre plus qu’honorable je m’imagine Pord faisant une reprise d’Indochine ou Dead Arms reprenant Kim Wilde et cela me fait doucement rigoler. Blague à part ce Beautiful People est plutôt pas mal, en tous les cas il colle bien aux exigences stylistiques resserrées de Bummer mais on lui préfèrera définitivement King Shit et sa véhémence punk noise qui dévaste tout sur son passage. La fureur et la vitesse en plus du gras et du lourd, King Shit est certainement le meilleur titre de ce 7’ avec Grim Sleeper.

Chère lectrice / cher lecteur, à l’heure à laquelle tu liras ces quelques lignes Bummer aura publié un nouveau 7’, cette fois-ci sous la forme d’un split en (mauvaise) compagnie de The Body. Un disque édité par le célèbre label chicagoan Thrill Jockey – c’est celui de The Body – et difficilement trouvable du côté de la vieille Europe, sauf à des prix tellement prohibitifs que je ne peux que t’inciter à t’abstenir de te le procurer. Il n’empêche que cette dernière parution me fait me demander si Bummer ne serait pas l’une des prochaines signatures noise as fuck de Thrill Jockey, aux côtés des tout aussi bourrins Eye Flys. Pour en revenir aux disques made in USA, leurs prix sont devenus complètement déments depuis que les groupes ne tournent plus suite à la crise sanitaire et sont ainsi privés d’une éventuelle source de revenus – d’autant plus qu’il convient de rajouter des frais de port frisant l’escroquerie… Vive la musique !

 

[Thanks For Nothing est publié en vinyle bleu-vert-difficile-à-dire transparent et à 300 exemplaires par Learning Curve records]

lundi 21 septembre 2020

Blacklisters / Fantastic Man

 


 

C’est dingue comme je suis faible et comme c’est trop facile de m’avoir par les sentiments. Parce que c’est un peu toujours la même histoire, non ? Donc : prenez un groupe composé d’un chanteur spécialisé dans les couinements psychotiques et les beuglements de bête sauvage en pleine crise de rage, prenez également un guitariste qui aurait rêvé de découper des plaques de tôle ondulée à la scie circulaire, ajoutez-y une section basse/batterie intraitable, saupoudrez de mélodies imparables sans être putassières mais évidemment couplées à des dissonances bien choisies et glacez généreusement le tout d’un esprit féroce… vous obtiendrez l’archétype absolu du groupe de noise-rock tel qu’il réchauffe quoi qu’il arrive mon petit cœur d’animal humain blessé par la vie.
Alors à quoi bon parler d’un groupe apparemment comme tant d’autres et jouant une musique répondant encore une fois aux caractéristiques et aux conventions de ce bon vieux noise-rock à papa ? Autant faire un copier/coller de toutes les chroniques trop nombreuses déjà écrites pour cette gazette internet qui je veux bien l’admettre a tendance à rabâcher plus que de raison sur un sujet qui reste malgré tout primordial. Sauf que je suis un obsessionnel et un grand sentimental (donc), que j’aime avoir mal (logiquement) et que les anglais de BLACKLISTERS (ou si tu préfères : BLKLSTRS) ne sont vraiment pas n’importe qui. Malheureusement ce n’est pas demain la veille que l’on pourra voir tourner sur le vieux continent européen des groupes de la trempe d’un Chat Pile, d’un Hoaries, d’un Vincas ou d’un Wailing Storm, bref tous ces groupes nord-américains héritiers et détenteurs numéro un des secrets du genre… Mais on peut largement se consoler, et bien plus encore, avec la myriade de groupes anglais qui depuis de nombreuses années maintenant font preuve d’une vigueur et d’une inventivité assez incroyables – non ce n’est pas un juste retour des choses même s’il est toujours bon de préciser qu’à l’origine les Etats Unis d’Amérique ne sont qu’une colonie britannique qui a mal tourné.
J’avais déjà eu ce sentiment lorsque les quatre Blacklisters avaient publié leur deuxième album en 2015 : Adult dépassait allégrement le niveau pourtant très honorable du premier album sans titre paru en 2012… Avec Fantastic Man les anglais font encore plus fort en nous livrant sur un plateau d’argent un disque de très haute qualité et à très forte teneur électrique. Je peux donc reprendre mon petit descriptif ci-dessus en matière de noise-rock (saturation, mélodies/dissonances, trépidations, acidité, rage, férocité, secousses à tous les étages, suintements, reptation, etc.) pour l’appliquer tel quel à Blacklisters qui dès l’ouverture du disque rue dans les brancards en envoyant direct un magistral Sport Drinks et plaçant derechef sa musique à un nouveau niveau d’excellence puis explose encore plus fort avec Strange Face et le plus lent mais pas moins énervé Fantastic Man. Quel que soit le format emprunté et la vitesse d’exécution choisie – le niveau général restant malgré tout à la grosse bourrade – le troisième album des anglais est de bout en bout un formidable brûlot dont on pardonnera les quelques mimétismes (Sleeves fait beaucoup penser à du Jesus Lizard mais en même temps c’est tellement bon !) puisqu’il n’y a rien à jeter ici et surtout pas le fascinant I Read My Own Mind et l’implacablement tortueux Mambo N°5 qui arrivent eux en fin de disque et nous achèvent par la même occasion, dans un grand bain saignant de déflagrations noise, de furie acharnée et de combustion lente.

Avec Fantastic Man Blacklisters fait plus que confirmer tout le bien que jusqu’ici je pouvais penser du groupe en s’imposant comme l’un des fers de lance actuels d’un genre indémodable à mes yeux, au-delà de tout sentimentalisme et de toute nostalgie (non : là je suis franchement en train de déconner et de mentir ouvertement). J’espère que le groupe pourra un jour retraverser la Manche pour revenir jouer de ce côté-ci du monde convidé parce que là seule fois où j’ai eu l’occasion et la chance de voir Blacklisters en concert, c’était juste vraiment (vraiment) trop (trop) bon



[Fantastic Man est publié en vinyle jaune transparent – on dirait la couleur d’un cocktail vodka/ananas – par A Tant Rêver Du Roi, Buzzhowl records et Learning Curve records, un label US dont j’apprécie particulièrement le catalogue et ce n’est sans doute pas sans raison qu’il se soit occupé de la parution nord-américaine d’un disque anglais – CQFD]

mercredi 13 novembre 2019

Multicult / Simultaneity Now





C’est la première fois que je suis un peu déçu par un album de Multicult. Pourtant j’adore particulièrement ce trio de Baltimore (c’est dans le Maryland et j’espère que depuis le temps tu as remarqué à quel point je suis doué en géographie nord-américaine… non ? tu as raison : je fais ça uniquement pour me la péter un peu plus, je n’ai jamais traversé l’océan Atlantique et sans doute ne le ferais-je jamais, je suis beaucoup trop fainéant pour ne serait-ce y songer). Mais passons. J’adore ce groupe jusqu’à avoir mis un point d’honneur (sic) à me procurer tous ses disques, les albums, les 7’, les splits, etc. Et comme décidément j’aime vraiment trop me faire mousser, je peux te dire que j’ai quelque part dans tout mon bordel bien rangé alphanumériquement le tout premier LP sans titre que le groupe a publié en 2010 et en complète autoproduction, oui je parle bien  de celui emballé dans une pochette toute simple, entièrement rouge et qui laisse apparaître les ronds centraux du vinyle, d’ailleurs je ne l’écoute presque jamais.

Le line-up de Multicult n’a pas changé depuis ce premier disque. Par contre sa musique n’a jamais cessé de s’améliorer. Pour résumer un peu vite de quoi on cause, disons que Multicult c’est du noise rock comme j’en écoutais déjà dans les années 90, pas celui qui fait du gras et donne des flatulences mais celui qui sèche vite fait bien fait l’auditeur : une rythmique abrupte, concise et tranchante (la basse est très présente mais se la joue médium ; le batteur est plein de fougue mais ne s’étale jamais), une guitare incisive qui déballe des riffs au scalpel et un chant qui sert à beugler des paroles auxquelles, je l’avoue, je n’ai toujours porté qu’une attention très relative mais qui exaltent l’aigreur et l’ennui d’une existence que seule la musique permet de rehausser un peu. Tu vois ce que je veux dire ? Non ? OK, je recommence : si la musique de Multicult me parle c’est parce qu’elle caresse mon amertume naturelle et un brin auto-complaisante dans le sens du poil – avoue aussi que c’est quand même autre chose que de s’appeler « frustration », de s’habiller en Grand Jury et de jouer de la musique de garçons-coiffeurs pour faire danser les masses dans toutes les Smac du pays. Mais passons, encore une fois.

Que se passe t-il alors avec ce Simultaneity Now qui est donc le cinquième album du groupe ? Rien de spécial en fait. Et c’est précisément là le problème. Des groupes comme Multicult il en existe des tonnes et il faut être sacrément malin – ou vicieux, ce qui en l’occurrence revient exactement au même – pour réussir à tirer son épingle du jeu. Avec les années la musique du trio n’a pas réellement évolué elle non plus, les lignes de basse de Rebecca Burchette sont toujours aussi parfaites, la guitare de Nick Skrobisz également et le temps d’un Caterwaul introductif on peut largement y croire… Seulement un air de déjà-entendu se fait peu à peu sentir. Rien de très gênant a priori me direz-vous puisqu’il s’agit de ce bon vieux noise-rock et que le noise-rock c’est comme la recette des frites, il n’y en a qu’une et il suffit simplement de la respecter*. Sauf que l’absence de riff qui fait vraiment mouche, le côté trop routinier de certaines compositions et l’absence de tubes incandescents finissent par prendre le dessus. Dans son genre Multicult est un bon groupe, un groupe très honorable pour ainsi dire mais qui ne va pas au delà des choses. Quelques fioritures inutiles – une note répétitive au synthé destinée à souligner la guitare sur High Contrast Image Arena, l’instrumental Fed Back Fatigue en fin de disque, toujours avec du synthé, et qui ne porte que trop bien son nom – ne servent qu’à souligner l’impasse stylistique dans laquelle Multicult s’est un peu englué. Après tout, il ne sert à rien de vouloir changer les choses, il suffit de les transcender (tout comme des frites réussies se passent de tout ketchup et autres sauces chimiques industrielles) mais avec Simultaneity Now le trio n’y arrive pas.

[Simultaneity Now est publié en vinyle** par Learning Curve records et en CD par Reptilian records***]

* ce qui est primordial c’est de bien faire cuire les frites en deux fois pour un effet croustillant à l’extérieur et fondant à l’intérieur et, bien sûr, de préparer ses frites avec des vraies pommes de terre et non pas se servir de ces trucs surgelés inventés par l’industrie agroalimentaire
** il existe plusieurs versions : une en vinyle transparent avec des éclats de couleurs bleus, rouges ou verts, une autre avec des bandes de couleurs rouges, une troisième en vinyle jaune avec une grosse tache de rouge (oui encore du rouge) au milieu… je commence à être particulièrement fatigué de toutes ces coquetteries vinyliques qui servent strictement à rien et surtout n’apporte rien à la musique… malheureusement pour les grincheuses et les grincheux il n’existe pas de version en vinyle noir de Simultaneity Now, la tradition ça a pourtant du bon
*** souvent je me demande dans quel état d’abandon serait la scène noise-rock US actuelle sans ces deux labels qui sortent énormément de disques incontournables pour tous les fanatiques du genre

mercredi 6 novembre 2019

Child Bite / Brain Tentacles - split





Publié par le label Learning Curve à l’occasion d’une tournée commune entre Child Bite et Brain Tentacles – en fait seulement cinq dates effectuées début septembre 2019 et quelques zigzags entre Chicago et Cincinnati, wow – ce petit 45 tours vaut tout d’abord pour sa présentation : une pochette conçue, imprimée et assemblée à la main par deux membres de Child Bite avec une découpe laissant apparaitre une partie de l’insert imprimé en argenté ; le vinyle en lui-même est transparent et tout ça a vraiment de la gueule. Chaque groupe présente un titre réputé inédit (pour l’instant).

Coté Child Bite on ne s’est malgré tout pas spécialement foulé. Nerve Quake est une composition signée Stu Spasm, autrement dit il s’agit d’une reprise des aussi infâmes que géniaux australiens Lubrificated Goat, un titre bien bouseux ici en version plutôt accélérée puisque Child Bite la raccourcit de pas moins d’une minute sans pour autant rajouter une once de folie ou de saleté à la version originale… La discographie de Child Bite est aussi étonnante que l’évolution du groupe. Pour ma part j’ai un peu décroché après les deux 10’ Monomania (2012) et Visions Crime (2013) chez Joyful Noise recordings et plus tard compilés sur un même album. Il est parfois difficile de croire que c’est bien le même groupe qui a sorti Wild Feast en 2006 et Negative Noise en 2016*. La musique des quatre de Detroit, à ses débuts sorte de version énervée de Père Ubu, s’est peu à peu muée en hardcore noiseux certes alambiqué mais moins pertinent – pendant ce temps là le chanteur Shawn Knight (et je crois seul membre permanent) est passé petit à petit d’une imitation assez convaincante de David Thomas à celle plus forcée d’un Jello Biafra vieillissant. Peut-être que je changerai d’avis avec le nouvel album que Child Bite s’apprête à publier sur Housecore records : il s’intitule Blow Off The Omens et s’annonce encore plus énervé, plus massif et plus lourd que tous ses prédécesseurs réunis. Gloups.

La seule chose dont je suis certain à propos de Blow Off The Omens est qu’il comporte quelques invités de marque et que parmi ceux-ci figure le chanteur et saxophoniste Bruce Lamont que l’on retrouve, attention suspens insoutenable, dans Brain Tentacles qui occupe donc l’autre face de ce 7’. Le line-up du groupe est complété par rien de moins qu’Aaron Dallison (de Keelhaul !) à la basse et Dave Witte (Discordance Axis, Burnt By The Sun, Melt Banana, Atomsmasher, Municipal Waste et tant d’autres…) à la batterie, oui ce type est aussi incroyable que sa discographie est pléthorique. Mais revenons à ce split : Yes, la contribution de Brain Tentacles n’est absolument pas une reprise de qui vous savez mais bien une composition originale. On y retrouve le mélange si particulier du trio excluant toute trace de guitare saturée ou non et basé sur une rythmique à la fois complètement folle et ultra puissante – on s’en serait douté. Comme j’aime bien les raccourcis stupides et limitatifs – de toute façon je te rappelle que présentement tu es en train de perdre ton temps sur les internets pour y lire une chronique de disque – j’affirmerais que Brain Tentacles est une sorte de Blurt en version hardcore métallisé mais avec un sens mélodique à la limite du simplisme et que Bruce Lamont est très bon dans son rôle de Ted Milton croisé Glenn Danzig sous champignons. Moi je suis fan et puis l’automne c’est la saison des champignons, non ? Je me prends à espérer qu’un jour Brain Tentacles donnera une suite à son seul et unique album sans titre publié en 2016 même si j’ai beaucoup plus de chance de déguster bientôt une bonne fricassée de girolles que de voir mon souhait se réaliser. Yes se veut à la fois rassurant sur la bonne santé de Brain Tentacles mais reste totalement frustrant. Trop bon mais trop court.

[ce très joli split 7' pour collectionneurs et fétichistes est publié à 500 exemplaires par Learning Curve records]

* je trouve assez symptomatique que le b*ndc*mp de Child Bite ne remonte pas au delà de l’année 2012, occultant ainsi les trois premiers albums du groupe…

vendredi 4 octobre 2019

Grizzlor / Coolness Factor 6


GRIZZLOR me semble être l’un des groupes à la fois parmi les plus débiles* et parmi les plus ironiques de moment, sorte de pendant noise rock obsédé par les Melvins et sous amphétamines d’un Oozing Wound avec lequel le trio de New Haven / Connecticut partage plus d’un point commun, à commencer par un sens aigu du cynisme. Et ce n’est pas son nouveau disque, un EP de quatre titres intitulé Coolness Factor 6 qui me contredira : Grizzlor y est plus mordant et plus saignant que jamais.
Il convient déjà de s’arrêter quelques instants sur cette magnifique illustration de pochette qui reprend l’un des thèmes favoris des artworks du groupe, la science fiction déglinguée de série Z. Signée God-Awful on y découvre des astronautes atomisés par je ne sais quel rayon de la mort tandis que leur vaisseau spatial est attaqué par une bande d’aliens mi-poulpoïdes mi-calamars géants. C’est du grand art. Et puisque la pochette du disque se déplie la grosse rigolade graphique continue à l’intérieur mais en version noir et blanc ; ce qui permet au passage de se pencher également sur les paroles de The Take Off, Warp Speed, Extraterrestrial Space Fight et Space Nuke qui se suivent et racontent l’histoire d’une mission spatiale qui atterrit sur la planète Coolness Factor 6 avant d’affronter des aliens sanguinaires, évidemment tout ceci se termine en boucherie thermonucléaire. Coolness Factor 6 est donc un disque concept et plutôt récréatif voire complètement crétin, qui s’éloigne de la noirceur grinçante et désabusée des disques précédents de Grizzlor tout en conservant un certain nihilisme. 




Il y avait jusqu’ici deux constantes dans la musique du trio. La première : jouer des morceaux courts voire ultras courts et ce quel que soit le tempo emprunté. La seconde : alterner entre des compositions très lentes et très massives qui lorgnent (donc) du côté des Melvins et des compositions ultra speed et débilos – les premières restant cependant largement majoritaires. Bon, OK, il y a une troisième constante : le chant nasillard et énervant noyé sous une réverb dégueulasse. Quoi qu’il en soit Grizzlor n’a jamais su choisir entre la rapidité et la lenteur et cela lui a plutôt bien réussi même si le groupe me parait moins à l’aise sur la longueur d’un album entier – Grizzlor n’en a pour l’instant publié qu’un seul en 2017 : Destructoid – que sur single ou sur EP.
Avec Coolness Factor 6 Grizzlor reste toujours dans le domaine de la brièveté mais opte systématiquement pour la grosse cavalcade spatio-temporelle. Les quatre titres du 7’ rivalisent de rapidité et de fulgurance avec c’est vrai quelques petites nuances : The Take Off et Warp Speed possèdent un petit côté surf (écoutez la guitare lorsqu’elle part en solo) tandis que Extraterrestrial Space Fight lorgne vraiment du côté d’Oozing Wound, mais en plus noise hardcore (Space Nuke suit le même chemin tout en reprenant le côté surf sur sa fin). Grizzlor se révèle sans pitié et sanguinaire et confirme en même temps qu
’un 7’ est ce qui convient le mieux au groupe pour déverser son chaos grand-guignolesque dans nos petites oreilles avides de sensations fortes. Conclusion : rire et se faire mal en même temps, c’est tout à fait possible.

[Coolness Factor 6 tourne en 45 tours et est publié en vinyle noir et orange par Learning Curve records et Hermit Cave records qui est le propre label de Grizzlor]

* le nom du groupe semble emprunté à un personnage de la série Masters Of The Universe / Les Maitres de l’Univers qui parait-il faisait fureur dans les années 80 et 90 mais je n’en sais absolument rien, j’étais déjà trop vieux

jeudi 7 mars 2019

Butcher's Waltz Volume 3





Le tout premier intérêt des compilations Butcher’s Waltz est de ne proposer que de la musique d’excellente qualité pour toute amatrice et tout amateur de gros noise-rock qui tache ou qui vrille et, plus généralement, de bizarreries électriques incandescentes ; le second est de ne donner à écouter quasiment que des titres inédits : à l’incomparable plaisir de faire des (bonnes) découvertes s’ajoute la satisfaction du complétiste acharné qui par ces temps de téléchargement 2.0 reste toujours à l’affut de nouvelles fraiches d’un groupe déjà connu et apprécié. Le troisième volume de la série Butcher’s Waltz ne déroge pas à la règle puisque on n’y trouvera que des nouveautés, en tous les cas tous les titres figurant ici sont à ce jour inédits et la moitié des groupes ayant participé n’ont que peu enregistré voire pas du tout : le label Learning Curve a encore une fois fait du très bon boulot et, je ne le répéterai jamais assez, cette petite maison de disques basée à Minneapolis est vraiment un incontournable.

Le disque démarre en mode pétarade avec DEAD. Malgré un nom très passe-partout ces australiens ne sont pas des anonymes, ils sont même passés par l’Europe en 2017 lors d’une tournée commune avec leurs copines et copains de MoE (excellent souvenir du Gaffer Fest…) et bien que la formule basse/batterie + chant de Dead rappelle un peu beaucoup celle de Big Business ce duo des antipodes est beaucoup plus enclin aux débordements et aux facéties. Techniquement Big Plates prend la forme d’une courte introduction sonore, il s’agit en fait de la captation d’une ambiance de restaurant ou de repas bien arrosé (?) avec rires gras et grosses blagues ; le plat de résistance (si je puis dire) vient tout de suite après avec Commander qui fait la démonstration de toute la lourdeur furibarde et chauffée à blanc dont peut être capable Dead – rythmique appuyée, riffs de maniaque et chant d’ostrogoths – avec en plein milieu un passage très calme qu’il me semble bien reconnaitre, j’imagine que le duo avait du jouer cette excellente composition lorsque je l’avais vu en concert il y a deux ans… En tous les cas voilà une bien belle entrée en matière.
LARDO prend la suite avec trois titres rien que pour lui. Le trio a beau être originaire de Chicago et avoir enregistré son deuxième album Sinking aux studios Electrical Audio il ne possède pas vraiment le son typique de toute cette scène noise-rock décharnée et névropathe et ne joue pas la même musique non plus. Celle de Lardo peut sembler bien légère et presque aigrelette (surtout après celle de Dead) mais le groupe développe son propre truc avec un chant plutôt juvénile (trop ?) et une basse très en avant. Ce n’est pas du tout post-punk au sens classique du terme car il y a trop de sous-entendus pop déglingués et de digressions noisy dans la musique de Lardo ; si les deux premiers titres proposés par le groupe manquent parfois leur cible, le troisième intitulé Larunda dévoile un charme dangereux, notamment grâce à une guitare plus présente qui semble avoir pour seul et unique but celui de nous percer les tympans et de nous faire vraiment mal. A suivre.

On retourne le disque pour écouter la deuxième face et c’est le gros choc : NOVACRON est un groupe complètement inconnu au bataillon – du moins en ce qui me concerne – mais il est formé de musiciens qui ont déjà beaucoup fait parler d’eux puisque après quelques recherches il s’avère que Novacron a été formé par Paul Erickson (Hammerhead/Vaz), Adam Marx (Seawhores) et Shawn Walker (Gay Witch Abortion). Avoir un line-up aussi prestigieux n’est pas forcément synonyme de réussite musicale mais dans le cas de ce trio all-stars il faut bien avouer que si, tant White Chalk présente déjà nombre de qualités essentielles et incontournables, à commencer par ce mélange toujours aussi spectaculaire d’accroche mélodique et de furiosité massive – le néologisme est l’ami incontournable de toutes les musiques et bien évidemment on peut reconnaitre dans White Chalk la patte décisive du géant Paul Erickson, toujours en aussi grande forme.
Le groupe d’après s’appelle MARX et de lui on ne saura pas grand chose si ce n’est qu’il ne s’agit pas réellement d’un groupe mais du projet solo de ce même Adam Marx mentionné juste au dessus au sujet de Novacron et de Seawhores. Le bonhomme est même illustrateur… en tous les cas il est seul maitre à bord sur Jaundice, un drôle d’objet arty-noise tourbillonnant qui donne envie d’en entendre beaucoup plus tant cette composition bricolée en solitaire et doté d’un chant que l’on dirait capté depuis l’intérieur d’un four à micro-ondes bloqué sur le programme décongélation rapide se révèle aussi étrange que bien menée. Mais ce type est-il réellement sain d’esprit ? Sûrement autant que vous et moi.
WAILIN STORMS est avec Dead l’autre groupe de ce troisième volume de Butcher’s Waltz à déjà bénéficier d’une reconnaissance certaine dans les milieux autorisés grâce à ses deux derniers albums impeccables et bien chargés en swamp punk macéré (One Foot In The Flesh Grave en 2015 et Sick City en 2017). Et pour être honnête c’est précisément à cause de Wailin Storms que je me suis d’abord intéressé à cette compilation. Don’t You Wish Her Well ne déçoit pas bien qu’il n’apporte strictement rien de nouveau à ce que l’on connait déjà du groupe de Caroline du Nord, même lyrisme écorché, même odeur de transpiration, même fougue meurtrie et même passion. Un peu théâtrale et même parfois grandiloquente la musique de Wailin Storms reste malgré tout toujours aussi instinctive et prenante et donc douloureusement savoureuse – ce qui me fait dire qu’il serait largement temps que ces américains enregistrent un nouvel album, non ? Et puis tant que j’y suis j’aimerais également une tournée européenne avec une date à moins d’une demi-heure de chez moi (à vélo). Oui je rêve. Ça sert à ça la musique.

[Butcher’s Waltz Volume 3 tourne en 45 tours, dure 31 minutes, a été publié en vinyle par Learning Curve et son artwork est l’œuvre de Jim Blaha de The Blind Shake]