Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

Affichage des articles dont le libellé est A Tant Rêver Du Roi. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est A Tant Rêver Du Roi. Afficher tous les articles

jeudi 27 octobre 2022

[chronique express] Die ! Die ! Die ! : This Is Not An Island Anymore

 



Je n’ai jamais – mais alors là jamais – été un grand fan de DIE ! DIE ! DIE !, des Néo-Zélandais qui au fil d’une grosse poignée d’albums ont développé un rock énergique et mélodique propret, sagement noisy et trop convenu à mon goût. Jusqu’ici, seul Swim (2014) avait à peu près réussi à se frayer un chemin vers mes petites oreilles délicates mais toujours à la recherche de sensations fortes. Et puis a débarqué This Is Not An Island Anymore, septième LP d’un groupe qui s’était fait particulièrement discret ces dernières années. Un peu de repos n’a jamais fait de mal à personne et dans le cas de Die ! Die  Die ! cela a même été salvateur : l’indice glycémique de la musique du trio a sérieusement baissé tandis que son taux d’adrénaline a lui singulièrement augmenté. On pourra toujours trouver à redire au sujet du chant très aigu et un peu irritant tout comme on décèlera quelques facilités à la limite de la minauderie. Mais ces quelques défauts sont largement compensés par une rage électrique enfin consistante et par des lignes de basse proéminentes qui mènent les débats sans faillir et entrainent le groupe sur des terrains furieux et efficaces qui font plaisir à entendre. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, This Is Not An Island Anymore bénéficie d’une version européenne – c’est A Tant Rêver Du Roi qui s’y est collé – ce qui permettra aux amoureux et fétichistes du disque vinyle de se procurer celui-ci à un prix raisonnable et exempt de taxes à l’importation et autres droits de douanes.


mercredi 4 mai 2022

Dewaere : What Is Pop Music Anyway ?

 





Lorsque je relis la chronique consacrée à Slot Logic, le tout premier album de DEWAERE publié fin 2018 chez Bigoût records, j’ai presque envie d’écrire tout le contraire au sujet de son successeur, le tant attendu What Is Pop Music Anyway ? Je le trouvais vraiment drôle le titre de ce nouvel album, un peu provocateur et malicieux, ouvrant de nouveaux horizons possibles pour un groupe jusqu’ici largement au dessus du lot. Le changement c’est bien, mais à condition d’avoir de bonnes idées en remplacement et d’aller quelque part. Avec ce deuxième LP le groupe de Saint-Brieuc fait donc un gros pas de côté mais ce pas est très loin de remporter l’adhésion. Dans la foulée d’un premier single intitulé My Shangri-Laaa dont j’aurais préféré qu’il ne soit qu’une blague un peu potache et assurément de mauvais goût, What Is Pop Music Anyway ? déballe onze compositions dont tellement peu arrive à passer la rampe, délaissant la fureur électrique d’avant sans pour autant gagner de nouvelles lettres de noblesse ou, à défaut, susciter un quelconque intérêt.
Le son de l’album est particulièrement choquant – cette basse et cette caisse claire sonnent tellement mal ! – mais ce qui est encore plus choquant c’est la façon dont le chant de Maxwell Farrington est systématiquement mis en avant dans le mix. C’était déjà un peu le cas sur Slot Logic et pour cause, lorsqu’on a un tel chanteur dans son groupe il faut pouvoir et savoir se servir de ses incontestables talents et de son exubérance naturelle. Mais le chant, précisément, est devenu l’un des gros points noirs de la musique de DEWAERE, Farrington en faisant des tonnes et des tonnes, plaçant des parties vocales malvenues qui sur plus de la moitié de l’album foutent en l’air des titres qui pourtant semblaient bien partis. En comparaison, un duo auto-suffisant entre Nick Cave et Mike Patton ressemblerait presque à une psalmodie de moines tibétains aux portes du Nirvana.
On savait déjà que le chanteur de Dewaere est quelqu’un de fantasque et aux activités diverses mais qu’il essaie d’appliquer avec tant d’insistance à la musique de son groupe ce qu’il fait ailleurs – tout en tentant de garder un glacis vaguement énervé – est une très mauvaise idée. Autant écouter directement son magnifique et très bacharach-ien album Once enregistré sous le nom de Maxwell Farrington & le SuperHomard, un disque en tous points plus intéressant, bien que très différent, que What Is Pop Music Anyway ? Finalement, c’est comme si désormais Dewaere n’était plus que le backing band besogneux, fastidieux et pas très inspiré d’un chanteur aussi envahissant qu’à côté de la plaque, incapable de faire la part des choses. Le clash se produit souvent au moment des refrains, mettant à mal des compositions qui s’en retrouvent irrémédiablement ternies (c’est particulièrement le cas sur The Pretty One dont la partie de guitare introductive est de très bonne augure pour la suite mais qui s’effondre au bout d’à peine une minute). Parfois il n’y a rien à sauver du tout et le poil se hérisse face à tant de gâchis –  Make It In The Morning (Shake It in The Night) pourrait même donner des envies de meurtre.
On passera rapidement sur les arrangements inutilement pointilleux et à la sophistication déplacée de certains titres comme sur le côté très variétoche de Voilà Now You’re Old ou le particulièrement indigne Satellite pour se concentrer sur ce qui pourrait sauver l’album du naufrage complet. Bricks est peut-être un titre très basique mais au moins il fonctionne de bout en bout. Son successeur direct Taiwan, Ireland And Japan dont on apprend qu’il s’agit d’une vielle composition jouée en concert depuis longtemps par le groupe s’en sort pas trop mal non plus. Un peu plus loin, Burning Desire, également un titre ancien, aurait pu être davantage convaincant s’il n’avait pas été lui aussi victime de la malédiction du refrain qui fout tout en l’air.  Deux titres et demi c’est quand même bien peu.
Il semble évident que Dewaere a perdu tout son côté punk et que pour l’instant on ne peut plus qualifier le groupe – à moins qu’il n’effectue un nouveau revirement spectaculaire la prochaine fois – de noise-rock. Mais c’est à peine si on osera lui concéder l’appellation toute simple de « groupe rock »… tandis que pour ce qui est de faire de la pop, là c’est franchement raté, aussi raté que la pochette fluo-kitsch du disque. Déception, j’écris ton nom : D-E-W-A-E-R-E.

[What Is Pop Music Anyway ? est publié en vinyle par A Tant Rêver Du Roi]

 

dimanche 6 juin 2021

[chronique express] Kong : Snake Magnet




Je crois que je n’avais pas réécouté ce disque depuis des années et je me demande bien comment j’ai pu m’en passer aussi longtemps. Avec un seul LP et une petite poignée de titres éparpillés sur presque autant de formats courts, KONG est rien de moins que l’un des tout meilleurs groupes anglais de noise-rock de ces quinze dernières années. Initialement paru en 2008, Snake Magnet marque donc les débuts et l’apogée du trio de Manchester et de sa musique alambiquée et parfois progoïde mais palpitante parce que toujours imprévisible, jamais démonstrative et surtout tendue, viscérale et dangereuse. Une musique qui te donne des sueurs froides tellement elle peut se révéler escarpée et qui te refile en même temps la chair de poule parce qu’elle t’emmène vraiment très loin. Rarement égalé et d’une originalité décapante Snake Magnet a donc enfin été édité pour la première fois en vinyle – rose marbré ou doré – dans une belle pochette gatefold (mais sans DVD bonus) par le label palois A Tant Rêver Du Roi qui réalise là une de ces excellentes opérations dont il en a le secret. Immanquable !

 

mercredi 10 février 2021

[chronique express] Mange Ferraille / Erba Spontanea



 

Erba Spontanea est la suite logique et attendue du premier album sans titre de Mange Ferraille. Trois années séparent les deux disques, trois années visiblement mises à profit pour étoffer et perfectionner la musique cyclique, répétitive, millimétrée mais organique du trio. Sauf que cette fois Anthony Fleury (guitare baryton, orgue et voix), Thibault Florent (guitare et orgue) et Etienne Zemniak (batterie) ont fait le pari d’un seul et long titre à épisodes, étalé sur près de quarante minutes : Erba Spontanea développe inlassablement ses tourneries, affole inexorablement le tensiomètre et transforme circonvolutions répétitives et micro-décalages en maelstrom pyrotechnique et en mantra tribal. Ecouter ce disque c’est comme contempler une éruption volcanique au ralenti, se délecter voluptueusement de la température qui monte, oser s’exposer avec hardiesse aux morsures impitoyables du feu et finir complètement enseveli et possédé, jusqu’au cri, entre stupéfaction et fascination

 

 

lundi 25 janvier 2021

The Eurosuite / Hot Off Depress

 

THE EUROSUITE : encore un super-groupe réunissant une poignée de musiciens activistes et suremployés de la foisonnante scène anglaise affiliée noise et autres… Alors allons-y gaiement pour le name dropping avec, dans le désordre, Mike Neaves (ex Nitkowski, actuel Plurals) aux synthétiseurs et également préposé à l’enregistrement, Dan Holloway au chant (plus connu pour être le bassiste de USA Nails ou de Dead Arms mais aussi graphiste et illustrateur – c’est lui qui a fait la pochette de Hot Off Depress), Gareth Thomas à la batterie (habituellement guitariste de USA Nails et également membre de Cower) et pour finir Mike Carey à la guitare (il joue sinon dans Screen Wives, groupe que jusqu’ici je ne connaissais pas mais qui me fait terriblement envie). Soyons prudent : l’exemple récent de Cower et de l’album Boys est là  pour nous rappeler si nécessaire qu’il ne faut jamais se fier aux apparences, que l’on n’est jamais à l’abri d’une surprise et en résumé il serait hasardeux voire péremptoire en considérant tout ce menu gratin de faire le moindre pronostic quant à la musique jouée par The Eurosuite.

 


 


Autant dire tout de suite que nous allons être copieusement servis même si Hot Off Depress est un album très court – à peine vingt-cinq minutes. Mais Hot Off Depress est surtout bourré de déflagrations épileptiques et de décharges électriques urticantes : The Eurosuite fait souvent penser à Doomsday Students et surtout à Psychic Graveyard dans cette façon impitoyable qu’a le groupe de taquiner nos nerfs jusqu’à l’irritation suprême. Mais on y pense aussi à cause du chant souvent très Eric-Paulien de Dan Holloway, piètre vocaliste s’il en est mais là n’est vraiment pas la question parce qu’il a l’air de s’en moquer complètement. Sa voix aigue et bouffée d’effets métalliques sert constamment d’aiguillon, surtout elle dégage une impression de frustration et on sent parfaitement que c’est exactement là où le chanteur voulait en venir, entre invectives robotiques et atonalité revendiquée : gueuler sa race, tout simplement.

Derrière les trois autres musiciens tirent à vue et catapultent des boules puantes aux effets dévastateurs. Une guitare chromée et lapidaire bouillonne constamment tandis que le synthétiseur se cale en mode essorage de particules. Les sonorités des deux instruments des fois se mélangent et se confondent, rajoutant un peu plus à la confusion jubilatoire et à la volonté de défoulement d’un enregistrement volontairement bruyant et éjaculatoire – exception faite, à la toute fin du disque, de Line / Void, de son piano fantôme et de son chant perdu dans sa propre solitude. En gros Hot Off Depress est très punk dans l’esprit mais n’a absolument rien de grossièrement rock’n’roll avec au contraire une touche arty irremplaçable et irrévérencieuse, totalement hors décorum.

Et puis il y a des moments vraiment étonnants comme ce Stimulate, une composition aussi synthétique que cabossée et qui dégage dans un premier temps une certaine retenue, presque de la mélancolie, avant de monter dans les tours, allongeant les distances, lorgnant du côté des autoroutes à choucroute tandis que le chant – toujours aussi difficilement appréhendable – prend des allures de complainte lugubre. Plus que jamais Hot Off Depress sent le refus du refoulement et l’affirmation d’un état d’esprit mi-assombri mi-irrité qui doit s’exprimer d’une façon ou d’une autre (et c’est surement ça que je préfère dans ce disque si intentionnellement difforme et agité).

 

[Hot Off Depress est publié en vinyle blanc par A Tant Rêver Du Roi

 

 

vendredi 25 décembre 2020

Pyjamarama / Simple Living

 

C’est en me rendant à un concert de La Pince (RIP ?) que j’ai pour la première fois entendu parler de PYJAMARAMA. Autant te dire que le choc a été plutôt rude : je pensais assister à une soirée placée sous le signe maléfique d’un noise-rock crade, bruyant, débile et salace et je me retrouvais brutalement propulsé face à un groupe de… pop. Mais c’est aussi de ma faute, je n’avais qu’à mieux regarder l’affiche du jour.
Avec son nom peut-être bien tiré d’un single millésimé 1974 de Roxy Music* – dinosaures du glam avec lesquels Pyjamarama partage un goût certain pour les enluminures et un sens assuré du baroque et des paillettes – le groupe m’avait tout d’abord interloqué avant de me séduire totalement. Il faut dire aussi que j’étais en très bonne compagnie avec un batteur jouant auparavant dans Alaska Pipeline, Seal Of Quality et Room 204 (en tant que second guitariste), un guitariste échappé de Papaye et une claviériste venue de Boy & The Echo Choir et Vagina Town. Formation à laquelle se rajoutait un bassiste qui, je l’apprendrai un peu plus tard, jouait auparavant dans un groupe de surf instrumental du nom d’Agamemnonz… Très loin de ma zone de confort habituelle ce concert de Pyjamarama réveillait en moi le fan de pop chiadée et colorée que j’ai toujours été bien que j’ai très souvent fait tous les efforts du monde pour cacher cet aspect méconnu de ma sombre et intolérante personnalité de noiseux. 

 





Le premier album sans titre publié par le groupe en 2016 m’a pourtant déçu. Je ne reconnaissais pas dans la musique enregistrée par Pyjamarama ce qui m’avait plu en concert. Tout à coup je la trouvais beaucoup trop compliquée et beaucoup trop savante, presque glacée et sans cette volonté d’incarnation qui m’avait tellement séduit. Oui il existe plein de musiques et de groupes qui fonctionnent en live et pas du tout en concert (ou inversement) et c’est ainsi depuis fort longtemps, bien sûr je n’apprendrai rien à personne là-dessus.
Lorsque Pyjamarama a publié son deuxième album en février 2020 j’ai un peu attendu avant de me laisser faire. La principale différence avec le premier est que Simple Living a été enregistré en trio : Franck, le guitariste, a entretemps quitté le groupe. Il y a donc un peu moins de parties de guitare sur Simple Living, lorsqu’il y en a elles sont mixées légèrement en retrait et elles sont assurées par Lucas, le bassiste, qui n’en fait jamais de trop, évitant de jouer l’envahissement de notes et sachant rester accessible lors de ses solos (Yacht Game, simple et élégant ou Smart Lads Committee, plus enlevé, plus rock mais tout aussi classieux). Ce qui laisse énormément de place aux claviers de Rachel qui elle en met littéralement de partout. Ah oui je sens bien que maintenant tu ricanes encore plus fort que tout à l’heure mais – deuxième révélation de cette chronique fleurie et en forme de coming-out – oui, moi le gros fanatique de guitares qui font mal et de saxophones qui biniouttent à la diable, il m’arrive également d’apprécier ces bons vieux synthés.
Et ceux que l’on peut entendre dans
Pyjamarama sont merveilleux, magnifiques constructions au service de compositions jamais trop alambiquées bien que parfois complexes, entre pâtes de fruits mathématiques, sucrées et énergétiques, ritournelles aristocratiques ou poétiques, mélodies soyeuses et inchiffonables, délicatesse, raffinement, subtilité, sensibilité… n’en jetez plus ! Ah mais si : la joie lumineuse et ludique qui émane la plupart du temps de Simple Living est d’autant plus communicative que jamais elle ne feint la démonstration et l’apprêtement. Et puis encore : chez Pyjamarama tout le monde chante, bien que Rachel et Nicolas (le batteur, sacrée performance au passage) se taillent la part du lion. Le chant est l’un des principaux atouts d’un groupe qu’alors on pourra définitivement qualifier de pop, un chant dont le lyrisme enjoué juste ce qu’il faut laisse à la générosité, à la bienveillance et à l’humanité de la musique du groupe toute la place nécessaire pour s’exprimer. Est-ce que tu le vois maintenant mon grand sourire ?

 

[Simple Living est publié en vinyle bleu turquoise électrifié par A Tant Rêver Du Roi]

 


* et bien en fait non : Pyjamarama est le nom d’un jeu d’ordinateur datant de la préhistoire pixélisée

 

 

lundi 21 septembre 2020

Blacklisters / Fantastic Man

 


 

C’est dingue comme je suis faible et comme c’est trop facile de m’avoir par les sentiments. Parce que c’est un peu toujours la même histoire, non ? Donc : prenez un groupe composé d’un chanteur spécialisé dans les couinements psychotiques et les beuglements de bête sauvage en pleine crise de rage, prenez également un guitariste qui aurait rêvé de découper des plaques de tôle ondulée à la scie circulaire, ajoutez-y une section basse/batterie intraitable, saupoudrez de mélodies imparables sans être putassières mais évidemment couplées à des dissonances bien choisies et glacez généreusement le tout d’un esprit féroce… vous obtiendrez l’archétype absolu du groupe de noise-rock tel qu’il réchauffe quoi qu’il arrive mon petit cœur d’animal humain blessé par la vie.
Alors à quoi bon parler d’un groupe apparemment comme tant d’autres et jouant une musique répondant encore une fois aux caractéristiques et aux conventions de ce bon vieux noise-rock à papa ? Autant faire un copier/coller de toutes les chroniques trop nombreuses déjà écrites pour cette gazette internet qui je veux bien l’admettre a tendance à rabâcher plus que de raison sur un sujet qui reste malgré tout primordial. Sauf que je suis un obsessionnel et un grand sentimental (donc), que j’aime avoir mal (logiquement) et que les anglais de BLACKLISTERS (ou si tu préfères : BLKLSTRS) ne sont vraiment pas n’importe qui. Malheureusement ce n’est pas demain la veille que l’on pourra voir tourner sur le vieux continent européen des groupes de la trempe d’un Chat Pile, d’un Hoaries, d’un Vincas ou d’un Wailing Storm, bref tous ces groupes nord-américains héritiers et détenteurs numéro un des secrets du genre… Mais on peut largement se consoler, et bien plus encore, avec la myriade de groupes anglais qui depuis de nombreuses années maintenant font preuve d’une vigueur et d’une inventivité assez incroyables – non ce n’est pas un juste retour des choses même s’il est toujours bon de préciser qu’à l’origine les Etats Unis d’Amérique ne sont qu’une colonie britannique qui a mal tourné.
J’avais déjà eu ce sentiment lorsque les quatre Blacklisters avaient publié leur deuxième album en 2015 : Adult dépassait allégrement le niveau pourtant très honorable du premier album sans titre paru en 2012… Avec Fantastic Man les anglais font encore plus fort en nous livrant sur un plateau d’argent un disque de très haute qualité et à très forte teneur électrique. Je peux donc reprendre mon petit descriptif ci-dessus en matière de noise-rock (saturation, mélodies/dissonances, trépidations, acidité, rage, férocité, secousses à tous les étages, suintements, reptation, etc.) pour l’appliquer tel quel à Blacklisters qui dès l’ouverture du disque rue dans les brancards en envoyant direct un magistral Sport Drinks et plaçant derechef sa musique à un nouveau niveau d’excellence puis explose encore plus fort avec Strange Face et le plus lent mais pas moins énervé Fantastic Man. Quel que soit le format emprunté et la vitesse d’exécution choisie – le niveau général restant malgré tout à la grosse bourrade – le troisième album des anglais est de bout en bout un formidable brûlot dont on pardonnera les quelques mimétismes (Sleeves fait beaucoup penser à du Jesus Lizard mais en même temps c’est tellement bon !) puisqu’il n’y a rien à jeter ici et surtout pas le fascinant I Read My Own Mind et l’implacablement tortueux Mambo N°5 qui arrivent eux en fin de disque et nous achèvent par la même occasion, dans un grand bain saignant de déflagrations noise, de furie acharnée et de combustion lente.

Avec Fantastic Man Blacklisters fait plus que confirmer tout le bien que jusqu’ici je pouvais penser du groupe en s’imposant comme l’un des fers de lance actuels d’un genre indémodable à mes yeux, au-delà de tout sentimentalisme et de toute nostalgie (non : là je suis franchement en train de déconner et de mentir ouvertement). J’espère que le groupe pourra un jour retraverser la Manche pour revenir jouer de ce côté-ci du monde convidé parce que là seule fois où j’ai eu l’occasion et la chance de voir Blacklisters en concert, c’était juste vraiment (vraiment) trop (trop) bon



[Fantastic Man est publié en vinyle jaune transparent – on dirait la couleur d’un cocktail vodka/ananas – par A Tant Rêver Du Roi, Buzzhowl records et Learning Curve records, un label US dont j’apprécie particulièrement le catalogue et ce n’est sans doute pas sans raison qu’il se soit occupé de la parution nord-américaine d’un disque anglais – CQFD]

lundi 15 juin 2020

Princess Thailand / And We Shine






Promis, juré, craché et mousse de bouche : plus jamais je me moquerai du nom de PRINCESS THAILAND. Même si quelque chose de bien planqué tout au fond de l’un des innombrables recoins de mon humour détestable – ou mon absence d’humour, tout dépend du point de vue selon lequel on se place – m’incitera toujours à le faire. Peut-être qu’un jour si je croise la route de ces jeunes gens (lors d’un concert par exemple, à l’horizon 2021 ou 2022 si tout se passe bien, c’est-à-dire lorsque les mauvais esprits dans mon genre arrêteront de jurer leurs grands dieux, de cracher dans le vent et de (se faire) mousser de la bouche, mais ça c’est vraiment pas gagné) donc oui peut-être qu’un jour je demanderai aux cinq Princess Thailand d’où provient ce nom pour le moins étrange et déstabilisant. Et qui surtout n’a strictement aucun rapport évident avec la musique du groupe mais qu’au moins on n’oubliera pas.
On l’oubliera d’autant moins que Princess Thailand est en train de s’imposer comme l’un des trucs les plus excitants du moment question mixture noise-rock gothoïde et no-wave arty voire new wave tout court – attention : étiquettes beaucoup trop restrictives – avec seulement deux albums à son actif. Le tout premier, sans titre, développait un côté poisseux et collant, brut et moite, enfumé et musqué, accompagné de couleurs aussi bien marécageuses qu’orientalisantes mais la plupart de ces éléments se sont estompés, ont transmuté ou ont presque complètement disparu sur And We Shine, le deuxième album que le groupe a publié au printemps 2020. Le côté plus léché, élargi et rembourré du son de ce nouvel enregistrement frappe d’entrée, et les sept compositions de And We Shine se font presque intimidantes, collent moins physiquement au corps tout en jouant davantage sur la séduction.
Non pas que Princess Thailand ait abandonné tout désir de faire du bruit et de faire pencher les vumètres dans le sens des vents soniques mais le groupe le fait avec une approche différente, parfois presque pop (In This Room) et céleste (We Shine) et en tous les cas très orientée débuts des 80’s et post-punk gothique même si à l’époque on ne l’appelait pas encore comme ça. Plus d’une fois je me suis surpris à penser aux Banshees ce qui, en ce qui me concerne mais j’en ai parfaitement le droit puisque c’est moi qui écris cette chronique et que ceci est mon petit pré-carré des internets, est un énorme compliment. En résumé avec And We Shine on perd en swamp et en odeurs de feu de bois un peu piquantes ce que l’on gagne en marqueterie et en flanger. Moins de no-wave et moins de noise rock brulant. Plus de dentelle scintillante et de lyrisme aérien. Moins de Shotgun Wedding et plus de Cocteau Twins. La reverb a juste changé de côté, délaissant le poisseux pour hanter les longs couloirs d’une musique pourtant toujours aussi percutante et organique.
Malgré les nombreux éclats qui parcourent et déchirent And We Shine Princess Thailand se préoccupe désormais plus des détails et tout est question de nuances, avec l’évidente luxuriance et sophistication de compositions jamais linéaires – elles ne se terminent jamais de la même façon qu’elles ont commencé et pour joindre les deux bouts elles peuvent traverser mille péripéties. Le travail des deux guitares est symptomatique de cette approche moins frontale, plus aérée et plus somptueuse. Lorsqu’elles se mettent en position de faire plus de bruit c’est toujours avec le souci de participer à un vaste ensemble quasi architectural, pas avec celui de se faire entendre plus que tout le reste. Quant au chant – féminin et exclusivement en anglais – il a tellement gagné en subtilité… autrement dit cette chanteuse incroyable peut passer du clair-obscur et du volant-cristallin à la passion et au feu sans (se) forcer, avec sensibilité et aplomb, sans ciller, sans en faire trop mais avec juste ce qu’il faut pour être dans le vrai.

[And We Shine est publié en vinyle rouge par A Tant Rêver Du Roi]

vendredi 30 août 2019

Pylone / Silence


Le temps n’existe pas. C’est très exactement la première chose à laquelle j’ai pensé en découvrant Silence, le deuxième album des toulousains de PYLONE. Sur le moment j’ai tenté (non sans mal) de me rappeler de quand pouvait bien dater Things That Are Better Left Unspoken, le premier LP du groupe, parce que je n’y voyais que du feu : à l’écoute de Silence j’identifiais sans aucun problème et reconnaissais parfaitement toute la musique du groupe, sa couleur, son odeur, le travail des guitares, l’appui de la section rythmique, ce sens de la tension et de l’émotion, le chant très présent et l’importance des textes… comme si rien n’avait changé et que les deux disques étaient frères jumeaux.
Alors j’ai du vérifier un peu plus précisément la distance entre mes souvenirs personnels et ce retour de réalité. Things That Are Better Left Unspoken a été publié au début de l’été 2013. Et je me suis totalement retrouvé dans ce que j’avais écrit à son sujet à une époque pas si lointaine que cela – une autre vie, aussi semblable et pourtant aussi différente que possible de la vie actuelle. Cela aurait pu être une sorte de leçon vaguement existentielle pour moi : il y a des choses qui restent, qui semblent ne pas changer, que l’on retrouve avec le même bonheur. Mais je n’aime pas quand tout est aussi simple et je suis à peu près sûr que du côté de Pylone on pense à peu près la même chose. Cette introduction laborieuse n’a ainsi qu’un seul but : dire que finalement bonnes et mauvaises choses du passé font exactement le même boulot sur nous même si on privilégie les premières et que l’on occulte les secondes, comme si le temps n’existait pas, donc, et qu’on lui préférait la nostalgie. Pourtant Silence représente bien le présent de Pylone. Et de nostalgie je n’en sens absolument aucune dans ce disque.




La pertinence des propos du groupe est primordiale. Je veux ici parler des textes de Silence, souvent et même plus que précédemment en français, qui abordent des sujets aussi importants que le consumérisme absurde et destructeur ou l’exclusion sociale. La misère, le doute et la colère. La recherche de soi. Le questionnement, toujours. Dans Pylone presque tout le monde écrit : en premier lieu Julien, guitariste et chanteur principal du groupe mais également Matthieu (l’autre guitariste) et Nadège, bassiste, pour un Drop dont elle assure elle-même l’interprétation. Mais le groupe a également choisi de mettre en musique les textes d’auteurs tels que François Cavanna (le très puissant Masses), Charles Bukowski (l’impitoyable Trashcan) et John Fante (le très émouvant Lézarde). Et bien que Pylone joue une musique que j’apprécie tout particulièrement et pouvant être rattachée à toute la mouvance noise-rock mais également emocore – dans le sens fugazien du terme – je me sens bien obligé d’affirmer que Pylone est définitivement un groupe à textes et fier de l’être. Quelle idée alors d’intituler son disque Silence lorsqu’on a tellement de choses à dire et surtout lorsqu’on arrive à les dire aussi bien ? Pour s’excuser d’avoir attendu autant de temps entre la sortie des deux albums ? Je crois plutôt que ce « silence » est à prendre à contre-emploi et qu’il affirme plutôt : non, ne nous taisons pas ! 
Dans ces conditions la musique du groupe me semble elle aussi plus tendue que jamais. L’enregistrement, le mixage et le mastering ont été assurés par Benoit Courribet / Cylens (sic) et cela s’entend ; la basse est ultra massive sans tout écraser, les guitares peuvent indifféremment jouer la carte de la finesse et de la puissance, la batterie claque et le chant, proche du mode parlé, est mis en avant sans pour autant prendre toute la place, ce qui est on ne peut plus logique vu l’importance des textes. L’équilibre sonore sur Silence est souvent parfait et lorsque la musique de Pylone s’emballe (la dernière partie de Masses par exemple) c’est avec une justesse rarement égalée ailleurs, à mi chemin entre nécessité de l’efficacité et pertinence (rien n’est fait gratuitement). Silence donne ainsi à écouter une collection de dix chansons dont aucune ne démérite des autres. Chacune possède son identité propre – chez Pylone on sait composer et cela s’entend – tout en s’inscrivant dans un tout cohérent qui a permis au deuxième album du groupe de se hisser au rang des meilleures parutions de l’année dernière.

[Silence a été publié en novembre 2018 et en vinyle rouge par A Tant Rêver Du Roi, Bruisson, Gabu Asso, Kerviniou recordz et Rejuvenation records]  

mercredi 29 mai 2019

La Jungle - Past // Middle Age // Future


Je n’ai qu’une parole, ou presque : l’écoute de OK But This Is Not A Parachute, contribution de La Jungle au split consacré aux Studios Davout et publié un peu plus tôt cette année par S.K. records m’avait convaincu de me repencher sur le cas du duo belge. Parce qu’en plus je ne suis pas si rancunier que cela et même si jusqu’ici les enregistrements de La Jungle ont systématiquement engendré chez moi comme un sentiment d’ennui profond et même parfois d’agacement certain et si les concerts du groupe façon grande messe festive du chaos trans-chamanique bien propre sur lui – attention mesdames et messieurs ça va décoller – me font arriver à la même conclusion, celle d’une ronchonade à peine déguisée en acrimonie teintée de fiel, bref, j’étais prêt malgré toutes mes (légitimes) réticences à faire quelques efforts et à me laisser tenter par Past // Middle Age // Future, à ce jour troisième album studio de LA JUNGLE. Sans compter que celui-ci a été publié par Rockerill records, Black Basset records et – surtout – A Tant Rêver Du Roi, un label hautement estimable même si ces dernières années il a eu un peu trop tendance à se laisser aller à sortir des disques de math-rock tropical et de noise festive (à mon goût, évidemment, puisque j’ai toujours préféré avoir mal quand j’écoute de la musique). Ah… et puis il y avait autre chose qui m’intriguait : l’annonce d’un featuring de Bisou Bisou AKA Armelle, précédemment chanteuse de The Dreams et officiant (toujours) au sein des géniaux Heimat. Souvent il ne m’en faut pas beaucoup plus pour me convaincre de me jeter à l’eau. 




Au moins je ne peux pas nier la cohérence de la démarche de La Jungle parce que dans les faits Past // Middle Age // Future ne me semble pas si différent que cela de ces deux prédécesseurs. Et pourtant il passe beaucoup mieux la rampe. Est-ce donc moi qui ai changé à ce point là ? La réponse est évidemment négative. Indubitablement la formule musicale du groupe est toujours aussi basique et limitée : une batterie qui fait tout le temps la même chose (poum-tchac-poum-tchac avec une petite fioriture toutes les 27 secondes) et surtout une caisse claire qui sonne comme la casserole percée de Lars Ulrich sur St Anger ; une guitare qui ignore totalement ce que le mot riff signifie ; des effets transe à spirale ; des borborygmes animaliers ou des bouts de phrases scandés pour pimenter le tout ; des compositions qui reposent sur une idée et demie et qui sont d’un linéaire tellement autoroutier (les connaisseurs disent « kraut ») que l’on croirait entendre Maserati jouer en boucle Commando des Ramones… je crois que j’ai fait le tour de la question. Sur son site internet La Jungle s’autoqualifie de « techno / transe / kraut / noise duo » et ces garçons ont parfaitement raison de le faire, d’abord parce que l’on est jamais aussi bien servi que par soi-même et ensuite parce qu’il est toujours bon d’avoir un mode d’emploi, même si comme ici la formule musicale est sans surprise parce que redondante et pleine de tics.
Il y a des passages du disque qui évidemment ne passent pas. Le bien nommé The Boring Age me donne systématiquement l’impression de faire un long vol plané qui sachève en catastrophe dans des chiottes au fond à droite d’une boite de nuit, le nez dans les pissotières à la recherche d’un peu de traces de coke dans les urines des habitués émergeant d’une faille spatiotemporelle entre deux parties de jeux vidéos. The Knight Of Doom est à peine moins insupportable et comme ces deux titres terminent (ou presque) Past // Middle Age // Future j’ai décidé de ne plus jamais écouter la deuxième face du disque et de me contenter de la première, celle où – par exemple – figure The Invisible Child avec le featuring d’Armelle (décevant malgré tout) ou le très efficace Hey Ha Hey Ha. Dans ces cas là La Jungle devient presque fréquentable, j’aime même m’y perdre un peu bien que je sois sûr que je n’y ferai pas de mauvaises rencontres qui pourtant pimenteraient un peu mon quotidien. Je crois que le plus gros défaut du duo réside dans cette absence totale d’enjeu et de défi – de danger : à force de ne vouloir faire que du festif et du rigolo qui déjante proprement La Jungle perd tout intérêt. Comme un slasher où tous les personnages sont forcément sexy et terminent systématiquement démembrés à la Husqvarna (placement de produit inside). Ça fait rigoler une demi-minute et puis on oublie, de toute façon c’est l’heure de la pizza. On n’est pas très loin de la pornographie.

lundi 30 juillet 2018

Boucan + Blacklisters @Farmer [27/07/2018]





Pour cause de déménagement Les Briques Du Néant ont cessé leur activité d’organisation de concerts sur Lyon… mais avant il fallait bien marquer le coup avec pas moins de trois concerts consécutifs au Farmer les 25, 26 et 27 juillet derniers.

Voici une sélection de photos du dernier soir avec les excellents BOUCAN et surtout les anglais déchainés de BLACKLISTERS que j’ai enfin pu voir en concert, il était temps.

(l’intégralité des photos de cette soirée est visible par ici