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vendredi 20 janvier 2023

[chronique express] Birds In Row : Gris Klein

 


Champions du hardcore punk emophile Made in France, les BIRDS IN ROW nous reviennent avec un troisième album au gros son, un nouveau label (celui des gars de Cult Of Luna), un nouveau batteur et, nous disent-ils, toujours la même envie d’en découdre et une volonté d’authenticité dure comme fer. Le précédent LP We Already Lost The World m’avait rapidement lassé mais je suis aussi du genre têtu, donc je retente le coup... Ma méfiance pour les introspectifs de la musique qui brandissent des petits drapeaux, coupent les cheveux en quatre, pleurent sur le monde et surtout sur eux-mêmes, transforment leurs chansons en leçons de vie ou, encore pire, en élucubrations faussement sociétales à portée existentielle (et inversement) ne fait que grandir. Je préfèrerai toujours la crasse, la méchanceté, la mauvaise foi, le cynisme et l’autodestruction. Mais pas l’auto-apitoiement, trop évident. Je ne suis aucunement empathique, je ne veux pas faire semblant d’être bienveillant et en écoutant Gris Klein j’ai enfin compris que ce qui me dérangeait le plus, c’est le côté gnan-gnan. Je ne parle pas des trois membres du groupe puisque je ne les connais pas mais du caractère confortable et installé de leur musique, la révolte et la douleur comme il faut, toutes blanches, à l’usage des consommateurs d’un hardcore exemplaire. J’avais aimé les tout débuts des Birds In Row mais peut-être étais-je aveuglé par le côté plus brut et plus salissant de leur musique. C’est donc ici que nos chemins se séparent, définitivement.


dimanche 25 septembre 2022

Osees : A Fool Form

 





On ne touche pas à John Dwyer. Mais j’ai bien envie quand même. C’est plus fort que tout : je lis et j’entends tellement de commentaires positifs ou de critiques hyper élogieuses au sujet du dernier méfait des OSEES que j’ai bien du mal à ne pas aller dans le sens contraire. On appelle ça l’esprit de contradiction et ma psy (coucou Patoche) a beau me répéter qu’il s’agit d’un comportement purement pathologique et que c’est un vilain défaut dont il faudrait absolument que je me débarrasse, je ne peux pas m’en empêcher. Au risque de mourir étouffé dans les turpitudes de mon ego-trip.
Pourtant, à la réflexion, je vais modérer mon propos et atténuer le taux d’acidité de mon fiel malfaisant. Il y a une raison à cela : A Foul Form* n’est pas ce disque formidable ni ce chef-d’œuvre du hardcore et du punk revisités mais ce n’est pas un mauvais disque non plus, juste un disque dont beaucoup se foutraient éperdument s’il n’avait pas été enregistré par les Osees et s’il n’était pas sorti de l’imagination stakhanoviste de Dwyer. Une petite chose sans grand intérêt, si ce n’est celui de donner envie de réécouter ou d’écouter tout court les sources d’inspiration à la base du dit album. Toutes proportions gardées, A Foul Form c’est un peu comme si Dewaere enregistrait un vrai album noise-rock. On n’y croit pas une seule seconde.
A Foul Form c’est donc dix titres (neuf originaux, une reprise) en hommage aux racines musicales de Dwyer et des autres musiciens l’accompagnant actuellement – comme déjà mentionné, hardcore et punk de la toute fin des années 70 et du début des 80’s. L’annonce du projet avait de quoi susciter l’intérêt : enfin un disque des Osees qui n’allait pas se perdre dans les dédales d’un rock progueux et krauteux avec des compositions beaucoup trop longues pour ce qu’elles ont à dire et des instrumentaux bouche-trous pour arriver à atteindre la durée acceptable d’un album. C’est le problème des artistes et des musiciens qui débitent leurs productions à la chaine. Il y a du déchet, de la facilité, des redites. D’un autre côté, je devrais arrêter de m’intéresser à des chroniques de disques écrites par d’autres parce que j’ai quand même lu que A Foul Form était le disque le plus violent sorti par Dwyer. Les personnes qui pensent cela n’ont sans doute jamais écouté les disques de Burmese, Landed ou Dig That Body Up, It’s Alive. Alors on dira plutôt : A Foul Form est le disque le plus violent et sale sorti par Dwyer depuis un paquet de temps. Depuis ses années noise-instru-portnawak (Pink and Brown, absolument génial), garage (Coachwhips) ou la période Chris Woodhouse de Thee Osees (la meilleure à mon goût).
Si les intentions peuvent malgré tout sembler bonnes, le résultat fait quand même sourire et lorsqu’on écoute A Foul Form, ce qui prédomine c’est le côté « bon moment agréable entre potes ». Se faire plaisir est essentiel, j’en suis convaincu. Mais aller au-delà de son horizon communautaire, c’est encore mieux. Le hardcore et le punk version Dwyer n’ont évidemment aucune ambition ni désir d’originalité, ce n’était pas le but de la manœuvre, mais ils n’ont rien d’excitant non plus. Lorsque notre homme force sa voix on a même des fois envie de rigoler. Un peu d’enrobage à la Osees – principalement du synthétiseur parasitaire – tente de donner le change mais cela ne fonctionne toujours pas. Et la double batterie sert plus que jamais à rien. Reste une paire de demi-tubes : Too Late For Suicide et Perm Act sont les compositions non « hardcore » du disque, les plus longues également (trois minutes) et les seules qui arrivent à dépasser un peu le stade de la potacherie et du bas de gamme.
Enfin, il y a le cas du dernier titre de l’album, Sacrifice, qui est une reprise de Rudimentary Peni. Une amie du genre enflammée et radicale (mais adorable à sa façon) m’a dit que personne – non, personne – n’avait le droit de faire ça et que cette reprise n’avait pas lieu d’être. Pour paraphraser le début de cette chronique : on ne touche pas à Rudimentary Peni ! Au départ, je trouvais sa position exagérée, bien que pas forcément injuste ni inexacte. Mais pourquoi pas une telle reprise, si la nouvelle version est bonne ? Le fait est que non et que cette amie a plus que raison. Dwyer et les Osees se tirent doublement une balle dans le pied car non seulement leur interprétation de Sacrifice est lamentable et affligeante mais surtout elle permet de mesurer définitivement qu’en aucun cas A Foul Form ne saurait être digne des musiques auxquelles l’album est pourtant supposé rendre hommage. Echec sur toute la ligne.

* évidemment un disque publié chez Castle Face, avec plein de variantes de vinyles et même en cédé
** si jamais tu veux écouter la version originale par Rudimentary Peni…


mercredi 4 mai 2022

Dewaere : What Is Pop Music Anyway ?

 





Lorsque je relis la chronique consacrée à Slot Logic, le tout premier album de DEWAERE publié fin 2018 chez Bigoût records, j’ai presque envie d’écrire tout le contraire au sujet de son successeur, le tant attendu What Is Pop Music Anyway ? Je le trouvais vraiment drôle le titre de ce nouvel album, un peu provocateur et malicieux, ouvrant de nouveaux horizons possibles pour un groupe jusqu’ici largement au dessus du lot. Le changement c’est bien, mais à condition d’avoir de bonnes idées en remplacement et d’aller quelque part. Avec ce deuxième LP le groupe de Saint-Brieuc fait donc un gros pas de côté mais ce pas est très loin de remporter l’adhésion. Dans la foulée d’un premier single intitulé My Shangri-Laaa dont j’aurais préféré qu’il ne soit qu’une blague un peu potache et assurément de mauvais goût, What Is Pop Music Anyway ? déballe onze compositions dont tellement peu arrive à passer la rampe, délaissant la fureur électrique d’avant sans pour autant gagner de nouvelles lettres de noblesse ou, à défaut, susciter un quelconque intérêt.
Le son de l’album est particulièrement choquant – cette basse et cette caisse claire sonnent tellement mal ! – mais ce qui est encore plus choquant c’est la façon dont le chant de Maxwell Farrington est systématiquement mis en avant dans le mix. C’était déjà un peu le cas sur Slot Logic et pour cause, lorsqu’on a un tel chanteur dans son groupe il faut pouvoir et savoir se servir de ses incontestables talents et de son exubérance naturelle. Mais le chant, précisément, est devenu l’un des gros points noirs de la musique de DEWAERE, Farrington en faisant des tonnes et des tonnes, plaçant des parties vocales malvenues qui sur plus de la moitié de l’album foutent en l’air des titres qui pourtant semblaient bien partis. En comparaison, un duo auto-suffisant entre Nick Cave et Mike Patton ressemblerait presque à une psalmodie de moines tibétains aux portes du Nirvana.
On savait déjà que le chanteur de Dewaere est quelqu’un de fantasque et aux activités diverses mais qu’il essaie d’appliquer avec tant d’insistance à la musique de son groupe ce qu’il fait ailleurs – tout en tentant de garder un glacis vaguement énervé – est une très mauvaise idée. Autant écouter directement son magnifique et très bacharach-ien album Once enregistré sous le nom de Maxwell Farrington & le SuperHomard, un disque en tous points plus intéressant, bien que très différent, que What Is Pop Music Anyway ? Finalement, c’est comme si désormais Dewaere n’était plus que le backing band besogneux, fastidieux et pas très inspiré d’un chanteur aussi envahissant qu’à côté de la plaque, incapable de faire la part des choses. Le clash se produit souvent au moment des refrains, mettant à mal des compositions qui s’en retrouvent irrémédiablement ternies (c’est particulièrement le cas sur The Pretty One dont la partie de guitare introductive est de très bonne augure pour la suite mais qui s’effondre au bout d’à peine une minute). Parfois il n’y a rien à sauver du tout et le poil se hérisse face à tant de gâchis –  Make It In The Morning (Shake It in The Night) pourrait même donner des envies de meurtre.
On passera rapidement sur les arrangements inutilement pointilleux et à la sophistication déplacée de certains titres comme sur le côté très variétoche de Voilà Now You’re Old ou le particulièrement indigne Satellite pour se concentrer sur ce qui pourrait sauver l’album du naufrage complet. Bricks est peut-être un titre très basique mais au moins il fonctionne de bout en bout. Son successeur direct Taiwan, Ireland And Japan dont on apprend qu’il s’agit d’une vielle composition jouée en concert depuis longtemps par le groupe s’en sort pas trop mal non plus. Un peu plus loin, Burning Desire, également un titre ancien, aurait pu être davantage convaincant s’il n’avait pas été lui aussi victime de la malédiction du refrain qui fout tout en l’air.  Deux titres et demi c’est quand même bien peu.
Il semble évident que Dewaere a perdu tout son côté punk et que pour l’instant on ne peut plus qualifier le groupe – à moins qu’il n’effectue un nouveau revirement spectaculaire la prochaine fois – de noise-rock. Mais c’est à peine si on osera lui concéder l’appellation toute simple de « groupe rock »… tandis que pour ce qui est de faire de la pop, là c’est franchement raté, aussi raté que la pochette fluo-kitsch du disque. Déception, j’écris ton nom : D-E-W-A-E-R-E.

[What Is Pop Music Anyway ? est publié en vinyle par A Tant Rêver Du Roi]

 

dimanche 6 mars 2022

[chronique express] Pop. 1280 : Museum On The Horizon

 



Peut-on tomber toujours plus bas ? Pop. 1280 répond par l’affirmative. Way Station marquait déjà un changement radical mais désormais le point de non-retour semble avoir été atteint par les New-yorkais et malgré un ou deux sursauts (Brennschluss) leur nouvel album entérine définitivement la suprématie de l’EBM au rabais et des synthétiseurs kitchs dans l’esthétique du groupe. Tout est moche, stérile et ringard sur Museum On The Horizon : la musique, le chant de Chris Bug et même la pochette. Tant qu’à faire autant préférer les quelques formations historiques du genre ou remonter encore plus loin dans le temps et retomber du côté des précurseurs nettement plus dangereux, troubles, sombres, ambivalents mais attachants – D.A.F. en première ligne. Adieu les gars.

mardi 11 mai 2021

[chronique express] Årabrot : Norwegian Gothic


 


 

Sur le moment j’ai refusé d’en croire mes oreilles. J’ai refusé tout court. Who Do You Love, le précédent disque d’Årabrot, n’était déjà pas exempt de défauts mais avec Norwegian Gothic le groupe de Kjetil Nernes et Karin Park atteint de nouveaux sommets en matière de tambouille commerciale, de vaine prétention et d’aberration. Peut-être n’ai-je rien compris du tout – le déluge de recensions positives récoltées par Norwegian Gothic me semble aussi incroyable que disproportionné – mais je ne trouve strictement rien à sauver d’un disque qui me fait plus que jamais regretter le Årabrot d’antan et que j’aimais tant.
Une page semble donc avoir été définitivement tournée : il n’y a rien à faire (à part se boucher les oreilles) avec cet album terriblement longuet et tellement caricatural, souvent inepte et malheureusement grotesque. Un naufrage emballé dans une production plastifiée et clinquante digne d’un groupe de rock FM prétendant avoir enfin vu la lumière (et si tu aimes le saxophone pleurnichard va directement écouter The Moon Is Dead, sûrement le sommet de ce disque que j’aurais préféré ne jamais écouter).



dimanche 21 février 2021

[chronique express] Gatecreeper / An Unexpected Reality



 

Surprise ! Après une poignée de formats courts et deux LP, les Gatecreeper de Tuscon / Arizona nous font le coup du disque tombé du ciel et rigolo. Bon, ce n’est un secret pour personne que beaucoup de groupes signés chez Relapse n’y sortent que deux albums avant d’être soudainement pris d’une envie irrésistible d’aller voir ailleurs – sûrement une histoire de contrat-type et de royalties… C’est donc Closed Casket Activities qui se charge de mettre An Unexpected Reality sur le marché. Un 12’ distinctement divisé en deux partie : sur la première Gatecreeper fait du bourrin rapide, le death metal old school du groupe flirtant plus que de raison avec le hardcore et même le grind (sept titres tournant autour de la minute) ; sur la seconde Gatecreeper fait tout le contraire en se la jouant lent et lourd (une seule composition de onze minutes). Dans les deux cas les guitares sont accordées très bas, le double kick martèle comme les orgues de Staline et il n’y a rien à redire sur la prestation générale du groupe si ce n’est que le chanteur-moustachu Chase Mason ne me semble pas toujours très à l’aise dès qu’il s’agit de growler avec la tête dans la centrifugeuse à broyer du cactus. On retiendra donc surtout An Unexpected Reality pour sa face B et le terrible Emptiness dont les relents death doom donnent envie de hurler avec les coyotes dans les déserts sans fin d’Arizona. La suite des aventures de Gatecreeper se fera chez Nuclear Blast qui a pris l’habitude de récupérer les transfuges de chez Relapse… Le mercato du metal bat son plein.

dimanche 26 juillet 2020

[chronique express] A Beautiful Thing : Idles Live At Le Bataclan



Après seulement deux albums studio les très acclamés Idles ont eu cette drôle d’idée d’un double album live enregistré en décembre 2018 dans une salle parisienne très symbolique puis publié en décembre 2019, sûrement pour noël. A Beautiful Thing : Idles Live At Le Bataclan existe en trois versions distinctes (noël je te dis) et n’a rien d’un indispensable. Les cinq Idles s’y montrent simplement et honnêtement tels qu’ils sont, un groupe de hippies énervés (« love and compassion » nous dit-on dès le début) jouant du punk à boire peut-être trépident sur le moment mais très monotone sur la longueur. Le frontman Joe Talbot est sûrement un bon gars et un type bien mais malheureusement il est surtout un bien piètre chanteur et je ne te parle même pas de ce grand moment de démagogie où il énonce la devise républicaine hexagonale au beau milieu de l’« antifascist song » Rottweiler. Non merci.

lundi 20 juillet 2020

Pottery / Welcome To Bobby's Motel


Quel point commun y a t-il entre les Négresses Vertes et POTTERY ? De toute évidence, aucun. C’est du moins ce que tout le monde dirait. Bon, laisse-moi essayer à nouveau et donne moi ma chance pour une seconde question. Est-ce que tu connais l’histoire du type qui achète un disque à l’aveugle (autrement dit : sans en avoir écouté une seule note auparavant) tout simplement parce qu’il avait plutôt aimé ou tout du moins trouvé intéressant le disque précédent ? Quel idiot*, hein ? A l’heure d’internet, du streaming gratos ou du téléchargement illégal permettant de se faire avant une idée du disque en question… Et oui, tu l’auras compris, l’idiot c’est moi. Et j’en serais presque vert de honte – nota : ceci n’est absolument pas une réponse à la toute première question.




Il était quand même pas mal ce tout premier disque de Pottery, un 12’ de sept titres un peu bancal et désordonné, entre garage de crooners et post-punk éclairé. N°1 promettait quelque chose pour après, même si Lifeline Costume, un peu trop étalé, un peu trop exubérant et placé à la toute fin du disque aurait du mettre la puce à l’oreille du vieux rabat-joie que je suis (et aime tellement être) mais que veux-tu, pour une fois j’avais décidé d’être optimiste, d’écouter autre chose que de la musique qui fait mal ou de la musique compliquée – la musique compliquée qui fait mal ça existe aussi et là j’adore carrément – et j’avais surtout décidé de laisser toutes ses chances à Welcome To Bobby’s Motel, premier album long format de Pottery, publié au mois de juin par Partisan records.
La pochette est ultra colorée, la pochette intérieure également, même le coupon de téléchargement** reprend le même genre de visuel et le vinyle est lui qualifié de « Hot Dog yellow » ce qui signifie jaune, tout simplement. C’est un joli emballage. Après je peux très bien comprendre que l’on puisse apprécier ce chanteur qui désormais fait tout ce qu’il peut pour imiter David Byrne (Hot Heater), je peux admettre que la profusion de voix – tout le monde chante dans le groupe, façon chorale au moment des refrains – fasse chaud au cœur, je peux parfaitement imaginer qu’un groupe qui lorgne souvent du côté des Talking Heads (logique…) et qui rajoute du funk et des claviers très kitsch dans ses compositions décroche des recensions XXL et des bonnes notes chez les critiques d’art mais Welcome To Bobby’s Motel m’ennuie, à de très rares exceptions près (Take Your Time, plutôt tendu que la moyenne malgré l’inévitable réapparition de ces foutus chœurs de collégiens).
Welcome To Bobby’s Motel m’ennuie parce qu’il joue à fond la carte de l’ébriété musicale propre, il m’ennuie parce qu’il est systématiquement et méthodiquement explosif et qu’il me fait penser à la boom des cinquante ans de ma grande sœur, il m’ennuie parce qu’il en fout de partout mais qu’en même temps il fournit les rouleaux de papier sopalin pour tout essuyer dans la foulée, il m’ennuie parce qu’il peut aussi lorgner vers la variétoche la plus indigne (Reflection, Hot Like Jungle). Il m’emmerde parce que sa gentille foutraquerie très envahissante ne dit rien d’autre que « hey ! on est là ! danse avec nous ! ». Il me gonfle parce que je n’entends qu’un groupe qui un jour finira dans un stade pour chanter des hymnes fédérateurs et qui pour l’instant me fait autant d’effet qu’un Franz Ferdinand option Radio 4 option LCD Sound Sytem en un peu plus clownesque mais en tout aussi insignifiant. Il me hérisse parce que rien que le premier titre éponyme ressemble à un catalogue quasi exhaustif de ce que Pottery prétend savoir faire. Mais tout le monde a le droit de jouer ce qu’il veut comme musique donc je vais m’arrêter là. 

Non, en fait pas tout à fait : je me suis rappelé de cette histoire. J’avais à peine 19 ans et le premier album des Négresse Vertes débarquait dans le paysage post-alterno, profitant de l’aubaine commerciale de la Mano Negra tout en essayant en vain de convaincre les plus vieux (le chanteur n’avait-il pas fait partie de la raïa de Lucrate Milk puis de celle des Bérurier Noir ?). Tout le monde aimait les Négresses Vertes, tout le monde sauf mon pote Jean-Mi***.  Et lorsqu’on lui demandait pourquoi il répondait toujours : « parce que je trouve ça beaucoup trop sautillard »****. C’est exactement ce que je pense aujourd’hui de Welcome To Bobby’s Motel, un disque beaucoup trop festif de la part d’un groupe terriblement envahissant et fatiguant. Voilà l’été.

* OK : ça fait trois questions
** j’en profite pour te donner mon code : zwaQ4MjB – à utiliser en allant sur le site marchand du label

*** non pas ce Jean-Mi là, un autre
**** alors qu’il aurait pu se contenter de dire que le chant lui faisait trop penser à du Bernard Menez et qu’il n’aimait pas l’accordéon ni les guitares espagnoles

vendredi 10 avril 2020

[chronique express] Theories / Vessel





Quelle différence y a-t-il entre le grind death et le death grind ? Je comptais vraiment sur Theories pour enfin éclairer ma lanterne mais un an après la sortie de Vessel et après moult écoutes de cet empilement de brutalité compressée je n’en sais toujours rien.

lundi 9 mars 2020

Comme à la radio : Live Skull


Les reformations m’ennuient. Et encore, je reste poli. Mis à part quelques rares exceptions tous ces groupes d’un autre temps qui tentent de revenir parce que la roue a tourné et que la musique qu’ils jouaient il y a quelques (dizaine d’) années a enfin regagné les faveurs d’une poignée de hipsters et de gamins qui découvrent le monde trop souvent ne génèrent qu’ennui, embarras et pitié (OK : découvrir le monde, on est tous passés par là).




Le cas de Live Skull est édifiant. Ces new-yorkais contemporains de Sonic Youth et des Swans, défricheurs d’un rock arty, bruyant, mélancolique mais toujours mélodique qui a influencé et influence encore tellement de groupes et de musiciens aujourd’hui sont de parfaits inconnus pour le commun des mortels. Mais Live Skull est aussi un groupe acclamé, vénéré et – disons-le – mythique pour nombre de leurs pairs et quelques acharnés.es.
En rééditant en 2013 et 2014 les premiers enregistrements de Live Skull le label Desire records ne s’y était pas trompé, tentant de remettre à la lumière un groupe fondateur et important (on attend toujours la suite de ces rééditions, celles des albums Dusted et Positraction, avec Thalia Zedek au chant). Autant se précipiter sur tous les disques publiés par Live Skull entre 1984 et 1988 et oublier tout de suite Saturday Night Holocaust, album publié lui en 2019 par Bronson recordings, suite à la reformation du groupe en  2016.






Une reformation qui n’en est pas vraiment une. Sur Saturday Night Holocaust il ne subsiste du groupe que le guitariste/chanteur Mark C., accompagné de Rich Hutchins, le dernier batteur de Live Skull, entre 1987 et 1989. Tom Paine, l’autre chanteur/guitariste et alter-ego de Mark C., est aux abonnés absents et c’est complètement désespérant. Un certain Kent Heine tient désormais la basse. Et puis quelques anciens membres font une ou deux apparitions : l’ex bassiste Marnie Greenholz au chant sur un titre, Thalia Zedek au chant également, sur deux autres. Tandis que Mark C. s’occupe de tout le reste, y compris de ces foutus synthétiseurs qui viennent tout gâcher – rectificatif : ils gâchent le peu qu’il y aurait eu à sauver en faisant preuve d’un peu de générosité ou d’aveuglement.

Placé en tout début de face A le morceau-titre ainsi que Nova Police (avec la toujours merveilleuse Thalia Zedek) arrivent un temps à créer l’illusion et donnent de l’espoir mais rapidement Saturday Night Holocaust s’enlise dans une écriture bâclée et des compositions mal arrangées (toujours ces synthétiseurs !) qui font d’autant plus regretter la présence d’un seul guitariste. Ce disque est pire qu’un mauvais album, c’est un naufrage. Je peux comprendre que Mark C. ait eu envie – et peut-être même besoin – de reformer Live Skull mais en agissant ainsi il ternit irrémédiablement l’image et l’aura de son groupe. Tant qu’à faire il eut mieux valu que Saturday Night Holocaust soit publié sous un autre nom.

Donc, au risque de me répéter, de Live Skull mieux vaut écouter et réécouter encore le premier mini album éponyme (1984), le formidable Bringing Home The Bait (1985), le non moins formidable Cloud One (1986), mais également le trop sous-estimé Dusted de 1987 (face A par ici et face B par là) ainsi que, et même si je l’aime moins, le petit dernier, Positraction (1988).


mercredi 8 janvier 2020

Child Bite / Blow Off The Omens





Leader incontesté de CHILD BITE, Shawn Knight a pour ambition de devenir un vrai chanteur de l’extrême métallique. Son groupe œuvre désormais dans le hardcore noiseux et un peu vieillot, tout en gardant un côté accessible. J’ai écrit « vieillot » ? Oui, c’est vrai. Et c’est ce qui me frappe le plus à l’écoute de Blow Off The Omens : l’album est agressif, les compositions sont très énervées et souvent très lourdes, l’ambiance est au pogo entre potes avinés devant un parterre de badauds un peu effrayés mais pas de trop quand même et ça défouraille dans tous les sens, avec de bien trop rares coquetteries, autrement dit sans le quota nécessaire de trouvailles plus ou moins assassines dont le rôle est d’épicer le tout. Child Bite  a perdu tous ses petits reflexes arty issus de sa première période, celle pendant laquelle on pouvait plus facilement le qualifier de groupe de post punk. … – exception à la règle : The Wrong Ones Bree agrémenté avec le saxophone de Bruce Lamont et constituant à mon sens la meilleure composition du disque et l’une des rares que j’aurais envie de sauver. Donc le problème est que cela ne décolle que très rarement. Le hardcore de Child Bite est faussement barré, de moins en moins tordu, de plus en plus metal bas de gamme et ne sonne pas vraiment.
C’est pourtant Steve Albini qui entre deux parties endiablées de poker s’est installé derrière les manettes et a assuré le côté technique de l’enregistrement mais je trouve le mix de Blow Off The Omens d’une platitude qui confine au désastre. Ce mix est signé Collin Dupuis et le gars a des références professionnelles tellement impressionnantes que je te laisse le soin d’aller checker tout ça par toi-même sur les internets. Il est difficile de définir une musique où désormais tout est fait pour mettre au premier plan le chanteur du groupe / grand manitou des opérations et dont les éructations sont de plus en plus agaçantes. Shawn je te le dis sincèrement : tu aurais davantage à y gagner en te fondant dans ce mix qui au contraire ne cesse de surligner tes défauts à grands coups de reverb et en rajoute beaucoup trop aux moments les plus cruciaux. Et tandis que tu te prends pour un dieu du stade les guitares ont perdu toute leur distinction et toute leur classe – Blow Off The Omens est me semble t-il le premier album avec le guitariste Jeremy Waun et lui non plus je ne le félicite pas. Quant au synthétiseur qui insinuait ça et là quelques touches bienvenues d’étrangeté il a totalement disparu.
Davantage de relief c’est ce qu’il aurait fallu à Blow Off The Omens pour que la musique de Child Bite soit un peu plus interpelante ou même dérangeante (soyons fou) mais ce n’est pas le cas. Alors « vieillot » et même « dépassé » oui c’est presque ça : d’un côté cette musique n’est pas explicitement old school et donc pas nostalgique du tout bien que parfois j’entende du Dead Kennedys empâté et empoté là dedans ; de l’autre le groupe fait des efforts surhumains pour nous faire croire qu’il peut se passer du ripolinage à la testostérone du hardcore moderne. Child Bite ne se situe pas à la croisée pour autant, le groupe est juste ailleurs, déconnecté, donc nulle part. Là je n’entends qu’une tentative laborieuse et ratée de reconversion, ce cinquième album est nettement moins bon que son prédécesseur Negative Noise et en définitive ce n’est qu’un disque de metal de plus, moins palpitant et beaucoup moins signifiant que l’album The Living Breathing Organ Summer et surtout que les deux 10’ Monomania et Vision Crimes. Ecoutez plutôt tous ces précédents enregistrements de Child Bite, vous m’en direz des nouvelles.
Avec Blow Off The Omens Child Bite n’en fait qu’à sa tête, ce qui en soit aurait pu être une bonne chose. Pourtant j’aurais préféré être davantage convaincu par le caractère définitivement couillu et généreusement poilu du groupe de Shawn Knight. Lequel semble ne jamais vouloir s’arrêter puisque désormais il chante également dans Shock Narcotic, sorte de super groupe de metal hardcore doublepédalé et estampillé grind avec des membres présents ou passés de The Dillinger Escape Plan, The Black Dahlia Murder et Battle Cross – le premier album de ces joyeux drilles intitulé I Have Seen The Future And It Doesn't Work a été publié en août 2019 et non, pas la peine d’insister, je n’ai aucune envie de chroniquer le disque très ennuyeux de Shock Narcotic mais je te mets quand même le lien pour l’écouter

[Blow Off The Omens est publié en vinyle par Housecore records dans plein de couleurs différente, le mien est d’un orange fluo tout pété qui colle parfaitement à cette pochette gatefold soigneusement déglinguée et également signée Shawn Knight, parce que c’est vraiment lui le chef]

vendredi 13 septembre 2019

[chronique express] Ceremony / In the Spirit World Now





Dans la série on ne peut pas toujours enregistrer le même disque voici CEREMONY : parti d’un hardcore ultra vénère et ultra tendu le groupe de Rohnert Park s’adonne depuis deux ou trois albums au post punk rutilant voire à la new wave variétoche en utilisant tous les poncifs démagogiques et tous les clichés mollassons d’un genre que même les garçons coiffeurs du millénaire finiront par oublier… sur scène le groupe utilise parfois une guitar synth ce qui en dit long sur son niveau d’implication et In The Spirit World Now n’est pas un album désagréable mais déjà complètement dépassé faute de réelle inspiration (non je ne lui ferai pas l’honneur de le qualifier de « passéiste »).

lundi 6 mai 2019

Uranium Club / The Cosmo Cleaners


Peut-on reprocher à un groupe de s’accrocher éternellement à une seule et même formule, une formule élaborée et plus ou moins perfectionnée au fil des années et des enregistrements, jusqu’à ce que celle-ci devienne tellement symptomatique et emblématique que le groupe en question finit par gagner un statut à part, celui de modèle un peu usé ? Évidemment non… enfin presque : le mélange idolâtrie/nostalgie est des plus aveuglants et donc possiblement suspect. A contrario peut-on reprocher à un groupe de ne pas vouloir enregistrer toujours le même disque ? Bien sûr que… non…
Je crois que vous me voyez venir de loin, amies lectrices et amis lecteurs : il va être question ici et maintenant de la corrélation (ou de l’absence de corrélation) entre longévité et pertinence artistique. Quelques rares spécimens de dinosaures survivalistes s’en sont sortis et s’en sortent encore haut la main mais je ne veux pas vraiment parler de ceux-là, de toute façon et comme déjà mentionné tout dépend également du degré de dévotion aveuglée que l’on éprouve pour les antiquités en question. Etant entendu que s’il s’agit d’un groupe dont on estime qu’il a réellement apporté quelque chose à la musique et à soi-même, beaucoup peut ensuite lui être facilement pardonné – mais en 2019 ce genre de phénomène ne se produit plus depuis longtemps, du moins en ce qui concerne l’avancement musical... c’est un peu comme l’égalité salariale, le commerce équitable, la légalisation du cannabis ou la gratuité des transports en commun pour tout le monde, tout ça n’existe pas.
La question se pose davantage pour les nombreux revivalistes qui se croient beaucoup plus intelligents que leurs ancêtres et notre sujet du jour en est un : URANIUM CLUBThe Minneapolis Uranium Club de son vrai nom – est du genre plutôt doué avec deux premiers albums fulgurants de post punk arty-sweaty et dotés d’une charte sonore et graphique immédiatement identifiable. On peut préférer Human Exploration (2015) mais c’est avec All Of Them Naturals (2016) qu’Uranium Club a placé la barre très haut, teintant son post-punk acide d’une bonne dose de second degré et de dérision. Après ce petit exploit il restait deux solutions au groupe : soit persister à publier des disques clonés sur All Of Them Naturals et s’en servir comme prétexte radioactif pour continuer à donner des concerts à forte valeur énergétique ; soit essayer de changer un peu la donne. Et donc le résultat.



The Cosmo Cleaners – de son vrai nom The Cosmo Cleaners : The Higher Calling Of Business Provocateurs – publié comme ses prédécesseurs en Europe par le label anglais Static Shock records est plus ambitieux. Uranium Club (qui pour l’occasion a encore rallongé son nom en rajoutant un « Band » à la fin) a voulu nous impressionner. N’importe quelle pochette du groupe se reconnait entre mille et celle de The Cosmo Cleaners n’échappe pas à la règle bien qu’elle gagne en couleurs et en détails par rapport à celles des précédents disques. On apprécie tout le soin apporté à l’ensemble et s’amuser à décortiquer l’artwork et les notes de l’insert principal est un réel plaisir de geek. D’autant plus que pendant ce temps là Flashback Arrestor a débaroulé et laisse augurer d’un très bon disque : Uranium Club a l’air plus en forme que jamais. Tout s’écroule dès Definitely Infrared Radiation Sickness, mid tempo dont on pourrait pardonner le manque d’inspiration s’il ne faisait pas en plus preuve d’une coupable balourdise. Grease Monkey se veut rassurant avec ses sempiternels coups de klaxon, ses bruits de moteurs et ses guitares tranchées puis laisse la place à un Michael’s Soliloquy très surprenant. Comme son nom l’indique ce titre (lent) est narratif avec un long monologue (reproduit intégralement sur un deuxième insert à part et rien que pour lui) d’un fastidieux et d’un rébarbatif que même une personne maitrisant parfaitement l’américain aurait du mal à trouver à son goût. Le problème n’est pas dans les guitares ou la rythmique mais plutôt dans cet étalage apathique de spoken words d’un ennui profond. Fin de la première face du disque.

La face B démarre bizarrement avec Man Is The Loneliest Animal et son introduction (très) trompeuse mais cela passe malgré tout, Uranium Club renouant avec ce sens inné de la fébrilité qu’on lui connait déjà… Juste après se trouve la deuxième meilleure composition du disque : Geodesic Son est tout ce que l’on peut aimer chez Uranium Club, des mélodies à la fois étriquées et tranchantes, des rythmiques tachycardiques et du chant goguenard et surtout énormément de classe. Malheureusement Interview With The Cosmo Cleaners vient à nouveau tout foutre en l’air avec ses onze minutes de blah blah blah à peine rehaussées par un ultime sursaut final. Je ne sais pas ce qui a pris à Uranium Club de rallonger autant certaines de ses compositions – The Cosmo Cleaners est même le premier disque du groupe à tourner en 33 tours et non pas en 45 – et surtout de les avoir rendues aussi inutilement bavardes et soporifiques.
Au cours d’une récente discussion au sujet des disques dont on ne sait jamais trop quoi faire – petite précision : on trouve toujours une solution radicale et amusante pour les disques réellement détestés – je suis tombé d’accord avec mon interlocutrice sur le fait que parfois il est difficile de s’empêcher de refaire dans sa tête un disque qui ne nous plait pas : changer tel son de guitare, rajouter un break par ici, enlever un peu de chant par là voire même chambouler tout le tracklisting… c’est exactement ce que j’appliquerais drastiquement à The Cosmo Cleaners tant Uranium Club aurait été bien mieux inspiré de se contenter de ne publier qu’un 7’ avec uniquement Flashback Arrestor et Geodesic Son (je veux bien éventuellement rajouter Grease Monkey mais uniquement via un coupon de téléchargement).

mardi 30 avril 2019

[chronique express] Huata / Lux Initiatrix Terrae




Jusqu’ici j’avais aimé et même défendu HUATA mais avec Lux Initiatrix Terrae, dernier – et posthume – album du groupe publié à la fin de l’année 2018 je n’en dirais pas autant… du doom 70’s liquéfié en jus de loukoum, du chant systématiquement passé à l’aspirateur à hélium, de la grandiloquence à l’échelle d’une cathédrale de chantilly, des senteurs d’encens d’un capiteux écœurant, une perfection dénuée de toute âme et de la liturgie à tous les étages : personnellement j’ai passé l’âge de la crise de foi(e) depuis longtemps.



lundi 15 avril 2019

Skryptor / Luminous Volumes






Je crois que c’est Oscar Wilde qui affirmait qu’ « il ne faut pas se fier aux apparences, beaucoup de gens n’ont pas l’air aussi bête qu’ils ne le sont réellement ». Je ne sais jamais trop quoi faire de cette assertion venant d’un homme qui a pourtant écrit un livre sur les apparences et la vanité avant de se faire engeôler parce qu’il était un homosexuel doublé d’un irrévérencieux affirmant la nécessaire indépendance de l’esthétique avec l’éthique et de l’art avec la morale – ce qui ne signifie pas, bien au contraire, qu’il n’avait aucune morale ni aucune éthique mais en cette lointaine époque victorienne et puritaine chatouiller et contredire l’ordre établi n’était considéré que comme un acte subversif et non pas comme une pensée possiblement autre (c’est le risque de la provocation et du scandale… bien qu’il faille souvent voire nécessairement en passer par là pour faire avancer les choses).
Mais mon problème c’est d’abord l’affectif (oui, bon, OK, c’est le problème de beaucoup de personnes). Donc j’apprends que Tim Garrigan et David McClelland ont monté un groupe ensemble du nom de SKRYPTOR et dont le premier album Luminous Volumes vient d’être publié chez Sleeping Giant Glossolalia et Skin Graf. Tim Garrigan est très cher à mon cœur parce qu’un beau jour il a intégré le line-up des Dazzling Killmen avec lesquels il a enregistré le meilleur album du groupe et l’un des meilleurs disques de noise-rock viscéral et torturé de tous les temps, Face Of Collapse ; David McClelland était guitariste et co-fondateur de Craw, autre groupe responsable d’enregistrements tout aussi obsédants, en particulier Lost Nation Road. Là vous me voyez venir de loin avec mes gros sabots crottés, mes oreilles pointues et mes cornes de vieux bouc puant : Dazzling Killmen + Craw = garantie de qualité supérieure. En tous les cas moi j’y croyais, malgré un teasing mitigé via la compilation Post Now : Round One – Chicago vs New York. Mais les tiraillements révélés par Red Mountain (qui figure à la fois sur la compilation et sur le premier album de Skryptor) n’étaient malheureusement pas de simples accidents de parcours mais bien les indices de défauts insurmontables et de fautes de goûts impardonnables.

Laissons de côté le cas de David McClelland qui avec ce nouveau groupe est passé de la guitare à la basse ; en compagnie du batteur Hank Shteamer il ne fait qu’assurer qu’une rythmique très efficace mais sans trop d’imagination. Le principal problème de Luminous Volumes est Tim Garrigan dont le jeu et le son de guitare sont régulièrement insupportables. Pas tout le temps, fort heureusement : la sécheresse et l’intensité de certains riffs sont fort appréciables et la plupart des compositions du disque démarrent sous les meilleurs auspices, il y a de quoi se laisser faire et se laisser emporter, cela en ferait presque oublier que Skryptor est un groupe complètement instrumental et que dans 95 % des cas les groupes de rock instrumental plus ou moins noise et électriques sont à mourir d’ennui. Pourtant l’effet ébouriffant ne dure pas suffisamment avec un Tim Garrigan qui s’étale tout qu’il peut et se lance dans de longs développements dont on sent bien qu’ils sont portés par une réelle volonté de stratosphérisme mais qui se retrouvent plombés par une glue délayée particulièrement pénible (un exemple ? à partir de la quatrième minute de Lotus And Maze et ce solo dégoulinant).
L’argument qui consisterait à dire que voilà des musiciens qui ne se sont pas contentés de refaire ce qu’ils avaient fait dans le passé et qui ont voulu aller de l’avant ne tient pas : dans les désormais très lointaines années 90 Tim Garrigan et David McClelland jouaient une musique innovante et passionnante alors qu’avec Skryptor ils tombent dans les travers d’un rock progressif balourd, complaisant, gras et mou du bide. Autrement dit, ils ont rétropédalé dans la semoule et le boulgour. Il est fâcheux de constater que les deux meilleurs passages de Luminous Volumes sont constitués par les intermèdes The Orchad (part 1 et part 2) qui pétillent de dissonances humoristiques et davantage expérimentales. Mais au final c’est bien peu et surtout extrêmement frustrant, laissant entrevoir ce que Skryptor aurait pu être si le groupe n’avait pas choisi une esthétique aussi pompière en provenance directe d’un Crétacé musical dont même la progéniture de David Gilmour et Joe Satriani ne pourrait être tenue comme responsable.
J’aurais donc du me fier aux apparences : ce nom de Skryptor sonne comme celui d’un groupe de hard-rock métaphysique trop aveuglé par son amour pour le roi cramoisi sans faire quelque chose de toutes les richesses héritées de la musique de ce cher Robert et la pochette de Luminous Volumes ressemble à la couverture d’un mauvais livre de science fiction dont Luc Besson n’arriverait pas à tirer un téléfilm. Malheureusement ce disque possède plus de faux airs intelligents que d’intérêt réel. Tant pis. Et comme je crois et croirai toujours en l’affectif j’écouterai malgré tout le prochain disque de Skryptor, si toutefois le groupe décide d’en enregistrer un autre.

mercredi 14 novembre 2018

Daughters / You Won't Get What You Want


Je sens que cela va être difficile. Daughters est l’archétype du groupe dont le following a eu tendance à augmenter après une séparation prématurée* et houleuse. D’accord : les quatre de Providence / Rhode Island** possédaient déjà leur quota de fans enthousiastes du temps de la première vie du groupe mais les rangs de ceux-ci avaient bien gonflé après le split puis la parution en 2010 et à titre posthume du troisième album de Daughters. Il était alors tragiquement facile de regretter un groupe faisant des étincelles sur scène, doté d’un chanteur scrupuleusement énervant et jouant une musique née du grind (la plupart des membres de Daughters étaient auparavant dans As The Sun Sets, un groupe de grindcore que je ne vous recommande absolument pas) pour atterrir du côté d’un noise-rock ultra énervé.
Daughters s’est séparé parce que Alexis S.F. Marshall (chant) et Nicolas Andrew Sadler (guitare) se sont foutus sur la gueule. Une brouille bien violente mais qui n’a pas duré très longtemps puisque le groupe a recommencé à donner des concerts ensemble dès 2013 et a enregistré des nouvelles compositions à partir de 2014. Entretemps le troisième album sans titre de Daughters est devenu, sous l’impulsion du label Hydra Head, un disque acclamé – ce qui, toutes proportions gardées, peut parfaitement se justifier… disons plutôt et simplement que ce troisième album est uniquement un très bon disque, ce qui est déjà beaucoup, mais pas ce chef-d’œuvre tellurique tellement vanté.






You Won’t Get What You Want n’est pas la première tentative d’enregistrement depuis la reformation de Daughters. Les bandes mises en boite dès 2014 ne lui convenant pas, le groupe a décidé de tout reprendre à zéro et l’enregistrement de son quatrième album s’est étalé sur plusieurs périodes et finalement la publication  a eu lieu fin octobre 2018 via Ipecac recordings. Le label et le groupe ont mis le paquet : pochette gatefold, impression mate, illustration artistiquement morbide mais élégamment minimale, double vinyle de couleur… sur ce dernier point, You Won’t Get What You Want ne durant que 48 minutes – ce qui constitue malgré tout l’album le plus long de Daughters – un tel étalage vinylique est purement inutile voire même mercantile, mais passons. 
Voyons l’aspect positif de la chose  : la musique de DAUGHTERS a vieilli en même temps que le groupe et au moins celui-ci ne prétend pas être ce qu’il n’est plus, bien qu’il y aurait une certaine logique dans son évolution. Le titre du quatrième album de Daughters ne sera donc pas mensonger : « vous n’aurez pas ce que vous voulez », ce qui signifie clairement que le groupe revendique d’avoir changé. Ce qui est beaucoup moins bien c’est qu’en même temps il semble ne pas trop savoir où il veut en venir. On retrouvera sur You Won’t Get What You Want quelques réminiscences du Daughters d’avant (mais uniquement celui du troisième album) mais également des brulots noise punk joués à toute allure et avec double pédale (The Inflammable Man et surtout The Lord’s Song) ou du Jesus Lizard en mode cybernétique (The Reason They Hate Me et Guest House)… le plus surprenant étant cette première plage plutôt réussie, City Song, qui sonne comme du Liars – je parle du Liars brièvement capable de bonnes choses, donc de celui de They Were Wrong, So We Drowned.
Le son général de You Won’t Get What You Want est des plus étranges. Tellement ampoulé et à la fois tellement confus, saturé de détails inutiles, complètement phagocyté par des nappes synthétiques et un traitement sonore de la guitare incroyablement kitsch (Satan In The Wait, Less Sex, The Reason They Hate Me). L
album se noie constamment dans des essais hasardeux et différentes tentatives d’expérimenter qui finissent presque toutes dans un mur, ce qui dès le départ donne à You Won’t Get What You Want un caractère terriblement daté et obsolète. On dirait déjà un vieux machin complètement stérile et dépassé… Heureusement quelques pépites viennent remonter le niveau, je pense surtout au très post punk Daughter et son chant scandé qui arrive à sortir du lot. Tout comme les sept minutes de Ocean Song (toujours avec la scansion du chant) qui est la seule composition de l’album à proposer un cheminement réel et une dramaturgie. 
Les détracteurs de Daughters ont toujours reproché au groupe une certaine vacuité et un côté artificiel et ce reproche est encore d’actualité avec You Won’t Get What You Want qui, nous parlant de noirceur et de vide, donne réellement – mais à son corps défendant – un sens concret et palpable à ce désert subjectif de pessimisme. Le constat est aussi dur qu’accablant, cet album est (une fois de plus ?) gonflé de propositions promesses non tenues.

* le plus bel exemple en la matière étant celui de  Big’N dont l’improbable comeback en 2011 sous l’impulsion de feu le label Africantape a non seulement remis ce groupe du Chicago sur la carte mais lui a également donné une place de choix qui n’était peut-être pas tout à fait la sienne au départ – aujourd’hui Big’N s’apprête à faire un deuxième comeback et va publier Knife Of Sin sur un tout nouveau label du nom de Computer Students, je ne serais vraiment pas étonné que la personne se cachant derrière ce nouveau label soit la même que celle qui avait monté Africantape il y a quelques années
** Providence étant un vivier de groupes complètement tarés, au hasard ou presque : Arab On Radar, Landed, Lightning Bolt, Six Finger Satellite, White Mice…

jeudi 7 juin 2018

The Body / I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer


Mouhaha hahaha haha ! J’ai écouté – plusieurs fois quand même – le nouvel album de The Body : mais que de chemin parcouru dites-moi ! Sans déconner... Attendu comme le messie, I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer est donc la dernière livraison de ce très prolifique duo de metal expérimental* basé à Portland, Oregon. Deux américains qui depuis leurs premiers enregistrements en 2004** ont régulièrement défrayé la chronique, et ce souvent à juste titre. Et ils devraient continuer à le faire avec ce I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer qui divisera ce pauvre monde survivaliste en trois catégories distinctes : celles et ceux qui s’en fouteront complètement (largement majoritaires et je crois qu’ils auront raison) ; celles et ceux qui adoreront et salueront l’intrépidité inventive d’un groupe définitivement pas comme les autres ; et, pour finir, celles et ceux qui détesteront tellement cet étron musical incomparable qu’ils n’auront d’autre solution que d’en rire un bon coup avant de passer rapidement à autre chose – c’est vrai quoi, on trouve tellement de chouettes groupes et de disques réussis de par le monde alors pourquoi s’emmerder et perdre son temps avec celui-ci ? 





Donc je disais : The Body n’est pas un  groupe comme les autres. Ou plus exactement c’est Thrill Jockey, le label régulier de The Body depuis quelques années déjà, qui affirme fièrement dans la bio officielle du groupe absolutely no one makes music like The Body. Rien que ça… Je ne vais pas oser contredire totalement ce prestigieux label de Chicago, capable de produire le meilleur comme le pire***, et plutôt nuancer une telle assertion, en deux temps. Parce queffectivement personne ne se hasarde à faire de la musique telle que celle de The Body et c’est tant mieux, si jose dire. Premièrement il est vrai qu’il ne nous est pas tous les jours donné de pouvoir écouter un disque de métallurgistes déviants aussi boursouflé que prétentieux. Deuxièmement I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer n’est pas vraiment un disque mais l’agglomération numérique de beaucoup trop de choses guère appétissantes voire totalement inintéressantes : un mélange metal digital + indus de pacotille + grandiloquence et théâtralité suffisantes + luisance informatique + radicalité en plastique –  et donc on peut en déduire que I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer n’est pas du tout de la musique vivante mais un artefact musical et conséquemment que The Body n’est désormais plus un vrai groupe mais une entité stérile et complètement détachée de l’humain (et si c’est fait exprès alors au moins ça c’est réussi).

Je ne remets absolument pas en cause le choix de The Body qui travaille désormais davantage sur des machines que sur ses instruments d’origine (guitare, batterie et voix). La bidouille et la bricole au contraire ça me connait. Mais il n’y a réellement ici ni bidouille ni bricole. Que de la musique hachée puis recomposée, extrudée et finalement clusterisée****. Donc aucun mystère, aucune poésie – ça, on s’en serait douté, cela n’a de toute façon jamais été le crédo de The Body –, aucune profondeur, aucune imagination et aucune âme. I Have Fought Against It, But I Can’t Any Longer est un disque totalement désincarné, creux et vain, patchwork stéréotypé et ridicule d’electro-indus et de noise tribal. On y retrouve pêle-mêle un peu de Nitzer Ebb, beaucoup de In Slaughter Natives période Sacrosancts Bleed, des sonorités electro que même les plus mauvais groupes d’Hymen records ou d’Ad Noiseam n’ont jamais osé utiliser, de la saturation tellement propre sur elle que l’on peut se voir dedans, du piano larmoyant, du chant féminin***** qui ferait presque regretter que Jarboe ne chante plus dans les Swans… quel mélange écœurant et indigeste******. Honnêtement les gars, cela me ferait réellement plaisir que vous vous décidiez à lâcher vos consoles de jeu cinq minutes pour reconsidérer un peu plus sereinement vos envies et votre avenir. Bisous.

* expérimetal ?
** mais si j’en crois ce très recommandable Collected Works, version rallongé d’un Anthology paru en 2011, les premiers témoignages de The Body dateraient plutôt de 2003
*** le meilleur  et le pire… devinez quoi ?
**** de cluster, l’unité de stockage de fichier informatique, aucun rapport donc avec le génial groupe allemand Cluster 
***** certes il y a depuis longtemps du chant féminin dans la musique de The Body mais cette fois-ci celui-ci peine franchement à se débarrasser de toute niaiserie, phénomène déjà beaucoup trop encombrant sur No One Deserves Happiness, précédent album du duo
****** on dirait même un film de Christopher Nolan, tiens