Le coup de
foudre avec les américains de ILS
a été immédiat et fulgurant. Enfin… pas tout à fait non plus. Curse est
un album de 2020 et pour des raisons follement stupides mais complètement liées
à l’état de délabrement de notre joli monde moderne et à son fonctionnement plus
que jamais aléatoire, il aura fallu
plus d’une année pour que le premier album de ILS* atterrisse sur les platines des
amateurs français (et européens) de musique bruyante. Je te passe tous les détails et autres péripéties
mais il sera toujours bon de se rappeler qu’en anglais/américain Curse
signifie « malédiction » et que 2020 a vraiment été une grosse année
de merde.
Fort heureusement il existe encore des personnes passionnées et patientes –
entêtées ? – sur cette Terre et c’est grâce au label franco-belge P.O.G.O. records épaulé par les
Toulousains de chez Vicious Circle
que Curse a pu avoir une seconde
chance avec une nouvelle édition du disque sous la forme d’un beau vinyle de
couleur argentée. Ce qui est beaucoup mieux que les vinyles splatters de la
première version U.S. – oui je n’ai toujours pas changé d’avis et je n’en
changerai pas à propos des splatters que je trouve totalement inesthétiques et
inadéquats, sauf évidemment pour un groupe de rock progressif ou de death
symphonique.
Curse est un
disque obsédant et magnétique. Et le chant y est vraiment pour beaucoup :
des éclats de voix persistants bien que savamment dosés, une rage non feinte et
un timbre assez particulier, nasillard, et que l’on n’est pas près d’oublier.
Enfin, là je me vante énormément parce que ce chanteur et cette voix j’ai mis
un bon petit paquet de temps avant de les reconnaitre ou plutôt avant de les
identifier… Si tu te rappelles de Black Elk et des deux albums formidables* de
ce groupe de Portland / Oregon tu te rappelleras aussi forcément de leur
chanteur Tom Glose. Et en toute
honnêteté c’est en cherchant à qui le chanteur de ILS me faisait penser
que j’ai commencé à fouiller les étagères à disques et que j’ai enfin eu la
bonne idée de réécouter Black Elk… pour découvrir que dans les deux cas il
s’agissait de la même personne (pour une fois classer mes disques par ordre
alphanumérique ne m’a pas été trop préjudiciable : je ne suis pas allé
plus loin que la lettre B). Sur le coup j’ai bien ri de mes lacunes et de ma
mémoire déficiente – j’arrive encore à me faire rire tout seul donc rien n’est encore
perdu – mais cela signifie surtout que Tom Glose est vraiment, vraiment, un
type inimitable. Et un grand chanteur.
Avec Curse ILS s’impose tout simplement comme un groupe essentiel
de noise-rock, celui qui ne flanche pas et qui défouraille en grandes
largeurs, possède l’épaisseur et la lourdeur du metal mais pas sa trivialité
envahissante. Ce noise-rock qui insuffle vertige et malaise, qui joue avec tes
nerfs, qui te poursuit sans relâche, se montre irrésistible et terriblement
accrocheur. Sans oublier la production massive, agressive mais toujours d’une
grande clarté et donc très efficace. Si on devait cocher toutes les cases pour
déterminer le niveau d’excellence et de supériorité de ILS, le groupe atteindrait
sans aucun doute la note maximale : les riffs diaboliques s’enchainent
sans faiblir, l’association basse/batterie est imparable et il convient donc aussi
de rendre hommage au restant du groupe – Nathan Abner à la guitare, Adam
Pike à la basse et Tim Steiner à la batterie, apparemment que des anciens de la
scène de Portland. Sauf que donner une note à un disque est aussi idiot que de
payer 25 €uros de port transatlantique pour un disque qui n’en vaut que 15. Alors
merci beaucoup P.O.G.O records et Vicious Circle pour cette belle édition
européenne de Curse. Parce que même si
on devrait plus parler de retrouvailles à retardement il y a quand même eu gros
coup de foudre.
* prononcez [ilz]
** le premier sans titre publié en 2006 et le second Always
A Six Never A Nine en 2008 – les deux chez Crucial Blast et a apriori
toujours disponible en CD auprès du label