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mercredi 1 septembre 2021

Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp : We're Ok But We're Lost Anyway








La dernière fois que j’ai pu voir ORCHESTRE TOUT PUISSANT MARCEL DUCHAMP en concert* il y avait tellement de musiciennes et de musiciens sur scène que je n’avais pas assez de doigts et d’orteils pour tou·te·s les compter. Et pour moi c’est ce qui résume le mieux cette joyeuse bande depuis quelques années et depuis qu’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp est passé en version XXL, élargissant son line-up bien au delà des six ou sept musiciens de départ : on peut essayer de regarder et d’écouter d’un côté et tout de suite il y a autre chose qui se passe à l’autre bout… ce qui n’empêche pas la musique du groupe de dégager une harmonie à la beauté solide, tout en gardant son côté foutraque, entrainant et poétique. Dit autrement, Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp c’est toujours plein de détails, de trouvailles, de petites et grandes joies mais avec beaucoup d’espaces entre tout ça, donc il n’y a jamais d’effet de surabondance ni d’effet big band mais un monde en perpétuelle création et – encore mieux – c’est à nous de remplir certains de ces espaces, puisque nous y sommes invité·e·s par le groupe, en dansant pendant ses concerts et / ou en déambulant à l’écoute de sa musique.
Pour en revenir au concert mentionné plus haut, il s’agissait d’une sortie de résidence effectuée à Grrrnd Zero à Lyon, au début de l’année 2020, l’un des derniers concerts auquel j’avais pu assister avant le couperet de la crise sanitaire. Je me rappelle que Liz Moscarola n’avait pas chanté ce jour là parce qu’elle était tombée subitement malade (un gros rhume !)… Par contre, lorsque je regarde le détail de la formation qui a enregistré We’re Ok But We’re Lost Anyway je ne compte qu’une douzaine de personnes dont quelques nouvelles têtes – un certain Gilles Poizat par exemple – mais aussi quelques absences, notamment celle de l’emblématique batteur Wilf Plum – chaleureusement salué ainsi que quelques autres dans les notes de l’insert : « Aby, George, Anne, Seth, Jo, Seni and Wilf : we love you we miss you ! ». Et c’est vraiment cela Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, malgré les allées-et-venues des musicien·ne·s qui le composent, un vrai collectif qui se mesure à hauteur humaine, celle des rencontres, celle des échanges et des partages.
Pourtant We’re Ok But We’re Lost Anyway laisse une drôle d’impression. Enfin… « drôle » n’est pas le terme le plus approprié puisque cette impression est celle d’un voile plus sombre qui recouvre toute la musique d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp. Il n’y a pas que la pochette du disque (dessinée par Brian Case, sérigraphiée et très belle lorsqu’on la découvre enfin en vrai) qui a délaissé les couleurs vivifiantes pour se parer de noir et de rigueur. Le début du disque est marqué par Be Patient, une balade douce-amère d’où exhale malgré tout un appel à la lutte, pour soi et pour les autres (Born with ideals and dreams / You were born with wings / You’re not meant for crawling / So don’t). We’re Ok But We’re Lost Anyway est donc aussi et plus que jamais un disque politique et de dénonciations comme sur Flux qui résume très bien l’absurdité d’une économie capitaliste mondialisée et basée entre autres choses sur la circulation à outrance des marchandises et des êtres humains qui les produisent avec comme unique logique celle du profit maximisé.
Le propos politique d’Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp porte d’autant plus que sa musique n’a jamais été aussi ciselée et aboutie, généreuse et transgenre : chacun des nombreux éléments qui la composent s’imbrique parfaitement dans tous les autres (comme les harmonies vocales qui sont un réel délice) et les arrangements sont à l’avenant. On en revient à la notion et même l'idée, également très politique, de collectif voire de communauté et qu’il n’y ait qu’un seul compositeur – mais plusieurs auteures pour les textes – dans le groupe n’y change rien ou pas grand chose pour nous qui en théorie sommes de l’autre côté et qui écoutons We’re Ok But We’re Lost AnywayOrchestre Tout Puissant Marcel Duchamp nous tend la main, une main ferme et décidée, et c’est comme si nous étions nous aussi avec le groupe, ne serait-ce que pour les trente-six minutes de magie réconfortante que dure le disque.

[We’re Ok But We’re Lost Anyway est publié en vinyle par Les Disques Bongo Joe]

* pour les lyonnaises et les lyonnais Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp sera en concert en compagnie de L’Eclair ce vendredi 3 septembre au Transbordeur dans le cadre d’une soirée Bongo Joe