Si on récapitule
toute leur discographie, les anglais de USA Nails en sont déjà à
leur cinquième album en sept années (c’est le deuxième avec le batteur Tom
Brewins, transfuge de Death Pedals) et moi j’en suis toujours à m’émerveiller
de la musique du groupe. Ces quatre types là jouent bien plus que du simple punk
noise / noise rock / post punk / et plus si affinités, ils jouent du USA Nails et uniquement ça. Avec sa pochette toute bariolée et
très réussie Character Stop me semble même être l’album le plus
personnel et le plus impliqué du groupe, le disque sur lequel il affirme avec
le plus de conviction et de force son identité propre. C’est aussi un enregistrement
sur lequel les quatre musiciens ralentissent toujours plus la cadence – ce qui
ne les empêche pas de nous gratifier malgré tout de quelques ruades punk bien
épicées et frénétiques – et se concentrent toujours plus sur leur son, notamment
celui des guitares, reconnaissable entre mille, et l’intelligence acétique de
leurs compositions. On se sent comme
naviguant au cœur d’un générateur d’énergie renouvelable mais sans se coltiner
les déchets dont on ne sait jamais quoi faire.
Revolution Worker et son mid tempo
touffu donne ainsi la tonalité principale d’un album placé sous le signe d’une
colère sourde et qui n’explose qu’à bon escient, froidement mais avec un
maximum de résultat – les paroles
ne laissent elles guère de doutes sur ce que veut exprimer le groupe. Un palier
supplémentaire est franchi avec le morceau-titre qui déborde de guitares
dissonantes tandis que la rythmique fait place nette : la basse est encore
plus énorme que d’habitude, sèche et tendue, elle claque aux côtés d’une
batterie très volumineuse. On a alors vraiment le sentiment que USA Nails n’a vraiment plus besoin de se précipiter et de jouer
contre la montre pour partager avec nous l’urgence impérieuse de sa musique. Et
finalement Character Stop est
bien un album plutôt lent, ou disons plutôt un album axé majoritairement sur
des mid-tempos ravageurs – citons également How Was Your Week-end ? et sa partie de
batterie étourdissante – et lorsque le groupe accélère le rythme on assiste
plus à un incroyablement étoffement de sa musique qu’à un passage en force et
en cinquième vitesse (See Yourself, I don’t Own
Anything). Une bonne dose de précision rigoureuse doublée d’une bonne dose
d’acuité.
Et puis il y a le chant, toujours très caractéristique chez USA Nails, en mode parlé mais pas
vraiment non plus, presque robotique, entre égrenages acides proches de la
récitation et cris rageux mais toujours avec cette froideur apparente qui caractérise
si bien le groupe et sa musique. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a aucune
trace de vie là dedans, bien au contraire. Les deux voix sont très
complémentaires et l’association des deux fonctionne mieux que jamais – soit en
alternance, soit à l’unisson – et c’est l’un des autres points fort de USA Nails, cette capacité à faire
passer autant de choses sans faire le mariole ni son intéressant.
La fin du disque
est occupée par deux compositions un peu à part. J’ai beaucoup ri la première
fois que j’ai entendu Temporary Home,
titre le plus groovy, le plus dansant et à la limite de l’injonction à remuer
son popotin comme un débile jamais composé par USA Nails et certainement aussi le titre du groupe le plus
influencé par les années 80. N’oublions pas qu’en 2017 USA Nails s’était attaqué à la reprise du Eisbear de
Grauzone ni que sur l’un de leurs t-shirts les anglais ont joyeusement détourné
le logo de Devo. Bien que fonctionnant différemment des autres compositions de
l’album, Temporary Home est une
chanson qui développe beaucoup plus d’idées et de profondeur musicale qu’elle ne
semble le faire au départ et pour moi elle constitue l’une des grandes réussites
de l’album*. Quant à Wallington qui
clôt magnifiquement Character Stop nous avons là le titre le plus ralenti
et le plus sombre de l’album, presque mélancolique. Une lente et longue – pour USA Nails s’entend, c’est-à-dire au
delà des quatre minutes – descente en forme de chemin subtilement escarpé, une
voix quasi murmurée accompagnée d’une guitare crissant dans la nuit, une
atmosphère proche du basculement avant la disparition. La preuve que USA
Nails sait également s’y prendre pour nous émouvoir.
[Character Stop
est publié en vinyle noir par Bigoût records pour l’Europe – le noir ça fait des pressages de bonne qualité avec
lesquels on a rarement de mauvaises surprises – et par Hex records pour l’Amérique du Nord
et qui lui a préféré multiplier les versions en couleurs]
* et ainsi
j’espère deux choses : la première c’est qu’USA Nails comme tous les
autres groupes que j’aime et que j’écoute puisse à nouveau refaire des
concerts ; la deuxième c’est qu’USA Nails joue Temporary Home en live, pour que je puisse secouer mes vieux os
comme un éternel gamin