J’ai pris de mauvaises habitudes avec le label Hands In The Dark. Sous prétexte que je ne trouve jamais rien de très cohérent ni de très intéressant à dire ou à écrire au sujet des parutions de ce label plus que recommandable. Pourtant non seulement Hands In The Dark publie énormément de disques – pour un petit label DIY spécialisé dans les musiques expérimentales – mais en plus ceux-ci me tapent régulièrement dans l’oreille (et au cœur). Alors à chaque fois je me contente de parler de ceux qui me plaisent le plus dans la rubrique « comme à la radio » de cette gazette internet : cela signifie que je balance deux ou trois phrases gnagnagna illustrées par un lecteur intégré diffusant les disques en question* – écoute donc par toi-même camarade et démerde-toi avec ça.
Sans doute m’est il plus facile de déblatérer au sujet d’un groupe qui joue toutes guitares dehors et se vautre compulsivement dans l’électricité ou de digresser à propos d’un groupe de free jazz en roue libre que d’arriver à exprimer facilement ou au moins à peu près clairement toutes les sensations (couleurs, formes, odeurs, mouvements, etc.) que provoquent souvent chez moi nombre de disques publiés par Hands in The Dark. Plus la beauté est saisissante et plus il est difficile de la saisir avec des mots. Mais je vais tenter de faire une exception avec le disque de Papivores.
Sans doute m’est il plus facile de déblatérer au sujet d’un groupe qui joue toutes guitares dehors et se vautre compulsivement dans l’électricité ou de digresser à propos d’un groupe de free jazz en roue libre que d’arriver à exprimer facilement ou au moins à peu près clairement toutes les sensations (couleurs, formes, odeurs, mouvements, etc.) que provoquent souvent chez moi nombre de disques publiés par Hands in The Dark. Plus la beauté est saisissante et plus il est difficile de la saisir avec des mots. Mais je vais tenter de faire une exception avec le disque de Papivores.
PAPIVORES est un duo composé de la violoniste Agathe Max et de Tom Relleen. La première poursuit de plus belle sa riche histoire musicale que ce soit en solo, Rêves Perdus a récemment été évoqué ici, qu’au travers de nombreuses collaborations, je pense bien sûr à Kuro en compagnie de Gareth Turner mais Agathe Max a également monté Mésange aux côtés du guitariste Luke Mawdsley, un autre duo dont vous me direz des nouvelles (il s’agit tout simplement de l’un des plus beaux projets actuels de la musicienne). Le second joue de la basse et de la bidouille variée au sein de The Oscillation et, bien sûr, de Tomaga. Je dois dire que l’idée d’une association entre ces deux là est déjà très excitante sur le papier mais que dans les faits Death And Spring est un album aussi magique et onirique que ce que l’on pouvait espérer.
Death And Spring doit son titre au roman La mort I La Primavera de l’auteure catalane Mercè Rodoreda. Je ne vais pas prétendre connaitre celle-ci – ce serait mentir effrontément – mais ce que j’ai appris depuis au sujet de son livre est intrigant puisque la romancière y aurait consacré les vingt dernières années de sa vie et qu’il s’agit de son ultime écrit. Sans doute inachevé, La mort I La Primavera est une sorte de récit poétique et métaphorique… Évidemment je ne l’ai pas lu** mais je crois comprendre ce qui a poussé les deux Papivores à tirer leur inspiration d’un tel livre : la musique composée pour Death And Spring est chargée d’images et de sensations, les idées et les sonorités se croisant sans cesse dans un fourmillement collaboratif ouvrant sur de multiples univers parallèles, l’écoute du disque nous offrant de voyager dans un espace-temps non fini, aux multiples reflets et multiples circonvolutions. Par exemple Heard By Stones semble formé de gouttes de pluie dispersées par un gamelan de percussions boisées et de pizzicati au violon. Forest Wisps (les « feux follets de la forêt ») évoque la course-poursuite amoureuse de créatures minuscules sous un tapis de feuilles mortes, slalomant entre petits cailloux pointus et coques desséchées de fruits abandonnés. The Prisoner’s Dream ressemble aux bourdonnements et résonnances que feraient les mécanismes d’une vieille machine dont l’usage a été oublié de tous. Murmurations Temporelles est comme la bande son / réminiscence d’une fête terminée depuis longtemps alors qu’il reste encore quelques invités qui ne peuvent pas partir, prisonniers de leur désirs inassouvis.
Pourpre Reflets Glace reste le moment le plus énigmatique et le plus beau de Death And Spring. Véritable cœur battant du disque, cette longue pièce de près de quatorze minutes est tel un secret à l’intérieur d’un autre secret : on s’y retrouve plongé et rapidement enseveli dans un lent tourbillon à contresens et peuplé (encore une fois) de spectres et d’esprits aux caresses de velours et aux pensées insistantes. Papivores y montre une certaine douceur mais absolument aucune légèreté : dans le monde hanté de Pourpre Reflets Glace (et plus généralement dans tous ceux évoqués dans Death And Spring) les âmes errantes peuvent cohabiter sans problème, peut-être ont-elles tenté de faire la paix mais il leur reste toujours quelque chose à régler avec elles-mêmes, faute de silence et de repos véritable.
Pourpre Reflets Glace reste le moment le plus énigmatique et le plus beau de Death And Spring. Véritable cœur battant du disque, cette longue pièce de près de quatorze minutes est tel un secret à l’intérieur d’un autre secret : on s’y retrouve plongé et rapidement enseveli dans un lent tourbillon à contresens et peuplé (encore une fois) de spectres et d’esprits aux caresses de velours et aux pensées insistantes. Papivores y montre une certaine douceur mais absolument aucune légèreté : dans le monde hanté de Pourpre Reflets Glace (et plus généralement dans tous ceux évoqués dans Death And Spring) les âmes errantes peuvent cohabiter sans problème, peut-être ont-elles tenté de faire la paix mais il leur reste toujours quelque chose à régler avec elles-mêmes, faute de silence et de repos véritable.
[Death And Spring est publié en vinyle par Hands In The Dark]
* par exemple le Comme A La Radio consacré à Jonathan Fitoussi et celui au sujet de Josiah Steinbrick
** mais désormais j’en ai très envie