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vendredi 19 juillet 2019

Krause / The Ecstasy of Infinite Sterility






Attention voilà du lourd. Celles et ceux qui ont découvert KRAUSE en 2017 avec la parution de 2 AM Thoughts s’en souviennent encore. Le genre de disque à réveiller les morts et à achever les vivants. Aucune pitié. Du gros noise-rock à papa comme dans les années 90. Option Unsane et surtout Hammerhead, pour vous situer un peu plus. Oui, bon, je sais que tout ceci est très facile et que les comparaisons avec les formations historiques du genre ont trop souvent bon dos : le noise-rock ça ne devrait plus exister depuis au moins la fin du siècle dernier, ce n’est que de la musique de vieux et parfois même de très vieux, son âge d’or n’a pas duré très longtemps (à peine une grosse poignée d’années) et après cela n’a été que redites et répétitions, etc. C’est pas faux. Mais qu’est ce que je m’en tape. Lorsque 2 AM Thoughts – j’adore ce titre – a été publié il y a deux ans, je n’en ai tout d’abord pas cru mes petites oreilles. Un vrai miracle. Et je me demandais : non mais qui sont ces mecs ? D’où viennent-ils ? Aucune réponse à fournir si ce n’est celle que donne le groupe lui-même : Krause vient de Grèce et est issu de la scène d’Athènes. Il s’en passe donc des choses extraordinaires par là bas… et le label britannique Riot Season ne s’y était pas trompé en publiant immédiatement le premier album d’un groupe alors totalement souterrain et totalement inconnu. Des fois il faut savoir prendre des risques, non ?

Deux années plus tard on remet ça. Krause sort un deuxième album encore plus lourd, encore plus épais et encore plus massif que 2 AM Thoughts. Au risque de provoquer un début d’indigestion et une occlusion intestinale chez lauditeur. Avec The Ecstasy of Infinite Sterility (encore un titre d’album qui vaut des points) le côté Hammerhead est toujours là, mais il prend moins de place qu’auparavant. Par contre les liens de consanguinité avec Unsane sont plus évidents que jamais. La production elle aussi a pris de l’ampleur, à tel point que les guitares sonnent parfois aussi grassement et aussi violemment que celles d’un Fudge Tunnel en fin de vie croisé avec un Cherubs noyé dans la baignoire. Avec The Ecstasy of Infinite Sterility Krause a donc décidément choisi la voie du durcissement maximum et de l’agression permanente. Même en étant un fan inconditionnel du genre il faut être en bonne santé pour s’enfiler à la suite les deux faces d’un disque qui ne prend aucune pause pas plus qu’il ne s’accorde la moindre coquetterie spectaculaire – on se souvient de l’épique Sleep Of Fools sur 2 AM Thoughts par exemple. Globalement les compositions ont ainsi été raccourcies et ont gagné en linéarité. On peut éventuellement regretter que Krause a perdu en sensationnel et en étrangeté ce que le groupe a gagné en efficacité incendiaire mais une telle critique est très vite effacée par la réussite d’un Romance, Adventure And A Date With Destiny (quel titre de morceau, décidemment !), très représentatif des morceaux de l’album où le côté mélodique refait surface au dessus de la masse de bruit en ébullition.

Mais la plupart du temps tous les vu-mètres sont dans le rouge, les potards constamment bloqués sur onze. Avec une basse omniprésente qui tire de plus en plus la couverture à elle et assure une très grosse partie du travail en matière d’épaississement et de grésillement (The Rough Beast Of Unpleasantness, Staw Dogs ou Resenter, évoquant définitivement Unsane). Real Men Live Off Waitresses est l’une des pièces maitresses de The Ecstasy of Infinite Sterility mais constitue également un cas à part : ce titre, beaucoup plus long que tous les autres – huit minutes – est aussi le plus lent et le plus rampant d’un disque pourtant plus axé mid-tempo que son prédécesseur. Surtout Real Men Live Off Waitresses reste la composition sur laquelle Krause arrive à faire définitivement germer tout le côté malsain et moite de son noise-rock ; tout comme Paingod est celle avec laquelle le groupe arrive parfaitement à conjuguer sa force de frappe spectaculaire avec l’accroche mélodique de riffs de guitares charcutiers. Et tant qu’à faire j’ai tout de même une légère préférence pour cette deuxième option, celle qui justement prédominait davantage sur 2 AM Thoughts. Il n’en demeure pas moins que The Ecstasy of Infinite Sterility est un incontournable du noise-rock actuel, ce bon vieux noise-rock toujours aussi intemporel et malgré tout insurpassable. Au moins tant qu’il y aura des groupes de la trempe de Krause.

[The Ecstasy of Infinite Sterility est publié en vinyle rose (très rougeoyant) ou noir par Riot Season et Fuzz Ink records]