Il y a des mots que je n’ai pas envie
d’écrire. Des choses que je ne voudrais pas savoir. Mais c’est un fait :
ce cinquième* album sans titre des Skull Defekts
sera le tout dernier du groupe. Il faut dire aussi que les norvégiens n’avaient
pas donné beaucoup de preuves réelles et tangibles d’activité depuis près de
quatre années et l’album Dances In Dreams
Of The Known Unknown, leur dernier disque enregistré avec Daniel Higgs au
chant… Depuis le chanteur-troubadour américain est parti, il ne donne pas non
plus beaucoup de signes de vie en ce moment, bien planqué dans son Maryland
natal ou je ne sais où, et cela m’étonnerait qu’un jour il ait cette idée que
beaucoup espère pourtant de réactiver les inestimables Lungfish**. Mais passons… C’est peu dire que la rencontre
Higgs / Skull Defekts était une belle rencontre. Quelque chose de tellement
évident et de tellement consubstantiel était né de la collaboration entre le
barbu prédicateur et les sauvages scandinaves ***. Mais, désormais, la seule
chose que Daniel Higgs semble avoir faite pour ce nouvel album sans titre,
c’est la belle illustration crânienne de la pochette. Tout le reste n’est plus
que de l’histoire ancienne. Sans oublier Jean-Louis Huhta (percussions et
électronique) qui avait déjà quitté les Skull Defekt lorsque le groupe a
commencé à réfléchir à cet ultime enregistrement, quelque part en 2016.
Des Skull Defekts il ne reste donc désormais
– et provisoirement – que Joachim Nordwall (ex Kid
Commando) à la guitare et à la voix, Daniel Fagge Fagerström à la
guitare et au chant ainsi que Henrik Rylander (ancien de Union Carbide
Productions ****) à la batterie. Auxquels il faut ajouter une nouvelle recrue :
Mariam Wallentin (chant). Un line-up resserré pour un disque concentré et
testamentaire. Un disque qui ne surprend pas beaucoup. Mais qui ne déçoit absolument
pas. On y retrouve ces guitares flamboyantes à l’électricité mordante et au
psychédélisme industriel – si, c’est possible ; ces rythmiques tribales et
oppressantes ; ces sonorités entre électronique piquante et bruitisme assourdissant.
Les quelques nouveautés – et encore – sont
à mettre au crédit de quelques apparitions fantomatiques d’un piano égrainant parfois
des notes parcellaires et mettant toujours plus en avant la mélancolie un peu
dure obscurcissant la musique du groupe ; et puis le chant de Mariam
Wallentin (apparaissant sur une partie des compositions seulement) qui cependant
ne révolutionne en rien la place des mots au sein de la musique des Skull
Defekts et s’intègre parfaitement dans l’ensemble (un tiers d’instrumentaux
compose le disque, ratio plutôt commun chez le groupe). On peut regretter les
longues litanies et psalmodies signées Daniel Higgs ainsi que son timbre de
voix et sa diction si particulière mais on peut également saluer l’efficacité imparable
d’un album qui concilie plus que jamais grandiloquence abrupte et âpreté
luxuriante.
Alors… si malgré toutes ses indéniables qualités
cet ultime album possède un petit goût d’amertume c’est uniquement dans la tête
du fan. Dans la mienne, en l’occurrence. Les Skull Defekts ont d’après Joachim Nordwall mis tout ce qu’ils avaient dans ce dernier
enregistrement. Comme pour marquer le coup. Pour partir sur la note la plus
positive possible. Pour que nous puissions garder dans notre cœur et notre
mémoire l’image d’un groupe très largement au dessus du lot. Aventureux. Sans
compromission. Sauvage. Tourmenté. Mélodique, aussi… Oui les Skull Defekts étaient
un grand groupe. Un groupe qui dorénavant n’existe plus. Et ça, je n’arrive pas
à m’y faire ni à l’accepter. Chienne de vie.
* je ne compte que les albums « de
groupe » donc j’exclus de cette énumération restrictive tous les disques
de bidouilles enregistrés avec un line-up incomplet des Skull Defekts de même
que les quelques EP ou splits parus tout au long de la carrière du groupe
** je rappelle que Lungfish n’a jamais été officiellement dissous et que Feral Hymns, le dernier album des américains, date de 2005
** je rappelle que Lungfish n’a jamais été officiellement dissous et que Feral Hymns, le dernier album des américains, date de 2005
*** et à ce titre il faut écouter et
réécouter l’indispensable album Peer Amid
des Skull Defekts (2011)
**** les quatre magnifiques albums de
Union Carbide Productions ont eux été réédité en 2014 avec tout le savoir-faire
nécessaire et qui plus est en vinyle… il serait largement temps de rendre aux
norvégiens la place qu’ils méritent, tout en haut