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mardi 27 mars 2018

FUTUR.s MORT.s / II





Ils sont deux mais c’est largement suffisant. Ils ont auparavant joué dans Seasick6 (groupe malheureusement trop vite disparu mais dont la musique a été fort judicieusement sauvée des eaux et documentée par un album posthume au nom totalement imprononçable) et dans Ultradémon (quoi que là j’ai toujours un très léger doute quant au décès prématuré ou non de ce trio). Sur le tout premier disque de FUTUR.s MORT.s la musique du groupe laissait du reste cette impression, positive, d’être la version à deux de celle d’Ultradémon : un batteur de parti, l’arrivée d’une boite-à-rythmes et de quelques petites machines. Tout comme le « surf sans soleil » de Seasick6 y laissait également quelques traces palpables. C’est toujours un peu le cas aujourd’hui. Et je m’en réjouis.

J’avais peur qu’à l’image des projets précédents d’Estelle et de Miguel FUTUR.s MORT.s disparaisse trop précocement, que le groupe ne s’évanouisse pour de bon dans les limbes, avec un nom pareil vous me direz que l’on pouvait s’attendre à tout et n’importe quoi. Un nom aussi explicite et connoté que moqueur, me semble-t-il : tant qu’à faire, lorsque on crée une musique sombre, taraudée, bosselée et pessimiste telle que celle de FUTUR.s MORT.s autant jouer à fond la carte de l’encadrement sous verre et de l’enluminure funéraire qui brille en faux pour mieux les détourner puis les noyer dans le formol du dérisoire. Et regardez-moi cette pochette. En la découvrant je n’ai pu que penser à cette pratique datant principalement de l’époque victorienne et vraiment très étrange des photos mortuaires et post mortem : deux corps à peine raidis posant devant le même papier peint que celui du salon de mon arrière arrière grand-mère. Mais je le vois bien le sourire en forme de rictus que se dessine presque en creux sur ces deux beaux visages. Ces yeux qui veulent toujours regarder au travers des paupières clauses. Ce grain de peau imparfait qui refuse malgré tout de se faner. Ces bouches qui retiennent des mots, ces bras raidis au bout desquels des mains invisibles manipulent instruments de musique et détermination. FUTUR.s MORT.s est un groupe bien vivant.

Et qu’en est-il de la musique du duo ? Post punk ? Dark wave ? Rock sombre ? Moulinette existentielle ? Gothique réfrigéré ? Vague à l’âme complaisant ? Post noise en bandoulière ? Revival eighties petit-bourgeois ? La musique de FUTUR.s MORT.s est avant tout électrique et émotionnelle. Épaisse, dense et étouffante, grinçante. Sans complaisance, justement. Remplie de colère. Belle à en chialer alors qu’elle ne nous permet pas de chialer, ce serait beaucoup trop évident et beaucoup trop facile.
La basse a gardé toute cette proéminence, cet en-avant. La guitare navigue entre stridence noisy et surf macabre (un petit côté Dead And Gone sauce Bauhaus ?). Le chant – au féminin et au masculin – s’incarne durablement dans une distance contagieuse (celle qui force à écouter) et parfois même litanique, mortuaire (précisément). Tandis que la musique préfère souvent le chemin radical des couches soniques superposées et assourdissantes qui donnent comme une impression de suffocation. Ce qui ne l’empêche pas de se cabrer parfois, violence des rythmes, ardeur des déchirures – sur Darkness Blood la présence d’un batteur invité est ainsi plus que bienvenue, lequel batteur intervient au total sur trois compositions sur sept, sans pour autant déséquilibrer la cohérence de l’album, bien au contraire.
FUTUR.s MORT.s réussit avec II là où beaucoup de groupes bien propres sur eux échouent systématiquement dans leur confort musical : faire vivre indépendamment une musique tout en puisant dans son historique – consenti ou contesté. Toujours la même didactique et toujours le même argumentaire subjectif de ma part… oui, peut-être ! Mais les chroniques de disques trop factuelles et taillées au scalpel par la police du bon goût, les élucubrations des personnalités autorisées et des connaisseurs dont les propres parents n’étaient même pas nés le 10 juin 1980 m’emmerdent plus que jamais. L’important, le plus important, c’est le ressenti, non ? L’affect. Et la colère froide de II fait parfaitement fonctionner le mien, elle parle à l’ensemble de mes organes un peu pourris et se greffe en moi comme une fonction vitale supplémentaire.

[il a beau être plutôt court et tourner en 45 tours, ce deuxième disque de FUTUR.s MORT.s est un véritable album, à part entière – il a été publié par Les Âmes d’Atala, Attila Tralala, Et Mon Cul C’est Du Tofu ? et Tomaturj]