On ne touche pas à John
Dwyer. Mais j’ai bien envie quand même. C’est plus fort que tout : je lis
et j’entends tellement de commentaires positifs ou de critiques hyper
élogieuses au sujet du dernier méfait des OSEES
que j’ai bien du mal à ne pas aller dans le sens contraire. On appelle ça
l’esprit de contradiction et ma psy (coucou Patoche) a beau me répéter
qu’il s’agit d’un comportement purement pathologique et que c’est un vilain défaut dont il
faudrait absolument que je me débarrasse, je ne peux pas m’en empêcher. Au risque de mourir étouffé dans les turpitudes de mon ego-trip.
Pourtant, à la réflexion, je vais modérer mon propos et atténuer le taux
d’acidité de mon fiel malfaisant. Il y a une raison à cela : A Foul Form*
n’est pas ce disque formidable ni ce chef-d’œuvre du hardcore et du punk revisités
mais ce n’est pas un mauvais disque non plus, juste un disque dont beaucoup se
foutraient éperdument s’il n’avait pas été enregistré par les Osees et
s’il n’était pas sorti de l’imagination stakhanoviste de Dwyer. Une petite
chose sans grand intérêt, si ce n’est celui de donner envie de réécouter ou
d’écouter tout court les sources d’inspiration à la base du dit album. Toutes
proportions gardées, A Foul Form c’est un peu comme si Dewaere
enregistrait un vrai album noise-rock. On n’y croit pas une seule seconde.
A Foul Form c’est donc dix titres (neuf originaux, une reprise) en
hommage aux racines musicales de Dwyer et des autres musiciens l’accompagnant
actuellement – comme déjà mentionné, hardcore et punk de la toute fin des
années 70 et du début des 80’s. L’annonce du projet avait de quoi susciter
l’intérêt : enfin un disque des Osees qui n’allait pas se perdre
dans les dédales d’un rock progueux et krauteux avec des compositions beaucoup
trop longues pour ce qu’elles ont à dire et des instrumentaux bouche-trous pour
arriver à atteindre la durée acceptable d’un album. C’est le problème des
artistes et des musiciens qui débitent leurs productions à la chaine. Il y a du
déchet, de la facilité, des redites. D’un autre côté, je devrais arrêter de
m’intéresser à des chroniques de disques écrites par d’autres parce que j’ai
quand même lu que A Foul Form était le disque le plus violent sorti par
Dwyer. Les personnes qui pensent cela n’ont sans doute jamais écouté les
disques de Burmese, Landed ou Dig That Body Up, It’s Alive. Alors on dira
plutôt : A Foul Form est le disque le plus violent et sale sorti par
Dwyer depuis un paquet de temps. Depuis ses années noise-instru-portnawak (Pink
and Brown, absolument génial), garage (Coachwhips) ou la période Chris Woodhouse
de Thee Osees (la meilleure à mon goût).
Si les intentions peuvent malgré tout sembler bonnes, le résultat fait quand même sourire
et lorsqu’on écoute A Foul Form, ce qui prédomine c’est le côté « bon
moment agréable entre potes ». Se faire plaisir est essentiel, j’en suis
convaincu. Mais aller au-delà de son horizon communautaire, c’est encore mieux.
Le hardcore et le punk version Dwyer n’ont évidemment aucune ambition ni désir
d’originalité, ce n’était pas le but de la manœuvre, mais ils n’ont rien d’excitant
non plus. Lorsque notre homme force sa voix on a même des fois envie de
rigoler. Un peu d’enrobage à la Osees – principalement du synthétiseur
parasitaire – tente de donner le change mais cela ne fonctionne toujours pas.
Et la double batterie sert plus que jamais à rien. Reste une paire de demi-tubes :
Too Late For Suicide et Perm Act sont les compositions non
« hardcore » du disque, les plus longues également (trois minutes) et
les seules qui arrivent à dépasser un peu le stade de la potacherie et du bas
de gamme.
Enfin, il y a le cas du dernier titre de l’album, Sacrifice, qui est une
reprise de Rudimentary Peni. Une amie du genre enflammée et radicale (mais
adorable à sa façon) m’a dit que personne – non, personne – n’avait le droit de
faire ça et que cette reprise n’avait pas lieu d’être. Pour paraphraser le
début de cette chronique : on ne touche pas à Rudimentary Peni ! Au
départ, je trouvais sa position exagérée, bien que pas forcément injuste ni inexacte.
Mais pourquoi pas une telle reprise, si la nouvelle version est bonne ? Le
fait est que non et que cette amie a plus que raison. Dwyer et les Osees
se tirent doublement une balle dans le pied car non seulement leur
interprétation de Sacrifice est lamentable et affligeante mais surtout
elle permet de mesurer définitivement qu’en aucun cas A Foul Form ne saurait
être digne des musiques auxquelles l’album est pourtant supposé rendre hommage.
Echec sur toute la ligne.
* évidemment un disque
publié chez Castle Face,
avec plein de variantes de vinyles et même en cédé
** si jamais tu veux écouter la version originale par Rudimentary Peni…