Troisième album
de BUÑUEL, formation regroupant Eugene Robinson d’Oxbow et des
musiciens italiens : Xabier Iriondo à la guitare, Andrea Lombardini à la
basse et Franz Valente à la batterie. Le groupe annonce aussi que Killers Like Us vient clore un cycle et
qu’il s’agirait de son dernier disque…
Honnêtement, je ne sais pas comment ni
par où commencer cette chronique. Il n’y a pas si longtemps de ça – à peine
quelques années – la pochette et le titre de Killers Like Us m’auraient tout de suite attiré avec leur appel à
la violence masculine et conquérante. Difficile de ne pas voir dans ce flingue
(un Colt qui appartiendrait à Eugene Robinson lui-même) comme un énième symbole
phallique. Maintenant cela me laisse au mieux indifférent et au pire cela
m’irrite. Il est peut-être très loin le temps où Robinson se retrouvait
pratiquement à poil pendant les concerts d’Oxbow, plongeait la main dans son
caleçon, en sortait son sexe, l’exhibait devant le public, le tordait dans tous
les sens en poussant des hurlements expiatoires, théâtralisant outrancièrement
les démons qui le tourmentaient mais, aujourd’hui, quand je regarde la pochette
de Killers Like Us, je ne vois pas
autre chose qu’une bite de rocker, une de plus.
Je n’aime plus autant Oxbow. Et je n’écoute plus que très rarement ces quelques
disques qui, de 1991 à 2002, de King OF
Jews à An Evil Heat, m’ont si
longtemps accompagné. Je ne me réjouis même pas de l’annonce d’un nouvel album
du groupe pour 2022, un disque dont j’espère uniquement qu’il sera –
musicalement – un peu plus passionnant et moins lymphatique que son
prédécesseur de 2017, Thin Black Duke.
Mais Buñuel est là, comme pour me
rappeler qu’avant j’aimais la musique et les différents projets d’Eugene
Robinson, que j’appréciais – et apprécie sans doute toujours un peu – cette
violence qui pourtant me dérange car trop toxique. Tu l’auras compris : je
suis partagé entre écouter un groupe / side-project à la démesure des
hurlements et des gémissements de Robinson (ce qu’Oxbow n’est plus) et les
questionnements que cela entraine forcément chez moi. L’ambivalence fait aussi
partie du truc. Bien que, tant qu’à faire et malgré tous les dangers que cela semble
impliquer, la fragilité de l’autodestruction me séduira toujours davantage.
Mais Eugène Robinson n’a rien d’un romantique suicidaire, c’est un combattant,
un chef de gang dont les musiciens de Buñuel
sont le bras armé.
Autre réticence : les deux précédents albums du groupe ne m’avaient pas
laissé de souvenirs impérissables. Des disques acceptables mais tellement
caricaturaux. Pour Killers Like Us Buñuel est passé à la vitesse
supérieure bien que certains éléments peuvent encore irriter – le son de
guitare de Xabier Iriondo manque de gras et ressemble parfois trop au gémissement
mécanique émis par un four à micro-ondes découpé à la tronçonneuse, ça fait du
bruit mais proprement, avec de grandes gerbes d’éclats digitaux. Le point fort
de Buñuel reste sa section rythmique
bien que la batterie pêche parfois par excès de zèle, aussi on préfèrera
nettement les quelques compositions lentes qui parsèment le disque, nettement
meilleures (When We
Talk). On oubliera aussi quelques longueurs et facilités (For The Cops) et on oubliera surtout Crack Shot sur lequel jaillit le chant
de Kasia Meow – j’ai lu quelque part qu’elle est la compagne actuelle de
Robinson mais je n’ai pas pu vérifier cette information –, un chant clair et
lumineux au service d’une mélodie d’une niaiserie absolue, faisant soudainement
ressembler la musique de Buñuel à du
vulgaire neo-metal, typé 2000. Une véritable horreur.
Pourtant Killers Like Us est plutôt un
bon disque. Ce n’est pas le chef d’œuvre que l’on m’avait tellement vanté mais,
dans le sillage de l’époustouflant Hornets
qui ouvre l’album, il comporte suffisamment de moments forts, tendus voire
magnifiques pour faire oublier tout le reste, tous ces petits trucs qui font
tiquer. The Devil is in the details
nous dit Eugene Robinson dans l’éprouvant Even
The Jungle… Effectivement, le Diable a peut-être quelque chose à voir dans
le charme incomplet d’un album vigoureux mais bancal, charpenté mais stéroïdé,
virulent mais pas tout à fait assez sale pour être définitivement convaincant.
[Killers Like Us est publié en CD et
en vinyle par La Tempesta International et
Profound Lore]
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