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vendredi 29 avril 2022

Buñuel : Killers Like Us







Troisième album de BUÑUEL, formation regroupant Eugene Robinson d’Oxbow et des musiciens italiens : Xabier Iriondo à la guitare, Andrea Lombardini à la basse et Franz Valente à la batterie. Le groupe annonce aussi que Killers Like Us vient clore un cycle et qu’il s’agirait de son dernier disque…
Honnêtement, je ne sais pas comment ni par où commencer cette chronique. Il n’y a pas si longtemps de ça – à peine quelques années – la pochette et le titre de Killers Like Us m’auraient tout de suite attiré avec leur appel à la violence masculine et conquérante. Difficile de ne pas voir dans ce flingue (un Colt qui appartiendrait à Eugene Robinson lui-même) comme un énième symbole phallique. Maintenant cela me laisse au mieux indifférent et au pire cela m’irrite. Il est peut-être très loin le temps où Robinson se retrouvait pratiquement à poil pendant les concerts d’Oxbow, plongeait la main dans son caleçon, en sortait son sexe, l’exhibait devant le public, le tordait dans tous les sens en poussant des hurlements expiatoires, théâtralisant outrancièrement les démons qui le tourmentaient mais, aujourd’hui, quand je regarde la pochette de Killers Like Us, je ne vois pas autre chose qu’une bite de rocker, une de plus.
Je n’aime plus autant Oxbow. Et je n’écoute plus que très rarement ces quelques disques qui, de 1991 à 2002, de King OF Jews à An Evil Heat, m’ont si longtemps accompagné. Je ne me réjouis même pas de l’annonce d’un nouvel album du groupe pour 2022, un disque dont j’espère uniquement qu’il sera – musicalement – un peu plus passionnant et moins lymphatique que son prédécesseur de 2017, Thin Black Duke. Mais Buñuel est là, comme pour me rappeler qu’avant j’aimais la musique et les différents projets d’Eugene Robinson, que j’appréciais – et apprécie sans doute toujours un peu – cette violence qui pourtant me dérange car trop toxique. Tu l’auras compris : je suis partagé entre écouter un groupe / side-project à la démesure des hurlements et des gémissements de Robinson (ce qu’Oxbow n’est plus) et les questionnements que cela entraine forcément chez moi. L’ambivalence fait aussi partie du truc. Bien que, tant qu’à faire et malgré tous les dangers que cela semble impliquer, la fragilité de l’autodestruction me séduira toujours davantage. Mais Eugène Robinson n’a rien d’un romantique suicidaire, c’est un combattant, un chef de gang dont les musiciens de Buñuel sont le bras armé.
Autre réticence : les deux précédents albums du groupe ne m’avaient pas laissé de souvenirs impérissables. Des disques acceptables mais tellement caricaturaux. Pour Killers Like Us Buñuel est passé à la vitesse supérieure bien que certains éléments peuvent encore irriter – le son de guitare de Xabier Iriondo manque de gras et ressemble parfois trop au gémissement mécanique émis par un four à micro-ondes découpé à la tronçonneuse, ça fait du bruit mais proprement, avec de grandes gerbes d’éclats digitaux. Le point fort de Buñuel reste sa section rythmique bien que la batterie pêche parfois par excès de zèle, aussi on préfèrera nettement les quelques compositions lentes qui parsèment le disque, nettement meilleures (When We Talk). On oubliera aussi quelques longueurs et facilités (For The Cops) et on oubliera surtout Crack Shot sur lequel jaillit le chant de Kasia Meow – j’ai lu quelque part qu’elle est la compagne actuelle de Robinson mais je n’ai pas pu vérifier cette information –, un chant clair et lumineux au service d’une mélodie d’une niaiserie absolue, faisant soudainement ressembler la musique de Buñuel à du vulgaire neo-metal, typé 2000. Une véritable horreur.
Pourtant Killers Like Us est plutôt un bon disque. Ce n’est pas le chef d’œuvre que l’on m’avait tellement vanté mais, dans le sillage de l’époustouflant Hornets qui ouvre l’album, il comporte suffisamment de moments forts, tendus voire magnifiques pour faire oublier tout le reste, tous ces petits trucs qui font tiquer. The Devil is in the details nous dit Eugene Robinson dans l’éprouvant Even The Jungle… Effectivement, le Diable a peut-être quelque chose à voir dans le charme incomplet d’un album vigoureux mais bancal, charpenté mais stéroïdé, virulent mais pas tout à fait assez sale pour être définitivement convaincant.

[Killers Like Us est publié en CD et en vinyle par La Tempesta International et Profound Lore]