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lundi 11 février 2019

Wand / Perfume


Avant d’être un groupe à part entière WAND est d’abord la créature de Cory Thomas Hanson qui officiait entre autres dans un projet solo* du nom de W-H-I-T-E c’est-à-dire White Horses In Technicolor Everywhere. La précision me semble d’importance parce que si depuis sa création Wand s’est affirmé en tant que vrai groupe avec un line-up stable (il n’y a que le guitariste Daniels Martens, auparavant dans les excellents Zulus, qui a quitté la formation en 2015) et un mode de fonctionnement de plus en plus ouvert, Wand a beaucoup évolué et est resté aussi insaisissable que son leader.
Avec Ganglion Grief, un premier album jouant sur les terres de Ty Segall et publié en 2014 justement sur God ? (le label de ce même Ty Segall), Wand passait pour un énième ersatz d’une mode musicale gentillette et inoffensive ; en 2015 le groupe a sorti l’épais, musclé et acclamé Golem sur In The Red records, un disque qui a cette fois ci permis aux documentalistes de classer Wand dans la catégorie psyche-stoner-branchouille-arty ; puis la même année Drag City a publié un second album du groupe, l’incontournable 1000 Days… ce disque incluant beaucoup plus de synthétiseurs et d’effets électroniques, Wand semblait désormais rattrapé par les expérimentations passées de son leader ; Plum est arrivé en 2017 (toujours sur Drag City ) et pour beaucoup il s’agit d’une réelle déception et d’un point de rupture, la faute à un songwriting plus sophistiqué et toujours plus distingué, pendant californien et tendrement moite de la pop racée et mélancolique des Kinks. Wand semblait perdu pour la cause, au moins celle défendue par les amateurs de grosses guitares et de drogues molles. 






Évidemment tout ceci n’est qu’un vaste quiproquo et peut-être même une tragique méprise. Tout d’abord je tiens à préciser que Plum a toutes mes faveurs : bien sûr il ne s’agit pas de mon album préféré de Wand mais je le trouve bien meilleur que Ganglion Grief ne serait-ce que parce qu’il est beaucoup plus inspiré et plus personnel. Ensuite il convient de causer un peu de Perfume, un mini album (six titres, 30 minutes) publié par Wand en mai 2018. Il s’agit d’un disque dont on a à peu près dit tout et n’importe quoi, à commencer par qu’il constituerait un retour au tellurisme de Golem – grosses guitares, envolées lyriques et tout le baratin.
Effectivement les guitares sont davantage de sortie sur Perfume mais une fois de plus Cory Hanson et ses petits camarades ont brouillé les pistes. Il serait trop facile d’établir le constat d’une nouvelle musculature et d’un exosquelette flambant neuf sur la seule foi du titre d’ouverture : Perfume s’étale sur plus de sept minutes et si elle fait la part belle aux guitares, cette composition en rajoute également une couche dans l’étrangeté virevoltante. On y reconnait Wand dans ce que le groupe peut avoir de plus rassurant et évident (le côté tailleur de pierres) mais aussi de plus glissant, tentant l’épuisement avec un long final répétitif qui débouche sur… Sur la composition d’après : Town Meeting est encore plus énergique mais également plus étrange que jamais avec son double chant croisé et ses guitares dissonantes. Seul le refrain un brin lyrique remet Wand sur les rails d’un rock fiévreux mais davantage académique. Town Meeting prend  alors les allures de l’une des meilleures compositions enregistrée par le groupe depuis longtemps et la certitude de tenir avec Perfume un bon disque s’impose peu à peu.
La suite est moins époustouflante et démontre qu’avec Wand rien n’est acquis d’avance. En fin de face A The Gift est encore un peu tordu sur les bords et avec Pure Romance (aussi délicieusement acidulé que tendrement charpenté) et I Will Keep You Up (magnifique balade en clôture du disque et rehaussée par le chant de la claviériste Sofia Arrguin) constituent le tiercé gagnant d’une une pop électrique aussi rafraichissante que captivante, un peu comme ces bonbons multicolores qui sous une épaisse couche de perlimpinpin réconfortant cachent une acidité enchantée qui fait tourner la tête en débouchant les synapses. Il n’y a aucun doute que Cory Hanson a su trouver dans les autres membres de son groupe des musiciens-partenaires idéaux et que la musique de Wand oscille autant d’un enregistrement à l’autre parce que l’équilibre entre ces cinq là tient du mouvement circulaire et de l’échange constant. Comme un état de grâce. Et à propos d’enregistrement le groupe a déjà annoncé un nouvel album pour avril 2019 : il s’appellera Laughing Matter, sera double et on peut désormais en écouter le premier titre Scarecrow, un extrait qui comme d’habitude ne donne que peu d’indications sur la teneur exacte de ce futur disque. L’aventure continue.

[Perfume est publié en vinyle par Drag City]

* en 2016 Cory Thomas Hanson a publié The Unborn Capitalist from Limbo, son premier album solo sous son nom à lui tout seul, etc.