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mardi 12 juin 2018

Heads. / Collider



Je ne peux que louer le hasard. C’est en fouillant nonchalamment du côté des activités annexes et parallèles des membres d’Autisti que je suis tombé sur Heads. – le point derrière le nom a toute son importance –, un groupe germano-australien basé à Berlin. On retrouve Louis Jucker comme invité principal sur le premier (mini) album du groupe publié en 2015. Et sur le deuxième, qui vient juste de paraitre et qui est l’objet de la présente chronique, apparaissent Émilie Zoé et Luc Hess. La première est la partenaire de Louis Jucker au sein d’Autisti. Le second est le batteur de Coilguns, un autre groupe de Jucker. Ces deux derniers ont dans le passé joué dans The Ocean, groupe dans lequel participait également Chris Breuer qui est actuellement le bassiste de Heads. Ça y est ? Tu as mal à la tête ? Tu veux vraiment que je recommence ? C’est comme tu veux. Collider est le deuxième enregistrement de Heads. et il ne manque donc pas d’invités. En plus de ceux déjà cités on retrouve à la guitare additionnelle Fabian Bremer de Radare, le saxophone d’un certain Paul Roth (inconnu au bataillon en ce qui me concerne) et le guitariste/chanteur et vétéran américain Kevin Whitley qui a connu son heure de gloire en jouant avec Cherubs (ce qui ne nous rajeunit vraiment pas).  
Et maintenant que j’ai bien étalé toute ma petite science généalogique, je peux également te dire que l’on n’en a strictement rien à foutre de tout ça. La seule chose à retenir c’est que HEADS. est un trio composé de Ed Fraser (guitare et chant), Chris Breuer (basse) et Peter Voigtmann (batterie). Si un jour j’ai la chance de voir et entendre le groupe en live, ce seront ces trois musiciens et uniquement eux qui seront sur scène. Et à l’écoute de Collider je n’ai effectivement qu’une envie : assister à un concert de Heads. 




Collider possède le charme impérieux et irréfragable des disques de chevet. Ceux que l’on écoute quasiment religieusement, dans l’obscurité, pas tout le temps mais quand même très régulièrement, avec une attention et une passion soutenue. Ces disques dont on est heureux que les personnes qui nous sont proches et intimes les aiment également. Heads. n’est pas un groupe de noise-rock comme les autres. Voire même pas un groupe de noise-rock du tout, du tout. Évitant toute frontalité sanglante et toute agressivité superflue, le trio prend son temps mais ne le perd pas non plus. Disons qu’il campe solidement sur ses positions, préférant la lenteur et la lourdeur. Les quelques éclats de violence farouche et implacable ne sont là que pour rappeler que le reste du temps la musique de Heads. est un poison violent qui ne se révèle que lorsque il est déjà beaucoup trop tard.
L’homogénéité de Collider n’est donc qu’un leurre et un piège. Le côté poisseux est de loin le plus important, d’autant plus qu’il n’est jamais au détriment de la mélodie, autre point fort et richesse des compositions du trio. Mais, en parlant de poisse, il ne s’agit pas de celle des marécages gluants et putrides d’un metal sudiste à la fois teinté de sludge et de goth. J’y vois au contraire le désespoir mélancolique et sablonneux de certaines formations des années 90, Heads. tentant le grand écart impossible entre un Slint melvinsien et un Alice In Chains sous Codeine. Et pas de traces de shoegaze non plus : à l’inverse d’un True Widow qui élève sa carcasse de plomb dans les airs à grands coups d’éther et de mercure, Heads. est un groupe profondément terrien, boisé et minéral. Et alors que la musique du trio ne déclenche presque jamais de (gros) séismes qui dévastent, arrachent et broient tout sur leur passage, Collider est ce qui pourrait s’apparenter le plus au grondement sourd d’une montagne. Une force irrépressible et imposante, proche de l’envoutement. Une force d’attraction dont l’un des principaux outils est le chant de Ed Fraser. Un type qui pourrait être Mark Lanegan à la place de Mark Lanegan, tant sa voix grave, profonde, un peu rauque sur les bords et sachant doser puissance et velours ressemble à un sortilège. Un sortilège intradiégétique et incontestable. Aussi incontestable que cet album faisant rimer superbe, noblesse et beauté.

[Collider est publié en vinyle par This Charming Man records]