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lundi 21 février 2022

Conger! Conger! : IV

 




Une histoire courte mais un moment de vie important. Pendant quelques années les Marseillais de CONGER! CONGER! sont passés de trois à quatre membres avec l’adjonction d’un batteur (Thierry) en remplacement de Patrice, également chanteur, qui pour des raisons de santé ne pouvait plus jouer de batterie. Quelle stupéfaction – sans parler d’une inquiétude certaine, toute personnelle – en apprenant cette nouvelle. Pour moi, une partie de l’identité du groupe résidait, au milieu de tant d’autres choses, dans la présence de ce chanteur/batteur trépignant et qui, précisément, devait en permanence faire le lien entre ses deux rôles, luttait contre des vents contraires, partagé entre ses envies de galipettes de frontman et ses fantaisies de batteur équilibriste – un indice pour celles et ceux qui ne le savent pas encore : Patrice est également danseur/acteur/performeur.
Puis j’ai eu quelques échos des concerts à quatre du groupe. Le démon était en liberté, le chanteur n’arrêtait pas de cabrioler et sur scène la musique devenait de plus en plus frontale, cédant de son originalité à la fois poétique et sensitive mais y gagnant en puissance de feu. Sans doute était-il alors hors de question de renoncer et hors de question que l’histoire s’achève – dit autrement : pour Conger! Conger! les concerts n’étaient-ils pas devenus une forme de revanche, une manière d’affirmer que la musique restait le plus important ? Je n’ai sûrement qu’une vision incomplète des choses mais c’est ce que j’ai cru comprendre, de loin. De loin parce que je n’ai jamais pu – ou plutôt il n’y a eu que des occasions ratées – voir Conger! Conger! jouer dans cette formation inédite... Depuis, Patrice a pu retourner derrière sa batterie et le groupe est redevenu un trio – Pierrot (guitare et chant), Didier (basse et chant) et donc Patrice (batterie et chant principal) souhaitant se recentrer sur la nature initiale de leur projet.
De cette période transitoire il reste un album complet, le quatrième des Marseillais, enregistré pendant l’été 2020 par l’indéfectible Nicolas Dick (Kill The Thrill) venu en ami et qui joue aussi un peu de lapsteel sur le disque. IV fait plus que documenter une étape particulière dans l’existence déjà très longue et très riche de Conger! Conger! : les trois musiciens historiques du groupe ne veulent rien renier ou oublier. Et ils ont entièrement raison car à l’écoute du disque on reconnait sans difficulté leur patte si particulière. Mais on découvre également des nouvelles choses ou, plutôt, certains aspects de leur musique ont pris de l’ascendant tandis que d’autres ont eu tendance à s’effacer. Plus d’épaisseur, plus de rentre-dedans et même, quelquefois, un côté braillard (le très killing-jokien Backgate). Mais la musique reste toujours élégante et racée – que l’on n’aille pas s’imaginer non plus que Conger! Conger! était devenu un monstre post-metal-prouto-noise-néo-wave ou je ne sais quoi de trop volumineux ou indigeste.
On peut aussi penser (et c’est mon cas) que le supplément d’énergie ultra tubesque diffusée dans IV attenue un peu trop la portée sensible de la musique du groupe. Que IV est un album vigoureux et chargé en émotions mais que ces émotions sont plus fermement exprimées et soulignées que réellement fortes, en tous les cas qu’elles peuvent pâtir de ce trop-plein d’expressivité presque agressive. Que l’album est extrêmement direct, sans équivoques ni ambiguïtés. Sans fragilités apparentes. Qu’il s’agit d’un enregistrement qui laisse moins de place aux amplitudes de sensations, aux failles et aux rebonds ainsi qu’aux fluctuations qui ont toujours été l’une des principales marques de fabrique de Conger! Conger! – bien qu’il y ait des exceptions telles que le magnifique Upside World, incontestablement la pièce maitresse du disque, ainsi que le crépusculaire I Am A Clown.
IV est très loin d’être un mauvais disque et je l’apprécie mais, sans nier sa nature personnelle, c’est l’œuvre la moins attachante de Conger! Conger!. Comme déjà écrit, la nécessité humaine et affective de publier un tel enregistrement ne peut faire l’objet d’aucune discussion – pour passer à autre chose et aller de l’avant ou tout du moins ailleurs, il faut savoir tirer un bilan de ses expériences passées – aussi je ne voudrais surtout pas minimiser la sincérité de la démarche des trois musiciens (la sincérité : la plus grande de leurs qualités, depuis le début…). Conger! Conger! est tout simplement bien vivant et fier de l’être… la preuve, le groupe est en train de travailler et a déjà bien avancé sur son cinquième album. Vivement.

[IV n’existe pour l’instant que sous la forme d’un CD autoproduit et disponible directement auprès du groupe ainsi qu’en cassette via le label Ganache records – si jamais un ou plusieurs labels sont intéressés pour sortir une édition vinyle, Conger! Conger! ne dira évidemment pas non… à bon entendeur]