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vendredi 21 septembre 2018

Birds In Row / We Already Lost The World







C’est l’heure de passer à confesse : j’ai toujours bien aimé BIRDS IN ROW. J’écoute encore de temps à autre le premier album de ce trio originaire de Laval (You, Me And The Violence en 2012) et surtout le mini LP qui a suivi (Personnal War, 2015). Je connais parfaitement les reproches que l’on fait souvent au groupe, ce que les vilains et malintentionnés détracteurs (bouh !) de Birds In Row balancent en toute cruauté sur ces jeunes gens : ils ont des coupes de cheveux d’emokids à mèche et ils portent des bermudas en concert ; tels de vulgaires hard-rockers ils mettent les pieds sur les retours lorsqu’ils sont sur scène ou bien ils font des sauts de cabris précisément au moment des breaks et des changements de rythmes comme s’ils jouaient du punk à roulettes ; et, surtout, leur hardcore est lacrimalement trop chargé – en langage de sectateur on dit que Birds In Row ça pleurniche et que ça chouine aux entournures.
C’est pas faux. Il y a un côté petit cœur en bandoulière dans la musique du groupe mais que voulez-vous, les gens sont méchants et j’en connais même des prêts à toutes les saloperies du monde dans le seul but de dénigrer un groupe qui su a attirer l’attention et qui a fini signé sur Deathwish Inc qui est, je le rappelle, le Disneyland des tough guys et le label monté par Jacob Bannon, chanteur de Converge. Mais ce n’est pas parce que Converge est depuis longtemps devenu une pitoyable caricature de lui-même incapable d’autre chose que de faire du karaoké hardcore pour kids et kidettes sapé.e.s à prix d’or en fashion rebelles que tout ce qui tourne autour des américains est mauvais et inintéressant.

Ce qui m’ennuierait vraiment c’est que Birds In Row prenne le même chemin, celui du paraitre et du marketing engagé sous couvert d’implication et d’éthique « punks ». Que les intentions du groupe deviennent tellement visibles qu’elles prennent complètement le pas sur sa musique. Et je crois bien que c’est ce qui est arrivé avec We Already Lost The World, deuxième album du trio publié au mois de juin dernier. Les premières écoutes du disque ont été catastrophiques malgré une production sur mesure servant parfaitement un groupe efficace et aux compositions bien huilées. Ou peut-être à cause de ça. We Already Lost The World est d’abord un album lisse, trop lisse. Où tout est savamment dosé, millimétré et équilibré. La bonne quantité de bourrinades hardcore, la bonne quantité de refrains que tout le monde peut reprendre en chœur (oui, c’est un fait : je déteste vraiment la convivialité), la bonne quantité d’émo et de larmes.
We Already Lost The World, alors qu’il ne dure que trente-quatre minutes pour neuf titres, s’éternise et devient fastidieux : en fin de disque Morning et Fossils sont clairement les deux compositions de trop, faisant le lien entre éclats de violence musicale et paupiettes ventriculaires, résumant ce qu’est Birds In Row en 2018 : un groupe de trois garçons qui ont l’air de faire de la musique comme ils feraient de la stratégie politique (mais pas de la musique comme acte politique – la différence est de taille). Pour rester poli disons que j’ai vraiment beaucoup trop de mal à y croire.

Musicalement, et à la différence d’un Personnal War, il faut insister et insister encore, donner de multiples chances supplémentaires au disque pour enfin y adhérer un peu plus et pour que We Already Lost The World révèle un peu plus d’intérêt. Birds In Row y est clairement en roue libre mais peut malgré tout se montrer plus intéressant lorsqu’il aborde les choses sous un angle un peu différent (We vs. Us ou le début très grungy de 15-38). Et petit à petit Birds In Row fait son nid (ha ha) malgré les faux pas (Remember Us Better Than We Are) et les multiples facilités démagogiques (I Don’t Dance, extrêmement propice au secouage vertébral).
Ce qui est réussi ou tout du moins adéquat dans We Already Lost The World c’est l’enrobage mélancolique et poétique de sa présentation – le titre du disque, tiré de la chanson 15-38, la chouette pochette arty avec des mains, la photo à l'intérieur, les dessins illustrant chacun des textes – et cest bien vu parce que d’un autre côté c’est précisément lorsque la musique du groupe devient pleurnicharde pour de vrai et qu’elle lorgne vers un rock indé émophile qu’elle devient la plus convaincante.
Je ne suis donc pas forcément d’accord avec les brutos dénués de toute sensibilité qui reprochent à Birds In Row d’avoir un joli petit cœur et au contraire je pense que le groupe devrait abandonner toute la panoplie hardcore plastique pour faire sa révolution culturelle. Mais je ne suis pas non plus d’accord avec celle et ceux qui portent au pinacle un groupe aussi chichiteux. Quel ambivalent je fais me direz vous… il est vrai que je le suis au moins autant que Birds In Row, un groupe qui n’a pour l’instant pas assez de talent pour se permettre d’avoir le cul entre deux chaises.

[We Already Lost The World est publié en vinyle par Deathwish Inc avec plein de couleurs différentes, c’est beau la vie]