Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

mardi 23 août 2022

Max Décharné : New Shade Of Black

 

« Un nouvel album de vieilles chansons ». C’est ainsi que MAX DÉCHARNÉ décrit New Shade Of Black, son premier album solo (en tous les cas le premier à être publié en vinyle, grâce aux bons soins du label Dangerhouse Skylab). La vie et l’histoire du bonhomme sont incroyables et passionnantes : auteur, pamphlétiste à ses heures, chroniqueur pour le cinéma ou la musique, intervieweur, Max Décharné a fait ses premières armes musicales avec son ami de Nikki Sudden avant de devenir batteur pour les géniaux Gallon Drunk entre 1991 et 1994 – séquence nostalgie : en écrivant ces lignes je réalise que la première fois que j’ai vu les Anglais en concert c’était forcément lui derrière la batterie –  puis il a fondé The Flaming Stars en tant que chanteur et auteur/compositeur. Tu vois un peu le niveau ? Non ? Et bien moi je te dis qu’il serait grand temps et plus que nécessaire que la grosse poignée d’albums publiés par The Flaming Stars entre 1996 et 2006 soient réédités comme il faut et que ce groupe trop sous-estimé soit enfin reconnu à sa juste valeur… Alors, en attendant qu’un tel miracle se produise (laisse-moi rêver tranquillement), New Shade Of Black sera un bon antidote au manque. Et même bien plus que ça.







La majorité des neuf titres de New Shade Of Black ont été enregistrés par Max Décharné sur plusieurs années (en gros de 1995 à 2002) et à divers endroits, les villes où il avait installé ses pénates à ce moment là – le chanteur était plutôt du genre nomade. Des bandes mises en boite tout seul, dans sa piaule, à l’aide de quelques instruments (principalement un piano, un peu de guitare, quelques percussions, etc.), la plupart du temps très tard le soir, des fois en pleine nuit. Des chansons à l’état brut que l’on pourra peut-être reconnaitre car The Flaming Stars en ont enregistrées des versions différentes, après. On parle bien d’un disque de démos pourtant ce terme me semble fort inapproprié. Comme le précise Décharné lui-même, lorsqu’on enregistre pour la toute première fois une chanson tout juste composée, elle possède quelque chose de particulier et de rare, quelque chose de spécial qu’il sera impossible de refaire par la suite, lorsque les intentions définitives et les décisions auront pris le dessus. C’est donc à un voyage en découverte auquel nous sommes conviés. Certaines chansons prennent une toute autre allure et pour exemple je ne citerai que Lit Up Like A Christmas Tree – qui est l’un de mes titres préférés des Flaming Stars – ici magnifique et émouvante chrysalide en forme de balade crépusculaire et malgré tout lumineuse.
Sur New Shade Of Black l’instrumentation est légère, le chant est délicatement posé bien que vibrant – Décharné raconte qu’il ne voulait pas réveiller ses colocataires lorsqu’il enregistrait la nuit ! – et quelques mises en forme minimes ou overdubs ont été effectués après coup. Mais pour l’essentiel tout est là, devant nous. Nous sommes dans cette chambre, assis dans un coin, comme un privilège. L’intimité est palpable et voulue, assumée, désirée : entre nous, qui écoutons le disque, et Max Décharné il n’y a presque plus rien qui nous sépare, plus rien qui nous retient ou qui nous empêche. Alors on pardonnera facilement quelques sons de synthétiseur un peu kitsch (le mini solo sur le morceau titre, l’imitation de clavecin sur la première partie du bouleversant Sixty-Nine) qui finalement rajoutent au charme indélébile d’une musique livrée telle quelle, crue et tellement vivante, et dont la simplicité formelle apparente révèle de nouveaux trésors à chaque écoute. Il faut dire aussi que résister au chant du monsieur est impossible : Max Décharné est un crooner de nuit et un conteur né, un magicien des clairs-obscurs et les histoires qu’il nous livre en toute pudeur sont peut-être décalées, parfois douloureuses et inachevées mais elles résonnent de sa belle voix, profonde et généreusement triste, jamais sinistre, entre charme sombre et mélancolie. Une mélancolie que l’on pouvait furtivement discerner – malgré toute l’électricité déployée – sur les disques des Flaming Stars mais qui ici prend encore plus d’ampleur et de sens. Just you and me.