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mardi 23 août 2022

Max Décharné : New Shade Of Black

 

« Un nouvel album de vieilles chansons ». C’est ainsi que MAX DÉCHARNÉ décrit New Shade Of Black, son premier album solo (en tous les cas le premier à être publié en vinyle, grâce aux bons soins du label Dangerhouse Skylab). La vie et l’histoire du bonhomme sont incroyables et passionnantes : auteur, pamphlétiste à ses heures, chroniqueur pour le cinéma ou la musique, intervieweur, Max Décharné a fait ses premières armes musicales avec son ami de Nikki Sudden avant de devenir batteur pour les géniaux Gallon Drunk entre 1991 et 1994 – séquence nostalgie : en écrivant ces lignes je réalise que la première fois que j’ai vu les Anglais en concert c’était forcément lui derrière la batterie –  puis il a fondé The Flaming Stars en tant que chanteur et auteur/compositeur. Tu vois un peu le niveau ? Non ? Et bien moi je te dis qu’il serait grand temps et plus que nécessaire que la grosse poignée d’albums publiés par The Flaming Stars entre 1996 et 2006 soient réédités comme il faut et que ce groupe trop sous-estimé soit enfin reconnu à sa juste valeur… Alors, en attendant qu’un tel miracle se produise (laisse-moi rêver tranquillement), New Shade Of Black sera un bon antidote au manque. Et même bien plus que ça.







La majorité des neuf titres de New Shade Of Black ont été enregistrés par Max Décharné sur plusieurs années (en gros de 1995 à 2002) et à divers endroits, les villes où il avait installé ses pénates à ce moment là – le chanteur était plutôt du genre nomade. Des bandes mises en boite tout seul, dans sa piaule, à l’aide de quelques instruments (principalement un piano, un peu de guitare, quelques percussions, etc.), la plupart du temps très tard le soir, des fois en pleine nuit. Des chansons à l’état brut que l’on pourra peut-être reconnaitre car The Flaming Stars en ont enregistrées des versions différentes, après. On parle bien d’un disque de démos pourtant ce terme me semble fort inapproprié. Comme le précise Décharné lui-même, lorsqu’on enregistre pour la toute première fois une chanson tout juste composée, elle possède quelque chose de particulier et de rare, quelque chose de spécial qu’il sera impossible de refaire par la suite, lorsque les intentions définitives et les décisions auront pris le dessus. C’est donc à un voyage en découverte auquel nous sommes conviés. Certaines chansons prennent une toute autre allure et pour exemple je ne citerai que Lit Up Like A Christmas Tree – qui est l’un de mes titres préférés des Flaming Stars – ici magnifique et émouvante chrysalide en forme de balade crépusculaire et malgré tout lumineuse.
Sur New Shade Of Black l’instrumentation est légère, le chant est délicatement posé bien que vibrant – Décharné raconte qu’il ne voulait pas réveiller ses colocataires lorsqu’il enregistrait la nuit ! – et quelques mises en forme minimes ou overdubs ont été effectués après coup. Mais pour l’essentiel tout est là, devant nous. Nous sommes dans cette chambre, assis dans un coin, comme un privilège. L’intimité est palpable et voulue, assumée, désirée : entre nous, qui écoutons le disque, et Max Décharné il n’y a presque plus rien qui nous sépare, plus rien qui nous retient ou qui nous empêche. Alors on pardonnera facilement quelques sons de synthétiseur un peu kitsch (le mini solo sur le morceau titre, l’imitation de clavecin sur la première partie du bouleversant Sixty-Nine) qui finalement rajoutent au charme indélébile d’une musique livrée telle quelle, crue et tellement vivante, et dont la simplicité formelle apparente révèle de nouveaux trésors à chaque écoute. Il faut dire aussi que résister au chant du monsieur est impossible : Max Décharné est un crooner de nuit et un conteur né, un magicien des clairs-obscurs et les histoires qu’il nous livre en toute pudeur sont peut-être décalées, parfois douloureuses et inachevées mais elles résonnent de sa belle voix, profonde et généreusement triste, jamais sinistre, entre charme sombre et mélancolie. Une mélancolie que l’on pouvait furtivement discerner – malgré toute l’électricité déployée – sur les disques des Flaming Stars mais qui ici prend encore plus d’ampleur et de sens. Just you and me. 


vendredi 12 août 2022

Pervitin : II

 

En 2020 le premier 12’ de PERVITIN avait fait quasiment l’unanimité au sein du comité rédactionnel d’Instant Bullshit. Un fait suffisamment rare pour être signalé puisqu’il s’agit d’un disque plutôt éloigné des habituelles pitreries bruitistes et des bizarreries arty généralement défendues par cette gazette internet (non sans mauvaise foi ni un sens de l’humour particulièrement détestable). Mais ne voilà t-il pas que la bande des quatre – que l’on situera géographiquement quelque part entre Lyon et Vienne – a décidé de remettre ça en 2022 avec cette fois un mini album de six titres, toujours sur les labels Dangerhouse Skylab et Teenage Hate records… Le phénomène va-t-il se répéter ?
Disons le tout de suite, on apprécie tout autant si ce n’est davantage ce nouveau disque, sûrement parce qu’il nous rappelle certains trucs que l’on avait découverts pendant notre adolescence au siècle dernier, des musiques que depuis on a toujours énormément aimées. Pervitin nous conforte dans cette idée qu’on s’en tape complètement de savoir si c’était mieux avant (ou pas) : l’important est qu’il existe des groupes de cette trempe qui arrivent toujours à jouer ces musiques là, à les faire vivre, à leur apporter quelque chose. Que les défenseurs de l’innovation à tout prix et les chasseurs de mirages en plastique augmenté aillent se faire foutre.









Il n’y a donc rien à jeter sur II, y compris sa pochette aussi cryptique et détachée du contenu musical que celle du premier EP – il est vrai fort peu appréciée en son temps – mais qui, bizarrement et en absence de toute rationalité, fonctionne du coup parfaitement bien et donne vraiment envie d’écouter ce nouvel enregistrement. Ces teintes d’un orangé plus que vif et brûlant ne pouvaient augurer que du bon. Comme quoi il n’en faut des fois pas beaucoup pour convaincre les vieux râleurs d’ordinaire allergiques aux couleurs trop explosives.
Mais parlons musique, hein, on est là pour ça. Dès que l’on creuse un peu le sujet on s’aperçoit que les line-ups des deux disques sont différents. Bien qu’il ait intégré Pervitin depuis longtemps, II marque l’arrivée de Raúl à la basse – il est également guitariste et hurluberlu-chef-glousseur au sein de The Rondells* – et ce changement revêt quelque importance, transformant sensiblement le son du groupe tout en lui apportant une nouvelle dynamique (le mix ample et énergique du disque n’y est pas non plus pour rien). On ne peut que remarquer les lignes de basse rondes et vives qui sur II font énormément de bien à la musique de Pervitin, solidifient la section rythmique et donnent encore plus de latitude aux deux guitares qui ne s’en privent pas pour mettre le feu aux poudres.
L’autre évolution significative se situe d’ailleurs au niveau de celles-ci : en insufflant des bonnes doses de wah-wah et quelques rasades de tremolo au milieu de ses torrents de fuzz, le groupe a également introduit du psychédélisme dans son punk garagiste, ombrageux et tempétueux. Il suffit d’écouter No Hope qui termine le disque, son riff tournoyant et sa guitare lead stratosphérique : on n’est plus très loin du premier Stooges (tu as remarqué aussi ce court « refrain » en forme de mantra nihiliste ? tout est dit). Et lorsqu’on a affirmé que tout est bon sur II, ce n’était pas une vue de l’esprit. Over Now est une formidable entrée en matière, croisement réussi entre le Velvet et les Cramps – mention spéciale pour le chant en mode crooner mélancolique – mais se laisserait presque supplanter par un Searching For You aussi implacable qu’impérial. Lent, poisseux et marécageux Wailing Wall élargit la palette, convoquant les démons d’un blues vénéneux avec encore une fois les Cramps en ligne de mire. That Gut Feeling et surtout l’imparable Tank Top sont deux brûlots que rien ne semble pouvoir arrêter. Tout le monde est à genoux.
Mais… Mais six titres c’est beaucoup trop court, non ? Alors maintenant il n’y a plus qu’une seule chose à ajouter : la prochaine fois on veut un vrai album de Pervitin. Un disque complet et bourré jusqu’à la gueule de cette rage et de cette profondeur électriques. Et rien d’autre !

* pour les Lyonnaises et les Lyonnais : Pervitin, The Rondells (l’autre groupe de Raúl, donc) mais aussi The Segments (avec Pierre, également batteur de Pervitin) seront en concert gratuit le 20 septembre – c’est pour le 25ème anniversaire d’une salle de concert locale spécialiste en dégueulis multicolores et en gueules de bois

 

mardi 12 juillet 2022

[chronique express] Commando : self titled

 



Malgré le nom du groupe il n’y a pas vraiment de rapport entre COMMANDO et les Ramones si ce n’est un goût certain pour la concision et la rapidité d’exécution de la musique – tous les titres durent moins de deux minutes. Pour le reste les Lyonnais jouent du punk franc du collier et sans fioritures, vivace, incisif et énervé mais sans jamais tomber dans le hardcore pur et dur, même old-school. On retrouve pourtant deux anciens Lost Boys dans le groupe, ce qui explique en grande partie la tenue impeccable ainsi que le souci permanent apporté à une musique toujours jouée avec la spontanéité nécessaire au genre. Il y a aussi pas mal de plans de guitare qui mine de rien défoncent tout sur leur passage mais ce qui me réjouit le plus chez Commando c’est le chant jamais forcé ni hurlé mais avec un je ne sais quoi d’acide et de gouailleur. Un chant porté par un certain Antipathic – c’est son nom et il est bien trouvé, non ? – également auteur des textes critiques pour ne pas dire acerbes, des textes qui n’ont pas spécialement et comme on aurait pu s’y attendre de portée ouvertement politique mais qui s’attaquent aux défauts du genre humain et à la connerie ambiante. Des phrases telles que « Des belles solutions / Des grandes leçons / Ouais t’es le champion / Ouais t’es bidon » ou (encore mieux) « J’aime pas les gens / Je les trouve chiants » résonnent agréablement à mes oreilles de vieux ronchon atrabilaire. Un disque aussi coriace et aussi râleur ne pouvait que me plaire.


vendredi 7 mai 2021

Edgar Suit : Despise All Humans



Bonjour. Vous reprendrez bien un peu de POST-PUNK ce matin ? Mouahaha, j’avoue que je l’ai carrément fait exprès : j’en connais – ils et elles se reconnaitront sans aucune difficulté – qui râlent très fort dès que l’on prononce ou écrit ces deux mots qui ne voudraient plus rien dire. Post-Punk. Poooooossstt-Puuuuuuuunnnk ! Je préfère largement m’en amuser en attendant que la frénésie du langage finisse par se calmer et que l’attention générale passe à tout autre chose – tiens : il n’y a pas si longtemps que cela c’est le « garage » qui tenait le haut du pavé chez les hipsters et les hipsteuses mais depuis plus rien ou pas grand-chose, la fête du slip semble terminée… mais qu’est-il donc arrivé ?
Tout est donc affaire de goût et les trois garçons d’EDGAR SUIT l’assument parfaitement, au delà des modes et des revivals. Il n’y a qu’à admirer la pochette de Despise All Humans, soigneusement dégoulinante et saturée de couleurs qui rappelleront une certaine esthétique née en plein dans les 80’s, celle ouvertement toc apparue après les années congélateurs tout en se démarquant nettement des surcharges gothiques et pseudo dépressives pour privilégier kitsch et dorures. As-tu remarqué le lettrage utilisé pour écrire le titre du disque ? Je n’en avais plus revu de tel depuis les 45 tours de variété anglaise collectionnés par la fille avec qui je sortais en classe de 4ème.









Avec leurs fines moustaches, leurs coupes de cheveux gélifiées, leurs petits airs juvéniles, leur appétence pour les costards anglais et une certaine tendresse pour les greffiers un poil prétentieux, les Edgar Suit nous viennent de Grenoble et, comme pour couper court au faux débat post-punk / pas post-punk, ils s’autoqualifient à raison de « fresh power pop post punk rock band ». A raison puisque Simon (guitare et chant), Jonathan (basse et chœurs) et Bruno (batterie) ne font pas autre chose que ce qu’ils prétendent vouloir faire : des chansons au format court – de deux à trois minutes maximum –, dotées d’une folle énergie et très brillamment composées. Despise All Humans est un disque aussi pop que punk et aussi électrique que mélodique. Avec un mix d’une lisibilité appropriée qui met en avant deux éléments essentiels de la musique du trio, sans pourtant faire de l’ombre au reste : la basse et le chant (et pour ne pas faire de jaloux… le reste c’est une batterie redoutable et une guitare percutante et bien aiguisée).

La basse, cela allait de soi. Je rappellerai aux grincheux et grincheuses mentionné.e.s ci-dessus qu’une grosse basse qui claque et veloute en même temps est généralement considérée comme l’un des principaux attributs de ce cher post-punk. Le chant quant à lui pourrait choquer les oreilles les plus sensibles tellement il tend vers le crémeux bien articulé, aigu et même pétillant, de temps à autre à la limite de la croonerie variétoche. Mais comme tout chez Edgar Suit il est d’un dynamisme incroyable et en y réfléchissant bien – mais pas trop non plus – quelle autre façon de chanter aurait pu convenir à des compositions aussi terriblement bien foutues ? Ce ne sont pas les tubes qui font défaut sur ce Despise All Humans que l’on pourrait sans problème débiter en singles – ce qui se faisait beaucoup dans les années 80, rappelle-toi – sans laisser le moindre déchet. Neuf titres et neuf pépites oscillant entre le trépidant et le dansant. Et un disque bien plus humain que ce que son titre voudrait nous faire croire. Rien à redire, Edgar Suit c’est la grande classe.



[Despise All Humans est publié en vinyle par Bad Health records, Dangerhouse Skylab et Hell Vice I Vicious]

 

lundi 1 février 2021

Contractions - The Horsebites / split

 

Voici sans aucun doute possible le plus bel objet de ce début d’année : un 12’ réunissant deux groupes de Lyon avec les Contractions et The Horsebites. Normalement lorsque on parle de split on évoque successivement les deux faces du disque, chaque formation s’en octroyant une, mais dans le cas de ce très (très) beau disque les contributions des deux groupes s’enchainent sur la première face et s’il en est ainsi c’est parce que la seconde est non gravée, entièrement sérigraphiée et qu’en plus le vinyle en lui-même est transparent. La sérigraphie est donc visible des deux côtés, avec un dessin signé Rick Froberg (Pitchfork, Drive Like Jehu, Hot Snakes et Obits, une vraie légende à lui tout seul). La grande classe.
Même en me creusant un peu la tête je n’ai pas trouvé beaucoup d’exemples comparables mis à part celui de More Vultures, Hyenas And Coyotes, un 12’ publié en 2007 par un autre groupe de Lyon : SoCRaTeS. Mais présentement le concept est poussé encore plus loin, le vinyle des Horsebites et des Contractions étant emballé dans une pochette elle aussi transparente et uniquement agrémentée d’un obi double face très élégant. Cet objet de désir profondément fétichiste a été publié grâce aux efforts conjoints d’Echo Canyon records et de Dangerhouse Skylab. Quant à la sérigraphie, elle a été façonnée par les petites mains délicates de la fine équipe de No Sun No Media.

 


 

Mais parlons un peu musique. Parce qu’un beau disque c’est bien mais un bon disque c’est tellement mieux. Et là aussi il n’y a vraiment rien à en redire. Ce sont les CONTRACTIONS qui ouvrent le bal avec un Qu’On N’en Parle Plus d’excellente facture et dans la lignée directe de leur premier album Demain Est Annulé. On y retrouve cette énergie quasi juvénile entre punk franc et direct et pop garagiste, le tout accompagné d’une belle fougue existentielle et de textes toujours aussi sensibles. Ecouter une telle musique fait vraiment du bien tout comme elle peut inciter à la rage, celle contre l’interdiction actuelle des concerts pour raisons sanitaires. Car Qu’On N’en Parle Plus donne surtout envie de voir les Contractions en live, de se trémousser, de transpirer et de postillonner sans retenue. Oui je rumine (et je fulmine). Le deuxième titre proposé par le groupe est une sacrée surprise et pas uniquement parce qu’il s’agit d’une reprise de Marie Et Les Garçons : A Bout De Souffle va réellement comme un gant aux Contractions et on pourrait presque croire qu’il s’agit d’une de leurs propres compositions…
THE HORSEBITES prennent ensuite la relève. Eux aussi ont déjà un premier (et excellent) album au compteur et leur garage aristocratique mi-poppy mi-noisy sent bon la vieille tourbe et la maturation décennale en fûts de chêne. Si on a déjà écouté Shadows on ne sera donc pris au dépourvu ni par le tubesque Kimmy ni par Party Boy et son allure de bombardier en mode aéroglisseur. Deux titres qui confirment tout le savoir-faire un rien désinvolte mais néanmoins consciencieux de The Horsebites, un groupe qui lui aussi incite fortement à partager sa salive avec sa voisine ou son voisin. 


 

 

 

vendredi 11 décembre 2020

[chronique express] Livids / Spoof Attacks (Singles And Other Stains 2011 - 2013)

 


Je n’ai pas grand-chose de bien nouveau à dire au sujet de ce disque formidable qui regroupe les rares enregistrements de LIVIDS, groupe cofondé au début des années 2010 par Eric Davidson après l’aventure New Bombs Turks et désormais installé à Brooklyn. Il y est rejoint par un membre de Radio 4 derrière la batterie et une poignée de mercenaires inconnu.e.s de mes services de renseignement, largement déficients sur ce coup là. Spoof Attacks propose tous les singles et EP du groupe, quelques inédits studio et une volée de captations live. Le tout a été masterisé tout bien comme il faut, la présentation est très classe et agrémentée de moult photos – il y en a même une glissée à l’intérieur de la pochette, en guise de goodie superdeluxe* – mais ce que l’on retiendra avant tout c’est la qualité du punk speedé, acharné et sexy en diable de Livids, mené à un rythme d’enfer, servi par des compositions aussi nerveuses qu’accrocheuses, émaillé de quelques reprises de bon goût (Iggy Pop, New York Dolls) et formidablement boosté par Mister Davidson, l’un des meilleurs chanteurs / performers punks que cette Terre ait jamais connu. Remercions donc le label Dangerhouse Skylab pour cette parution aussi pertinente qu’essentielle.

* pour les collectionneurs : plus exactement il y a trois modèles différents, tous avec un artwork signé Mort Todd au verso

vendredi 18 septembre 2020

Comme à la radio : Pervitin

  


 

Finissons-en tout de suite avec les références historiques à caractère non-musical : la pervitine n’est jamais qu’une forme de méthamphétamine que gobaient les soldats du IIIème Reich avant de partir à l’assaut de leurs ennemis et de les rataplanter en deux temps trois mouvements à l'occasion de blitzkriegs passés depuis à la postérité comme modèle de réussite en matière de victoire au sprint et par KO. De leur côté les Anglais ne faisaient guère mieux puisque les pilotes de la R.A.F. carburaient eux à la benzédrine pour tenir le coup lors de leurs raids aériens nocturnes. Rien de tel qu’un bon coup de speed pour se prendre pour les maîtres du monde.

PERVITIN est aussi un (relativement) jeune combo d’anciens qui ont fait leurs classes – attention : ceci est bien une métaphore filée – avec les Surfin’ Matadors, Elvis’ Corpse Revisited, Chick Peas, etc, bref des groupes issus de la scène viennoise (la sous-préfecture de l’Isère, rien à voir avec la capitale de la patrie d’Adolf Hitler) et qui depuis des années n’en finit plus d’envahir par le Sud ces péteux et prétentieux de Lyonnais. Et lorsqu’on écoute le premier maxi sans titre de Pervitin on a franchement du mal à comprendre pourquoi ces quatre gars n’ont pas encore été couronnés maîtres de leur petit monde à eux.

 

 

Les labels Teenage Hate records et Dangerhouse Skylab ne s’y sont pas trompés en s’associant pour publier ce quatre titres de pur rock’n’roll garage swamp punk – vas-y : continue l’énumération toi-même parce que moi ça me fatigue, je dois être en pleine descente – fortement imprégné d’odeurs marécageuses, avec un gros caractère ténébreux et obsessionnel.
L’ombre tutélaire du Gun Club et de Jeffrey Lee Pierce (qui se décolorait les cheveux pour faire comme son idole Debbie Harry dont il était président du fan club californien et non pas pour tenter de ressembler à un aryen) plane souvent au long d’un disque gavé de fuzz et de sueur qui cependant a le bon goût de ne pas s’arrêter en si bon chemin : les deux chanteurs/guitaristes se partagent bigrement bien le boulot et ce n’est pas tous les jours que l’on peut écouter un groupe bicéphale qui – au moins sur le papier – fonctionne aussi bien niveau énergie et qualité des compositions. Que ce soit en matière de bourrasques survoltées ou de mid-tempos fédérateurs Pervitin s’impose si facilement dans un genre tellement rabâché, éculé et balisé que je crierais presque au miracle.
Mais il n’y a pas de secret et c’est comme si les musiciens de Pervitin avaient accumulé et concentré au cours de toutes leurs nombreuses expériences musicales passées tout ce qu’il fallait pour atteindre la lumière (traduction : white light) et la vérité incontournable d’un rock’n’roll viscéral et significatif. Sans oublier que l’enregistrement sonne foutrement bien, avec suffisamment de contours permettant de tout entendre mais gardant toujours ce côté chaud et sale pour pouvoir goûter aux aspérités d’une musique aussi fougueuse qu’éloquente. Faites tourner.  

 

(seul véritable bémol : la pochette de ce disque est vraiment trop moche) 

 

 

mercredi 17 juillet 2019

The Horsebites / Shadows


Bon alors au départ j’ai un peu boudé THE HORSEBITES, n’y voyant qu’un énième groupe issu du microcosme garage-punk-indé lyonnais option bars des pentes de la Croix Rousse, petites vestes en jean serrées, rocking boots, Vans et Converse, tatouages raffinés, marinières savamment négligées, etc. Historiquement c’est à peu près de cela dont il s’agit puisque les cinq membres de The Horsebites ont dans un passé plus ou moins récent joué dans – attention name-dropping – les Buttshakers, The Missing Souls, Yeah Baby Yeah, Cavemen 5 mais également dans The Lost Boys (fabuleux groupe de hardcore de première catégorie) et Le Parti (un groupe très post punk de Saint Étienne avec un seul long playing à son actif mais un disque ô combien toujours recommandable).
Citer tous ces noms qui ne diront strictement rien aux New-Yorkais, aux Montpelliérains ou aux Londoniens mais qui évoqueront forcément quelques bons souvenirs aux adeptes des caves lyonnaises parfumées à la bière et au salpêtre possède toutefois un intérêt certain : cela permet de situer grosso-modo The Horsebites sur la carte musicale locale, celle où tout un petit monde se reconnait (au moins de vue) et dont les azimuts convergent vers une seule et unique zone, celle d’un punk racé et distingué, un brin garage mais toujours rutilant, pop sans être gnangnan, nerveux sans être outrageusement corrosif, gorgé de guitares qui flirtent savamment avec l’électricité et doté d’un chant de crooner nasillard et nonchalant à faire craquer les élastiques des petites culottes comme des boxer-shorts.






C’est un fait qu’il n’y a que des vétérans purs et durs pour pouvoir jouer une telle musique et pour le faire aussi bien. Et quand je dis « bien » on pourrait en fait décerner un premier prix d’excellence à Shadows, premier album de The Horsebites, tellement le groupe possède tout ce qu’il faut là où il faut, maitrisant parfaitement son sujet, ne dérapant jamais et ne s’enfonçant pas dans les ornières du mauvais goût, de l’imitation caricaturale et de l’hommage à profusion. Non, le groupe fait même plutôt preuve d’une certaine retenue et d’une docte sagesse, pour ne pas dire d’une honorable humilité – ce qui pour un groupe lyonnais est relativement étonnant – et il n’y a qu’à voir les sourires simples, vaguement rêveurs et spontanés – comme celui du fan des Misfits sur la pochette très bucolique du disque – que ces cinq garçons dans le vent arborent généralement pour se persuader que, oui, The Horsebites est réellement un groupe pour le plaisir.
Malgré un ancrage profondément historique et malgré une volonté certaine d’honorer la jeunesse éternelle du rock’n’roll la musique de The Horsebites n’a pas grand chose d’acnéique. En tous les cas elle n’a pas cette verdeur primesautière et bourgeonnante ni cette hargne trop bagarreuse qui tabasse. Ça transpire à la cool mais donc pas de trop. Ça braille mais raisonnablement. Ça déchire mais ça ne froisse pas. Aucun faux pli à déplorer et l’énergie communicative qui se dégage de Shadows ne peut s’expliquer que par une science maitrisée de la composition et une mise en place exemplaire : les guitares tapissent les murs de riffs entrainants et de quelques solos jamais chiatiques sur un fond rythmique impeccable (oui Lester est un sacré bon batteur, tout en souplesse groovy) avec des lignes de basse rondes et coulantes qui donnent tout de suite envie de suivre le groupe là où il veut nous emmener.
Il s’agit donc d’élégance pure et simple : nombre de compositions de Shadows transpirent la grande classe – rien que ce titre d’ouverture… – et tout le disque est quasiment du même acabit, même si on peut noter une tentative réussie de dérapage noisy sur le dernier titre You Wanna Teach Me mais hop, un bon coup de frein à main, un tête-à-queue dans la poussière et tout ça repart illico dans le bon sens de l’asphalte. Et puis honnêtement, moi aussi j’ai quelques tatouages, moi aussi j’aime porter des petites vestes en jean (par contre ne comptez absolument pas sur moi pour mettre une marinière), à moi aussi il m’arrive d’aller boire des coups dans les bars interlopes de la Croix Rousse et il m’arrive même parfois de descendre dans une cave moisie pour assister à un concert. Mais l’essentiel reste la noblesse légère, féline et sincère de la musique de The Horsebites. Maintenant tout le monde peut aller se rouler dans l’herbe en fermant les yeux.

[Shadows est publié en vinyle par Dangerhouse Skylab et Future Folklore records]

samedi 29 juin 2019

Comme à la radio : Grindhouse





Que faire lorsque l’été dépasse les bornes – l’été n’est pas vraiment gentil –, que la canicule nous transforme nous autres pauvres mortels sado-masochistes en nuggets de poulets sauce barbecue, que l’asphalte fondu ressemble à un long fleuve tranquille de coca-cola et que la sécheresse rend les fruits et légumes de nos jardins aussi rares que l’intelligence dans un scénario de film de super-héros et aussi chers qu’un transfert du mercato d’été ?
Et bien ne faisons rien et continuons vaille que vaille. Par exemple continuons à installer des appareils de climatisation pour refroidir nos douillets intérieurs et réchauffer encore plus l’extérieur – qui appartient à tout le monde mais faisons comme si le monde n’existait pas. A défaut d’avoir le droit de polluer avec un bon vieux diesel qui pue continuons à utiliser des moyens de locomotion électriques parce que l’électricité ça ne se voit pas et donc cela ne pollue pas (en plus marcher à pied ou faire du vélo c’est trop fatigant). Continuons à imaginer un monde nouveau où il faudra payer pour respirer un air à peu près pur et sain.

J’ai besoin d’un peu de légèreté. Au moins de respirer. 

 


Oui, bon, je te vois venir de loin avec tes remarques, GRINDHOUSE n’est pas vraiment un exemple de franche légèreté. Ces australiens sont même délicieusement décadents pour ne pas dire consciencieusement crétins mais également plus subversifs qu’on ne le pense : le « Commodore » du titre de leur troisième album fait référence à un modèle de voiture (oui ça craint), le groupe a composé un hymne en hommage à Eric Estrada (Chips pour les intimes), ses membre sont plus ou moins déguisés sur scène ou alors jouent à moitié à poil, le chanteur/guitariste Mick ‘2 fingers’ Simpson dévoilant non sans arrière-pensées libidineuses un durillon de comptoir surdimensionné. 

Musicalement Grindhouse taille la route derrière les Cosmic Psychos, les Dwarves ou les Supersuckers et je rajouterais même une pointe de Turbonegro – le vrai Turbonegro, celui de Ass Cobra et d’Apocalypse Dudes, avant que le groupe ne se transforme en rip off de Mötley Crüe – pour le côté intérieur queer à paillettes de certaines compositions en mode hot rods surchauffés. Pourtant j’ose affirmer que Grindhouse, derrière le côté débile puissance mille de sa musique, possède un réel talent de composition, ses chansons punks pouvant se teinter de ce petit feeling australien qui colle à la peau (les accents de crooner rock’n’roll du chant dès le titre d’ouverture Peter Brock Built My Hot Rod). La première face de Can I Drive Your Commodore ? est ultra rapide et énervée – Zeke n’a qu’à bien se tenir – tandis que la seconde privilégie les mid-tempos et c’est grâce à cette seconde partie du disque que l’on prend pleinement conscience que les australiens sont peut être des clowns dégénérés adeptes du stupido punk mais qu’ils possèdent également la grande classe des causes extravagantes et insensées.

[Can I Drive Your Commodore ? est le troisième album de Grindhouse, il a d’abord été publié en 2018 avant d’être réédité tout récemment en vinyle rose tacheté et tournant en 45 rpm par le label lyonnais Dangerhouse Skylab]

mardi 8 janvier 2019

Mudhoney / ‎Live - May 22 2015


L’année dernière (c’est fou comme le temps passe vite, hein) j’étais tout content de découvrir que Sub Pop publiait un album en concert de MUDHONEY : L.I.E. – pour Live In Europe – regroupe des enregistrements effectués par le groupe dans différentes villes du vieux continent au cours de l’année 2016. Sub Pop annonce que L.I.E. est le premier album en concert officiel de Mudhoney ce qui est complètement faux puisque ce même label avait déjà publié Live Mud en 2007 et deux années plus tard Munster records avait sorti le double LP Live At El Sol – et je ne compte pas les « faux » live que sont Live At Third Man records (2014) et On Top ! KEXP Presents Mudhoney Live On Top Of The Space Needle sorti, toujours en 2014, à l’occasion du Records Store Day (beurk) et encore une fois par Sub Pop. Mais il est vrai que tous ces disques sont des tirages plus ou moins limités, qu’ils n’ont pas été réédités et qu’ils le seront sans doute jamais ; au moins L.I.E. est facilement trouvable au rayon produits frais des supermarchés culturels.
Mais cela empêche aucunement L.I.E. d’être un disque décevant et incomplet : faiblesse qualitative des enregistrements, hétérogénéité des prises de son, set-list peu fédératrice… on peut y entendre un Mudhoney qui se défend pas trop mal mais pas le grand groupe qui jusqu’ici nous avait habitués à des concerts incandescents et ravageurs. L.I.E. n’est donc qu’un disque de plus pour les fans de Mudhoney et seulement eux – je doute cependant que ces mêmes fans écoutent régulièrement ce lui-ci. En tous les cas mon exemplaire reste bien rangé sur son étagère et lorsque je veux écouter le groupe de Seattle ce n’est pas L.I.E. que j’ai envie de sortir en premier.




Je ne sais pas où j’étais le 22 mai 2015 (ni d’ailleurs où j’en étais tout court) mais je sais où je n’étais pas. Ce jour là l’Épicerie Moderne à Feyzin (tout à côté de Lyon) accueillait Mudhoney pour un concert qualifié d’inoubliable par celles et ceux qui y ont assisté. Ce n’est pas la première fois que le groupe jouait par ici – je me souviens d’un concert en mai 1992 et en compagnie de Superchunk – et ce n’est peut-être pas la dernière non plus. Du moins je l’espère. Parce que pour un groupe de vétérans formé il y a maintenant plus de trente ans et propulsé bien malgré lui comme précurseur du grunge (un truc qui n’existe pas) Mudhoney est toujours en très grande forme. En atteste Digital Garbage le onzième (?) album studio que le groupe a publié au tout début de l’automne 2018 et, surtout, en atteste Live – May 22 2015, incroyable témoignage de ce mémorable concert à l’Épicerie Moderne. Un concert qui a tellement marqué les esprits que la salle a décidé, en accord avec le groupe, de le publier en vinyle avec la complicité de Dangerhouse Skylab, label qui est l’émanation de Dangerhouse, célèbre magasin de disques lyonnais abreuvant les fans de musiques électriques et asséchant leurs porte-monnaies depuis 1989 (ouch !). Les vieux ont la peau dure.
La set-list de Live – May 22 2015 parle d’elle-même bien qu’il est évident que tout le concert ne figure pas sur ce vinyle simple puisque, par exemple, il manque Broken Hands ; par contre on retrouve Sonic Infusion en guise d’introduction survoltée puis Sweet Young Thing, 1995, You Got It, Fearless Doctor Killers, Here Comes Sickness et In’N’Out Of Grace pour les titres les plus anciens ; I Like It Small, You Stupid Asshole (en fait une reprise d’Angry Samoans) et The Only Son Of The Widow From Nain pour les titres les plus récents c’est à dire extraits de Vanishing Point, dernier album en date de Mudhoney au moment du concert. Il n’y a pas de Touch Me I’m Sick – mais sa face B Sweet Young Thing Ain’t Sweet Not More – ni de reprise de Hate The Police mais ce n’est pas bien grave non plus une fois que l’on se retrouve confronté à ce Live – May 22 2015 qui donne à écouter une prestation impeccable par un groupe complètement au taquet, en particulier Mark Arm qui confirme une fois de plus cette vérité sournoise du punk-rock qu’un grand chanteur chante avant tout comme une casserole qui a peur de rien. Sans compter les parties de guitare enflammées et les solos toujours très stoogiens (file under Fun House) de Steve Turner et ce passage incroyable sur In’N’Out Of Grace où le bassiste Guy Maddison et le batteur Dan Peters se lancent dans un duo d’équilibristes, un moment de grâce (sic) dont le côté démonstratif est complètement désamorcé par la vitalité carnassière de l’interprétation.
Alors oui, ce fameux 22 mai 2015 j’aurais mieux fait d’aller faire un tour à l’Épicerie Moderne mais c’est ainsi, personne ne peut revenir en arrière. Et puis ce disque proustien pour celles et ceux qui étaient là et nécessaire pour les absentes et les absents comme moi ne serait sans doute pas ce qu’il est sans le travail impeccable de prise de son et de mastering effectué par le maitre-sondier de l’Épicerie : le rendu est aussi ample que cru, lisible que sauvage, donc exactement tout ce que l’on peut exiger d’un disque enregistré en concert. Et même un peu plus.

[pour l’instant il existe aucun lien internet permettant d’écouter en streaming Live – May 22 2015 ; le disque est publié en vinyle à 500 exemplaires et avec deux pochettes différentes, celle représentée ci-dessus a été dessinée par JB Hanak]