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mardi 12 juillet 2022

[chronique express] Commando : self titled

 



Malgré le nom du groupe il n’y a pas vraiment de rapport entre COMMANDO et les Ramones si ce n’est un goût certain pour la concision et la rapidité d’exécution de la musique – tous les titres durent moins de deux minutes. Pour le reste les Lyonnais jouent du punk franc du collier et sans fioritures, vivace, incisif et énervé mais sans jamais tomber dans le hardcore pur et dur, même old-school. On retrouve pourtant deux anciens Lost Boys dans le groupe, ce qui explique en grande partie la tenue impeccable ainsi que le souci permanent apporté à une musique toujours jouée avec la spontanéité nécessaire au genre. Il y a aussi pas mal de plans de guitare qui mine de rien défoncent tout sur leur passage mais ce qui me réjouit le plus chez Commando c’est le chant jamais forcé ni hurlé mais avec un je ne sais quoi d’acide et de gouailleur. Un chant porté par un certain Antipathic – c’est son nom et il est bien trouvé, non ? – également auteur des textes critiques pour ne pas dire acerbes, des textes qui n’ont pas spécialement et comme on aurait pu s’y attendre de portée ouvertement politique mais qui s’attaquent aux défauts du genre humain et à la connerie ambiante. Des phrases telles que « Des belles solutions / Des grandes leçons / Ouais t’es le champion / Ouais t’es bidon » ou (encore mieux) « J’aime pas les gens / Je les trouve chiants » résonnent agréablement à mes oreilles de vieux ronchon atrabilaire. Un disque aussi coriace et aussi râleur ne pouvait que me plaire.


mercredi 29 septembre 2021

Milkilo : Abandon


La présentation d’Abandon est d’une méticulosité affinée et d’une rigueur redoutable qui me laissent sans voix mais surtout béat d’admiration. Tout dans le soin apporté au graphisme et au contenu de la pochette et de l’insert impressionne, même le vieux ronchon psychorigide et maniaque que je suis. Chaque intervenant·e et chaque personne impliqué·e dans le deuxième (troisième ?) album de MILKILO est dument mentionné·e ou remercié·e selon un ordre étudié, avec une police de caractères précise, un souci permanent d’homogénéité et un (chouette) esprit d’unicité et de partage. Tout y est. Sans oublier les belles photos – signées Marina Uzelac – porteuses d’un flou très poétique et de mouvements lumineux. Et si tu es du genre bordélique et que tu ranges tes vinyles n’importe comment sur ton étagère (ou pire, malheureux hérétique, si tu les laisses trainer n’importe où) le nom du groupe et le nom du disque ont été imprimés sur les trois tranches fermées de la pochette. C’est imparable.







Milkilo est un duo instrumental basse/batterie de Saint Etienne. Sa musique est très monolithique et imagée, très construite et architecturée, variée et haletante comme une course-poursuite. Du foisonnement, beaucoup d’idées qui fusent et de choses/impressions/sensations à faire passer mais pas n’importe comment. On peut lire dans l’insert que la composition et la conception d’Abandon auront pris plus d’une année au duo, s’étalant entre 2019 et 2020. Et cela se sent : là aussi rien ne semble avoir été laissé au hasard, chaque élément est à sa place, chaque rebondissement musical est comme scénarisé, chaque intervention, chaque apparition d’une sonorité nouvelle s’intègre dans l’ensemble, soit en soulignant le mouvement général, soit en faisant contrepoint et marquant le début d’une nouvelle phase. Difficile de faire plus cinématographique que la musique de Milkilo mais cependant celle-ci n’a que peu – voire pas du tout – de points communs avec le post rock et à peine plus avec le post hardcore. Bien que le groupe utilise quelques éléments ascensionnels propres à ces musiques là et bien que le mastering du disque ait été confié à Magnus Lindberg de Cult Of Luna.
Les neufs titres d’Abandon sont relativement courts pour de la musique instrumentale (entre quatre et cinq minutes, Qirmzi descend même aux alentours de deux) et ne perdent donc pas de temps, comme toute bonne composition de rock qui se respecte et qui respecte ses auditeurs. Il est clair que les deux musiciens préfèrent les déchainements électriques aux développements progressifs et chez Milkilo on tient avant tout aux notions d’impact et d’emprise, malgré toute la sophistication et toute l’attention apportées – ces deux là jouent un peu comme des brutes de technique : le bassiste taquine même de la cinq-cordes. Le vocabulaire employé est très large, alliant lourdeur, épaisseur, moments épiques, turbulences, fulgurances, faux-plats, aérations/dégazages ou chausse-trappes, tout en ne s’interdisant pas quelques fantaisies bien trouvées (les résonances black metal de Matze). La seule constante d’Abandon – hormis son caractère hautement énergétique – c’est sa puissance mélodique. Jamais Milkilo ne tombe sciemment dans le bruit pur ou le chaos facile à l’usage des sourds et l’explosivité de sa musique révèle une abondance de trajectoires hautes en couleurs et en variations de volumes et de formes qui toutes convergent en un point que seuls les deux musiciens semblent connaitre… Mais à aucun moment non plus je me suis senti manipulé à l’écoute du disque et, bien au contraire, j’ai suivi la seule voie qui s’ouvrait devant moi : celle de l’abandon dans la musique (oui).

[Abandon est publié en vinyle (le mien est bleu/vert transparent mais il existe plusieurs versions, toutes à tirage limité et numéroté) et en CD (couleur cédé) par Araki records, Bad Health records, Itawak records et Vox Project – respecter l’ordre alphabétique c’est important]


vendredi 7 mai 2021

Edgar Suit : Despise All Humans



Bonjour. Vous reprendrez bien un peu de POST-PUNK ce matin ? Mouahaha, j’avoue que je l’ai carrément fait exprès : j’en connais – ils et elles se reconnaitront sans aucune difficulté – qui râlent très fort dès que l’on prononce ou écrit ces deux mots qui ne voudraient plus rien dire. Post-Punk. Poooooossstt-Puuuuuuuunnnk ! Je préfère largement m’en amuser en attendant que la frénésie du langage finisse par se calmer et que l’attention générale passe à tout autre chose – tiens : il n’y a pas si longtemps que cela c’est le « garage » qui tenait le haut du pavé chez les hipsters et les hipsteuses mais depuis plus rien ou pas grand-chose, la fête du slip semble terminée… mais qu’est-il donc arrivé ?
Tout est donc affaire de goût et les trois garçons d’EDGAR SUIT l’assument parfaitement, au delà des modes et des revivals. Il n’y a qu’à admirer la pochette de Despise All Humans, soigneusement dégoulinante et saturée de couleurs qui rappelleront une certaine esthétique née en plein dans les 80’s, celle ouvertement toc apparue après les années congélateurs tout en se démarquant nettement des surcharges gothiques et pseudo dépressives pour privilégier kitsch et dorures. As-tu remarqué le lettrage utilisé pour écrire le titre du disque ? Je n’en avais plus revu de tel depuis les 45 tours de variété anglaise collectionnés par la fille avec qui je sortais en classe de 4ème.









Avec leurs fines moustaches, leurs coupes de cheveux gélifiées, leurs petits airs juvéniles, leur appétence pour les costards anglais et une certaine tendresse pour les greffiers un poil prétentieux, les Edgar Suit nous viennent de Grenoble et, comme pour couper court au faux débat post-punk / pas post-punk, ils s’autoqualifient à raison de « fresh power pop post punk rock band ». A raison puisque Simon (guitare et chant), Jonathan (basse et chœurs) et Bruno (batterie) ne font pas autre chose que ce qu’ils prétendent vouloir faire : des chansons au format court – de deux à trois minutes maximum –, dotées d’une folle énergie et très brillamment composées. Despise All Humans est un disque aussi pop que punk et aussi électrique que mélodique. Avec un mix d’une lisibilité appropriée qui met en avant deux éléments essentiels de la musique du trio, sans pourtant faire de l’ombre au reste : la basse et le chant (et pour ne pas faire de jaloux… le reste c’est une batterie redoutable et une guitare percutante et bien aiguisée).

La basse, cela allait de soi. Je rappellerai aux grincheux et grincheuses mentionné.e.s ci-dessus qu’une grosse basse qui claque et veloute en même temps est généralement considérée comme l’un des principaux attributs de ce cher post-punk. Le chant quant à lui pourrait choquer les oreilles les plus sensibles tellement il tend vers le crémeux bien articulé, aigu et même pétillant, de temps à autre à la limite de la croonerie variétoche. Mais comme tout chez Edgar Suit il est d’un dynamisme incroyable et en y réfléchissant bien – mais pas trop non plus – quelle autre façon de chanter aurait pu convenir à des compositions aussi terriblement bien foutues ? Ce ne sont pas les tubes qui font défaut sur ce Despise All Humans que l’on pourrait sans problème débiter en singles – ce qui se faisait beaucoup dans les années 80, rappelle-toi – sans laisser le moindre déchet. Neuf titres et neuf pépites oscillant entre le trépidant et le dansant. Et un disque bien plus humain que ce que son titre voudrait nous faire croire. Rien à redire, Edgar Suit c’est la grande classe.



[Despise All Humans est publié en vinyle par Bad Health records, Dangerhouse Skylab et Hell Vice I Vicious]

 

mardi 31 décembre 2019

Seb Radix / The Darbi Sex EP






Nous y revoilà une nouvelle fois avec cette question essentielle voire existentielle que se pose tout chroniqueur de disques – ou toute personne ayant la prétention de vouloir chroniquer des disques : peut-on écrire quelque chose sur un groupe ou un musicien que l’on connait personnellement, ne serait-ce qu’un tout petit peu ? Si on déteste la personne et que l’on est un parfait connard la réponse est oui ; si on a des espaces publicitaires à vendre sur internet et que le musicien/groupe en question est bankable la réponse est également positive ; si on ne sait pas quoi faire de sa vie ça marche aussi, puisqu’il est beaucoup plus facile de parler des autres et de ce qu’ils font (ou devraient faire) que de se prendre en main soi-même.
Dans le cas du lyonnais 
SEB RADIX la question est épineuse (et la réponse est logiquement hasardeuse). Le type est parait-il des plus sympathiques, serait un ouvrier très qualifié et un bon père de famille, il est presque beau (son sourire carnassier a mis à mal plus d’un string et plus d’un slip kangourou) et il semblerait même qu’il ait du talent. Par contre il n’est pas potentiellement générateur de thunes et, surtout, je le croise en moyenne une fois toutes les deux semaines, dans un bar, à un concert et parfois même par hasard dans la rue – mais je le croise surtout dans les bars. Je suis donc coincé.

The Darbi Sex EP est un maxi 45 tours de quatre titres. C’est aussi le premier disque que publie Seb Radix depuis 2017 et l’album Pop Apocalyptique. Pour toutes celles et tous ceux qui attendaient impatiemment des nouvelles fraiches du bonhomme ceci constitue donc la première déception de The Darbi Sex EP : on est en effet très loin d’un véritable album, riche et varié. Deuxième déception : le disque se divise en deux parties permettant au musicien/chanteur de nous faire le coup hyper classique du disque conceptuel et bicéphale avec en face A le côté punk et 
bad guy de Seb Radix et en face B son côté social, politique et gauchiste. Débutant la première face, Lorna Doom est un vibrant hommage à la bassiste des Germs, décédée en janvier 2019. OK, admettons. Deuxième composition de la face A, This Is Good Music proclame « this is good music, but these guys are pricks »… j’aurais presque pu rire face à une telle manifestation de mauvaise foi.
La face B est la pire des deux. Tout d’abord elle est chantée en français – alors que la première l’est en anglais – ce qui permet de comprendre les paroles. Celles de Renaud, Didier & Joe font référence à des chanteurs soit alcooliques, soit prolétaires ou un peu morts (et éventuellement social-traitres) sur un mode nostalgique. Quant à Presqu’île Déserte voilà une composition avec un texte en mode contestataire remettant en cause les bienfaits de la gentrification, de la spéculation immobilière, de l’économie de marché et de la politique menée à Lyon depuis 2001 par l’équipe municipale de Gérard Collomb.

Tout n’est cependant pas si terrifiant sur The Darbi Sex EP. Il y a d’abord cette pochette très réussie et qui constitue un coup marketing de premier plan parce que chacun sait qu’un disque bien illustré et bien emballé est un objet de désir profondément consumériste. Mais le point le plus positif reste le suivant : pour l’enregistrement de ce disque Seb Radix s’est entouré de deux musiciens de première classe. Pauline Kcidy s’occupe des claviers tandis qu’Oli (de Death To Pigs, Malaïse et Zone Infinie) joue les parties de batterie. Autant dire qu’avec la première le pouvoir mélodique est à son comble tandis qu’avec le second l’interprétation file tout doit comme dans une chanson de Francis Cabrel. Mais ce n’est pas tout, Pauline et Oli ont très largement participé aux arrangements de compositions.
Finalement je crois qu’il m’aurait été beaucoup plus facile d’attendre de recroiser Seb Radix dans un bar, de lui sourire élégamment et de le féliciter pour son nouveau disque avant de lui taxer une clope. Mais j’ai arrêté de fumer depuis plus de trois ans maintenant et je ne sais plus comment me calmer les nerfs. Sans rancune, hein.

[
The Darbi Sex EP est publié par l’Assos’Y’Song, Bad Health records, Ligature records et Musique Rasoire]



jeudi 14 février 2019

The Hi-Lites / Dive At Dawn


Comme je suis très scrupuleux pour ne pas dire procédurier j’ai voulu réécouter le premier disque de THE HI-LITES, en fait un 12’ monoface publié par le label lyonnais Echo Canyon en 2015, et bien m’en a pris : voilà neuf titres chauffés à l’ancienne et plutôt rapides, du punk rehaussé de garage et d’un soupçon de noise-rock, le tout grâce à un tour de main déjà assuré et avec une classe certaine malgré un léger manque de maturité (c’est un peu vert, quoi). Hi Lite c’est aussi le titre d’une composition de Hot Snakes (sur l’album Audit In Progress), et il fallait vraiment avoir du cran pour choisir un nom pareil et assumer une filiation et un héritage aussi difficiles mais The Hi-Lites avaient su prouver avec ce premier mini album qu’ils n’étaient pas qu’un groupe de petits copieurs sans idées. Qualité, savoir-faire et tradition c’est un peu la raison d’être de tout bon artisan qui se respecte et le groupe basé à Lyon est de ceux-là, quatre types pas vraiment dans le vent mais sachant souffler sur les braises pour attiser le feu dans la bonne direction. Je n’en demandais pas plus, moi j’aime bien la tradition, c’est de mon âge. 




Dive At Dawn est le premier véritable LP de The Hi-Lites et il sagit cette fois dune toute autre paire de manches. Voilà un disque nettement plus varié, plus fouillé – j’ai failli écrire « plus travaillé » mais le travail c’est comme la famille et la patrie, que de la merde – et, donc, plus ambitieux et plus affermi. Pas cette ambition qui te fait faire n’importe quoi sous prétexte de t’attirer tous les regards et toutes les attentions mais celle qui te rend meilleur, tout simplement. Le punk rock est toujours là mais il se décline désormais sur différents modes, le groupe ayant étoffé et enrichi son écriture – les compositions sont moins basiques et plus denses qu’auparavant mais gardent toujours cette force d’entrainement – et ayant surtout élargi l’éventail de ses sonorités ainsi que l’instrumentation employée.
Et tout sonne beaucoup mieux sur Dive At Dawn, à commencer par la basse plus tendue et plus ronde, la guitare plus profonde bien que gardant toujours ce côté poil à gratter tandis que la batterie est mieux mise en valeur – cela s’entend qu’il y a eu du boulot de fait en studio. Mais il n’y a pas que ça : The Hi-Lites se sont découverts une nouvelle passion pour les synthétiseurs qui font une apparition discrète mais néanmoins remarquée et donc pertinente sur quelques compositions de l’album et ce dès le deuxième titre, le très impressionnant Inside. Non The Hi-Lites ne sont pas devenus un groupe de cold wave comme tant d’autres mais méritent de plus en plus l’appellation d’origine contrôlée post punk, c’est à dire que le groupe opte désormais pour une musique toujours énergétique mais définitivement plus sombre et plus froide. Et que l’on soit en 2019 ne pose aucun problème : la musique de The Hi-Lites, plus affirmée et subtilement dosée donc jamais prétentieuse, est toujours très référencée mais gagne en lucidité et en acuité, comme si le groupe avait davantage confiance en lui-même.
Quelques compositions penchent tout de même d’un seul et unique côté mais à cela il n’y a rien à redire non plus, je pense au sophistiqué et vigoureux A Major Mistake puis (juste un peu plus loin) à Talk Now !, deux exemples d’hymnes à la gloire d’un punk aristocratique. A l’opposé du nuancier le final et époustouflant Journey Has Come To An End restera comme la composition la plus glaciaire de Dive At Dawn en donnant in extremis cette coloration plus mélancolique et plus obscure à l’album. Mais quel que soit le côté duquel penche la balance, il faut reconnaitre que les quatre Hi-Lites ont fait des progrès indéniables dans tous les domaines tant en assumant parfaitement leurs éventuels points faibles – un garçon qui se moque de chanter systématiquement juste pour privilégier chaleur et authenticité ne peut qu’avoir toute mon affection. Tout comme ce disque autant placé sous le signe de l’énergie que de celui de l’élégance et qui s’ouvre à de nouveaux horizons.

[Dive At Dawn est publié en vinyle par Bad Health records, Hell Vice I Vicious, Teenage Hate records, Trokson records – oui, le bar lyonnais du même nom]