« Un nouvel album de
vieilles chansons ». C’est ainsi que MAX
DÉCHARNÉ décrit New Shade Of Black,
son premier album solo (en tous les cas le premier à être publié en vinyle,
grâce aux bons soins du label Dangerhouse Skylab). La vie et l’histoire du bonhomme sont incroyables et passionnantes
: auteur, pamphlétiste à ses heures, chroniqueur pour le cinéma ou la musique,
intervieweur, Max Décharné a fait
ses premières armes musicales avec son ami de Nikki Sudden avant de devenir batteur
pour les géniaux Gallon Drunk entre 1991 et 1994 – séquence nostalgie :
en écrivant ces lignes je réalise que la première fois que j’ai vu les Anglais
en concert c’était forcément lui derrière la batterie – puis il a fondé The Flaming Stars en tant que
chanteur et auteur/compositeur. Tu vois un peu le niveau ? Non ? Et
bien moi je te dis qu’il serait grand temps et plus que nécessaire que la
grosse poignée d’albums publiés par The Flaming Stars entre 1996 et 2006 soient
réédités comme il faut et que ce groupe trop sous-estimé soit enfin reconnu à sa
juste valeur… Alors, en attendant qu’un tel miracle se produise (laisse-moi
rêver tranquillement), New Shade Of Black sera un bon
antidote au manque. Et même bien plus que ça.
La majorité des neuf titres de New Shade
Of Black ont été enregistrés par Max
Décharné sur plusieurs années (en gros de 1995 à 2002) et à divers
endroits, les villes où il avait installé ses pénates à ce moment là – le chanteur
était plutôt du genre nomade. Des bandes mises en boite tout seul, dans sa
piaule, à l’aide de quelques instruments (principalement un piano, un peu de
guitare, quelques percussions, etc.), la plupart du temps très tard le soir,
des fois en pleine nuit. Des chansons à l’état brut que l’on pourra peut-être reconnaitre
car The Flaming Stars en ont enregistrées des versions différentes, après. On
parle bien d’un disque de démos pourtant ce terme me semble fort inapproprié.
Comme le précise Décharné lui-même, lorsqu’on enregistre pour la toute première
fois une chanson tout juste composée, elle possède quelque chose de particulier
et de rare, quelque chose de spécial qu’il sera impossible de refaire par la
suite, lorsque les intentions définitives et les décisions auront pris le
dessus. C’est donc à un voyage en découverte auquel nous sommes conviés. Certaines
chansons prennent une toute autre allure et pour exemple je ne citerai que Lit Up Like A Christmas Tree – qui est
l’un de mes titres préférés des Flaming Stars – ici magnifique et émouvante chrysalide en forme de balade
crépusculaire et malgré tout lumineuse.
Sur New Shade Of Black l’instrumentation
est légère, le chant est délicatement posé bien que vibrant – Décharné raconte
qu’il ne voulait pas réveiller ses colocataires lorsqu’il enregistrait la
nuit ! – et quelques mises en forme minimes ou overdubs ont été effectués après
coup. Mais pour l’essentiel tout est là, devant nous. Nous sommes dans cette
chambre, assis dans un coin, comme un privilège. L’intimité est palpable et voulue,
assumée, désirée : entre nous, qui écoutons le disque, et Max Décharné il n’y a presque plus rien
qui nous sépare, plus rien qui nous retient ou qui nous empêche. Alors on
pardonnera facilement quelques sons de synthétiseur un peu kitsch (le mini solo
sur le morceau titre, l’imitation de clavecin sur la première partie du bouleversant
Sixty-Nine) qui finalement rajoutent
au charme indélébile d’une musique livrée telle quelle, crue et tellement
vivante, et dont la simplicité formelle apparente révèle de nouveaux trésors à
chaque écoute. Il faut dire aussi que résister au chant du monsieur est
impossible : Max Décharné est un
crooner de nuit et un conteur né, un magicien des clairs-obscurs et les
histoires qu’il nous livre en toute pudeur sont peut-être décalées, parfois douloureuses et inachevées mais elles résonnent de sa belle voix, profonde et
généreusement triste, jamais sinistre, entre charme sombre et mélancolie. Une
mélancolie que l’on pouvait furtivement discerner – malgré toute l’électricité
déployée – sur les disques des Flaming Stars mais qui ici prend encore plus d’ampleur
et de sens. Just you and me.