Et si SHIT AND SHINE était tout simplement l’un
des meilleurs groupes du monde ? Bon, d’accord, j’exagère peut-être un peu
mais il n’empêche que question musique de branleur irritante et inconfortable,
le projet multiformes de Craig Clouse – ici uniquement
accompagné du batteur Adam R. Hatley – ressemble plus que jamais à un gros vomi
rampant de putrescence bruyante en phase active de recomposition/ignition. Ce
qui confirme une nouvelle fois que les meilleurs enregistrements de Shit And Shine qui dans la passé a épuisé
la solvabilité de plus d’un label de bonne volonté ont souvent été publiés chez
Riot Season, toujours fidèle au poste après toutes ces années. Cela confirme
également que si la musique peut être une drogue dure, les effets dévastateurs et
hallucinogènes du doom électro-magmatique, fracassé et lèche-cerveau de Phase Corrected
en sont l’une des meilleures illustrations. A écouter très (très) fort et sans aucune
modération et si jamais tu entends des voix d’outre-tombe hurler des
incantations dans ta tête c’est que tout va bien, non ?
Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net
vendredi 22 avril 2022
[chronique express] Shit And Shine : Phase Corrected
vendredi 21 août 2020
Shit And Shine / Goat Yelling Like A Man
Je vais finir par croire que Craig Clouse a vraiment le feu au cul. Parce que depuis le formidable, génial et indispensable – je pèse mes mots – Doing Drugs, Selling Drugs publié le 22 novembre 2019, SHIT AND SHINE aura balancé pas moins de quatre albums supplémentaires, dont un double LP*. Et je n’ai même pas eu le temps de parler ici du terrible Scenic Farm chez Rock Is Hell (le double album, c’est lui) que débarque ce Goat Yelling Like A Man. Encore un disque improbable via Riot Season et qui vérifie ma grande théorie devant l’éternel et le maudit : un enregistrement de Shit And Shine publié par Riot Season ne peut pas être un mauvais enregistrement.
« Une
chèvre qui hurle comme un homme ». Curieuse mais judicieuse inversion des
clichés autour de la possession démoniaque : ce n’est plus la bête qui
habite l’homme mais bien l’homme qui habite à bête. Et Craig Clouse lui de nous
hurler son amour immodéré pour les musiques lentes et lourdes en les
pervertissant de l’intérieur. Car c’est bien
de cela dont il s’agit avec Goat
Yelling Like A Man, disque de collages/démontages et de pipo-bimbo autour du
doom. Y compris le doom canal historique puisque les ronds centraux du vinyle
reprennent des photos de… Black Sabbath. Mais le Black Sabbath période Ronnie
James Dio, ce qui constitue une provocation avérée de plus à l’intention des
puristes et des sectaires d’Ozzy Osbourne. Pour le reste, l’imagination
suffira, complètement galvanisée et électrisée par un disque qui évidemment n’a
rien de métallique et n’a rien de doom mais qui une fois de plus sème le bordel
et la déraison (le terrifiant Welcome
qui en quelque sorte donne le ton de tout l’album, immédiatement suivi du
morceau titre et de ses cris de chèvre se confondant avec des hurlements
humains ainsi que l’éprouvant Light Blue
Envelope qui sonne somme du rock indus sous acide).
Les
recettes sont ici très simples et d’apparence assez peu variées mais
attention : cela ne signifie pas que les cinq compositions de Goat Yelling Like A Man se ressemblent
toutes, non pas vraiment. En (très) gros il s’agit d’empilements de guitares
bien lourdingues, très graves et dégueulant du riff terroriste sur fond de
rythmiques tout aussi lourdes, le tout ponctué d’effets sonores, de
manipulations de bandes**, de samples plus ou moins décalés et même de voix
trafiquées. Et en fait tout sur Goat
Yelling Like A Man est trafiqué mais – et c’est là que réside le génie
de Craig Clouse et de Shit And Shine – cela s’entend sans s’entendre.
Ou, pour le dire autrement, les sons et les idées assemblées par
le groupe forment un tout cohérent et évident, volontairement irritant, parfois
violent, souvent répétitif, hypnotique et captivant voire psychotrope, décidemment
artificiel et construit mais pour un résultat qui sonne toujours juste. La
bidouille presque parfaite, pour ainsi dire, comme sur la composition finale Thank Goddness qui allie manipulations
et instruments réels – un tube lent, lourd et poisseux, sorte de régurgitation
électronique et mix métallisé/EBM de Corrupted, cradingue et accompagné de vociférations
nocturnes. Plus j’écoute ce titre et plus je le trouve… beau.
[Goat Yelling Like A Man est publié en vinyle blanc par Riot Season]
* le
dernier de la liste vient d’être annoncé par Rocket recording, il s’intitule Malibu Liquor Store et il paraitra le 9
octobre prochain
** j’écris
manipulation de bandes parce que c’est de mon âge, en réalité je sais
pertinemment que toutes ces manipulations sonores ont été perpétrées au laptop
lundi 9 décembre 2019
Shit And Shine / Doing Drugs, Selling Drugs
Le tout est passé à la moulinette et au filtre d’une batterie de samplers maléfiques montés en réseau qui déforment, concassent et fracassent à peu près tout ce qui leur tombe entre les plug-ins. Il ne fait aucun doute que c’est de la guitare que l’on entend tout au long de l’album, il ne fait aucun doute non plus qu’il y a des voix quasiment inintelligibles qui surgissent dont ne sait où pour hurler des insanités… on peut parfois avoir un peu plus de doute sur la présence ou non d’une batterie (pourtant lorsque on écoute le début de Cooking Steaks In The Pocket on n’en a aucun) mais après c’est le grand trou noir, le monde à l’envers, l’antimatière comme seule limite puis un long processus de broyage neuronal, une suite de déjections soniques et bruitiste. Parfois le côté instrumental – traduction : avec des instruments pour de vrai et non pas synonymes de matière fissible pour névroses musicales de grande ampleur – prend un peu le dessus comme sur Kentucky Cellphone en collaboration avec Tropical Trash mais globalement Doing Drugs, Selling Drugs possède la forme d’un grand n’importe quoi gyroscopique et centrifugé des plus convaincants – non, ceci n’est absolument pas un paradoxe.
Shit And Shine est un groupe de tarés et Doing Drugs, Selling Drugs est un disque salement dégénéré, peut-être encore plus que le Matamoros de USA/Mexico qui plaçait déjà la barre très haut mais il s’agit surtout d’un disque complètement indispensable : sa démence, sa crasse et – surtout – sa liberté nous lave un peu de toute la merde de ce monde hypocrite et stérile.