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vendredi 22 avril 2022

[chronique express] Shit And Shine : Phase Corrected







Et si SHIT AND SHINE était tout simplement l’un des meilleurs groupes du monde ? Bon, d’accord, j’exagère peut-être un peu mais il n’empêche que question musique de branleur irritante et inconfortable, le projet multiformes de Craig Clouse – ici uniquement accompagné du batteur Adam R. Hatley – ressemble plus que jamais à un gros vomi rampant de putrescence bruyante en phase active de recomposition/ignition. Ce qui confirme une nouvelle fois que les meilleurs enregistrements de Shit And Shine qui dans la passé a épuisé la solvabilité de plus d’un label de bonne volonté ont souvent été publiés chez Riot Season, toujours fidèle au poste après toutes ces années. Cela confirme également que si la musique peut être une drogue dure, les effets dévastateurs et hallucinogènes du doom électro-magmatique, fracassé et lèche-cerveau de Phase Corrected en sont l’une des meilleures illustrations. A écouter très (très) fort et sans aucune modération et si jamais tu entends des voix d’outre-tombe hurler des incantations dans ta tête c’est que tout va bien, non ? 



vendredi 21 août 2020

Shit And Shine / Goat Yelling Like A Man

 

Je vais finir par croire que Craig Clouse a vraiment le feu au cul. Parce que depuis le formidable, génial et indispensable – je pèse mes mots  Doing Drugs, Selling Drugs publié le 22 novembre 2019, SHIT AND SHINE aura balancé pas moins de quatre albums supplémentaires, dont un double LP*. Et je n’ai même pas eu le temps de parler ici du terrible Scenic Farm chez Rock Is Hell (le double album, c’est lui) que débarque ce Goat Yelling Like A Man. Encore un disque improbable via Riot Season et qui vérifie ma grande théorie devant l’éternel et le maudit : un enregistrement de Shit And Shine publié par Riot Season ne peut pas être un mauvais enregistrement.

 

 

« Une chèvre qui hurle comme un homme ». Curieuse mais judicieuse inversion des clichés autour de la possession démoniaque : ce n’est plus la bête qui habite l’homme mais bien l’homme qui habite à bête. Et Craig Clouse lui de nous hurler son amour immodéré pour les musiques lentes et lourdes en les pervertissant de l’intérieur. Car c’est bien  de cela dont il s’agit avec Goat Yelling Like A Man, disque de collages/démontages et de pipo-bimbo autour du doom. Y compris le doom canal historique puisque les ronds centraux du vinyle reprennent des photos de… Black Sabbath. Mais le Black Sabbath période Ronnie James Dio, ce qui constitue une provocation avérée de plus à l’intention des puristes et des sectaires d’Ozzy Osbourne. Pour le reste, l’imagination suffira, complètement galvanisée et électrisée par un disque qui évidemment n’a rien de métallique et n’a rien de doom mais qui une fois de plus sème le bordel et la déraison (le terrifiant Welcome qui en quelque sorte donne le ton de tout l’album, immédiatement suivi du morceau titre et de ses cris de chèvre se confondant avec des hurlements humains ainsi que l’éprouvant Light Blue Envelope qui sonne somme du rock indus sous acide).
Les recettes sont ici très simples et d’apparence assez peu variées mais attention : cela ne signifie pas que les cinq compositions de Goat Yelling Like A Man se ressemblent toutes, non pas vraiment. En (très) gros il s’agit d’empilements de guitares bien lourdingues, très graves et dégueulant du riff terroriste sur fond de rythmiques tout aussi lourdes, le tout ponctué d’effets sonores, de manipulations de bandes**, de samples plus ou moins décalés et même de voix trafiquées. Et en fait tout sur Goat Yelling Like A Man est trafiqué mais – et c’est là que réside le génie de Craig Clouse et de Shit And Shine – cela s’entend sans s’entendre. Ou, pour le dire autrement, les sons et les idées assemblées par le groupe forment un tout cohérent et évident, volontairement irritant, parfois violent, souvent répétitif, hypnotique et captivant voire psychotrope, décidemment artificiel et construit mais pour un résultat qui sonne toujours juste. La bidouille presque parfaite, pour ainsi dire, comme sur la composition finale Thank Goddness qui allie manipulations et instruments réels – un tube lent, lourd et poisseux, sorte de régurgitation électronique et mix métallisé/EBM de Corrupted, cradingue et accompagné de vociférations nocturnes. Plus j’écoute ce titre et plus je le trouve… beau.


[Goat Yelling Like A Man est publié en vinyle blanc par Riot Season]

 

* le dernier de la liste vient d’être annoncé par Rocket recording, il s’intitule Malibu Liquor Store et il paraitra le 9 octobre prochain
** j’écris manipulation de bandes parce que c’est de mon âge, en réalité je sais pertinemment que toutes ces manipulations sonores ont été perpétrées au laptop

 

lundi 9 décembre 2019

Shit And Shine / Doing Drugs, Selling Drugs





Des fois il y a des disques que l’on sent mieux que les autres et c’est exactement le cas de cet énième album de SHIT AND SHINE (au passage l’un des meilleurs noms de groupe de tous les temps). Dès que j’ai eu vent de Doing Drugs, Selling Drugs, dès que j’ai découvert sa pochette, dès que j’ai appris que ce disque marquait le grand retour de Shit And Shine sur le label Riot Season, j’ai su que j’allais aimer ça. Et effectivement j’aime vraiment ça.
Shit And Shine est l’autre formation de Craig Clouse, celui de USA / Mexico, un groupe que je vénère tout particulièrement. Enfin, « autre groupe » est juste une façon de parler parce qu’en fait Shit And Shine existe depuis tellement longtemps (une quinzaine d’années) et a publié tellement d’enregistrements (une vingtaine d’albums, une grosse douzaine de EP ou 12’) qu’il s’apparente finalement plus à un projet principal qui ne veut pas dire son nom. Et ce en dépit d’une versatilité assez ahurissante qui fait qu’avec ce groupe on ne sait jamais trop à quoi s’attendre avec un nouvel enregistrement avant de l’avoir réellement écouté : Shit And Shine a abordé tellement de styles différent – mais toujours avec le même crédo, foutre le bordel et faire mal – que suivre les errances de Craig Clouse peut s’avérer très fatigant. Mais quand on aime, hein…

Par exemple en 2018 Rocket recording avait publié un Bad Vibes très synthétique et extrêmement minimal mais complètement captivant parce que désaxé et névrotique. Les vieux fans de Shit And Shine se réjouiront sûrement d’apprendre quau contraire Doing Drugs, Selling Drugs* donne à nouveau une place de choix aux guitares tout en continuant à respecter son quota réglementaire de bidouilles bien barrées. C’est un peu comme si la bande à Craig Clouse** avait décidé de faire un triple salto arrière pour retrouver les dérapages noise de ses débuts tout en continuant à fricoter avec le harsh, le power electronics, l’electro glitch et autres joyeusetés à base de manipulations sonores et de synthèse (ils ont dit « drugs », non ?). 
Le tout est passé à la moulinette et au filtre d’une batterie de samplers maléfiques montés en réseau qui déforment, concassent et fracassent à peu près tout ce qui leur tombe entre les plug-ins. Il ne fait aucun doute que c’est de la guitare que l’on entend tout au long de l’album, il ne fait aucun doute non plus qu’il y a des voix quasiment inintelligibles qui surgissent dont ne sait où pour hurler des insanités… on peut parfois avoir un peu plus de doute sur la présence ou non d’une batterie (pourtant lorsque on écoute le début de Cooking Steaks In The Pocket on n’en a aucun) mais après c’est le grand trou noir, le monde à l’envers, l’antimatière comme seule limite puis un long processus de broyage neuronal, une suite de déjections soniques et bruitiste. Parfois le côté instrumental – traduction : avec des instruments pour de vrai et non pas synonymes de matière fissible pour névroses musicales de grande ampleur – prend un peu le dessus comme sur Kentucky Cellphone en collaboration avec Tropical Trash mais globalement Doing Drugs, Selling Drugs possède la forme d’un grand n’importe quoi gyroscopique et centrifugé des plus convaincants – non, ceci n’est absolument pas un paradoxe.

Les sept compositions de Doing Drugs, Selling Drugs répondent toutes à la même logique déstructurée – en gros on croit assister en direct à un remix de compositions coincées entre noise-rock et psychédélisme déviant par un robot autocuiseur sur lequel un apprenti terroriste en pleine détresse cosmique aurait préalablment greffé une carte son***. Tout fonctionne par boucles fermentées, compressées et finalement explosées. Le côté répétitif et donc aliénant ne fait aucun doute même lorsqu’on a trop abusé des anxiolytiques et pourtant ce sont bien des morceaux de musique de l’on écoute, je veux dire par là ou plutôt je prétends affirmer que ce gros bordel est aussi perturbant que passionnant et qu’il enterre presque toutes les tentatives de rock bruitiste de ces dernières années par son côté toxique, addictif et jouissif. La défonce musicale comme plaisir ultime, la déraison comme ligne de conduite, la perdition totale pour atterrir sur le cul dans la mélasse anxiogène de Hammerlock Through Shattering Glass et ses sept minutes de boucles tordues et malades.  
Shit And Shine est un groupe de tarés et Doing Drugs, Selling Drugs est un disque salement dégénéré, peut-être encore plus que le Matamoros de USA/Mexico qui plaçait déjà la barre très haut mais il s’agit surtout d’un disque complètement indispensable : sa démence, sa crasse et – surtout – sa liberté nous lave un peu de toute la merde de ce monde hypocrite et stérile.

[Doing Drugs, Selling Drugs est publié en vinyle vert transparent par Riot Season]

* en 2019 Shit And Shine aura sorti pas moins de deux albums : Doing Drugs, Selling Drugs (donc) mais également No No No No, un LP édité par OOH-Sounds
** actuellement le groupe comporterait trois membres avec Nate Cross et Jeffrey Coffey en plus de Craig Clouse : le line-up de Shit And Shine serait donc exactement le même que celui de USA/Mexico – l’emploi du conditionnel s’impose plus que jamais
*** peut-être que je me trompe mais Doing Drugs, Selling Drugs me donne envie de réécouter certains disques de Milk Cult, le side-project expérimental des Steel Pole Bath Tub