Conseil d'utilisation : ceci n'est qu'un blog. Mais sa présentation et sa mise en page sont conçues pour qu'il soit consulté sur un écran de taille raisonnablement grande et non pas sur celui d'un ego-téléphone pendant un trajet dans les transports en commun ou une pause aux chiottes. Le plus important restant évidemment d'écouter de la musique. CONTACT, etc. en écrivant à hazam@riseup.net

Affichage des articles dont le libellé est Castle Face records. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Castle Face records. Afficher tous les articles

vendredi 11 mars 2022

[chronique express] Exek : Advertise Here





Ce n’est pas aujourd’hui que je vais dire du mal d’un disque d’EXEK. Bien que je dois admettre que les Australiens n’ont pour l’instant jamais fait mieux que leurs premier et surtout troisième albums, Biased Advice (2016) et Some Beautiful Species Left (2019). On reconnaitra au producteur/compositeur/multi-instrumentiste et tête pensante du groupe Albert Wolski d’avoir une vision vraiment très personnelle de la musique qu’il veut enregistrer et de savoir s’y tenir. Enumérer ses sources d’inspirations probables – de plus en plus d’A Certain Ratio mais plus beaucoup de PiL et encore moins de The Fall – n’empêchera pas de mettre en lumière le jeu de pistes emprunté par une musique qui ose le contre-emploi : des sons de synthétiseur et de guitare incongrus, l’apparition de chœurs féminins, un peu de piano mélodramatique, un violon-couperet, des atmosphères confortablement nuageuses, le chant certes désincarné mais nasillard et discrètement coloré de Wolski détournent sans cesse le post-punk dubisant d’Exek des chemins de l’orthodoxie respectueuse de la chaine du froid. Advertise Here est un album déconcertant, souvent brillant et qui me fascine, doté d’une force d’attraction assez unique, constamment dans l’invitation, toujours fuyant et qui ne se laisse pas faire. Suffisamment mystérieux pour entretenir en même temps doute et addiction.


lundi 3 mai 2021

Exek : Biased Advice



Bonne nouvelle : Good Thing They Ripped Up The Carpet, le quatrième album d’EXEK, est annoncé pour le début du mois de juin sur le label australien Lulu’s Sonic Disc Club – en espérant toutefois qu’il y ait une édition européenne du disque, sinon ce sera peine perdue pour le dégotter par ici à moins d’accepter de payer un bras (mais heureusement que le peer-to-peer nous sauvera toujours de l’inflation des frais de port).
En attendant intéressons-nous plutôt aux tout débuts du groupe d’Albert Wolski. Castleface records vient en effet de rééditer Biased Advice : il s’agit à l’origine d’une compilation de 2016 reprenant la première cassette quatre titres des australiens (publié en 2014) ainsi qu’une longue composition parue elle sur une autre cassette, partagée en compagnie de l’éphémère Halt Ever (en 2015). Les quatre premiers titres avaient à l’époque été remaniés avec des pistes de basse et de guitare réenregistrées. C’est sans doute pourquoi Biased Advice sonne toujours aujourd’hui comme un véritable album, assez homogène. Et surtout Biased Advice présente déjà nombre de caractéristiques et de qualités de la musique d’Exek.








Cette réédition tombe ainsi vraiment à pic. La nouvelle version de la pochette aussi. Mais lorsque je relis la chronique consacrée au phénoménal – n’ayons peur de rien – Some Beautiful Species Left, je me demande toutefois ce que je vais bien pouvoir trouver comme nouveaux arguments pour vanter les mérites d’une musique et d’un groupe que j’apprécie tout particulièrement. Fait notable, donc, tout Exek est déjà contenu dans Biased Advice et le groupe ne fera que plus ou moins décliner les mêmes éléments musicaux sur ses enregistrements suivants (à l’exception notoire du 12’ A Casual Assembly à base uniquement de synthétiseurs, de basse, de trompette et de voix). Cela ne rend pas le groupe moins intéressant et, bien au contraire, je trouve son premier album encore plus fascinant. Serait-ce le meilleur ? Peut-être bien, oui.

Complètement ancré dans le post-punk anglais de la grande époque, Exek manipule lignes de basse dubisantes à la PiL, cuivres et percussions rappelant les premiers A Certain Ratio, tension à la The Fall et un groove motorik tournant au ralenti voire au bord de l’extinction. Le tout plié en quatre dans un écrin sonore complètement fascinant. Les rythmiques sonnent fermement rachitique, la guitare est squelettique et acide, le saxophone perdu dans le brouillard, la voix vaguement détachée mais pourtant bien présente… il n’y a que cette basse arrondie et roulée dans des atmosphères codéinées qui vibre massivement, mais à sa façon, sombre invitation à danser comme si la densité de nos petits corps électrifiés devenait différente de celle de nos têtes siphonnées à vide. Tout le génie d’Exek est de sous-entendre, au sens propre comme au sens figuré, que nous faisons que nous agiter entre deux dimensions parallèles qui s’ignorent brutalement. Et Biased Advice pourrait presque nous dispenser de prendre de la drogue parce que la musique d’Exek est une drogue en elle-même.

Occupant toute la face B avec ses dix-sept minutes répétitives et fluctuantes, Baby Giant Squid est la pierre angulaire du disque et peut-être même bien la pierre angulaire de toute la musique des australiens. Ce que l’on y découvre dépasse l’entendement (sic) ; ce que l’on en retient nous échappe complètement tout en nous rendant complètement accroc (encore la drogue). Longue déambulation semblant ne jamais vouloir se terminer et s’échouant sur les rives d’une instrumentation de plus en plus fantomatique et hypnotique, Baby Giant Squid révèle des éclats métalliques toujours plus mornes avant de s’enrouler éternellement dans les boucles analogiques d’un antique delay à bande et sur fond de vieux synthétiseurs sépulcraux. Tout l’ensorcellement et tous les effets d’une transe à froid.


[Biased Advice est réédité en vinyle noir ou vert pâle marbré et même en CD par Castleface]

 

 

samedi 28 novembre 2020

[chronique express] Osees / Protean Threat



 

Je suis encore une fois déçu. John Dwyer a beau modifier le nom de son groupe quand ça lui chante – actuellement il convient de parler de OSEES – et d’en changer le line-up à volonté, il a beau varier les formats de ses enregistrement (Protean Threat est un simple LP) et de n’avoir de cesse d’explorer de « nouveaux » horizons musicaux pour les récurer jusqu’à épuisement des ressources, son dernier album en date est malgré un démarrage plutôt fulgurant un échec cuisant, générateur d’ennui et de lassitude qui fait plus que jamais regretter les temps pas si anciens que cela où Dwyer pouvait encore se fier à son instinct maléfique sans se vautrer dans la complaisance (complaisance qu’au mieux on fera rimer avec préciosité ridicule, à moins d’aimer le gloubiboulga progressif). A l’année prochaine John, pour le cinquante-quatrième album de Thee Oh Sees / The Oh Sees / Oh Sees / Osees / OCS, qu’importe finalement…

vendredi 17 juillet 2020

[chronique express] Eddy Current Suppression Ring / All In Good Time





Non mais dites-moi que je rêve : un album récent d’Eddy Current Suppression Ring ? Publié très exactement le 11 décembre 2019 soit dix années après son prédécesseur Rush To Relax (sic) All In Good Time (re-sic) ne change pas la donne et si on a passionnément aimé les incontournables que sont toujours le premier album sans titre (2007) et Primary Colors (2008) il n’y aura aucune raison de bouder ce disque de pur garage nerveux mais mélodique à tendance post punk, un brin moqueur, sec et désossé jusqu’à la moelle, enregistré en deux jours seulement et sonnant comme un vieux truc intemporel et... logiquement prévisible – ce qu’il est assurément mais on s’en moque puisque c’est exactement pour cette raison que l’on ne peut qu’aimer All In Good Time.

vendredi 11 octobre 2019

[chronique express] Oh Sees / Face Stabber





Cela fait des années maintenant que je me procure, écoute et chronique les disques de OH SEES (Thee Oh Sees, OCS, etc.) ou plutôt cela fait des années que j’essaie d’analyser, de comprendre et d’admettre cet infini rapport d’amour et de haine que j’entretiens avec le groupe de John Dwyer mais avec Face Stabber la tâche est plus difficile que jamais tant ce vingt-deuxième* album virevoltant et scintillant s’avère aussi ambitieux que boursoufflé, complexe que fatiguant, passionnant qu’énervant, séduisant que rebutant, parfois impeccable mais également contestable… donc je vais te la faire courte : Face Stabber est un double album qui pour une fois ne comporte pas trop de zones de remplissage, est de plus en plus influencé par une certaine idée du prog (entre King Crimson et Soft Machine), est parsemé de jazzeries fusionnelles et cuivrées façon In A Silent Ways ou Tony Williams Lifetime et dont les dernières incursions dans le registre garage sont imprégnées d’une volonté de trop bien faire – John Dwyer et son groupe sont désormais définitivement adultes et c’est sans doute ce qui me gène le plus avec Face Stabber.

* à la louche

vendredi 24 août 2018

Thee Oh Sees / Smote Reverser







THEE OH SEES* est un groupe impossible à oublier. Pour cela son leader John Dwyer fait tout ce qu'il peut en imposant depuis plusieurs années un rythme quasiment effréné à ses acolytes musiciens et en enchainant enregistrements d’albums et tournées à rallonge. Mais la lassitude nous guette : écouter un nouvel enregistrement de Thee Oh Sees c’est comme gouter une fois par an au pâté en croûte de Mamie, on aime de moins en moins ça parce qu’il est de moins en moins bon et qu’en plus on avait décidé de ne plus manger de viande du tout – mais ça on n’ose pas trop le dire à cette pauvre Mamie, on ne voudrait pas lui faire trop de peine.
Et voilà donc que débarque la livraison 2018 du groupe, un double LP intitulé Smote Reverser, évidemment publié par Castle Face records. Un disque comme d’habitude bourré jusqu’à la gueule et c’est précisément ce qui fait peur, encore plus que cette pochette ignoble devant autant à Judas Priest période Screaming For Vengeance/Defender Of The Faith qu’à Azia toutes périodes confondues (désolé). 

Le plus important pour John Dwyer – chanteur, guitariste, compositeur en chef, bref, tête pensante de Thee Oh Sees – c’est de gratouiller son instrument dans tous les sens pendant que son groupe lui assure le champ libre pour assouvir sa frénétique passion. Dwyer est un exhibitionniste et un performer-né rendant garçons et filles complètement amoureux fous et folles et plus il joue, plus il a envie de jouer – et donc de jouer des choses si ce n’est compliquées du moins narcissiques avec une instrumentation à l’esbroufade et des développements sans fin (et sans but ?). Dwyer a su conserver la folie de ses jeunes années (Coachwhips, Pink And Brown, The Hospitals) et ça peut encore passer en concert puisque Thee Oh Sees n’y privilégie que la performance. Sauf que parallèlement la qualité et l’inspiration du songwriting de Dwyer ont fini par s’étioler avec le temps, rendant les disques de Thee Oh Sees ennuyeux car farcis d’élucubrations et d’instrumentaux indignes en forme de remplissage (il est vrai que le précédent album Orc marque un léger sursaut d’orgueil avec une remontée du niveau général mais on peut également y entendre un passage percussif/solo de batterie et ça franchement, il fallait oser, d’autant plus que l’album s’achève presque ainsi, en queue de poisson…). 
J’ai toujours pensé que John Dwyer était une sorte d'apprenti sorcier/élève en cours de musicologie appliquée et qu’il ne cherchait, en toute naïve curiosité, qu’à redescendre le cours du temps pour nous refaire l’évolution musicale depuis 1965… Que les albums de Thee Oh Sees s’aventurent sur des territoires de plus en plus post psychédéliques et de plus en plus kraut est donc aussi logique que frustrant : la musique du groupe est devenue moins garage et moins punk mais son approche du bizarre et de l’expérimental est trop légère et ne compense pas. D’où les quelques derniers albums de Thee Oh Sees qui ne sont que des prétextes.

Avec Smote Reverser John Dwyer a-t-il continué son voyage dans le temps pour finir par débarquer dans les années 70 ? OUI. Mais heureusement John Dwyer est toujours un bad boy et un punk capable d’un Overthrown mais également un garçon fin et délicat, ce qui nous donne ici Sentient Oona et Beat Quest, respectivement premier et dernier titre de Smote Reverser. Et entre les deux Thee Oh Sees fait vraiment bien le boulot. Cette fois il n’y a pas de remplissages indigents ni de résidus de cuvette de chiottes mais que des vraies compositions de qualité plus qu’honorable et même supérieure – comme si Mamie s’était mise aux burgers végétariens avec steaks de betteraves ou de pois chiches. Des compositions qui donnent envie de fredonner, de faire la vaisselle ou de ne rien faire du tout sauf écouter. Et puis on arrive même à supporter les désormais traditionnels passages instrumentaux sur lesquels Dwyer réussit pour une fois à se toucher les tétons autant qu’il le veut sans que l’on ait l’impression de surprendre un ado dans sa chambre en train de se pignoler le manche de guitare. Un orgue Hammond B3 est également de la partie voire omniprésent sur Smote Reverser et, encore un miracle, ses élucubrations ne donnent pas non plus envie de fuir pour éviter les bavouillis d’usage avec cet instrument pour virtuoses. Comme quoi il n’en fallait peut-être pas beaucoup pour permettre à Thee Oh Sees de reprendre du poil de la bête.
Il y a, enfin, le cas de cet Anthemis Aggressor. Plus de douze minutes de bordures ultra-rythmiques encadrant des tourbillons psyché-kraut totalement instrumentaux qui donnent le tournis, sans échappatoire possible. Et pour rien au monde on ne voudrait rater quoi que ce soit de cette tempête d’acid hard aussi violemment multicolore qu’elle réussit à filer droit. Peut-être parce que Mamie, toujours elle, a décidé qu’en plus des veggie burgers elle ferait aussi de la choucroute allemande A.O.C. à dîner. 
Évidemment les inébranlables défenseurs de John Dwyer pourraient argumenter que notre homme, complètement obsessionnel et égocentré, a toujours cherché à aller plus loin et que ce n’est pas la moindre de ses qualités. Ce à quoi il serait de bonne guerre de répondre que John Dwyer confond trop souvent « plus loin » avec « ailleurs » et « ailleurs » avec « nulle part » et qu’il ne fait guère de doute qu’avec Thee Oh Sees il n’hésitera pas à l’avenir à refaire n’importe quoi sous prétexte d’avancer. Mais pour l’instant Smote Reverser est un bon album de Thee Oh Sees et même le meilleur du groupe depuis trop longtemps parce que sans temps morts ni moments de faiblesse, alors cela me suffit amplement. Bon appétit et à l’année prochaine.

* après s’être appelé OCS, The Oh Sees, Thee Oh Sees, Thee Ohsees, etc, le groupe a depuis l’album Orc rechangé de nom en le raccourcissant tout simplement en Oh Sees – on s’en fout (?)