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vendredi 25 novembre 2022

Skin Graft Records Presents​.​.​. Sounds To Make You Shudder !

 

Sounds To Make You Shudder ! (« des sons à vous faire frissonner ») est une nouvelle compilation estampillée Skin Graft, le label de Chicago initié par Mark Fischer (et Rob Syers), une indispensable et prestigieuse maison chérie des nerds à lunettes amateurs de bruits qui font mal et autres noiseries déviantes ou arty. Le titre du disque s’explique par la thématique choisie, celle du divertissement sociétal, horrifique et traditionnel aux Etats-Unis : j’ai nommé Halloween. L’artwork est à l’avenant et, comme toujours avec le label, très drôle option comics décalés, bref tout ça s’annonce on ne peut mieux.







Commençons par le haut du panier : Horror Show est l’un des meilleurs titres de USA Nails qui est l’un des tout meilleurs groupes du moment (et pas qu’en Angleterre). Rien que ces quatre minutes furieuses et radicales de noise punk atterrissant dans le bizarre et l’inconfort nébuleux mériteraient que l’on se procure Sounds To Make You Shudder ! et, cela ne dépendrait que de ma petite personne, je t’aurais volontiers réduit tout ce merdier de compilation à un single de killers, un beau 7’ pétaradant avec USA Nails d’un côté et les Berlinois de Cuntroaches de l’autre, histoire de faire bonne figure et de tout dévaster.
L’arbre ne doit pourtant pas cacher la forêt. Outre les monstrueux Cuntroaches déjà cités, quelques très belles surprises nous attendent, à commencer par Shatter On Impact. Derrière ce nom se cache un nouveau groupe avec le batteur Blake Flemming (ex-Dazzling Killmen, ex-Laddio Bolocko) et dont le Amar’s Volta instrumental et délicatement progressif n’est étonnamment pas pour me déplaire. Toujours dans la catégorie ex-Dazzling Killmen, on retrouve le guitariste/chanteur Nick Sakes dans Upright Forms qui revêt une forme plus classique et nettement moins aventureuse bien qu’assez hargneuse, avec une pointe d’étrangeté désuète due à la présence d’un orgue vieillot. Rayon excellente découverte – en tous les cas pour moi – on parlera du duo Terms avec le guitariste Chris Tull (Gran Ulena, Yowie) et le batteur Danny Piechocki (Ahleuchatistas) qui pourtant ont déjà publié un album et un EP chez Skin Graft en 2020… il va vraiment falloir que je rattrape mon retard et que j’écoute attentivement tout ça. En attendant, leur Mouthfull Of Moss pète carrément le feu.
On notera le côté rigolo de la collaboration entre David chatty Yow et Yowie. The Spider’s Greeting est un peu anecdotique mais convient parfaitement comme titre d’ouverture d’une telle compilation. De leur côté les géniaux Psychic Graveyard ne font rien d’autre que du Psychic Graveyard, il est indiqué qu’un certain John Dwyer a collaboré en remixant Is There A Hotline ? mais on ne s’en rend pas vraiment compte, ceci accréditant la thèse de plus en plus couramment défendue dans le monde libre que John Dwyer en fait n’existe pas (OK, j’exagère un peu : la version originale – moins synthétique – de Is There A Hotline ? apparait sur l’album A Bluebird Vacation). The Flying Luttenbachers assure également le service minimum mais ici le minimum est toujours qualitatif, Violence Labyrinth a été enregistré par le seul Weasel Walter (qui s’est également occupé de tout le mastering de la compilation). Quant à Bobby Conn, il reste mon crooner décalé et décadent préféré avec son Don’t Be Afraid. Question trucs vraiment expérimentaux, Jim O’Rourke propose une excellente création sonore intitulée Guising tandis que les Strangulated Beatoffs sont toujours aussi délicieusement débiles.
Fin de l’inventaire avec les théâtraux et pas désagréables Lovely Little Girls, Tijuana Hercules que j’apprécie de plus en plus, Azita (Azita Youssefi de son vrai nom) et un Tss Tss plutôt intéressant ainsi que les médiévalistes kitchounets – au moins pour leur présente participation –  Pili Coït. Ces derniers sont quasiment des voisins de pallier (on vient du même bled) et je n’ai jamais réellement apprécié leur musique mais je dois avouer que Lo Comte Arnau possède un truc bien à lui, quelque chose d’intrigant avec un fort goût de reviens-y. Là aussi je vais faire un effort (soupirs) et réécouter Love Everywere, l’album que le duo a publié en 2021 chez Dur Et Doux – album qui vient d’être réédité en cassette par Skin Graft, avant une version vinyle prévue pour 2023, si tout va bien.
Disponible uniquement en CD et en cassette Skin Graft Presents… Sounds To Make You Shudder ! vaut donc carrément le déplacement. Toute bonne compilation se doit de nous faire écouter, intéresser, apprécier et (pourquoi pas ?) aimer ce dont d’ordinaire on aurait strictement rien eu à foutre. Et c’est aussi à cela que l’on reconnait qu’un label et les personnes qui s’en occupent possèdent une vraie vision artistique et qu’ils savent comment la défendre – non, ce n’est absolument pas du léchage de cul, je ne touche pas d’argent à chaque fois qu’une personne clique sur les internets pour lire mes conneries. A bon entendeur…

vendredi 6 mai 2022

USA Nails / Psychic Graveyard : split

 

Le plus souvent, lorsqu’on parle d’un split, il y a l’un des deux groupes concernés dont la notoriété (même relative) sert de tremplin à l’autre, qui peut alors en profiter un peu. Et bien là, non, pas du tout : USA Nails et Psychic Graveyard occupent une place similaire et équivalente, bien lovés dans mon petit cœur flétri de noiseux rétrograde et cette chronique aurait pu être écrite dans n’importe quel ordre, en commençant indifféremment par l’un ou par l’autre participant. On peut donc aussi la lire comme on veut, uniquement dans le sens du plaisir. Je dis tout ça sans exagérer, hein, ce n’est pas mon genre. Parce que si tu apprenais que deux de tes groupes préférés du moment s’apprêtaient à sortir un disque en commun, qu’est ce que tu aurais fait, toi ? Moi j’ai tout simplement hurlé de joie, levant les bras en l’air dans un geste de bonheur extatique et démesuré. Puis j’ai cherché du son sur les internets et, rapidement convaincu, j’ai remué Ciel, Terre et Enfer pour dégoter une copie de ce disque à un prix décent, ce qui cette fois m’a pris beaucoup plus de temps. Etonnant, non ?







Veins Feel Strange, le troisième et excellentissime album de PSYCHIC GRAVEYARD tourne encore régulièrement sur la platine-disques de mon salon-moquette que débarquent cinq inédits des Américains, telle une bénédiction maléfique. La guitare est toujours aux abonnés absents au profit de synthétiseurs et de machines démoniaques – quoiqu’un son difficilement identifiable parasite l’introduction de Strangest Hobbies – et l’ambiance générale est aussi joyeusement détestable, encore plus froide, glauque et sale qu’une fête d’adolescents de quinze ans découvrant le pouvoir du crack au fond d’un parking souterrain. Les trois premiers titres sont particulièrement lents et semblent même gagner en viscosité toxique, Love My Skeleton Too culminant en matière de léchage corporel nécrophile. Du coup l’enlevé et rapide What Happens To Zero ferait presque l’effet d’une ritournelle enflammée, vite contrebalancée par le certes plus anecdotique Wrecked At The Yankee Swap et ses samples de conversation volés (je n’ai pas tout compris). Ce n’est pas aujourd’hui que je serai déçu par Psychic Graveyard.
Changement de face et changement de décor. Et, si on excepte un split 7’ avec Petbrick publié en janvier 2021 chez God Mountain, il s’agit du premier enregistrement conséquent publié par USA NAILS depuis la fin de l’année 2020 et le plus que formidable Character Stop. Affirmer que j’étais très impatient de découvrir ces six titres, inédits là aussi, est un euphémisme. Le rythme général est infernal et les Anglais sont vraiment très survoltés, bien plus punks que sur le sus-nommé Character Stop, tout en conservant cette qualité inventive et ultra-noise des guitares, véritables torpilles vrillantes qui mettent nos nerfs à vif. It’s All In The Context résume à lui tout seul et malgré une durée inférieure à une minute tout le savoir-faire d’un groupe de plus en plus incroyable et essentiel.
Ce split est donc un incontournable absolu et j’en profite également pour rappeler que les chéris-chéris de Bigoût records ont en ce début d’année 2022 réédité en vinyle orange (s’il vous plait) l’album No Pleasure, deuxième et assurément l’un des deux meilleurs albums de USA Nails. Prosternation.

[Psychic Graveyard - USA Nails est publié en vinyle et en cédé par Skin Graft et Box records]



vendredi 25 mars 2022

Psychic Graveyard : Veins Feel Strange

 




Veins Feel Strange est un disque profondément et génialement sournois*. Et c’est aussi le meilleur enregistrement de PSYCHIC GRAVEYARD à ce jour. S’en est terminé avec les petits reproches que l’on pouvait adresser au groupe à l’époque de son premier LP Loud As Laughter (2019) tandis que les changements opérés à partir d’A Bluebird Vacation (2020) prennent encore plus d’ampleur et redessinent le caractère quasi souverain d’un troisième album qui tourne en boucle et ambiance en continu le dance-floor-tapis-de-salon du QG d’Instant Bullshit. Une invitation à la danse qui fait froid dans le dos, une flopée de rictus sarcastiques comme armes absolues et une odeur acide et collante en guise de transpiration.
Faussement festif, aussi bancal qu’une promesse de lendemain de tentative de suicide, glaçant et désespérant comme l’avenir de l’humanité mais particulièrement irrésistible et électrisant, Veins Feel Strange s’affranchit des éléments hérités des précédents groupes communs à Eric Paul et Paul Vieira (je pense surtout à The Chinese Stars). Si ce n’est la voix, la façon de chanter et les textes du grand Eric, souvent imité mais jamais égalé. Pour le reste, la robotique humaine fonctionne à plein régime et les guitares, celles dont on pouvait déjà douter de la présence majoritaire sur A Bluebird Vacation, ont de toute évidence complètement disparu des modes de pensée et d’action de Psychic Graveyard. Une nouvelle donne confirmée** par le label Deathbomb Arc et pourtant on s’y croirait : même sans guitare la musique de cette bande de psychopathes vaut largement et dépasse souvent en tension, férocité et en véhémence celle de maints groupes de noise-rock, spazz, punk ou autres et écrabouille sans pitié tous les musiciens et toutes les musiciennes qui n’ont juré allégeance qu’au matraquage d’instruments à cordes tendues à l’extrême.  
Paul Vieira a toujours été un habitué des sons chelous et déviants mais il a donc décidé d’aller encore plus loin en abandonnant son instrument de prédilection et en partageant avec son camarade Nathan Joyner l’utilisation des machines et autres générateurs de sons synthétiques (le mot partage est à prendre dans tous les sens du terme puisque Paul et Vieira habitent à Providence dans le Rhode Island tandis qu’à l’opposé Joyner est à San Diego / Californie : les musiciens composent et échangent entre eux en s’envoyant des fichiers via les internets). Psychic Graveyard sublime l’association entre la dureté cristallisée d’une musique dansable, synthétique et robotique et la noirceur d’atmosphères étouffantes sans rémission. Jamais une musique à base de textures synthétiques et de bidouilles électroniques n’aura sonné aussi électrique et ne sera parvenue à convoquer de façon aussi convaincante les démons putrescent du rock’n’roll et les mauvais génies mi-rigolards mi-tourmenteurs du vague à l’âme dépressif. Très dur et très punk dans l’esprit, Hijack A Star conclut brillamment une collection de titres mutagènes et inquiétants et ferme autant de portes qu’il en ouvre : Veins Feel Strange restera aussi inclassable qu’évident, un disque inhospitalier et malaisant dont on ne saurait se passer et se débarrasser pour autant.

* la pochette de l’album est tendrement décalée et le vinyle est d’un rose pâle très inoffensif… mais il ne faut surtout pas s’y fier
** « throbbing electronics, heavy percussion, and vocals like a riddle winding their around everything – but not a guitar in sight »

 

mercredi 29 juillet 2020

Psychic Graveyard / A Bluebird Vacation




J’avais (gentiment) fait la fine bouche au sujet de Loud As Laughter, premier album de Psychic Graveyard publié en 2018 par Skingraft. C’est quand même absolument dingue cette capacité que j’ai à toujours vouloir trouver la petite bête au sujet d’un disque qui pourtant aurait du me plaire – au plutôt : avait absolument tout pour me plaire. Mais une fois de plus j’ai eu totalement raison avec mes petites remarques de chipoteur parce que A Bluebird Vacation, successeur brillant de Loud As Laughter, est d’un tout autre niveau. Oh il ne s’en faut pourtant pas de beaucoup, A Bluebird Vacation n’a rien de fondamentalement différent, non, par contre il est très largement supérieur en tous les domaines à un premier album qui avait lui du mal à trouver sa propre voie et à se libérer de l’ombre tutélaire des précédents groupes des éminents membres de PSYCHIC GRAVEYARD.
Je le répète malgré tout, Psychic Graveyard est la réunion au sommet d’Eric Paul (Arab On Radar, Chinese Stars et Doomsday Student), de Paul Vieira (également Chinese Stars et Doomsday Student) et de Nathan Joyner (Some Girls, All Leather). Et je rajoute le batteur Charles Ovett qui ne joue pourtant pas sur
A Bluebird Vacation, les parties de batteries ayant été assurées par l’ingénieur du son et producteur Seth Manchester – oui Charles n’est là que pour les concerts. Mise à part cette petite entorse au code d’honneur et de bonne conduite A Bluebird Vacation présente une musique bien plus compacte et bien plus soudée. Ce qui faisait ses quelques défauts est désormais presque oublié ; et ce qui faisait toutes ses qualités a encore pris de l’ampleur. Même si on peut encore y penser, Psychic Graveyard s’affranchit dignement d’Arab On A Radar et – surtout – de The Chinese Stars dont le groupe était musicalement le plus proche, le plus compatible. L’ambiance est de plus en plus quasiment systématiquement aux sonorités synthétiques et électroniques et souvent la guitare de Paul Vieira disparait complètement ou plus exactement lorsque elle apparait et redevient discernable elle sonne comme elle n’avait encore jamais sonné, comme une machine.
Ce n’est pas une raison pour fuir à toutes jambes : moi non plus je n’aime pas les guitares trop trafiquées, je préfère les guitares qui grésillent et qui hurlent mais pas de ça sur
A Bluebird Vacation, plutôt des nappes sonores constamment rampantes et effroyablement malsaines. Des murs de sons d’origine indéterminée qui surgissent comme d’un bouclier magnétique invisible, des pointes lazerisées lancées droit devant, des vortex synthétiques qui étranglent l’auditeur. Ce deuxième album est un disque éprouvant. Et dépressif. Comme on pouvait déjà le pressentir avec Loud As Laughter*. Mais là on atteint des sommets dans l’effondrement psychique – OK : est-ce que j’ai réussi à deviner le sens du nom du groupe ? – et dans la noirceur, même lorsqu’elle semble chargée de cette autodérision et de ce sens de l’automutilation mentale dont Eric Paul s’est fait une spécialité depuis tant d’années. C’est la grande force de A Bluebird Vacation mais c’est une force contraignante, décourageante peut-être si on cherche à aller un peu plus loin que la musique, à aller au delà de l’écoute. Psychic Graveyard n’est donc pas qu’un groupe de noise tramée synthétique. C’est une sorte d’hydre monstrueuse dont on devine qu’elle cherche à nous hurler quelque chose, quelque chose qui ressemblerait à un cauchemar empoisonné, alors que les paroles écrites par Eric Paul font clairement froid dans le dos.

[A Bluebird Vacation est publié en vinyle par Deathbomb Arc]

* et comme c’était déjà le cas avec le A Self Help Tragedy, dernier (?) album de Doomsday Student, en 2016…

lundi 17 juin 2019

Psychic Graveyard / Loud As Laughter


Il suffit d’enlever le obi horizontal qui orne le haut de la pochette de Loud As Laughter et de lire les slogans publicitaires écrits dessus le déchiffrer pour connaitre avec exactitude la composition en oligoéléments de PSYCHIC GRAVEYARD : Eric Paul à la voix, Paul Vieira à la guitare et Nathan Joyner aux synthétiseurs/bidouilles (auxquels il convient désormais d’ajouter Charles Ovett mais il ne joue pas sur le disque). Et comme si cela ne suffisait pas il est également indiqué les différents groupes dans lesquels tout ce beau monde a auparavant participé… Personne ne peut donc ignorer que Psychic Graveyard est un rassemblement de cadors de la noise expé, du punk arty et du synth-hardcore psycho-foutraque. C’est un fait qu’Eric Paul et Paul Vieira ne se quittent plus puisqu’ils ont déjà collaboré ensemble au sein de The Chinese Stars (entre 2002 et 2009) et de Doomsday Student (depuis 2011). J’attends d’ailleurs avec impatience le jour où ils monteront un nouveau duo de reprises sauce magimix de Suicide et de Sonny & Cher qui logiquement devrait s’appeler Eric Paul Vieira. Quant à Nathan Joyner c’est un ancien All Leather et Some Girls*.
Il y a dans la présentation de l’objet Loud As Laughter une belle insistance et une telle ostentation que je ne peux y voir qu’une énième manifestation d’humour sarcastique et d’ironie. Faire un produit tout en se moquant de faire un produit**. Pour brouiller un peu plus les pistes le groupe est même allé jusqu’à publier un premier single sur lequel figure un radio edit de Dead In Different Places et un remix de ce même morceau par le duo house Mstrkrft puis un second single avec Loud As Laughter assaisonné cette fois d’un remix par Angus Andrew (de Liars). Assurément une autre grosse blague. Une de plus. 





Loud As Laughter
aurait pu être un disque plein d’humour et plein de drôlerie (ce titre se traduisant basiquement par « bruyant comme le rire »). Mais l’humour est assurément grinçant et la drôlerie acide. Voire dépressive. En cela on peut établir un parallèle entre The Chinese Stars et Psychic Graveyard : les deux groupes ont en commun ce côté faussement festif mais réellement déglingué, parfois inquiétant – et éventuellement dansant. La voix et la façon de chanter – sans parler des textes – d’Eric Paul sont si facilement reconnaissables et identifiables que faire des comparaisons est chose aisée et cela dès le premier titre, éponyme : Loud As Laughter lorgne même carrément du côté d’Arab On Radar/Doomsday Student et cette entrée en matière, aussi excellente soit-elle, pose quelques questions. Ce sera donc cela Psychic Graveyard ? Une nouvelle version plus synthétique et plus chimique de ce que l’on connait déjà (et que l’on adore) ? Sans doute nos gardiens du cimetière psychique voulaient-ils d’abord attirer l’attention des amateurs de déviances musicales – ça c’est réussi – mais cette entrée en matière fracassante constitue aussi le titre le moins intéressant de l’album, uniquement par manque d’originalité***. Difficile de s’affranchir de personnalités aussi encombrantes que celles d’un Eric Paul s’égosillant comme un canard en pleine séance de sexe par asphyxie ou de celle d’un Paul Viera et de ses riffs de guitare psychoturbinés.
La suite du disque est autrement meilleure et autrement plus personnelle, en fait dès que le côté synthétique prend définitivement l’ascendant dans la musique de Psychic Graveyard. Mais ce qu’il y a de plus amusant – une fois de plus – c’est que nombre de ces sonorités froides, métalliques et robotiques sont également le fait de Paul Vieira qui transforme sa guitare en générateur anamorphique pour particules électriques. Les compositions classiques sont plutôt rares (le très groovy Cheep Casket et sa ligne de basse roucoulante très présente et sur lequel la batterie sonne comme une vraie batterie**** et non pas comme une pulsation cyber métanphétaminique) tandis que la plupart des autres sentent la parodie monomaniaque de nanars sci-fi  (The Night, That’s Not My Blood, Dead In Different Places, etc.).
Au dire du label Loud As Laughter a été composé à distance et via échanges de fichiers son entre Providence / Rhode Island (là où habitent Eric Paul et Paul Vieira) et San Diego / Californie (la ville de Nathan Joyner) et c’est ce dernier qui initiait le processus d’aller-et-retours. Pourtant l’album est relativement cohérent, à défaut d’être totalement passionnant et complètement excitant. Encore une fois l’ombre d’Arab On Radar/Doomsday Student et de The Chinese Stars plane trop sur les destinées de Psychic Graveyard et de Loud As Laughter : l’album est plaisant, c’est-à-dire déglingué ce qu’il faut mais pas de trop quand même car il n’a rien de renversant ni de déstabilisant comme pouvaient l’être ceux des groupes précédents de Paul et Vieira. On s’amuse presque, on danse un peu avec nos amis électriciens – sur l’imparable Victim of a Talk Radio Crisis par exemple – et puis c’est tout. Ce qui n’est déjà pas si mal.

[Loud As Laughter est publié en vinyle et en CD par Skingraft records dont les productions se suivent mais ne se ressemblent décidemment pas]

*aux côtés de Justin Pearson de The Locust, Retox, etc
** outre le fameux obi Skingraft a bien fait les choses avec l’artwork/collage dada de la pochette imaginé par Allison Cole et un insert comprenant paroles des chansons d’un côté et faisant office de poster de l’autre
*** détail amusant, le dernier titre de l’album I Know That Man présente un peu les mêmes caractéristiques, encadrant lourdement Loud As Laughter d’un héritage encombrant
**** batterie jouée ici par Eric Paul, sur la plupart des autres titres celle-ci a été assurée par Mike Kamoo, ingénieur du son d’un studio où Loud As Laughter a partiellement été mis en boite