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vendredi 25 mars 2022

Psychic Graveyard : Veins Feel Strange

 




Veins Feel Strange est un disque profondément et génialement sournois*. Et c’est aussi le meilleur enregistrement de PSYCHIC GRAVEYARD à ce jour. S’en est terminé avec les petits reproches que l’on pouvait adresser au groupe à l’époque de son premier LP Loud As Laughter (2019) tandis que les changements opérés à partir d’A Bluebird Vacation (2020) prennent encore plus d’ampleur et redessinent le caractère quasi souverain d’un troisième album qui tourne en boucle et ambiance en continu le dance-floor-tapis-de-salon du QG d’Instant Bullshit. Une invitation à la danse qui fait froid dans le dos, une flopée de rictus sarcastiques comme armes absolues et une odeur acide et collante en guise de transpiration.
Faussement festif, aussi bancal qu’une promesse de lendemain de tentative de suicide, glaçant et désespérant comme l’avenir de l’humanité mais particulièrement irrésistible et électrisant, Veins Feel Strange s’affranchit des éléments hérités des précédents groupes communs à Eric Paul et Paul Vieira (je pense surtout à The Chinese Stars). Si ce n’est la voix, la façon de chanter et les textes du grand Eric, souvent imité mais jamais égalé. Pour le reste, la robotique humaine fonctionne à plein régime et les guitares, celles dont on pouvait déjà douter de la présence majoritaire sur A Bluebird Vacation, ont de toute évidence complètement disparu des modes de pensée et d’action de Psychic Graveyard. Une nouvelle donne confirmée** par le label Deathbomb Arc et pourtant on s’y croirait : même sans guitare la musique de cette bande de psychopathes vaut largement et dépasse souvent en tension, férocité et en véhémence celle de maints groupes de noise-rock, spazz, punk ou autres et écrabouille sans pitié tous les musiciens et toutes les musiciennes qui n’ont juré allégeance qu’au matraquage d’instruments à cordes tendues à l’extrême.  
Paul Vieira a toujours été un habitué des sons chelous et déviants mais il a donc décidé d’aller encore plus loin en abandonnant son instrument de prédilection et en partageant avec son camarade Nathan Joyner l’utilisation des machines et autres générateurs de sons synthétiques (le mot partage est à prendre dans tous les sens du terme puisque Paul et Vieira habitent à Providence dans le Rhode Island tandis qu’à l’opposé Joyner est à San Diego / Californie : les musiciens composent et échangent entre eux en s’envoyant des fichiers via les internets). Psychic Graveyard sublime l’association entre la dureté cristallisée d’une musique dansable, synthétique et robotique et la noirceur d’atmosphères étouffantes sans rémission. Jamais une musique à base de textures synthétiques et de bidouilles électroniques n’aura sonné aussi électrique et ne sera parvenue à convoquer de façon aussi convaincante les démons putrescent du rock’n’roll et les mauvais génies mi-rigolards mi-tourmenteurs du vague à l’âme dépressif. Très dur et très punk dans l’esprit, Hijack A Star conclut brillamment une collection de titres mutagènes et inquiétants et ferme autant de portes qu’il en ouvre : Veins Feel Strange restera aussi inclassable qu’évident, un disque inhospitalier et malaisant dont on ne saurait se passer et se débarrasser pour autant.

* la pochette de l’album est tendrement décalée et le vinyle est d’un rose pâle très inoffensif… mais il ne faut surtout pas s’y fier
** « throbbing electronics, heavy percussion, and vocals like a riddle winding their around everything – but not a guitar in sight »

 

mercredi 29 juillet 2020

Psychic Graveyard / A Bluebird Vacation




J’avais (gentiment) fait la fine bouche au sujet de Loud As Laughter, premier album de Psychic Graveyard publié en 2018 par Skingraft. C’est quand même absolument dingue cette capacité que j’ai à toujours vouloir trouver la petite bête au sujet d’un disque qui pourtant aurait du me plaire – au plutôt : avait absolument tout pour me plaire. Mais une fois de plus j’ai eu totalement raison avec mes petites remarques de chipoteur parce que A Bluebird Vacation, successeur brillant de Loud As Laughter, est d’un tout autre niveau. Oh il ne s’en faut pourtant pas de beaucoup, A Bluebird Vacation n’a rien de fondamentalement différent, non, par contre il est très largement supérieur en tous les domaines à un premier album qui avait lui du mal à trouver sa propre voie et à se libérer de l’ombre tutélaire des précédents groupes des éminents membres de PSYCHIC GRAVEYARD.
Je le répète malgré tout, Psychic Graveyard est la réunion au sommet d’Eric Paul (Arab On Radar, Chinese Stars et Doomsday Student), de Paul Vieira (également Chinese Stars et Doomsday Student) et de Nathan Joyner (Some Girls, All Leather). Et je rajoute le batteur Charles Ovett qui ne joue pourtant pas sur
A Bluebird Vacation, les parties de batteries ayant été assurées par l’ingénieur du son et producteur Seth Manchester – oui Charles n’est là que pour les concerts. Mise à part cette petite entorse au code d’honneur et de bonne conduite A Bluebird Vacation présente une musique bien plus compacte et bien plus soudée. Ce qui faisait ses quelques défauts est désormais presque oublié ; et ce qui faisait toutes ses qualités a encore pris de l’ampleur. Même si on peut encore y penser, Psychic Graveyard s’affranchit dignement d’Arab On A Radar et – surtout – de The Chinese Stars dont le groupe était musicalement le plus proche, le plus compatible. L’ambiance est de plus en plus quasiment systématiquement aux sonorités synthétiques et électroniques et souvent la guitare de Paul Vieira disparait complètement ou plus exactement lorsque elle apparait et redevient discernable elle sonne comme elle n’avait encore jamais sonné, comme une machine.
Ce n’est pas une raison pour fuir à toutes jambes : moi non plus je n’aime pas les guitares trop trafiquées, je préfère les guitares qui grésillent et qui hurlent mais pas de ça sur
A Bluebird Vacation, plutôt des nappes sonores constamment rampantes et effroyablement malsaines. Des murs de sons d’origine indéterminée qui surgissent comme d’un bouclier magnétique invisible, des pointes lazerisées lancées droit devant, des vortex synthétiques qui étranglent l’auditeur. Ce deuxième album est un disque éprouvant. Et dépressif. Comme on pouvait déjà le pressentir avec Loud As Laughter*. Mais là on atteint des sommets dans l’effondrement psychique – OK : est-ce que j’ai réussi à deviner le sens du nom du groupe ? – et dans la noirceur, même lorsqu’elle semble chargée de cette autodérision et de ce sens de l’automutilation mentale dont Eric Paul s’est fait une spécialité depuis tant d’années. C’est la grande force de A Bluebird Vacation mais c’est une force contraignante, décourageante peut-être si on cherche à aller un peu plus loin que la musique, à aller au delà de l’écoute. Psychic Graveyard n’est donc pas qu’un groupe de noise tramée synthétique. C’est une sorte d’hydre monstrueuse dont on devine qu’elle cherche à nous hurler quelque chose, quelque chose qui ressemblerait à un cauchemar empoisonné, alors que les paroles écrites par Eric Paul font clairement froid dans le dos.

[A Bluebird Vacation est publié en vinyle par Deathbomb Arc]

* et comme c’était déjà le cas avec le A Self Help Tragedy, dernier (?) album de Doomsday Student, en 2016…