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vendredi 23 septembre 2022

Angry Silence : Strange Times Call For Strange Measures

 

Plouf. Plouf. Plouf. Je ferme les yeux, j’avale la dernière taffe de ma cigarette, la fumée se mélange dans ma bouche à un reste de café trop sucré et de gueule de bois. C’est le bon moment pour mon jeu préféré. Je prends un disque au hasard pour le faire tourner sur la platine – en bon monomaniaque tous mes disques sont classés par ordre alphanumérique (la logistique et le magasinage, c’est peut-être un métier mais c’est surtout un travail de merde) pourtant il y a un endroit où je mets tous ceux que j’écoute en ce moment, ceux dont je me dis que j’aimerais les réécouter bientôt, ceux que je n’ai pas encore assez écoutés, ceux que j’aimerais chroniquer mais comme je n’y arrive pas je ne me force pas non plus et d’autres que j’ai un peu oubliés, sans raison apparente – mais j’ai déjà raconté tout ça plein de fois, sûrement trop souvent. J’ai donc ressorti Strange Times Call For Strange Measures, le premier album d’ANGRY SILENCE. Un disque précisément beaucoup écouté à sa sortie au Printemps dernier, genre plusieurs fois de suite, à diverses occasions. Et puis plus rien.







Il était peut-être écrit dans le marc de mon café ou alors c’était inconscient de ma part – mais je n’y crois pas une seule seconde –  qu’Angry Silence devait refaire surface au milieu de mon oisiveté dominicale de travailleur, sous ce soleil presque automnal. Le groupe est entre autres composé d’actuels ou anciens membres de Besoin Dead et de Litovsk, un groupe que j’ai revu il y a peu, toujours aussi épatant en live, avec ses deux chanteurs. Et justement l’un des deux est également chanteur d’Angry Silence, auteur des paroles de Strange Times Call For Strange Measures, très personnelles (« dans ma tête » précise t-il dans un petit texte imprimé sur la pochette intérieure du disque) et qu’il dédie à ses ami·es, sa famille, son père. Plus loin on peut lire aussi cette phrase : « Angry Silence ne veut pas de chroniques de disque dans les magazines financés par des pubs pour des entreprises du CAC 40 mais vous encourage à écrire votre propre fanzine ». Le ton est donné mais ce n’est pas tout. Sur la page bandcamp du groupe on trouve l’explication du pourquoi et surtout du comment* de la pochette (sérigraphiée) conçue par Bonjour Grisaille. Ne jamais faire les choses pour rien.
Il y a surtout la musique d’Angry Silence. J’écris « surtout » parce que c’est toujours ce qui m’a intéressé en premier, la musique, bien que j’ai appris et compris depuis longtemps qu’il y a bien des façons différentes d’en faire et que la musique est forcément porteuse de ces façons. J’ai compris qu’il y a des modes de fonctionnement, des idées, des engagements qui me plaisent et me conviennent et d’autres non (le commerce et le spectaculaire). J’écris « surtout » parce qu’avec Strange Times Call For Strange Measures je me suis retrouvé plongé du cœur et de la tête – sans aucune nostalgie pourtant – dans l’indie rock des années 90, ses guitares subtilement dissonantes, ses rythmiques légères, son retrait mélancolique. Une musique connue sur le bout des doigts mais qui – comme tant d’autres – peut se retrouver ressuscitée et même bonifiée par des groupes de maintenant.
Qu’importe le temps passé, qu’importe les modes, les contre-modes, les pauses, les calculs et les stratégies, il y aura toujours je l’espère des groupes tels que Angry Silence, des groupes dont ni la sincérité ni l’implication ne pourront jamais être remises en cause. Ce n’est peut-être pas grand chose, ce n’est peut-être qu’un disque – bien que l’on ne puisse que comprendre que pour les membres du groupe il s’agit de bien plus que cela – mais c’est plus qu’important. Pour moi en tous les cas ça l’est : se confronter à une musique et des personnes qui ne trichent pas, font leur truc à eux. Des personnes qui ont des choses à dire, des luttes (personnelles et collectives) à mener, des personnes qui partagent.

* si tu télécharges (à prix libre) Strange Times Call For Strange Measures sur b*ndc*mp tu pourras également lire ceci mais je ne peux que te conseiller d’acheter ce disque auprès de l’un des nombreux labels qui l’ont publié : Coolax – 6 hent Tanguy Prigent, 22420 Le Vieux-Marché –, Crapoulet, Dans Le Vide,  Emergence records, Epicericords, Les Disques de la Face Cachée, Jarane, Lucane Distro et Red Wig.

 

jeudi 1 septembre 2022

Chafouin : Toufoulcan

 




Il se passe un truc plutôt curieux entre moi et CHAFOUIN. La musique du groupe ressemble à pas grand-chose que je connaisse et apprécie vraiment, du moins ne ressemble pas à quelque chose que j’écouterais spontanément, comme ça, parce que cela ferait partie de moi. Mais c’est pourtant ce qu’il se passe à chaque fois. Tu connais forcément le syndrome de l’humeur musicale qui te fait choisir un disque ou une musique selon le moment, la météo, tes envies, tes non-envies, la gravité de ta gueule de bois, l’état de décomposition plus ou moins avancée de ton tube digestif, le bordel insupportable de tes voisins qui font tourner le barbecue et le cubi de rosé sans discontinuer depuis une semaine – si tu as envie de faire chier le monde un peu, beaucoup, passionnément, si au contraire tu as envie de rien de trop précis, si tu préfères penser à pas grand chose et surtout pas à demain (sans faute), si tu es seul·e ou pas, si tu as la flemme de passer l’aspirateur, si ton chat est venu se coller à toi en ronronnant tendrement ou si tu as un peu peur d’envoyer un message à cette personne importante et qu’elle le prenne mal…
Avec Chafouin rien de tout ça. Je ne saurais décrire ce qu’est exactement le bon moment pour écouter Toufoulcan, un album qui m’embrouille plus que jamais, utilisant et mélangeant des ingrédients qui auraient plutôt tendance à me hérisser le (mauvais) poil : post rock cérébral à la Tortoise circa TNT, jazz rock chansonné, guirlandes clignotantes de synthétiseurs kitschounes, surabondance de mélodies ciselées comme des napperons en crochet, textes (parfois) naïfs en français, chant choral… la liste pourrait être longue parce que je suis un type intolérant avec des principes pseudo-esthétiques très arrêtés, ayatollah du bon goût, adepte de la mauvaise foi si nécessaire – ndlr : la mauvaise foi est-elle toujours une nécessité ? – et de plus en plus snob avec l’âge. Mais non et encore non. Rien ne peut empêcher Toufoulcan d’être un ravissement et une parenthèse d’apaisement et de sérénité, surgissant à chaque fois sans crier gare d’une pile de disques à écouter et allant se coller immédiatement sur la platine. Un peu à la manière des derniers méfaits de Chocolat Billy dont Chafouin pourrait être un lointain cousin par alliance et au troisième degré.
Et en parlant de degré, c’est sûrement ce qui me plait dans cette musique : son côté en apparence compliqué, alambiqué voire progressif (arrrghh !), lyrique et – allons-y gaiement – ampoulé qui pourtant s’efface immédiatement devant l’absence absolue de prétention dont fait preuve le groupe. C’est ce que je ressens toujours. La bienveillance, la générosité et – surtout – la modestie sincère de quatre musiciens qui, alors qu’ils auraient pu faire semblant de mettre les petits plats dans les grands, enfiler des chemises à jabots et enchainer les effets de manches, faire chauffer les pédales d’effet, s’étaler comme des bâtards insensibles et postuler pour le premier prix d’arrogance, nous balancent douze compositions qui mélangent sans aucune honte et avec grande finesse rock, jazz, electro et chanson : Toufoulcan est un disque dénué de tout cynisme, sans arrière-pensées (sauf politiques). Donc tant pis pour le second degré et la mauvaise foi car ici il n’y en a pas. Tout comme il n’y a aucune violence musicale mais beaucoup de poésie, une poésie simple et directe, colorée et dessinée avec soin mais dont les détails n’ont rien d’étouffant – un tableau du douanier Rousseau, de cet art dit « naïf » ai-je même envie de dire mais pour cela il faudrait que je retire ce que j’ai écrit un peu plus haut sur la naïveté. OK, je retire. Et j’écoute.

[Toufoulcan est publié en vinyle et en cassette par Araki, Burning Sound records, Coolax, Do It Youssef !, Epicericords, Ged, Hidden Bay, Jarane, L’Etourneur et Super Apes]


mercredi 21 avril 2021

Chafouin / Lapin : split




Instant Bullshit, le blogzine autocentré toujours en phase avec le monde moderne et à la pointe de l’actualité vous parle d'un split 12’ publié le 29 juin 2020 et au contenu partiellement consanguin. Et complètement hors de ma zone habituelle de confort – comprendre : ce n’est pas du noise-rock, pas du free-jazz libertaire, pas de la musique industrielle primitive, pas de l’improvisation libre, pas de la musique electro minimale, pas du hardcore, pas du garage, pas du punk, pas du post-punk, pas de la musique concrète, pas du hip-hop, pas de la musique classique, pas de la musique post wagnérienne romantique de la fin du 19ème siècle et pas de la création acousmatique non plus. Mais qu’est ce qu’il reste ?

Premier élément de réponse avec CHAFOUIN. Un groupe officiellement basé à Brest et dans lequel on retrouve Aurel de Marylin Rambo, de Presque Maudit et du label Epicericords (au départ il s’agit de son projet solo). Autant prévenir tout de suite que la musique de Chafouin n’a pas grand-chose à voir avec celles des deux groupes précités. Ici on serait plutôt du côté d’un electro-rock – quel oxymore ! – parfumé de relents progressifs et d’un peu de chant angélique de communiants. De quoi en théorie me filer des cauchemars pour une année entière et pourtant j’ai été assez surpris en découvrant les cinq titres proposés par le groupe. Et puis Grande Descente, sorte de mix entre Grotus et le générique de The Persuaders ! a grandement facilité les choses avec son ambiance très visuelle. Une voie royale pour Désolé De Vous Le Dire rondement amené et surtout chanté. Du coup je regrette un peu de ne pas trop pouvoir comprendre les paroles (qui ne sont pas non plus imprimées sur la pochette). Le reste conserve ce même sens du mouvement narratif même si je suis moins sensible au côté neo-prog – quand les années 70 bavaient encore dans les années 80 – de Simone Weber, un côté vite compensé par la réapparition des voix sur Fin Du Monde et le retour du cinéma avec Steve Glace (au passage : j’y entends quelques réminiscences de certains compositeurs minimalistes new-yorkais… non ? en tous les cas chez Chafouin on est aussi expert en calembours musicaux).

On retourne la galette et on quitte la Bretagne avec LAPIN, encore un groupe multi-formes, officiellement originaire d’Alès et, si j’ai bien tout compris, toujours avec le même Aurel (l’ubiquité alliée à l’hyperactivité). Lapin c’est de la batterie, des synthétiseurs, un orgue, des voix et des effets sonores pour une musique pas si éloignée que cela de celle de Chafouin mais développant un caractère encore plus cinématographique, doucement mystérieux – les belles sonorités de l’orgue y sont pour beaucoup – et un caractère atmosphérique, aérien et évanescent oserais-je. Les trois longs titres de Lapin sont ceux qui m’ont vraiment fait apprécier ce disque et qui m’ont également incité à persister au sujet de Chafouin. Cela me rappelle ma grand-mère paternelle, curieux résultat de la rencontre dans les champs de blé de la Beauce au début du 20ème siècle entre un ouvrier agricole allemand et une jeune andalouse fuyant tous deux la misère de leurs pays d’origine : lorsque elle voyait que je n’étais pas de bonne humeur la vieille dame me pinçait toujours la joue d’un air rigolard en me disant « oh mais tu es bien chafouin aujourd’hui ! » et invariablement je me mettais à rire avec elle.



[l’illustration de la pochette est signée du très talentueux Bill Noir et ce disque a vu le jour grâce à Araki records, Burning Sound, Clou records, Donnez Moi Du Feu, Epicericords, Et Mon Cul C'est Du Tofu ?, Gnougn records, Jarane, Rita Distro et Tandori records… certains de ces labels annoncent le disque épuisé mais d’autres en ont encore des copies, comme Epicericords qui en ce moment brade littéralement tout son catalogue à prix libre (même ses vinyles) et là tu te dis que lorsque un label en arrive à de telles extrémités c’est que c’est vraiment la merde]

 

 

mercredi 17 février 2021

[chronique express] Presque Maudit / Température Variable

 


 

Très grosse séance de rattrapage. J’ai fini par écouter Température Variable pour la première fois il n’y a pas si longtemps que cela. Mais j’ai deux excuses. La première est que je suis né au millénaire dernier et qu’en tant que représentant d’une espèce en voie de disparition j’écoute de la musique presque exclusivement sur support physique mais que là j’ai vraiment trainé avant de me procurer le vinyle ; la seconde est que ce deuxième album de PRESQUE MAUDIT a été publié le 5 mars 2020 soit quelques jours à peine avant le début officiel de la fin du monde.
Un an. Température Variable a donc presque un an. Et c’est un chef d’œuvre de math rock fortement teinté de noise. Le son du disque est colossal, la guitare virevolte et tranche dans le vif, la rythmique est implacable. Toutes les compositions buttent, sans aucune exception. Ce n’est pas très étonnant puisque Presque Maudit est la réunion de musiciens ayant joué dans Marylin Rambo et Grand Prédateur : le groupe allie à merveille l’inventivité progressive des premiers et la puissance hardcore des seconds. Si comme moi tu es lassé et blasé par tous ces groupes de math rock en tongs et chemises à fleurs qui confondent guignoleries festives avec musique, Presque Maudit et Température Variable auront de quoi te réconcilier avec le genre. Et bien plus encore : le trio te remontera le moral dans ce monde de merde. Incontournable.