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vendredi 25 juin 2021

Facs : Present Tense

 




Present Tense est le quatrième album de FACS en autant d’années… belle performance. Surtout qu’entre 2018 et 2020 le groupe de Brian Case (guitare, basse et chant), Alianna Kalaba (basse et synthétiseur) et Noah Leger (batterie et synthétiseur) a réalisé un impeccable sans-faute avec ses trois premiers enregistrements, développant une identité très personnelle et reconnaissable entre toutes. Ce n’est pas un mince exploit que d’avoir imaginé et conçu des disques aussi riches, chacun reprenant au vol puis développant en transversal les pistes empruntées par son prédécesseur. Void Moments, très sophistiqué et alambiqué, torturé et dédaléen, fait figure à mes yeux de chef-d’œuvre d’un groupe unique en son genre.
Mais malheureusement je trouve que la livraison millésimée 2021 de Facs n’est pas à la hauteur : Present Tense marque le pas. Je crois aussi que je n’aurais pas tout à fait eu le même ressenti si ce nouvel album n’avait pas succédé à une suite qualitativement exponentielle d’enregistrements aussi fulgurants que brillants. J’aurais même pu y déceler une montagne de promesses à venir si Present Tense avait en fait été le premier disque jamais publié par Facs. Ce n’est donc pas le cas. Je vais toutefois me montrer davantage rassurant : Present Tense est un bon disque et Facs reste un groupe passionnant, largement au dessus du lot des formations de rock expérimental / arty / etc. Mais je suis un peu déçu, tout simplement…
Les artworks du trio sont toujours très importants. Celui de son quatrième album n’est que limpidité. Une bichromie qui ne semble dire qu’une seule chose, au delà de son aspect lugubre : plus de simplicité et plus de lisibilité. A l’image de la musique contenue dans Present Tense. Ou alors c’est que je me suis habitué et que je suis désormais vacciné contre le virus Facs… On est en terrain familier sans toutefois s’y retrouver totalement : un sentiment d’embarras peut même surgir en écoutant certaines compositions qui parlent un langage que l’on connait très bien, que donc on comprend parfaitement mais qui ne semble plus systématiquement exprimer cette vérité que développe toute musique enivrante. Autrement dit, pour la première fois, Facs fait preuve d’une certaine légèreté. Les manipulations sonores se multiplient pour devenir parfois envahissantes et elles cachent alors mal l’inspiration quelque peu tarie du groupe (Strawberry Cough).
On reste pourtant assez éloigné des sentiers battus et il ne servirait à rien de trop faire la fine bouche : chacune des deux faces de Present Tense se termine par un grand moment. Les sables mouvants d’Alone Without renouent pour la première fois avec la tension et l’inquiétude qui jusqu’ici manquaient au disque. Au sujet de Mirrored on peut affirmer qu’il s’agit du meilleur titre de Present Tense et aussi, assez ironiquement, de l’une des meilleures compositions jamais écrites par Facs. Le final rythmique (formidable Noah Leger !) y est plus oppressant que jamais. Bon… et puis je citerai également General Public, direct et efficace, musicalement typique du trio, sorte de tube de l’album mais malheureusement vite contrebalancé par les trop fades How To See In The Dark et Present Tense. C’est en écrivant « typique du trio » que je comprends réellement que Facs a finalement inventé beaucoup de choses… Mais le groupe a-t-il tout dit ? La réponse au prochain épisode pour son cinquième album mais avoir enregistré autant de bons disques et su créer une musique aussi personnelle est déjà formidable en soi.

 

[Present Tense est publié en vinyle et en CD par Trouble In Mind]



lundi 4 mai 2020

Facs / Void Moments





Rien ne semble pouvoir arrêter FACS… avec Void Moments le trio emmené par Brian Case en est déjà à son troisième album en moins de trois ans : Negative Houses a été publié en mars 2018 alors que l’exceptionnel Lifelike l’a été en mars 2019. Le printemps – même confiné – semble particulièrement propice à un groupe qui s’est rapidement révélé essentiel dans le paysage actuel des musiques à la fois sombres, expérimentales et électriques, même s’il est vrai que Facs compte dans ses rangs des vétérans ayant jadis joué dans 90 Day Men et, plus près de nous, Desappears. Ce qui au départ n’était présenté que comme un side-project ou un groupe « en attendant que » est aujourd’hui la principale (pré)occupation d’un Brian Case toujours accompagné de la bassiste Alianna Kalaba et du batteur Noah Leger et qui avec Void Moments nous délivre encore une fois une pièce de tout premier choix.
Derrière cette pochette représentant une sculpture d’Emily Counts passée par un filtre de couleur vert / bleu turquoise (une photo de l’original avec ses véritables couleurs se trouve sur la pochette intérieure) et intitulée Android Head J se cache un enregistrement tout aussi surprenant et tout aussi passionnant que Lifelike. La progression ou plutôt l’évolution est moins flagrante entre ces deux là qu’entre Negative Houses et son successeur mais avec son troisième album Facs poursuit malgré tout son exploration musicale, sans trébucher ni se perdre en route. Pourtant tout commence d’une façon plus conventionnelle et moins perturbante que d’habitude avec un Boy magistral et très carré, très rythmé, presque agressif, à la mise en place bien agencée – une composition certes frissonnante mais constituant le titre le plus évident, le mieux troussé et le plus policé de toute la discographie du groupe, comme de la grosse new-wave tribale et noisy. A l’écoute de Boy les plus frileux pourront se sentir rassurés, pouvant espérer que Facs daignera enfin de rentrer dans le rang bien ordonné des musiques sagement dérangeantes ; tout comme les snobinards pourront eux crier à la trahison d’un esprit musical auparavant tellement plus aventureux. Evidement les rétifs remoulés comme les experts sectateurs auront tort et Boy, en dehors de ses évidentes qualités, possède surtout le grand mérite de brouiller les pistes…
…Parce que la suite de Void Moments – littéralement « moments de vide », ce qui me manquera pas de faire rire les quelques détracteurs de Facs trop facilement clients de petites blagues – est un long labyrinthe sonore d’où jaillissent littéralement motifs de basse et de guitare aux sonorités complètement décalées, entre gémissements de particules métalliques passées au vapo-cuiseur et grondements digitalisés, chant faussement désincarné, parties sculptées de batterie et manipulations sonores. La production joue une nouvelle fois un rôle primordial, soulignant ce qui d’ordinaire ne l’est pas, mettant en retrait ce qui aurait pu rassurer, rajoutant des éléments extérieurs qui cependant s’intègrent parfaitement à l’ensemble, éliminant les facilités dont on use généralement pour caresser son auditoire dans le sens du poil. J’aime tout particulièrement Version dont la batterie sur la première moitié du titre semble tout droit inspirée des schémas rythmiques et électroniques d’un Scorn, dévoilant ce même sentiment claustrophobe percuté de trous noirs oppressants.
Le plus remarquable à l’écoute de Void Moments c’est le flottement général qui s’en dégage, ce qui ne veut pas dire que le disque soit relâché et fuyant, paresseux. Au contraire, je le trouve d’une rare densité mais… sournois, déloyal en tous les cas. Non pas dans ce qu’il nous dit et nous fait ressentir mais dans la façon dont il s’y prend : Void Moments possède énormément de séduction – Boy, déjà mentionné, mais également le tournoyant Void Walker et son vortex rythmique – et des passages comme en suspension mais pas moins vénéneux. La batterie s’y taille la part du lion (Lifelike) et place définitivement Noah Leger au sein d’un dispositif singulier où les compositions de Facs ressemblent de plus en plus à des sculptures sonores surgies d’un au-delà pourtant pas si éloigné. Définitivement, ces « moments de vide » sont ceux qui adviennent, lorsque le disque s’arrête de tourner et que l’écho de la musique du groupe se tait, nous laissant seuls et orphelins. Alors vivement l’année 2021 et le quatrième album du groupe.

[Void Moments est publié en vinyle et en CD par Trouble In Mind records, il existe une version couleur du vinyle qualifiée de « pink void »… par contre je ne sais vraiment pas ce que cela peut bien signifier]

mercredi 15 mai 2019

Facs / Lifelike





J’adore la pochette de ce disque. Et pas seulement parce qu’elle me rappelle certains motifs d’illustrations parmi les plus beaux et les plus intrigants que Peter Saville a dessinés pour Factory records dans les années 80 : des couleurs* qui s’opposent mais qui se complètent étrangement ; le chaud et le froid qui se répondent ; une cinétique proche de l’imperceptible… Lorsque je regarde cette pochette j’ai tout de suite envie de la toucher (ou de la caresser : c’est mon côté pervers fétichiste) et à chaque fois je m’attends à ce que mes doigts découvrent des pliures, des bosses, des creux, un gaufrage, une découpe dans le carton… mais non celui-ci est tout lisse et ne révèle rien, aucune coquetterie. Je ne suis pas déçu pour autant, je me demande seulement qui a réalisé la pochette de ce Lifelike**, le deuxième album de FACS. Je me demande qui a su imaginer un artwork si proche de l’esprit et de l’âme d’une musique aussi fugitive que persistante, aussi atmosphérique que plombée, aussi sensuelle que froide, aussi mouvementé qu’isolationniste.

Dans la foulée de Negative Houses, premier album de Facs publié il y a à peine une année et qui constituait déjà un petit mystère, Lifelike (également paru grâce au label Trouble In Mind) confirme la voie étrange et anxiogène empruntée par le groupe de Brian Case. L’album confirme également la stabilisation de la formation autour du guitariste/chanteur : on retrouve donc la bassiste Alianna Kalaba et le batteur Noah Leger, pour la petite histoire ancien membre de Disappears avec ce même Brian Case. Le premier constat qui s’impose est que l’arrivée d’Alianna Kalaba a quelque peu modifié le rôle central et décalé que jouaient les lignes de basse dans la musique de Facs sans toutefois remettre fondamentalement leur rôle en question. Toujours non mélodique mais davantage investie dans le processus rythmique que précédemment – les balayages intensifs sur XUXA par exemple –, la basse opère par successions de couches lentes déversant à-coups angoissants, soubresauts au bord du gouffre ou nappes proches d’un drone métallique. Elle laisse néanmoins énormément de place à la batterie et en premier lieu à la grosse caisse (vraiment très présente sur In Time et Total History) avec un kick mixé très en avant et, enfin, elle laisse plus de latitude aux guitares. La prédominance de la batterie et des percussions (les cataractes de Loom State) est l’une des caractéristiques les plus évidentes du son de Lifelike, un disque dont la froide lenteur et la torpeur quasiment industrielle tirent parfois vers un groove rampant presque dub et ainsi renforcé par les lignes de basses aux grondements telluriques tout juste étouffés par la mélancolie.

Brian Case peut alors se faire plaisir mais il le fait avec une énorme distinction et une énorme classe. Il multiplie les arpèges dissonants de guitare, les effets shoegaze et les fines déchirures noisy au scalpel. Il tort ses mélodies vers toujours plus de noirceur minérale – le son de sa guitare ressemble à ce que l’on ressent lorsqu’on mâche un bout de papier aluminium – mais il se tient à une distance respectueuse de la rythmique et de son pouvoir lentement propulsif. Ou plutôt il n’empiète pas sur elle. Tout chez Facs contribue à un équilibre envoutant voire enivrant pour une musique austère et obsédante. Si la guitare en est le parfum acide et souvent fulgurant, la basse lui donne toute son aridité tannique tandis que la batterie assure l’élan général et impératif d’un disque qui me semble un peu plus rapide que son prédécesseur mais pas moins brumeux, le tout pour un effet de séduction des plus toxiques.
Sur Lifelike les références aux années 80 s’imposent d’elles-même mais, à la différence de la pochette du disque à la lisibilité évidente, toute analogie ou comparaison se révèlent incomplète pour décrire complètement et pertinemment la musique de Facs. Y compris en ce qui concerne Total History, dernière plage du disque et composition la plus longue de l’album : une première partie davantage conventionnelle et occupée par un chant froid et distant (qui a déjà hanté tout l’album) laisse la place à un final s’étendant sur près de cinq minutes et ouvrant la voie à l’insistance de la grosse caisse (qui peut rappeler la frénésie du noise rock) tandis que la ligne de basse en vol plané s’apparente plus à des grincements de charnières rouillées et que la guitare amoncèle gémissements cristallins s’agglutinant en petites grappes explosives. Total History arrive à transformer magnifiquement un sentiment de départ proche de l’étouffement en une force libératoire mais sans dénouement définitif : Lifelike s’achève ainsi, sur un épilogue incomplet débordant de grésillements électriques et de spleen nématique.  

* dans son édition limitée le vinyle est d’un bleu turquoise tout aussi fascinant
** l’information n’est mentionnée nulle part sur le disque…

jeudi 31 janvier 2019

Facs / Negative Houses






Il ne me semble pas nécessaire d’être un fanatique absolu de Disappears pour apprécier FACS à sa juste valeur. Je m’explique : dans les premiers on retrouve le guitariste/chanteur Brian Case (ex 90 Day Men* mais également auteur de brillants albums en solo **) ainsi que le guitariste Jonathan Van Herik, le bassiste Damon Carruesco et le batteur Noah Leger*** ; enlevez Carruesco parti pour d’autres horizons professionnels et vous obtenez Facs. Il ne s’agit pas du même groupe changeant simplement de nom par respect envers un ex membre puisque il semblerait que Disappears soit en fait en hiatus pour une période indéterminée c’est à dire qu’il serait toujours possible qu’un jour le groupe de Chicago refasse surface ; en attendant Facs est donc bien un projet tout nouveau visant à explorer d’autres chemins, en tous les cas visant à explorer différemment les chemins d’un post punk aussi sombre que sobre et, élément nouveau, aussi minimaliste qu’accidentogène.

Évidemment les amateurs de Disappears n’ont pas été déçus par Facs étant donné qu’il y a d’indéniables similitudes entre les deux groupes. Mais on trouve aussi quelques différences notables. La première d’entre elles concerne Brian Case qui est le bassiste du nouveau trio et non pas son guitariste. C’est du moins le cas sur Negative Houses, le premier album de Facs, les parties de guitares y étant assurées par le seul Jonathan Van Herik. Un changement qui peut en partie expliquer pourquoi le trio s’applique davantage à jouer une musique aérienne et mouvante, sorte de rock noisy et planant qui opère en empilements irréguliers de surcouches brumeuses se chevauchant élégamment. Les lignes de basse prennent une place particulière, loin de se cantonner dans un rôle rythmique (le très anxiogène Just A Mirror), rappelant que le nom complet de cet instrument est « guitare basse » et qu’en tant que tel il s’agit bien d’une guitare égrenant notes angoissées ou tentatives mélodiques avortées. Un instrument qui occupe donc une place centrale (on n’en attendait pas moins de Brian Case), jouant le rôle de pivot et contaminant tout le reste, à commencer par la guitare qui agit par à-coups, privilégiant les arrière-plans bruitistes aux ritournelles mémorisables (comme le final industriel et éprouvant de All Futures). Ce qui confère souvent à Negative Houses un côté décousu rendant le post-punk de Facs complètement atypique parmi tous les groupes revivalistes actuels qui trop souvent ne retiennent que le côté « punk » de la chose.
Exit Like You tempère néanmoins ce qui vient d’être dit : il s’agit de l’un des titres parmi les plus classiques de l’album, celui où la basse est une vraie basse et où la guitare balance un gimmick dont on attend sans cesse qu’il revienne, transformant Exit Like You en hit crépusculaire et en machine à danser façon robot immobile. Silencing est encore plus évident et complètement tubesque, replongeant l’auditeur dans les méandres de la musique des années 80 sans toutefois le côté complaisant de la noirceur trop facilement partagée. Quant à Skylarking, voilà une composition qui fait le lien entre le côté mélodique/mémorisable de Facs et l’aspect plus expérimental/perturbateur de la musique du groupe. Définitivement à part, Houses Breathing accueille le saxophone de Nick Mazzarella qui livre une performance magnifique et qui prend beaucoup de place, éloignant Facs de son minimalisme théorique et ouvrant la voie à une luxuriance inquiétante – même si musicalement les deux groupes sont éloignés l’analogie avec les anglais de Bauhaus s’impose puisque rares sont les groupes rock ou électriques à avoir su gérer les instruments à anches sans tomber dans le kitsch de la décoration d’intérieur pour cavernes et vieux hangars hantés.

Depuis l’enregistrement et la parution de Negative Houses de nombreux changements ont encore eu lieu du côté de la petite bande de Brian Case : Jonathan Van Herik a quitté Facs et son poste de guitariste a alors été repris par Case tandis que celui de bassiste dorénavant vacant est revenu à la nouvelle venue Aliana Kalaba. Par conséquent il y a de bonnes chances pour que Negative Houses soit le seul unique album de groupe à posséder ce nuancier si particulier et ce type de compositions subtilement perturbées. Et puis, par truchement, le départ de Jonathan Van Herik de Facs entérine indirectement et un peu plus la cryogénisation prolongée de Disappears. Nous verrons bien… en tous les cas, fin définitive ou simple pause, cela a permis à Facs d’émerger et de donner à en entendre ce plus qu’intrigant Negative Houses et c’est déjà beaucoup.

[Negative Houses est publié en vinyle doré ou noir par  Trouble In Mind records]

* dont seul le premier album (Is (is) It) Critical Band est aujourd’hui encore recommandable et écoutable, To Everybody étant tout juste sauvable et Panda Park méritant purement et simplement le lance-flammes
** ceux-ci sont notamment publiés par l’excellent label Hands In The Dark : Spirit Design ou plus récemment Plays Paradise Artificial
*** à l’origine c’est Steve Shelley de Sonic Youth qui tenait la batterie dans Disappears, ce qui a sans doute boosté le début de la carrière du groupe mais n’a heureusement pas duré trop longtemps, permettant à Desappears de se faire un nom grâce à sa seule musique